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00:00Ça n'a pas commencé avec Gaza, ça a commencé à mon avis avec le 11 septembre,
00:06le début de la guerre contre le terrorisme et on a pu avoir l'impression après l'échec
00:10des interventions américaines en Irak et en Afghanistan qu'on allait sortir de ça,
00:15mais pas du tout.
00:16Netanyahou c'est un voyou et moi je ne crois pas du tout qu'il va tomber, il a une majorité
00:23stable, il compte sur l'extrême droite mais il s'en sert pour dire je ne peux pas changer
00:27de politique parce que sinon il faut… Donc à mon avis, son but c'est de prolonger
00:32la guerre.
00:33Là il n'y a aucune autocritique, c'est quand même… et c'est aussi parce que globalement
00:43dans les médias dominants il n'y a qu'un son de cloche.
00:45Si les américains, je le dis toujours, arrêtent les livraisons d'armes, en 24 heures la
00:56guerre s'arrête.
00:57La Grèche c'est un plaisir de lecture et un plaisir humain de vous… parce que je
01:11vous lisais au Monde Diplo, vous avez 76 ans, vous étiez patron du Monde Diplo, d'ailleurs
01:16vous étiez patron et puis à un moment donné vous n'avez plus voulu être patron, vous
01:19êtes devenu…
01:20Non, je suis rédacteur en chef.
01:22Et là vous avez pris une retraite mais en même temps quand je lis le bouquin je me
01:27dis qu'elle est active.
01:28Et puis j'ai créé un journal en ligne qui s'appelle « Orient Matelin » qui suit
01:33le conflit à Gaza, enfin le Proche-Orient, etc.
01:36Et donc moi j'ai dévoré votre livre parce que c'est un livre important, pas important
01:44par sa taille et par l'érudition qu'il a demandé, etc., mais en fait c'est le
01:48de quelqu'un qui depuis tout petit, j'allais dire, s'intéresse à ces questions et il
01:55fait du bien ce livre parce qu'il est factuel, il repose sur des citations, il y a une sorte
02:05de réflexion qui est permanente et ce n'est pas qu'il cloue le bec à tous les gens
02:10qui sont un peu fous en ce moment et qui s'inventent des mondes qui n'existent pas, mais il y
02:13a un peu de ça.
02:15Et donc je me disais que la vérité prend du temps, c'est une sorte d'évidence,
02:21mais que la vérité du 7 octobre n'était pas celle du 8 et n'est pas celle d'aujourd'hui.
02:26Et que peut-être grâce à une initiative comme ce livre, tout le travail que vous avez
02:30fait, on arrivera à être d'une manière un peu rationnelle, comme deux journalistes
02:36qui se parlent, enfin moi je ne suis pas du tout un idéologue, ce conflit m'a saisi
02:41comme tout le monde le sait et puis après j'ai essayé de comprendre ce qui se passait,
02:45j'ai vu la succession de débats sur terrorisme ou pas, génocide ou pas, etc.
02:49Et j'invite tout le monde vraiment à lire ce livre, surtout les personnes qui participent
02:57de cette propagande israélienne, mais tous ces gens qui n'arrivent pas à penser librement
03:02et largement à lire le livre et je voudrais démarrer notre entretien, je suis un peu
03:07long, mais c'est par une citation de Todorov qui dit dans votre dernier chapitre, qui évoque
03:17ce que Gaza fait au monde, et donc Todorov dit
03:37Et c'est une très forte citation parce qu'elle dit d'une manière, une fois qu'on a dit ça,
03:48on n'a même plus besoin de lire le chapitre parce qu'on a compris, mais en fait, voilà,
03:52je voudrais, c'était ça, vous faites un livre sur la barbarie, comment, d'abord qu'est-ce
03:57qui à un moment donné, vous qui avez beaucoup écrit, vous avez écrit 5-6 bouquins sur la
04:02Palestine, qu'est-ce qui, vous vous dites, j'en fais encore un de plus, vous étiez tellement,
04:07est-ce que, c'est ma première question, est-ce que ce qui se passe en ce moment,
04:12est-ce que, je parle du traitement médiatique, du traitement politique du conflit à Gaza,
04:19est-ce que c'est quelque chose qui vous a surpris, qui vous a saisi, ou est-ce que vous en avez
04:24tellement vécu que vous vous dites que c'est la continuité, ou est-ce qu'il y a quelque chose
04:28quand même de l'ordre du transbordement qui fait que ce n'est pas comme d'habitude ?
04:32Il y a quelque chose de l'ordre du basculement, et peut-être de l'achèvement d'un basculement,
04:36notamment dans la politique française, c'est-à-dire, bon, on reviendra là-dessus,
04:40mais la France a joué un rôle particulier, justement, d'espèce de pont entre l'Occident
04:46et le monde arabe, en essayant d'avoir une position équilibrée, de dire qu'il fallait
04:50négocier avec les Palestiniens, etc. C'est une position qui a été inaugurée par le général
04:54de Gaulle, mais ensuite qui a été reprise successivement par tous les présidents de droite
04:59ou de gauche, et avec l'idée qu'il y a quand même un problème de justice, c'est-à-dire
05:05d'occupation, et la France voyait la Palestine, le conflit palestinien, comme un problème d'occupation,
05:11sans jamais remettre en cause ses relations avec Israël, mais l'idée qu'il n'y avait pas de paix
05:16possible sans la reconnaissance des droits des Palestiniens, sans la négociation avec l'Organisation
05:22de libération de la Palestine, dès les années 70, au moment où Israël et les États-Unis disaient
05:27« L'OLP, c'est une organisation terroriste, on ne peut pas discuter avec elle », donc je dirais
05:31d'une certaine manière, la lecture du conflit était une lecture très politique, et à partir
05:38d'il y a une quinzaine d'années, on peut le dater du 11 septembre 2001, mais évidemment ça ne s'est
05:43pas fait du jour au lendemain, petit à petit la grille de lecture a changé, et c'est devenu une
05:48grille de lecture de choc de civilisation, c'est-à-dire nous sommes l'Occident, nous sommes
05:53menacés par le péril islamique, le péril terroriste, etc. Et dans ce conflit, dans
06:00cette vision, on ne voit plus la Palestine comme un problème d'occupation, mais on voit la Palestine
06:05comme un des fronts de la guerre contre le terrorisme. Et je dirais, ça a commencé avec
06:10Nicolas Sarkozy, ça s'est poursuivi avec Hollande de manière très forte, mais là on a un tournant
06:16qui s'est vraiment achevé, c'est-à-dire qu'en Europe, la France est le pays à l'arrière-garde du
06:22soutien aux Palestiniens, alors qu'elle avait été toujours traditionnellement la France, l'amie des
06:26Arabes, etc. Elle n'était pas l'amie des Arabes, la France était l'amie du droit international. Là,
06:31on bafoue le droit international, on de fait justifie un génocide, on va parler de savoir
06:37si c'est un génocide, mais même des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, au nom du
06:41fait que nous avons affaire à des barbares et nous avons affaire au terrorisme. Et un des intérêts
06:45du mot terrorisme, qui pour moi n'a aucun sens, c'est quand vous luttez contre le terrorisme,
06:52vous luttez contre le mal absolu. Quand vous luttez contre le mal, il n'y a pas de solution,
06:56il faut éradiquer le mal. Donc c'est une guerre sans fin et c'est une guerre qui met en face des
07:01gens qui sont irrationnels à nous qui avons des raisons, à des gens qui veulent nous massacrer
07:06sans aucune raison, à nous qui sommes des gens rationnels. Je crois que c'est ça qui est grave
07:12aujourd'hui, ce qui a basculé dans les médias et dans les politiques, c'est un peu ça. Et dans
07:17toutes les forces politiques, moi je suis frappé, personne ne remarque Éric Ciotti, président des
07:22Républicains, qui est le parti héritier des gaullistes. Aujourd'hui, il réclame le transfert
07:28de l'ambassade de France à Jérusalem, c'est-à-dire une position totalement pro-israélienne alignée
07:34sur les Israéliens. Et vous citez beaucoup de De Gaulle, d'ailleurs, dans le livre. De Gaulle,
07:38qui n'était pas un ami d'Israël non plus, enfin, il a toujours eu ses distances. Oui, mais en même
07:44temps, De Gaulle avait, en 67, il va devenir, enfin, il va jouer un rôle important parce qu'il va
07:51dénoncer le fait que c'est les Israéliens qui tirent les premières balles en 67 et ça va fonder
08:01la ligne politique de la France. Mais en même temps, c'est quelqu'un qui a beaucoup d'admiration
08:06pour Israël, qui a des bonnes relations avec Ben Gurion, qui échange des courriers, etc. Et je cite
08:12cette phrase qui est mémorable parce qu'en novembre 67, il donne une conférence de presse
08:18très importante, c'est la fameuse conférence de presse où il va parler des Juifs, peuple sûr de
08:24lui et dominateur, ce qui est, à mon avis, une formule très contestable pour beaucoup de raisons.
