Chaque été, des chauffeurs VTC, majoritairement parisiens ou lyonnais, descendent sur la Côte d’Azur pour travailler. Un phénomène amplifié cet été avec les restrictions de circulation liées aux Jeux olympiques. Sur place, les chauffeurs dénoncent la venue d’une « concurrence » massive.
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00:00Là-devant, on a un VTC parisien.
00:0275.
00:03On voit tellement maintenant de chauffeurs venant de toute la France
00:07qui viennent ici parce que c'est l'été.
00:09Il y en a cinq qui sont passés au camp des 06.
00:12C'est fou en fait.
00:13Ils se gardent à l'arrache, casquettes, shorts, claquettes pour beaucoup.
00:17On les appelle les Dyson.
00:18Ils prennent toutes les courses, tout et n'importe quoi, rentable, pas rentable.
00:22Ça nuit à l'image de la profession et ça nuit à l'image de la Côte d'Azur.
00:25Du jour au l'autre, ça va mal finir.
00:26Ça me nerve en fait, ça me nerve trop, trop, trop, trop.
00:29Tous les ans, pendant le festival de Cannes ou l'été,
00:31des VTC venus de toute la France descendent sur la Côte d'Azur.
00:34Ce sont majoritairement des Parisiens,
00:35surtout cette année avec les restrictions de circulation liées aux Jeux Olympiques dans Paris.
00:39Mais sur place, les chauffeurs VTC du sud voient d'un très mauvais œil
00:42ce qu'ils voient comme une concurrence qui fait baisser le prix des courses.
00:44Je suis tombée en dépression à cause de ça.
00:46À force de voir les plaques, les plaques, les plaques, ça me met dans des états…
00:49Les plaques comment ?
00:51Plaques de Paris, de Lyon et ailleurs.
00:53Vous allez voir là, vous allez voir, ça défile.
00:56Il n'y a qu'eux en fait sur la croisette, sur notre croisette.
00:59Ah voilà, bah voilà, une de chez vous, 75.
01:02Si on est sûr que cette voiture est un VTC, c'est grâce à ce petit macaron rouge là.
01:06Alors attention, il est bien sûr parfois possible que les véhicules aient été achetés à Paris
01:09par des chauffeurs de Cannes par exemple.
01:11Il y a une façon très simple de le vérifier.
01:13Il y a la plaque de 75 et le macaron de 94.
01:19Je regarde tout le temps, tout le temps.
01:21Je ne peux pas m'en empêcher en fait, je ne fais que ça, regarder les plaques.
01:24Voilà, encore un là-bas, 31.
01:26Je suis chauffeur VTC depuis deux ans.
01:28J'ai démissionné d'un travail qui était très bien, sur un bon poste, pour faire VTC.
01:33C'est un beau métier, sauf qu'on arrive à un moment où on ne touche même plus le smic
01:38parce qu'on est trop de chauffeurs.
01:39L'été, je pense que ça tripe quadruple les chauffeurs ici.
01:43J'ai eu une seule course aujourd'hui, une course de 19 euros pour 5 heures d'attente dans la voiture.
01:49Pour voir si c'est réellement aussi fréquent de tomber sur des chauffeurs parisiens,
01:52on a fait le test à Nice.
01:54Vous êtes d'ici vous ?
01:55Je suis de Corse là-bas.
01:56De Corse ?
01:56Oui, un petit village de Corse et je travaille ici depuis 2010.
02:00Là, c'est raté, mais au deuxième essai, bingo.
02:02Vous êtes de Nice, vous ?
02:04Non, de Paris.
02:05Il y a beaucoup de Parisiens qui viennent.
02:07Oui, mais je crois que cette année, il n'y en a pas mal,
02:09parce qu'avec le G, c'était impraticable en fait.
02:12Sur les groupes de chauffeurs VTC, sur les réseaux sociaux, tout le monde se passe le mot.
02:15Aller sur la Côte d'Azur, c'est vu comme le bon plan, on peut se faire de l'argent.
02:19Par exemple, voici une conversation WhatsApp créée à l'occasion du Festival de Gannes.
02:23Départ le 10 de Versailles.
02:24Arrivé à 10 kilomètres de la cité, on change nos plaques d'immatriculation.
02:27Même à perte, on charbonne pour notre pub.
02:29Pour passer inaperçu, certains dissimulent même leur département d'origine avec un autocollant 06.