08:28Mais il dit quelque chose de plus important, il dit, c'est novembre 67, c'est-à-dire Israël a
08:33occupé la Cisjordanie et Gaza depuis deux mois. Il dit Israël organise l'occupation, l'occupation ne
08:41veut pas laisser en répression, la répression provoque la résistance, qu'Israël appelle le
08:46terrorisme. Il a résumé vraiment ce qui allait se passer. Et certains mêmes redoutaient que les
08:54Juifs, jusqu'alors dispersés, n'en viennent une fois qu'ils seraient rassemblés dans le site de
09:04son ancienne grandeur, n'en viennent à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits
09:15très émouvants qu'ils formaient depuis 19 siècles. La France a bâti sa politique là-dessus. L'OLP
09:23utilisait, alors on peut revenir si vous voulez sur qu'est-ce que c'est le terrorisme, mais l'OLP,
09:28on sait, des groupes palestiniens ont attaqué les Jeux olympiques à Munich, ils ont détourné des
09:35avions, etc. Ce qu'on peut dire c'est du terrorisme, ça n'a pas empêché la France d'avoir des
09:39relations avec eux. La France a ouvert dès 1974 et c'est Valéry Giscard d'Estaing, ce n'est même
09:44pas un gaulliste qui accepte l'ouverture d'un bureau de l'OLP à Paris. Donc il y a une compréhension
09:49que le problème est politique. Ce qui est intéressant dans le livre, il y a les pages
09:54que vous avez sur le Hamas, c'est la manière dont vous inscrivez le Hamas dans une histoire plus
09:59large de la Palestine qui remonte à l'OLP et même avant. J'ai découvert en vous lisant quelque
10:04chose que je n'avais pas mesuré, mais vous me dites si je l'interprète mal, c'est que finalement
10:08le Hamas qu'on a décrit comme un groupe terroriste, etc. Evidemment, il n'est pas que ça. Il est
10:15mangé, j'allais dire à sa droite ou à sa gauche, je ne sais rien, mais il est mangé par le djihad
10:20islamique et puis aussi un groupe qui s'appelle la Tanière des Lyons. Enfin, des gens qui sont
10:25beaucoup plus radicaux et qui ont une audience aussi, qui gagnent un petit peu de terrain.
10:30Si vous voulez, la question, c'est la violence, c'est l'utilisation de la violence. Il y a des
10:36pays qui ont accédé à l'indépendance nationale sans violence et puis d'autres pays où ils ont dû
10:41utiliser la violence, que ce soit l'Algérie ou l'Afrique du Sud, etc. Et cette violence a souvent
10:46touché les civils, ce qu'on peut qualifier de terroriste. Mais ils ont utilisé cette violence
10:51parce qu'il n'y avait pas d'autre choix. Et quand on ferme toutes les portes de la négociation
10:57politique, ce qu'Israël a fait depuis l'échec des accords d'Oslo, c'est évident que la violence
11:04monte en puissance. Et le Hamas, si vous voulez, pourquoi le Hamas a gagné les élections en 2007 ?
11:12Il y a des élections législatives en Syrie et en Gaza. Il y a le Fatah et le Hamas. Et c'est le
11:19Hamas qui gagne. Pourquoi le Hamas gagne ? Pas parce que les gens sont devenus brusquement plus
11:23religieux, etc. Parce que le Fatah avait une stratégie qui était de dire, nous allons faire
11:28la paix avec Israël et on aura un État palestinien. Ils ont échoué, l'opposition a gagné. Et au lieu
11:34de prendre ça en compte pour essayer de dire comment on peut aller vers l'État palestinien,
11:38on est allé en disant, les Européens, par exemple, ils ont dit, ah oui, vous avez voté,
11:42mais vous avez mal voté, on va vous boycotter. Ce qui est quand même extraordinaire pour des
11:46gens qui se réclament de la démocratie. Sur le Hamas, on peut rentrer dans les détails. Le
11:51pouvoir du Hamas à Gaza est un pouvoir qui n'est absolument pas sympathique et qui a opprimé une
11:57partie de la population, les femmes, etc. Et beaucoup de gens se plaignaient du Hamas comme
12:05gestionnaire, mais pas pour l'utilisation de la violence. Et effectivement, il est même dépassé
12:11par des organisations qui acquièrent une popularité parce qu'elles ne sont pas aux affaires. Donc,
12:17quand vous n'êtes pas aux affaires, vous ne dépendez pas du fait que les gens trouvent à
12:24manger dans la rue, que vous trouviez un logement, que l'eau fonctionne, etc. Mais qu'ils disaient,
12:30il faut utiliser la violence et qu'ils l'utilisaient de manière plus débridée, si on peut dire. Et
12:35c'est le djihad islamique, c'est la tanière du Lyon. Mais encore une fois, moi, des fois,
12:44je dis, mais imaginez ce que c'est Gaza. Je ne parle même pas de la Cisjordanie, mais Gaza,
12:48c'est un territoire de 2,5 millions d'habitants sous blocus depuis plus de 15 ans, dans lequel les
12:52jeunes ne peuvent pas sortir, ne peuvent pas vivre normalement, ne peuvent pas faire des
12:57études normales, etc. Moi, je comprends que les groupes radicaux recrutent. Et alors, avec toute
13:06la propagande pro-israélienne et la propagande des médias français qui répètent tous la même
13:12chose sur les chiffres, sur les ondales, je ne vais pas tous les énumérer, mais vous le décrivez
13:19très bien dans le livre, vous vous appuyez, ce n'est pas les vues de l'esprit, mais vous appuyez
13:24sur des articles de presse anglo-saxons, israéliens, et vous démontrez d'ailleurs que sur le 7 octobre,
13:34il n'y a pas eu 1 400 morts, mais il y en a eu 1 200, d'après votre chiffrage, dont une partie,
13:39et ça, j'avoue que... 400, 500, c'est des militaires et des policiers. Voilà, et il y a 600. Donc,
13:45il faut détruire une fois pour toutes le fantasme des 40 bébés, des femmes enceintes, éventrées,
13:51etc. Ce n'est absolument pas documenté, mais là, aujourd'hui, des contre-enquêtes ont été faites,
13:57mais aujourd'hui, dans les médias français, vous avez toujours des gens, et Meier Habib et compagnie,
14:01qui continuent à répéter comme inlassablement les mêmes...
14:05Mais pas seulement Meier Habib, qui est un député, oui, mais Gabriel Attal au Dîner du Clif,
14:10il reparle de bébés égorgés.
14:12Ce jour-là, ce 7 octobre, toutes les ignominies ont été commises. Les viols, les égorgements,
14:18les bébés sur lesquels on s'acharne, les femmes éventrées, les vieillards humiliés avant d'être massacrés.
14:24Je veux dire, je me suis demandé s'il croit ce qu'il dit ou non, et je pense qu'il croit.
14:29C'est des gens qui ont été pris à leur propre propagande.
14:33Et moi, je rencontre encore des gens qui me disent, les bébés égorgés, puis les bébés dans le four,
14:37et les femmes éventrées dans le fœtus, enfin, des choses qui sont absolument fausses.
14:43Il y a eu des crimes commis par le Hamas, on pourra y revenir, mais ça n'avait pas cette ampleur.
14:48Et il faut bien, j'utilise le terme un peu ironiquement par rapport à une formule de Gilles Kepel,
14:54c'est de dire, ils ont créé un génocide d'atmosphère.
14:57C'est-à-dire une atmosphère où le génocide est justifié.
15:01S'ils peuvent aller jusqu'à ouvrir les ventes des femmes enceintes, égorger des bébés, etc.,
15:07finalement, c'est des animaux, c'est ce que disent d'ailleurs, c'est des semi-humains, etc., donc on peut les tuer.
15:12Des animaux humains, oui.
15:13Donc, voilà.
15:43Et que les corps étaient enchevêtrés, et ça, c'est une enquête de journalistes israéliens ?
15:47Alors, il y a un passage, à un moment, pendant très longtemps, on va dire 1400,
15:51et puis, brusquement, c'est à 1200 sans qu'on comprenne pourquoi.
15:54Et en fait, il y a une enquête de journalistes israéliens qui montre qu'est-ce qui s'est passé dans l'Arabe-Parti,
16:00c'est-à-dire que, en fait, les troupes israéliennes sont intervenues,
16:05elles ont bombardé, elles ont tué, elles ont tué, brûlé, on a retrouvé des cadavres brûlés,
16:11on n'a pas su les identifier, on a cru que c'étaient des Israéliens,
16:14mais une partie, c'était des Palestiniens, ça a été tué par l'armée israélienne.
16:17Encore une fois, ça ne veut pas dire que le Hamas ou les Palestiniens n'ont pas commis de crimes de guerre,
16:23et tout, comment dire, tout assassinat de civils est un crime de guerre,
16:27mais ça n'a rien à voir avec ce qui a été dit.
16:30En plus, une des choses qui est difficile, c'est-à-dire, quand vous écoutez le...
16:35D'abord, un élément, c'est que maintenant, on sait que tout ça a été faux,
16:39mais il n'y a aucune autocritique des médias.
16:41Moi, j'ai vécu la guerre du Golfe de 1990-1991, le Koweït, etc.,
16:46où on a été abreuvés de mensonges répétés par nos médias, les médias américains, etc.,
16:51mais après, il y a eu une autocritique des médias.
16:53Il y a eu... Bon, ça n'a rien donné, puisque la preuve, c'est qu'on recommande.
16:57Mais là, il n'y a aucune autocritique, c'est quand même...
17:00Et c'est aussi parce que, globalement, dans les médias dominants, il n'y a qu'un son de cloche,
17:05donc c'est impossible de remettre en cause ceux-là-ci.
17:10Mais l'autre chose importante à comprendre, c'est que...
17:12Excuse-moi, vous pensez que ça peut tenir, encore ?
17:15Parce qu'à un moment donné, je veux dire, ils peuvent répéter comme un canard sans tête
17:18les mêmes chiffres, les mêmes erreurs, les mêmes fake news, etc.
17:22À un moment donné, même face à une émission comme on fait là,
17:25ou des livres comme le vôtre, où il suffit de s'informer,
17:29c'est-à-dire, à un moment donné, tous ces présupposés vont s'effondrer, quoi.
17:32Mais on a l'impression que, si ça s'effondre, tout s'effondre.
17:36À commencer par le soutien à Israël, quoi.
17:39Il y a comme un basculement qui peut opérer aussi dans l'autre sens.
17:42Bon, le problème, c'est que la position dominante aujourd'hui des médias
17:47et des responsables politiques,
17:51il y a quelque chose qui est...
17:53J'ai dit que, pour la France maintenant,
17:57finalement, le front israélien, c'est parti de la guerre de la civilisation,
18:01et ça fait partie de la guerre que nous menons contre l'islam et les musulmans.
18:05Donc, il y a aussi l'utilisation, je veux dire,
18:09de l'islamophobie comme une arme de guerre,
18:12pour désigner les coupables, les frères musulmans,
18:18les choses qui menacent les Israéliens, qui nous menacent ici, etc.
18:21Et ça, c'est quelque chose qui est très ancré et sur lequel, malheureusement,
18:24ce n'est pas seulement les partis de gouvernement,
18:25ce n'est pas seulement l'extrême droite,
18:27c'est même une partie de la gauche qui reprend ce discours.
18:30Donc, c'est difficile à casser, mais bon,
18:33si je pensais qu'on ne pouvait pas le casser, je n'écrirais pas de livre.
18:37Votre livre, c'est la meilleure réponse aux folies des gens du printemps républicain,
18:42les Caroline Fourez, les Enthoven et compagnie,
18:46qui, quand même, ont une audience incroyable
18:49et ils peuvent répéter leur connerie à longueur de journée.
18:51On ne peut pas comparer le fait d'avoir tué des enfants délibérément en attaquant,
18:57comme le fait le Hamas,
18:58et le fait d'y tuer des enfants involontairement en se défendant,
19:01comme le fait Israël.
19:02À un moment donné, c'est vrai que ça rentre dans la tête des gens.
19:05Et quand vous êtes là, vous essayez d'être un tout petit peu journaliste.
19:09Parce que là, même si les gens nous écoutent aujourd'hui,
19:12ils vont se dire, voilà, ils sont pro-israélien,
19:15mais je ne suis pro-rien du tout.
19:17Je suis quelqu'un qui lit, qui se renseigne.
19:19J'ai lu le livre sur le 7 octobre,
19:22dont les pages sont parues dans le monde.
19:24Je lis la presse israélienne et, à un moment donné,
19:27il y a des évidences quand on se renseigne un peu.
19:29Mais la paresse des journalistes français,
19:32de ces éditorialistes ou de ces idéologues,
19:34pour le coup, du printemps républicain,
19:36je veux dire, comment on lutte contre ça ?
19:38À un moment donné, prenez un Bernard-Henri Lévy,
19:40qui est quand même le parangon de tout ça.
19:42Mais si vous voulez, à propos de Bernard-Henri Lévy,
19:45je me suis payé son livre, si je peux dire,
19:46et demain, enfin, demain, c'est vendredi,
19:51sur mon journal, L'Orient 21, on va publier une critique de ça.
19:56Le problème de la couverture du conflit depuis longtemps,
20:00c'est qu'il y a des spécialistes en France,
20:03des journalistes, toutes tendances confondues,
20:04parce que tout le monde n'a pas la même sensibilité que j'ai,
20:08on peut avoir d'autres sensibilités, etc.
20:10En général, ils sont des professionnels,
20:12c'est-à-dire que ce soit Le Monde, Le Figaro, Libération, etc.
20:17Le problème, c'est que dès qu'il y a une crise,
20:19vous avez deux phénomènes.
20:20Un, c'est qu'on envoie massivement des journalistes sur place
20:22qui n'y connaissent rien et qui sont pris en main...
20:24Par les fixeurs.
20:25Par les fixeurs israéliens qui parlent français,
20:28qui sont comme vous et moi, il ne faut pas parler l'arabe,
20:32etc. Il n'y a pas besoin de parler l'arabe.
20:33Donc ça, c'est d'un côté.
20:35Et d'autre, les éditorialistes qui, je crois,
20:38plus que dans les autres pays,
20:39il y a cette tradition intellectuelle, entre guillemets, en France,
20:42qui fait des éditorialistes,
20:43des gens qui s'estiment légitimes à parler de n'importe quoi,
20:49surtout, je dirais, quand ils ne connaissent pas.
20:50Vous donnez l'exemple, mais j'avais oublié,
20:52c'est à Pujadas, quoi, vous pouvez le raconter ?
20:55Enfin, on va retrouver l'archive, d'ailleurs.
20:57Oui, oui, c'est, je veux dire, sur...
21:00Sur Gaza, le fait que les gens ne sont pas si malheureux
21:02parce qu'ils peuvent trouver les...
21:04Ah oui, oui, ça, c'est incroyable, c'est-à-dire, c'est...
21:07Parce qu'ils trouvent à manger, parce que...
21:09Voilà, et quand il y a eu cette séquence
21:12qui est vraiment un scandale absolu...
21:14Est-ce qu'il est temps de tirer la sonnette d'alarme
21:17parce qu'on est effectivement en situation de famine
21:19ou bien est-ce qu'il y a exagération
21:22ou bien est-ce qu'il y a, notamment dans les images
21:24qui sont mises en avant, une forme de manipulation ?
21:27Daniel Schneiderman a publié sur Twitter
21:31une photo du ghetto de Varsovie
21:32où on voit des gens manger en disant,
21:34mais regardez, ils regardaient, ils mangeaient très bien, etc., etc.
21:39Donc, mais tout est comme ça, c'est-à-dire...
21:42Et puis, il y a quand même autre chose, c'est-à-dire...
21:44Aujourd'hui, on parle beaucoup de l'antisémitisme.
21:47Moi, ce qui me frappe, c'est le déferlement anti-arabe.
21:51Et après, on va accuser Israël de...
21:53Parce qu'ils savent aujourd'hui le cancer qu'est cette population
21:56qui est aujourd'hui...
21:57À qui on a tout donné.
21:58Et le...
22:00Comment dire ?
22:01Les gens qui disent...
22:02Mais est-ce que les civils...
22:03Il y a eu des gens qui l'ont dit clairement.
22:05Est-ce que les civils de Gaza sont des innocents ?
22:09Puisque, après tout, ils ont...
22:10Enfin, les adultes ont voté en majorité.
22:13Enfin, je veux dire...
22:14Tous les Gazaouis sont confiants, il faut les éliminer.
22:16On peut les éliminer.
22:17Et il y a eu des appels vraiment aux meurtres
22:19sur les télévisions et les radios françaises.
22:21Personne, il n'y a eu aucune protestation.
22:24Et on parle d'actes antisémites qu'il faut effectivement dénoncer.
22:29Mais les actes...
22:30Ce qui, moi, me frappe sur les réseaux sociaux,
22:32c'est le déferlement de propagande,
22:36de haine contre les gens qui ont des prénoms arabes ou des noms arabes.
22:40Mais d'ailleurs, vous...
22:42Je l'avais relevé, ça.
22:43Mais quand vous le racontez par vous, ça devient édifiant.
22:47C'est ce porte-parole de l'armée israélienne qu'on a vu partout,
22:50Olivier Raffovitz, oui, c'est ça,
22:54dont l'épouse, Roxane, on la voyait partout.
22:59Moi, je n'avais pas percuté que c'était son épouse.
23:02Donc, elle fait un film pour complément d'enquête, je crois,
23:05qui est quand même un film de propagande.
23:07C'est un peu décevant de voir un complément d'enquête se compromettre à ça.
23:11Et lui, son CV, quand même, il était chez Lieberman.
23:13Donc, c'est un homme politique, d'abord.
23:16C'est un militant politique d'extrême droite, bien fachot,
23:19et qui engueule tous les journalistes et tout.
23:21Et ça, ça passe comme crème.
23:23Il vous en citait plusieurs comme ça.
23:24Il y a deux choses pour lui, particulièrement.
23:27C'est d'abord qu'il est reçu extrêmement bien par tout le monde
23:31et qu'il a des réseaux, Bernard-Henri Lévy,
23:33et tout le monde considère que c'est normal.
23:35Si vous êtes d'extrême droite, mais vous êtes israélien,
23:38ce n'est pas un problème.
23:40Donc, il y a cet aspect qui est quand même...
23:43Et puis, il y a le fait qu'il vend
23:45sans que les journalistes répondent.