02:41Lors de ce reportage, on a pu discuter avec plusieurs chauffeurs parisiens,
02:44mais en raison des tensions qui existent entre eux et les chauffeurs du Sud,
02:47ils ont presque tous refusé nos demandes d'interview.
02:49Sauf Papis, qui a accepté de témoigner à visage caché.
02:52Alors moi, j'arrive de Paris.
02:54C'est la première fois que je viens sur Nice, Gannes, pour travailler.
02:57On n'a pas eu le choix, vu ce qui s'est passé avec les JO
03:00et vu le nombre de réglementations qui nous empêchaient de travailler.
03:03On n'a pas eu le choix que de venir à Nice pour travailler.
03:05Moi, j'ai loué un AirBnB, je l'ai pris pour deux mois, c'est un T3.
03:08Donc, je suis besoigné avec un méga, et puis on est deux dans l'appartement.
03:11Il y a même qui dorment dans la voiture parce qu'ils n'ont pas les moyens de louer un logement.
03:14Vous en connaissez ?
03:15Oui, oui, j'en ai vu pas mal qui dorment sur les parkings.
03:18Et j'avoue, c'est quand même assez terrible pour eux.
03:19Même en termes de sécurité dans leur conduite,
03:21moi, je ne trouve pas ça très conseillé de faire ça.
03:23Et ils font comment pour les douches et tout ?
03:25Alors, ils font comment pour les douches ?
03:26Il y en a qui sont dans les salles de sport,
03:28qui vont faire du sport en même temps, ils se prennent la douche.
03:30Il y en a qui vont prendre un...
03:32Alors, il y en a qui vont nager dans la mer et tout.
03:33Et après, ils se mettent de l'eau douce pour ensuite s'habiller et puis partir.
03:37C'est un peu des conditions spatiales.
03:39Et comment vous avez eu l'idée d'aller à Nice et Gannes ?
03:42Écoutez, d'abord parce que du coup, tout le monde en parle.
03:45Chaque saison, tout le monde en parle.
03:46Oui, il faut descendre dans le sud, etc.
03:47Vraiment, quand on s'y met à fond
03:49et qu'on travaille en moyenne dix, voire même douze heures par jour,
03:53on peut arriver à gagner sa vie.
03:55Et je comprends très bien que les niceois, les canois
03:58puissent avoir une certaine amertume
04:00de nous voir débarquer tous durant la saison.
04:05Mais je pense qu'aussi, il y a du boulot pour tout le monde.
04:06Et il y a des gens qui mettent des autocollants 0 et 6 sur la plaque.
04:09Vous n'avez pas pensé à ça ?
04:11Ah si, moi, j'ai pensé à ça et je l'ai fait aussi
04:12parce qu'on me l'a conseillé.
04:13On m'a dit, écoute, comme tu es en 29,
04:15fais-le parce que les gens sont jaloux,
04:17ils peuvent abîmer ton véhicule, etc.
04:20Quand vous dites que les gens peuvent abîmer le véhicule, c'est qui ?
04:22Ça veut dire que les gens qui sont de Nice
04:24et qui voient les Parisiens débarquer,
04:26ça leur fait un peu chier.
04:27Donc du coup, un petit coup de clé par-ci par-là.
04:30Comme papis, à Nice, la plupart des chauffeurs stationnent autour de l'aéroport.
04:33C'est là que Sabrina mène une vraie guerre contre eux.
04:35Ça s'est intensifié cette année par rapport au JO.
04:37On avait prévenu nos autorités,
04:39on avait expliqué qu'il allait y avoir de gros problèmes.
04:41L'exclusion des VTC sur les voies olympiques
04:44a fait que même ceux qui ne venaient pas
04:46sont venus cette année sur la côte d'Azur.
04:48Donc en temps normal, on a à peu près une migration
04:51de 5 à 7 000 chauffeurs de manière saisonnière.
04:55Et là, on est plutôt sur du 10, 12 000.
04:57On a après une problématique de chiffre d'affaires
04:59puisque du coup, il y a plus d'offres que de demandes.
05:01Donc les entreprises locales n'arrivent pas à survivre,
05:04même pas à vivre, mais à survivre de la profession.
05:06Moi, je suis en baisse de chiffre d'affaires
05:09par rapport, on va dire, à 2017.
05:12J'ai une baisse de 30% de chiffre d'affaires.
05:15J'ai vu ça, oui, s'amplifier, mais d'année en année.