23:46Et que quand ils répondent, il y a deux cas que je cite...
23:50Sur TV5.
23:52Sur TV5, c'est quand même intéressant à suivre.
23:56Il fait son travail de journaliste,
23:57c'est-à-dire qu'il le confronte en lui disant...
24:00Non, il s'appelle...
24:02Mohamed Kassim.
24:02Oui, c'est ça, Kassim.
24:03En plus, évidemment, le fait qu'il soit arabe, enfin de nom arabe,
24:07ça veut dire que sur les réseaux sociaux, il a tout de suite été attaqué.
24:11Mais le plus scandaleux, c'est qu'il fait son travail normal de journaliste.
24:15Il est désavoué par sa direction.
24:17C'est assez dingue, ouais.
24:18Il va devoir l'ARCOM, qui lui donne raison.
24:21Et la direction refuse de revenir sur sa condamnation.
24:23C'est quand même un truc incroyable.
24:25Et ce qui m'a interpellé, c'est l'argument de Rafovich,
24:30le porte-parole israélien.
24:31C'est qu'il dit, comment vous osez poser des questions à une démocratie ?
24:36Alors, si on ne peut pas poser des questions à une démocratie...
24:40Et puis, il y a l'idée aussi...
24:43Une démocratie ne peut pas commettre de crime.
24:45C'est comme quand vous...
24:46Il n'y a qu'en France qu'on ne peut pas discuter,
24:48de savoir si ce que fait Israël à Gaza, c'est un génocide ou non.
24:53En Espagne, en Belgique...
24:54Ça se discute, non, mais on peut avoir une discussion.
24:58Il peut y avoir une discussion, mais laissons avoir une discussion.
25:01Mais dire par principe, comme c'est un génocide
25:04et que les Juifs ont été victimes d'un génocide,
25:07ils ne peuvent pas être mis en cause.
25:08Et puis, même, il y a le fait que c'est une démocratie.
25:11C'est comme si on disait...
25:12La France, en Algérie, c'est une démocratie.
25:14Et c'est vrai que le régime français de la Quatrième République est une démocratie.
25:20Et ça n'empêche pas de commettre des crimes de guerre
25:22et des crimes contre l'humanité.
25:23Vous donnez aussi l'exemple de ce Julien Balloul,
25:27qui est une sorte de militaire journaliste.
25:31Oui, pendant très longtemps, il a été camouflé.
25:34C'est-à-dire, on le présentait à un citoyen de Tel Aviv,
25:38qui, chaque fois qu'il y avait une crise, donnait son avis,
25:40alors que c'était un porte-parole.
25:41En fait, il était lié à l'armée, il était...
25:44Alors maintenant, c'est plus difficile parce qu'il a été, entre guillemets, démasqué.
25:47Mais au-delà, ça pose...
25:48Quand même, il a, dans les premiers temps du conflit,
25:50il était partout, quoi, sur ICI, sur...
25:54Mais il y a aussi cet aspect, c'est quand même...
25:57Moi, ça me frappe.
25:59Israël, soi-disant démocratie, liberté de la presse,
26:03a interdit à tous les journalistes d'aller à Gaza.
26:06Et les journalistes à Jérusalem, les journalistes israéliens,
26:09comme étrangers, ont protesté.
26:11Ils ont écrit à la cour suprême israélienne.
26:16Ils ont été déboutés, la cour a dit que la priorité, c'est la sécurité d'Israël.
26:20Bon.
26:21Les seules informations qu'on peut avoir, c'est par des journalistes à Gaza.
26:28Mais dès que c'est des journalistes à Gaza, on se dit
26:30« Ah, c'est le Hamas, c'est des Arabes, ils ne disent pas la vérité. »
26:32Quand c'est des Blancs, entre guillemets, ils disent par principe la vérité.
26:35Le journal Orient 21 dont je m'occupe,
26:39je crois qu'on est le seul aujourd'hui,
26:41je crois que Blast a eu un moment un correspondant.
26:43On l'a toujours, on l'a toujours.
26:45Et on est en septième ou huitième reportage en direct de là-bas.
26:50Le seul problème qu'on a, c'est que les images sont tellement violentes
26:53que YouTube nous les strike et ce n'est pas comme des papiers.
26:55Voilà, nous on a la chance d'avoir, ça fait maintenant trois ou quatre mois,
27:00un journaliste là-bas qui raconte la vie quotidienne.
27:02Ce n'est pas de la propagande, c'est terrible.
27:05Il raconte par exemple une anecdote, il dit quand il y a les bombes,
27:08il a un fils de quatre ans, je crois, qui est terrifié par les bombardements.
27:13Et il dit quand il y a les bombardements, j'ai appris à mon fils à applaudir
27:16et j'applaudis avec lui, comme si c'était un truc joyeux.
27:19Et du coup, ça diminue son angoisse.
27:22On voit la vie quotidienne.
27:24Pourquoi les médias français ne le font pas ?
27:26Il y a des dizaines de journalistes...
27:28Tous les journalistes ont été assassinés à Gaza.
27:33Oui, il y a plus de sang quand même, il n'y a pas un conflit.
27:36Je crois qu'il n'y a même pas...
27:37Même pendant la Seconde Guerre mondiale,
27:39je ne suis pas sûr qu'on ait tué autant de journalistes quand même.
27:41Et il faut dire que nos confrères français ne sont pas beaucoup mobilisés
27:46pour les journalistes.
27:48Par SF un tout petit peu, mais...
27:49Oui, très peu.
27:50Et puis, il y a eu une manifestation, il y avait 20 personnes.
27:53Donc, c'est quand même problématique.
27:55Alors, à vous lire aussi, je pourrais vous citer,
27:57mais vous racontez aussi ce que je n'avais pas non plus perçu.
28:02C'est la preuve que vous êtes un observateur très assidu
28:06de tout ça.
28:07C'est que dès 2010, Netanyahou commence...
28:10Parce qu'il y a cette histoire d'antisémites et d'antisémites.
28:14Et en gros, que Le Pen soit antisémite,
28:18ça veut dire qu'il n'y a que les dirigeants du Front national
28:22aujourd'hui qui le refusent.
28:24Mais vous dites que dès 2010, Netanyahou commence à tisser des liens
28:28avec l'extrême droite européenne.
28:30Et il fait venir des leaders d'extrême droite.
28:33Certains, les pires antisémites.
28:36Des pro-nazis.
28:37Des types qui veulent la mort des Juifs, etc.
28:40Et ils copinent avec...
28:42Et là, j'avoue qu'il y a un blanc, quoi.
28:44Comment vous l'expliquez, ça ?
28:45D'abord, il faut dire que cette alliance,
28:47elle a commencé avec les évangéliques.
28:50Américains.
28:51Américains.
28:53Qui ont une lecture très particulière de la Bible,
28:56qui est le retour du Messie se fera
29:00quand tous les Juifs seront regroupés en Palestine.
29:04Donc, il faut qu'ils aillent en Palestine
29:05ou en Israël, maintenant.
29:07Mais ce qu'ils ne disent pas,
29:10ou ce qu'ils disent mais que personne n'écoute,
29:12c'est que quand le Messie arrivera,
29:14les Juifs seront obligés soit de se convertir,
29:16soit de se rendre massacrés.
29:19Et c'est ces gens-là qui reconstituent en Israël
29:22la principale base de soutien aux États-Unis,
29:26la principale base de soutien à Israël.
29:29Mais vous avez raison, c'est-à-dire que
29:31depuis la montée des mouvements d'extrême droite,
29:35pour qui, en Europe, l'ennemi essentiel,
29:37c'est les musulmans,
29:38ce qui ne veut pas dire que les Juifs ne le sont pas,
29:39mais je dirais que c'est l'ennemi secondaire
29:41et on s'occupera d'eux une fois qu'on sera occupé des musulmans,
29:44il y a une alliance qui s'est faite
29:46entre tous ces partis d'extrême droite
29:48qui défendent Israël inconditionnellement.
29:51C'est l'idée que l'extrême droite...
29:54Il y a, il reste des partis nazis
29:56qui sont vraiment des antisémites non guérissables, je dirais,
30:02mais ce n'est pas ça qui représente la force.
30:04La force essentielle, c'est ces grands partis d'extrême droite
30:07avec qui Israël a un accord.
30:12Il y a un journaliste israélien qui a écrit
30:16« Rendre l'extrême droite kachère »,
30:19c'est-à-dire conforme à la loi juive.
30:21Ils rendent l'extrême droite kachère.
30:23Vous pouvez être antisémite,
30:25si vous soutenez Israël, ce n'est pas un problème.
30:27Et ça, c'est vraiment quelque chose d'inquiétant.
30:30Même l'AFD, enfin même les Allemands actuellement, ont des liens.
30:35Alors là, il y a des petits soucis quand ils vont en Israël.
30:38Ils sont divisés aussi l'AFD parce que bon...
30:41Oui, mais je donne l'exemple de la Roumanie
30:45où l'ambassadeur israélien, sous pression de Netanyahou,
30:50prend contact avec une organisation d'extrême droite roubaine
30:56qui explique que la politique menée par le gouvernement roumain
31:00pendant la Seconde Guerre mondiale était très positive
31:03alors qu'ils ont contribué au massacre des Juifs et à la Shoah, etc.
31:08Donc, on voit le cynisme absolu.
31:10Mais c'est sûr qu'aujourd'hui, l'antisémitisme est devenu l'arme ultime.
31:15Et moi, ça me frappe sur les mouvements étudiants.
31:18La seule chose qui intéresse les médias français, américains, etc.
31:23Est-ce qu'ils sont antisémites ? Ils ne sont pas antisémites.
31:25Il y a beaucoup de Juifs qui...
31:26La caractéristique de ce mouvement, notamment aux États-Unis,
31:29c'est la participation des jeunes Juifs.
31:31Et en même temps, on a l'impression que le seul débat,
31:33est-ce qu'il y a des dérapages antisémites
31:35ou est-ce qu'ils sont fondamentalement antisémites ?
31:37De toute façon, pour Netanyahou, à peu près tout le monde est antisémite.
31:41L'ONU, la Cour internationale de justice, la Cour pédagogique internationale,
31:44Amnesty, etc.
31:46Voilà.
31:47Vous écrivez d'ailleurs, pour que les gens comprennent un peu votre livre,
31:50je vous cite la page 67.
31:52Depuis, les relations de Netanyahou avec cette mouvance et ses dirigeants
31:55se sont renforcées, notamment avec Viktor Orban, Premier ministre hongrois,
31:59malgré ses déclarations antisémites.
32:01Vous relevez tout ce qu'il a dit sur Soros,
32:03salle juive qui est cachée, etc.
32:07qui fait vous parler de révisionnisme historique.
32:09En Pologne, l'arrivée au pouvoir en 2015 du Parti droit et justice,
32:13qui restera aux commandes jusqu'en 2023,
32:15n'empêchera pas les relations avec Israël de se développer.
32:18C'est ce qu'explique Dominique Vidal,
32:20le journaliste du Monde diplôme.
32:23Alors même que ce parti adopte une loi criminalisant
32:25la critique de la collaboration avec le Troisième Reich
32:28et prévoyant jusqu'à trois ans de prison contre les personnes coupables,
32:31d'attribuer à la nation ou à l'État polonais la responsabilité
32:34ou la co-responsabilité des crimes nazis commus par le Troisième Reich allemand.
32:40Une loi qui va libérer la parole antisémite en Pologne, etc.
32:44Donc, c'est vrai qu'à un moment donné, je veux dire,
32:46comment dire, on est chez l'Ionesco, quoi.
32:48Il y a quelque chose de tellement absurde, de tellement incompréhensible.
32:51Oui, mais en fait, ce n'est pas si incompréhensible que ça.
32:53C'est-à-dire, si vous partagez l'idée qu'aujourd'hui,
32:56le conflit essentiel, c'est entre l'Occident et le monde musulman,
33:00le terrorisme islamique, etc.
33:02Vous êtes dans cette logique et vous êtes dans une alliance
33:05que vous pouvez considérer comme tactique,
33:07en répétant ce que l'alliance anti-nazie entre l'Union soviétique
33:12et les États-Unis et le Royaume-Uni.
33:15C'est-à-dire que vous êtes dans une guerre de civilisation
33:18et il y a les ennemis principaux et puis les ennemis secondaires.
33:21Mais c'est une logique terrible, parce que c'est une logique de...
33:24C'est une guerre, comme je l'ai dit, c'est une guerre de civilisation.
33:27C'est une guerre Orient-Occident.
33:29Ça peut se transformer en une guerre religieuse.
33:31Hier, je dînais avec une amie qui me disait
33:35qu'il comparait le conflit...
33:39Enfin, le conflit, ce qui s'est passé depuis le 7 octobre,
33:43ces huit mois de guerre, à l'effondrement du mur de Berlin.
33:48C'est-à-dire que si on prend un peu de recul par rapport à la situation,
33:53on ne sait pas ce qu'il va devenir de ce conflit.
33:55Mais le mur de Berlin, je veux dire l'effondrement de l'URSS, etc.,
33:59a redistribué toutes les cartes au niveau planétaire.
34:03Là, le soutien à Israël forcené, enfin, etc.
34:07et la réalité du terrain, ce qui se passe à Gaza,
34:10est-ce qu'on n'est pas face à une sorte de mouvement historique
34:15d'une ampleur comparable ?
34:17C'est une des raisons pour lesquelles j'ai fait le livre.
34:20Ce n'est pas seulement parce que la situation des Palestiniens est insupportable
34:23et ce qui se passe là-bas est insupportable.
34:25C'est aussi parce que, c'est un peu le sens de mon dernier chapitre,
34:28ce que Gaza fait au monde,
34:31c'est que ça met en lumière le changement des règles internationales.
34:35C'est-à-dire, ça n'a pas commencé avec Gaza.
34:37Ça a commencé, à mon avis, avec le 11 septembre,
34:39le début de la guerre contre le terrorisme.
34:41Mais on a pu avoir l'impression, après l'échec des interventions américaines
34:45en Irak et en Afghanistan, qu'on allait sortir de ça.
34:48Et pas du tout.
34:49On rentre dans l'idée qu'on est dans une guerre mondiale.
34:52Alors, l'ennemi varie selon les interlocuteurs,
34:56mais en gros, l'Occident est menacé
34:59et qu'il faut se serrer les coudes et il faut se battre.
35:01Et que dans cette bataille, c'est ça aussi qui est important,
35:04le droit n'est plus important.
35:05C'est-à-dire, il faut rappeler...
35:08Le droit international est baffant.
35:09Le droit international, c'est-à-dire qu'on peut envahir un pays comme les...
35:13En Cisjordanie.
35:14Non, mais comme les Américains l'ont fait en Irak.
35:16On peut torturer comme les Américains l'ont fait à Bouré, etc.
35:20Tout ça, c'est...
35:22Je crois que je dis quelque part, c'est le retour au XIXe siècle.
35:25Au XIXe siècle, les puissances européennes
35:29se réunissent pour fixer les lois de la guerre
35:33et l'utilisation notamment des munitions dangereuses,
35:36après, ça sera les gaz, etc.
35:38Et l'accord qui est fait à la fin,
35:40notamment sur un type de balles qui s'appelle les balles d'oum-doum,
35:44qui sont des balles qui explosent dans le corps des gens,
35:46c'est que tous les pays se mettent d'accord européens.
35:50On n'utilise pas ces balles, sauf pour les bêtes et dans les colonies.
35:56Et aujourd'hui, on a l'impression que le droit international,
35:59on l'accepte pour nous,
36:01mais dès qu'il s'agit des barbares, des autres,
36:06on peut le violer de manière...
36:08Et le risque, c'est que finalement, le droit international,
36:15tel qu'il s'est construit après 1945,
36:18avec beaucoup d'insuffisance, etc.,
36:20mais enfin, quand même, la création des lois,
36:24enfin des lois, les conventions de Genève,
36:25les conventions pour éviter le génocide, etc.,
36:28elles sont en train de disparaître, d'être dissoutes,
36:31parce que, justement, vous ne luttez pas contre un ennemi,
36:35vous luttez contre le mal absolu.
36:36Et donc, dans la lutte...
36:38C'est une construction, comment dire, de pensée,
36:43enfin, c'est une fabrication d'Israël ou des propagandistes, etc.
36:48C'est pour ça que j'ai commencé cet entretien
36:51en vous disant que la vérité prend du temps.
36:53Nous, notre rôle, c'est d'essayer d'informer,
36:55petitement, sobrement, en essayant de réfléchir, etc.
36:59Mais est-ce que ces contre-vérités peuvent tenir ?
37:02Comment tout ça peut s'effondrer ?
37:03Comment tout ça peut évoluer, selon vous ?
37:06Bon, d'abord, ça dépend de nos systèmes politiques et médiatiques.
37:12C'est-à-dire qu'on vit quand même...
37:15C'est-à-dire, une des choses qui me frappe,
37:17c'est qu'il n'y a jamais eu une telle répression
37:19contre un mouvement de solidarité avec les Palestiniens
37:22ou avec qui que ce soit.
37:23C'est-à-dire la criminalisation, le fait de...
37:26De soutenir un palais à Palestine, de faire la même chose.
37:28Même les syndicalistes qui se font réveiller le matin.
37:30Oui, ou bien le fait que la police entre dans toutes les universités.
37:34Je rappelle toujours, en 68,
37:37ça a commencé quand les flics sont entrés à la Sorbonne,
37:39et c'était une exception.
37:40Maintenant, c'est devenu la règle.
37:41On va rétablir l'ordre.
37:43Donc, bon, mais ça n'a pas commencé avec la Palestine,
37:45parce que ça a commencé avec les lois,
37:47les répressions, les manifestations contre la réforme de retraite,
37:52enfin, toutes les lois sociales.
37:54Donc, il y a une espèce de brutalisation du pouvoir.
37:57Et puis, il y a un changement du paysage médiatique qui...
38:04Ça peut tenir encore ?
38:06Enfin, je veux dire, le fait de répéter des contre-vérités en permanence,
38:09ça fabrique des vérités au final ?
38:11Ou est-ce qu'on a une chance, nous ?
38:13Non, moi, enfin, sinon, encore une fois, je ne fais pas ce que je fais.