05:19Et puis de voir le chiffre d'affaires fondre
05:22sous le soleil de la côte d'Azur, c'est énorme.
05:27Tous les chauffeurs ici, à part quelques petites
05:29brebis galeuses, bien sûr,
05:31on est ambassadeurs de notre région.
05:33On aime notre région, on connaît notre région.
05:35On a nos petites combines, j'entends petites combines,
05:37nos petits tuyaux.
05:38Quelqu'un nous demande si on connaît un restaurant.
05:41Eh bien, on connaît un restaurant selon les goûts du client.
05:44Les gens qui viennent ici, ils n'en ont rien à faire.
05:47Ils viennent là pour faire de l'argent, pour faire du one-shot
05:50et non pas pour fidéliser de la clientèle.
05:52Comme il n'a pas le badge, il se met à l'air de dépose.
05:54Regardez, les enfants, le landau, les bébés, les poussettes.
05:58Voilà le type de prise en charge qui sont faites
06:00par les chauffeurs qui ne sont pas d'ici.
06:02Quelqu'un qui est là vraiment de manière annuelle,
06:04qui est là pour gagner de l'argent,
06:05qui est là pour faire un service qualité,
06:07il va se mettre en règle et il va faire tout ce qu'il y a à faire.
06:10Ça, c'est quelqu'un qui est là 2-3 mois et qui s'en fiche en fait.
06:13Juste devant nous, 75, juste devant la moto.
06:17C'est un professionnel, ça en face aussi.
06:19Il est en train de nettoyer son véhicule.
06:21C'est une voiture plaquée italienne.
06:22Je ne pourrais pas vous dire si c'est un Italien ou pas,
06:24mais de plus en plus maintenant de chauffeurs
06:26louent leur véhicule à l'étranger parce que ça coûte moins cher.
06:29Ici, on est le long de l'aéroport, comme vous pouvez le voir.
06:32Et en fait, du coup, tous ces chauffeurs extérieurs
06:35qui n'ont donc pas d'accès à l'aéroport
06:37viennent et se mettent en maraude électronique ici.
06:39Donc, ils stationnent là tout le long
06:42et beaucoup dorment dans leur véhicule,
06:46soit parce qu'ils ont fait la nuit,
06:48soit parce qu'ils attendent des courses.
06:50Voilà, 92, regardez.
06:52Salut !
06:54J'ai commencé à 7h00, je suis là.
06:57Parce que nous, on n'a pas de badge.
07:00Moi, je suis venu en vacances avec ma famille
07:03et du coup, je profite des tournées.
07:05Maintenant, la formation,
07:08on nous a appris qu'on a le droit de travailler partout en France.
07:12On a fait fermer le parking de cet hôtel Crown Plaza.
07:15Il y avait du coup tous les chauffeurs qui venaient stationner.
07:18Les hôteliers faisaient part d'une insécurité.
07:20C'était vraiment des groupements qui parlaient très fort,
07:24qui étaient en attente de clients.
07:26Quand les clients sortaient des hôtels,
07:27ce qu'on appelle la racole,
07:29qui disaient « you want taxi, you want taxi ».
07:30En plus, nous ne sommes pas taxi.
07:32Donc, ça crée de très très grosses problématiques.
07:35La police est intervenue à plusieurs reprises.
07:37Ce qu'il faut savoir, c'est que contrairement aux taxis,
07:39les VTC ont tout à fait le droit de se déplacer
07:41d'une ville à une autre pour travailler.
07:42Chaque été, nous enregistrons une hausse
07:44du nombre de chauffeurs indépendants
07:45se connectant à l'application Uber dans le sud de la France.
07:48Malgré l'augmentation du nombre de chauffeurs,
07:50une course sur cinq n'a pas pu être réalisée
07:53par manque de chauffeurs en juillet à Nice.
07:55Aujourd'hui, ce que je demande à notre gouvernement,
07:57ce que je demande à l'État, ce que je demande aux plateformes,
07:59c'est de venir en aide aux entreprises locales
08:00en leur permettant de vivre de leur profession,
08:03qu'elle soit prioritaire sur le secteur
08:05et que si besoin en surcroît d'activités
08:07comme dans toute autre profession,
08:09on fasse appel aux extérieurs.
08:10Aujourd'hui, ce n'est pas le cas.
08:11On fait appel aux extérieurs de manière permanente
08:14au détriment des acteurs locaux.