38:16Mais je pense qu'il y a une...
38:17Mais c'est une des choses que j'ai pu voir,
38:20c'est quand même le rôle que jouent Internet, les plateformes.
38:25Je cite d'ailleurs vous, Acrimed...
38:28On a l'émission qu'on a faite avec Acrimed sur le traitement...
38:32Voilà, il y a plein de choses qui se font,
38:35mais en même temps, c'est une lutte inégale.
38:38Alors, ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas la gagner, qu'il ne faut pas la gagner,
38:40mais c'est une lutte inégale, parce qu'en même temps,
38:44le système médiatique, aujourd'hui, est pris en main par les puissances de l'argent.
38:47Alors, vous allez me dire, mais il faut parler des Juifs, là ?
38:51Je cite le cas de Villepin.
38:53Oui, et puis, avant, je voulais vous interroger là-dessus,
38:56parce que je n'avais pas percuté sur le Parisien Bernard Arnault,
38:59qui soutient la propagande, parce qu'il y a des liens financiers.
39:04Non, mais pas seulement, c'est-à-dire, c'est pour ça quand je dis...
39:08Les puissances de l'argent, aujourd'hui, contrôlent les médias.
39:11Alors, tout de suite, les gens vont dire qu'ils parlent des Juifs.
39:14Mais j'ai dit, Arnault, il n'est pas Juif.
39:18L'autre, Bolloré, n'est pas Juif.
39:21Je veux dire, ça n'a rien à voir avec le fait...
39:24C'est effectivement la privatisation et le fait que, par exemple,
39:28demain, Marianne risque d'être rachetée, en partie parce qu'ils ont eu sur Gaza
39:33une position qui était très hostile, très critique d'Israël.
39:38Et aujourd'hui, si on interdit TikTok,
39:41je veux dire, s'il y a la volonté des Américains d'interdire TikTok,
39:43un sédateur américain l'a reconnu, c'est en partie parce que
39:47c'est une plateforme sur laquelle le soutien à la Palestine a pu se exprimer sans entrave,
39:52ce qui n'est pas le cas de Facebook, etc.
39:54Donc, il y a ce problème des puissances de l'argent contre lequel il faut lutter,
39:57mais qui n'a rien à voir avec la démocratie, la vision de la démocratie.
40:01Est-ce qu'on peut laisser les médias aux mains des puissances de l'argent ?
40:04Nous, on essaie d'ailleurs... Abonnez-vous à Blast, c'est pour ça qu'on fonctionne aussi pour ça.
40:09Je voulais, à titre personnel, vous raconter...
40:12J'ai un de mes amis, je peux dire son nom, c'est Raphaël Pitti,
40:14le médecin urgentiste qui habite Metz, la même ville où j'habite,
40:17m'a raconté qu'il était au restaurant la dernière fois avec un ami, il parlait, etc.
40:22Il lui a eu des propos, parce qu'il revient de Gaza, il parle d'un génocide.
40:26Il s'est fait gifler avec une serviette par quelqu'un qu'il ne connaissait pas,
40:31qui était juive, et qui l'a agressé verbalement.
40:36Et je pense qu'il a été marqué par ça.
40:38Et moi-même, j'ai eu des discussions un peu orageuses avec des gens que je croise dans la rue,
40:43alors que vraiment, je suis prudent, je veux dire prudent dans mon élocution, etc.
40:49Est-ce que vous, qui quand même avez une réputation, une histoire, etc.,
40:54est-ce qu'aujourd'hui, vous vous sentez...
40:56Des fois, vous vous dites, je ne vais pas dire ça,
40:58ou alors, quand je sors de chez moi, je regarde derrière,
41:00parce qu'en même temps, c'est compliqué en ce moment, ici.
41:03Non, c'est compliqué, mais moi, j'ai un degré de paranoïa très, très, très limité.
41:09Et je n'anticipe pas ce qui peut arriver.
41:14En plus, je ne suis pas sensible à l'accusation d'antisémitisme,
41:16parce que ma mère est juive, donc je suis juif,
41:18et je me réclame d'une tradition juive, comme je vous le disais tout à l'heure,
41:22qui a toujours existé dans le judaïsme, et qu'Israël est en train d'étouffer,
41:26qui est la tradition internationaliste, la tradition de solidarité internationale.
41:32Donc, moi, je me rappelle, je veux dire, on a oublié,
41:34mais il fut un temps où Edgar Morin a été poursuivi,
41:37c'est au moment, je crois, de la Seconde Téfada,
41:40et a été condamné avant d'être réhabilité,
41:42comme antisémite, je veux dire, il y a cette...
41:45Et j'avais un ami journaliste qui a été aussi poursuivi,
41:50et pour lui, c'était traumatisant.
41:51Moi, je veux dire, ça ne me fait rien, je veux dire,
41:54de toute façon, je ne me sens pas du tout visé quand on dit que vous êtes antisémite.
42:01Mais c'est vrai que, je veux dire, aujourd'hui, cette menace permanente,
42:03et je pense que ça pèse sur les journalistes,
42:05c'est notamment les jeunes journalistes qui sont dans des rédactions, etc.,
42:09qui ont déjà du mal parfois à suivre le problème,
42:12parce que c'est vrai que c'est un problème compliqué,
42:13que c'est une histoire longue, etc.
42:15Pourquoi il va aller risquer sa carrière, risquer sa réputation ?
42:21Parce qu'il est journaliste, et qu'il n'est pas propagandiste.
42:24Oui, mais il devrait, mais c'est...
42:26Après, les êtres humains sont ce qu'ils sont, je veux dire,
42:28il n'y a pas forcément le courage, et puis il n'y a pas, enfin,
42:32comment dire, l'autonomie d'un jeune de 25 ou 30 ans par rapport à sa rédaction,
42:36par rapport au risque d'être licencié, etc., elle n'est pas...
42:41C'est quand même, on a eu, en tous les cas, bon, ça a changé,
42:44mais en gros, entre le 7 octobre et la fin décembre,
42:46on a eu une domination d'un discours, d'un pays totalitaire,
42:54dans lequel, des fois, j'ai dit, écoutez,
42:57moi, je ne vous demande pas de n'écouter que ma voix,
43:01parce qu'il y a beaucoup de voix,
43:02et je sais que même quand on connaît tous les éléments,
43:06on n'a pas forcément les mêmes appréciations,
43:09mais acceptez le pluralisme.
43:10Aujourd'hui, on vous dit clairement non au pluralisme,
43:13et les gens qui vous disent non au pluralisme,
43:15c'est les gens qui ont défilé en disant, nous sommes tous Charlie,
43:18c'est quand même une chose incroyable.
43:21Vous, est-ce que vous pensez que, compte tenu de ce qu'on se dit là,
43:26compte tenu de l'avancée de l'information,
43:28de ce cessez-le-feu qu'on nous promet et qui recule tout le temps,
43:31est-ce que Netanyahou peut tenir ?
43:33Est-ce que les suprémacistes autour de lui,
43:36tous ces types qui traitent les Palestiniens d'animaux humains, etc.,
43:40est-ce qu'il peut y avoir un sursaut qui viendrait d'Israël ?
43:42Est-ce que les États-Unis,
43:44puisque Biden a dit qu'il ne livrait plus d'armes s'ils attaquaient Rafa, etc. ?
43:48Comment vous voyez ça ?
43:50Moi, je suis un peu sceptique.
43:52Les Américains disent ça, mais en même temps,
43:54là, ce matin, on disait 500 000 gens qui ont fui Rafa.
43:58Je n'ai pas vu de réaction américaine.
44:01Ils disent qu'ils n'ont pas commencé l'opération.
44:03Je ne sais pas ce que c'est, commencer l'opération,
44:05sinon d'expulser un demi-million de gens,
44:06ce qui est un crime de guerre en soi.
44:09Sur la société israélienne,
44:10il faut dire que la société israélienne a été traumatisée par le 7 octobre
44:13pour beaucoup de raisons.
44:14Effectivement, parce qu'il y a eu des crimes qui ont été commis,
44:18mais aussi parce que, pour la première fois,
44:19enfin, pas pour la première fois,
44:20mais pour la première fois sur le territoire israélien,
44:23tout le discours sur l'État d'Israël,
44:27refuge pour les Juifs, sécurité pour les Juifs, s'est effondré.
44:31Mais ça se traduit plutôt par une radicalisation.
44:35Ça ne veut pas dire un appui à Netanyahou,
44:37parce que Netanyahou, c'est un voyou,
44:39les gens le considèrent comme un voyou,
44:40un type prêt à tout ce qui est vrai,
44:41mais c'est un excellent politicien.
44:43Et moi, je ne crois pas du tout qu'il va tomber.
44:46Il a une majorité stable,
44:47il compte sur l'extrême droite,
44:49mais il s'en sert pour dire
44:50je ne peux pas changer de politique parce que sinon il faut...
44:53Donc, à mon avis, son but, c'est de prolonger la guerre.
44:56Parce que le moment où la guerre s'arrête,
44:58il va y avoir quand même des répercussions,
45:00il va y avoir une commission d'enquête
45:01sur qu'est-ce qui s'est passé le 7 octobre, etc.
45:03Mais même dans ces conditions,
45:05je ne suis pas du tout sûr qu'il perdra.
45:06Je veux dire, ce n'est pas du tout, du tout évident.
45:10Il y a quand même une population,
45:11on est dans l'âge d'entre 70 et 80 % des Israéliens juifs
45:15qui sont d'accord pour qu'on affame Gaza.
45:17C'est quand même un...
45:18Je veux dire, quelqu'un pourrait dire
45:21c'est l'effondrement des valeurs juives humanistes,
45:24quoi, qui se traduit là-dessus.
45:28Et on dit, enfin c'est ce qu'on lit dans le monde
45:31ou partout ailleurs,
45:31qu'en Israël, une majorité d'Israéliens,
45:36large majorité, y compris à gauche,
45:38est favorable à la poursuite de la guerre.
45:39Oui, oui, enfin, c'est un peu plus compliqué que ça
45:43parce qu'il y a quand même la question des otages.
45:47Le Hamas avait compris ça,
45:48ils n'ont pas pris des otages pour rien,
45:49c'était l'idée que ça leur donnait
45:51une possibilité de négociation.
45:53Et donc, il y a une partie de la population
45:55qui dit qu'il faut négocier quel que soit le prix,
45:59c'est-à-dire y compris en renonçant à l'idée
46:01que nous allons détruire le Hamas, etc.
46:03Et ça, je pense que c'est une partie
46:08pas négligeable de la population.
46:10Mais il y a une partie de la population qui dit,
46:11bon, tant pis pour les otages.
46:13Si je vous écoute et si je vous entends,
46:15enfin, si je comprends ce que vous...
46:17En même temps, pronostiquer, ce n'est pas l'idée,
46:19mais si on se projette un peu quand même,
46:21l'idée, c'est de réfléchir à l'avenir.
46:23Déjà, d'ailleurs, dans les chiffres,
46:24j'ai vu que vous étiez plutôt sur 52 000
46:26que sur 35 000 victimes
46:28dans les projections que vous faites.
46:30Et en même temps, ça veut dire quoi ?
46:32Ça veut dire qu'ils vont continuer en Cisjordanie
46:34à virer les Palestiniens ?
46:36Ça veut dire qu'ils vont entièrement détruire Gaza ?
46:38Ça veut dire qu'on va se retrouver...
46:39À la rentrée de septembre, il y aura 100 000 morts ?
46:41Ça veut dire que...
46:42Je veux dire, qu'est-ce...
46:44Alors, c'est deux situations.
46:46Gaza, c'est...
46:47Moi, je pense que le but depuis,
46:49c'est de nettoyer.
46:50C'est-à-dire, dès le départ,
46:53il a négocié avec les Égyptiens et les Américains
46:55pour qu'on puisse expulser tout le monde.
46:57Les Égyptiens ont refusé
46:58parce qu'ils se retrouvaient avec 2 millions de personnes
47:00dans le Sinaï qui est déjà très instable.
47:02C'est une catastrophe.
47:03Et les Américains n'étaient pas très enthousiastes non plus.
47:06Mais, de fait, on rend Gaza invisible.
47:09Ce n'est pas seulement qu'on bombarde,
47:10c'est qu'on détruit au bulldozer
47:12toutes les infrastructures, l'eau, etc.
47:15Et vous pensez que l'Égypte peut ouvrir ses portes ?
47:16Non, non, non, je ne sais pas.
47:18Mais il peut y avoir un moment...
47:20Notre correspondant palestinien nous écrivait
47:24que si les Palestiniens voulaient,
47:26ils pourraient submerger.
47:30Parce que s'il y a un million de personnes
47:31qui submergent la frontière égyptienne,
47:35l'armée égyptienne ne peut pas tirer.
47:37Mais il ne faut pas oublier que les Palestiniens ont une expérience.
47:40C'est-à-dire qu'ils ont été expulsés en 48-49,
47:42ils ont été expulsés en 67
47:44et ils savent qu'une fois qu'ils sont expulsés,
47:45ils ne rentreront jamais.
47:47Donc, après, il y a les trajectoires individuelles,
47:52il y a le fait de vouloir sauver ses enfants, etc.
47:55Mais massivement, je crois qu'aujourd'hui,
47:57les Palestiniens essayent de tout faire pour ne pas...
48:01Ça va aller, quoi.
48:02Mais ça veut dire famine, maladie, augmentation des catombes...
48:07Et puis parallèlement, en Cisjordanie, ça continue.
48:09L'autre chose, c'est que le fait que tout le monde soit concentré sur Gaza
48:13fait que la Cisjordanie est laissée un peu de côté.
48:16Et alors, ça a d'intérêt pour Netanyahou,
48:18parce que les ministres suprémacistes, fascistes, juifs,
48:22que sont Ben Ghir et Smotrich, ont carte blanche là-bas.
48:26Et donc, d'une certaine manière, pour eux,
48:29ils ne sont pas très contents avec la stratégie à Gaza,
48:31ils voudraient une stratégie plus dure,
48:32je ne sais pas très bien ce que c'est,
48:33mais ils voudraient une stratégie plus dure.
48:35Et là, Netanyahou leur dit, occupez-vous de la Cisjordanie.
48:40Et donc, ils sont en train de nettoyer, ethniquement, une partie...
48:42Il y a des communautés entières de Bédouins
48:44qui ont été expulsés de leurs terres, etc.
48:46Donc, ils le font de manière...
48:49Alain, vous décrivez là une défaite palestinienne.
48:52Alors, c'est...
48:54Bon, comment dire ?
48:57Si on prend un peu de hauteur,
48:59la réalité de la Palestine, aujourd'hui,
49:02sur le territoire historique,
49:04c'est 7,5 millions de Palestiniens,
49:077,5 millions de Juifs israéliens.
49:09Et ça, c'est une donnée qui a à la fois
49:12une extraordinaire victoire d'Israël,
49:14qui a pu installer 7,5 millions de personnes
49:15sur un territoire qui ne lui appartenait pas,
49:17mais c'est aussi une défaite,
49:19parce que contrairement à d'autres entreprises de colonisation,
49:22comme en Amérique du Nord, en Australie, etc.,
49:23ils n'ont pas été capables de se débarrasser totalement des Autochtones.
49:27Et se débarrasser de 7,5 millions de Palestiniens,
49:29c'est très difficile.
49:31Et alors, depuis longtemps, les Israéliens...
49:34La stratégie israélienne, c'est de dire
49:36les Arabes ne comprennent que la force,
49:38on va les battre de guerre en guerre,
49:41et ils vont finir par capituler.
49:43On va peut-être les battre, mais ils ne capituleront pas,
49:46parce qu'il y a un esprit de résistance
49:48qui est en plus relayé par les millions de Palestiniens
49:50qui sont à l'extérieur, qui jouent un rôle important
49:52dans les manifestations aux États-Unis, etc.,
49:55qui sont une diaspora très éduquée, très mobilisée,
49:58qui connaît les codes des différentes sociétés occidentales.
50:01Donc, il y a cette forme de résistance.
50:03Mais c'est vrai qu'il y a une impasse, en même temps,
50:05il ne faut pas se cacher, palestinienne,
50:07ne serait-ce que parce que l'autorité palestinienne
50:11est totalement discréditée.
50:13Le Hamas s'est un peu mis hors-jeu par cette attaque,
50:17et il ne peut pas être un facteur de définition de la politique.
50:21Demain, cette division palestinienne,
50:25c'est leur principale faiblesse.
50:28Mais ça ne suffit pas.
50:30Une victoire, je crois que c'est Clausewitz qui dit,
50:32c'est-à-dire qu'une victoire militaire
50:35signifie qu'on amène l'ennemi à accepter la défaite.
50:39Il ne peut pas y avoir de victoire si,
50:41ce n'est pas seulement qu'on a gagné la bataille,
50:43c'est que l'ennemi capitule.
50:47Et là, il ne capitule pas.
50:49Il filme sa propre destruction, il documente sa propre destruction.
50:53Oui, ça c'est le truc qui est...
50:56Mais en même temps, une des choses qui me frappent
51:00dans les correspondances,
51:02le gars qui est correspondant pour Orient 21 à Gaza,
51:05c'est en même temps, la vie continue.
51:07Vous savez, il y a eu toute cette polémique
51:11parce qu'on voyait des palestiniens se baigner à Gaza.
51:14Ils disaient rien.
51:16Ils disaient, vous voyez, vous dites qu'ils sont malheureux, etc.
51:18Et notre correspondant disait,
51:21parce que nous aimons la vie
51:22et parce que tous les gens aiment la vie.
51:24C'est-à-dire que même dans les pires conditions,
51:26les gens essayent de vivre.
51:27Même dans le ghetto de Varsovie,
51:29les gens essayaient de survivre.
51:31Il y avait une vie, etc.
51:34Donc, il y a cette volonté de vivre, de résister
51:37qui n'est pas forcément politique
51:39au sens de nous voulons telle solution politique.
51:42Mais on est là et on reste.
51:43Parce que sur le Hamas,
51:45parce que l'éradication du Hamas,
51:47c'est toujours le projet ultime de Netanyahou et de Tsaïl.
51:52Donc, est-ce que vous, là, dans votre bouquin,
51:54on a l'impression que les tunnels,
51:55tout ce qui a été raconté, vous n'y croyez pas ?
51:57En tout cas, on sait aujourd'hui que dans les hôpitaux,
52:00il n'y avait pas de...
52:01Comme on l'a raconté tout le temps,
52:03autant il n'y avait pas d'armes de destruction massive,
52:05autant les hôpitaux n'ont pas servi à tout ça.
52:09Je veux dire, qu'est-ce qu'ils peuvent faire de plus ?
52:12Comment le Hamas s'est organisé ?
52:14Ils ont organisé un réseau souterrain, militaire,
52:19extrêmement bien organisé.
52:20Mais je cite aussi, pour comprendre,
52:25on est dans une guerre urbaine.
52:27C'est-à-dire, on n'est pas dans une guerre où les Israéliens peuvent dire,
52:30bon, nous, on avance notre armée,
52:32vous avancez votre autre,
52:33comme un champ de bataille aux Sterlitz, Waterloo, etc.
52:36C'est une plaisanterie.
52:37C'est, je cite Oury Avnery,
52:40qui est un militant historique de la paix,
52:42qui était un militant sioniste convaincu,
52:43qui s'est battu en 47-48 pour la création de l'État d'Israël,
52:47les armes à la main, etc.
52:48et qui est devenu un militant de la paix.
52:50En 2014, au moment de l'une des invasions israéliennes de Gaza,
52:56où l'armée israélienne utilisait l'argument,
53:00ils se servent des civils comme otages,
53:04ils faisaient un communiqué,
53:06communiqué de l'armée de la Wehrmacht allemande,
53:09devant Leningrad.
53:12Dans la ville de Leningrad,
53:14une dangereuse organisation terroriste,
53:16c'est réfugiés, c'est l'armée rouge,
53:18et ils nous obligent à bombarder les civils
53:20pour venir à bout de l'armée rouge.
53:26Le ghetto de Varsovie,
53:27les Allemands auraient pu dire la même chose,
53:29les combattants du ghetto de Varsovie,
53:30ils se protègent au cœur de la population,
53:33c'est absurde, je veux dire,
53:35les guerres urbaines, c'est ça,
53:36les guerres urbaines, les gens se cachent.
53:40On n'est pas dans des territoires
53:41de milliers de kilomètres carrés,
53:42je crois que Gaza ville faisait 50 kilomètres carrés,
53:45je veux dire, avec 700 000 habitants.
53:47J'essaie de retrouver ce que,
53:49à un moment, vous citez Begin,
53:51qui était considéré comme un terroriste,
53:53et qui en même temps...
53:55C'était quoi, j'avais regardé ça ?
53:58Begin, entre 1942-1945,
54:03et en 1947, a participé à la lutte contre les Britanniques,
54:08et il a été recherché par les Britanniques
54:10comme un terroriste,
54:11et ils utilisaient l'arme du terrorisme,
54:12c'est-à-dire, l'arme du terrorisme,
54:14c'est-à-dire, encore une fois,
54:15je ne fais pas tellement l'expression,
54:17mais simplement de tuer des civils,
54:19dans des actions militaires ou non militaires,
54:21c'est de tuer des civils,
54:22et ils ont fait ça, il a été recherché,
54:24et il faut rappeler que Begin et son groupe,
54:29qui vont arriver au pouvoir en 1977,
54:30Ben Gurion, le traite de nazis.
54:32Je veux dire, donc, bon, voilà,
54:34si vous voulez, l'adoption de terroristes,
54:38on sait que l'OLP a été qualifiée de terroriste,
54:41et les Israéliens ont fini par négocier avec eux,
54:43le FN algérien a été qualifié de terroriste,
54:45ça a fini par négocier avec eux.
54:47Le problème, c'est, est-ce qu'il y a un problème politique ?
54:49Oui, et comment on le règle ?
54:50Alors, la solution est plus compliquée en Israël-Palestine
54:54qu'elle l'était en Algérie, mais...
54:56Et alors, ma dernière question,
54:58parce qu'on s'était dit une heure,
55:00j'ai l'impression qu'on a un tout petit peu débordé,
55:02je vais me faire engueuler,
55:03mais ça peut venir de l'international,
55:06est-ce que l'Iran, est-ce que les États-Unis,
55:10est-ce que la Russie, est-ce que la Chine,
55:12est-ce que, à un moment donné,
55:13où est-ce qu'on va laisser la situation pourrir,
55:15se détériorer encore des mois, des années ?
55:18Écoutez, c'est difficile de dire la solution, enfin...
55:21Il y a les armes, quand même.
55:22Il y a les armes, alors...
55:25Il faut bien voir que la position de l'Iran est assez ambiguë,
55:28c'est-à-dire, l'Iran ne veut pas d'une guerre,
55:30pour des raisons diverses,
55:32y compris la difficulté de politique intérieure,
55:34parce qu'ils ont rétabli les relations avec l'Arabie Saoudite, etc.
55:37Donc, ils ont l'alliance avec le Hezbollah,
55:40et ils ont décidé de faire pression sur le nord d'Israël,
55:44en attendant qu'il y ait une paix.
55:45Mais pas trop, c'est-à-dire...
55:47Enfin, c'est une escalade mesurée.
55:48Ça peut déraper, mais pour l'instant,
55:50c'est une escalade mesurée.
55:52Les seuls qui ont eu une attitude un peu différente,
55:55enfin, un peu originale, si on peut dire,
55:57c'est les Houthis du Yémen,
55:59qui ont empêché le trafic en mer Rouge.
56:01Eux, ils sont liés à l'Iran,
56:02mais ce n'est pas des agents iraniens,
56:04ce n'est pas de...
56:05Ils ont leur propre stratégie,
56:07parce qu'il y a un vrai soutien en Palestine.
56:08Vous regardez les images des manifestations,
56:11à Sanaa notamment, c'est impressionnant, je veux dire.
56:14Et effectivement, la population est avec.
56:16Et puis, pour des raisons diverses,
56:18pour eux, se réclamer,
56:20essayer de faire quelque chose sur la Palestine, c'est important.
56:23Maintenant, le reste des pays ne fait pas grand-chose,
56:26il faut le dire.
56:27Les pays arabes, d'abord, ont totalement démissionné.
56:29Je veux dire, ils restent très passifs,
56:31même s'il y a aujourd'hui des tensions entre l'Égypte et Israël.
56:35Et le problème, c'est...
56:38Enfin, pour moi, en tous les cas qui suis en France,
56:40c'est la position française et européenne.
56:42Il y a des choses à faire,
56:43et les choses à faire, c'est des sanctions contre Israël.
56:45Je veux dire, Israël commet des crimes de guerre,
56:47continue la guerre,
56:49et on pourrait prendre des sanctions extrêmement efficaces.
56:52Alors, l'idée qu'Israël ne cède pas aux pressions,
56:55c'est « bullshit », comme ils disent.
56:57C'est-à-dire, si les Américains, je le dis toujours,
56:59arrêtent les livraisons d'armes,
57:01en 24 heures, la guerre s'arrête.
57:03Arrêtent toutes les livraisons d'armes.
57:05Et si l'Union européenne suspend l'accord d'association avec Israël,
57:10ça n'arrête pas la guerre tout de suite.
57:12Mais je peux vous dire que c'est un coup majeur porté à Israël
57:15et qu'ils feront attention avant de continuer la guerre.
57:18Donc, il y a des choses à faire,
57:19et il faut que le...
57:21Mais malheureusement, alors que des pays comme la Belgique,
57:25saluons la Belgique, l'Espagne, l'Irlande, Malte, la Norvège, etc.
57:32vont reconnaître l'État palestinien, appellent à des sanctions, etc.
57:35La France reste particulièrement passive et particulièrement hypocrite.
57:39Je dois dire que, pour ceux qui ont connu la période
57:42où il y avait une politique de la France au Proche-Orient,
57:45c'est vraiment triste.
57:47Oui, je suis d'accord.
57:48On a un peu honte, non ?
57:49Voilà, absolument.
57:51Bon, c'est difficile de sortir avec une note positive
57:54d'une conversation comme ça,
57:55mais moi, j'étais ravi vraiment de vous rencontrer,
57:58c'est la première fois.
57:59Vous avez fait un livre que j'invite tout le monde à lire.
58:01Merci beaucoup Alain Grèche d'être venu.
58:03J'espère qu'on va peut-être se revoir pour documenter la suite.
58:07Je ferai bien une collaboration Écorion 21 sur certains papiers.
58:10On pourrait publier.
58:12En tout cas, abonnez-vous à Blast,
58:13on a vraiment besoin de vous pour continuer à faire des émissions comme celle-là
58:17et pour inviter des Alain Grèche.
58:18Et nous, on va essayer de tenir bon,
58:20on va continuer à faire des films.
58:22On a un film sur Netanyahou, Criminels de guerre.
58:24Oui, j'ai vu.
58:26Demain, c'est où ?
58:28Il passe ce soir, mais comme l'émission est enregistrée, on verra.
58:31Voilà, et on prépare un autre film sur Gaza
58:35et on est très mobilisés sur ces questions.
58:37Et on fait du journalisme.
58:38Bravo à vous et merci en tous les cas.
58:40Merci beaucoup.
58:41Merci.