• il y a 2 mois
Ce documentaire fait partie d'une série retraçant les travaux de restauration de Notre-Dame de Paris suite à l'incendie dévastateur du 15-16 avril 2019.
Réalisation

Réalisé et écrit par Vincent Amouroux, co-écrit avec Marie Thiry
Produit par ARTE France en coproduction avec ZED, CNRS Images, INRAP et l'Établissement public chargé de la restauration de Notre-Dame

Contenu
Le film suit le travail des scientifiques, ingénieurs et artisans d'art engagés dans la restauration de la cathédrale, en se concentrant particulièrement sur les défis liés à la hauteur de l'édifice.
Aspects techniques

Durée : 53 minutes
Année de production : 2022
Format : Couleur
Transcription
00:30Le 15 avril 2019, le feu a ravagé la cathédrale la plus célèbre du monde.
00:42Sa toiture a disparu dans les flammes.
00:45Son immense flèche s'est effondrée, transperçant les voûtes de pierre.
00:49Le lendemain, Notre-Dame de Paris est devenue une ruine.
01:20Après sa mise en sécurité, la décision a été prise.
01:27Elle sera reconstruite à l'identique.
01:30Mais par où commencer ?
01:33Comment reconstruire aujourd'hui une cathédrale médiévale ?
01:36Où rebâtir ? Comment restaurer ?
01:40Avec quels matériaux et selon quelles techniques ?
01:42Commence alors une aventure humaine étonnante en plein cœur de Paris.
01:53Archéologues, historiens de l'art, géologues, spécialistes de la pierre, du verre, du bois et du métal.
02:03Mais aussi ingénieurs structure, spécialistes de l'acoustique et du numérique.
02:08Ils explorent pour la première fois les entrailles de la cathédrale,
02:13scannent ses voûtes, sondent ses fondations
02:17et accèdent à des espaces restés cachés pendant plus de huit siècles.
02:23Au fil de leurs recherches, ils retrouvent les gestes et les techniques des bâtisseurs de Notre-Dame.
02:30Ils livrent les clés pour permettre sa reconstruction.
02:35Dans un vertigineux mouvement entre la matière et le sacré, le réel et le virtuel,
02:41scientifiques et architectes partagent une seule obsession.
02:46Redonner vie à Notre-Dame.
03:05Notre-Dame
03:18Dix-huit mois après l'incendie, le grand vaisseau de pierre expose ses blessures au grand jour.
03:25Sa toiture a laissé place à un mycado de poutres calcinées et de métal tordus par les flammes.
03:36A l'intérieur du monument, le spectacle est saisissant.
03:41En trois endroits, le ciel perce à travers l'édifice et baigne d'une lumière blanche son immense nef.
03:48Bien loin de son glorieux passé, la cathédrale se révèle dans toute sa fragilité.
03:54Son orgue s'étue.
03:58Ses statues ont perdu la vue.
04:07Ses murs et ses vitraux, recouverts d'un épais voile de suie,
04:12semblent porter le deuil.
04:16Quant à son sol accidenté, il porte encore les traces des centaines de tonnes de matériaux qui se sont déversées depuis les voûtes.
04:25Des poutres de la charpente, ornements en fer de la toiture et blocs de pierre qui ont chuté de plus de trente mètres.
04:34Et qu'il a fallu prélever.
04:38Pièce par pièce.
04:49Ces images ont été filmées par Marc Virey, archéologue de l'INRAP, qui est entré dans la cathédrale quelques jours après l'incendie.
04:58Lorsque nous sommes arrivés sur le chantier, le conservateur régional de l'archéologie, Stéphane Deschamps, m'a dit
05:06« Je viens de faire modifier quelque chose. »
05:10Jusqu'ici, ils parlaient tous de gravats.
05:15Il ne s'agit pas de gravats, il s'agit d'éléments patrimoniaux.
05:20Ce sont les fragments de la cathédrale.
05:22Nous allons les traiter comme des vestiges archéologiques.
05:26Ça changeait tout.
05:29Dès lors, Notre-Dame devient le siège d'un gigantesque chantier archéologique et scientifique.
05:36Les chercheurs poursuivent leur travail sur le parvis où de grandes tentes blanches ont été dressées.
05:43Dans ce décor de fines catastrophes, les archéologues de l'INRAP,
05:48dans ce décor de fines catastrophes,
05:52ils triment minutieusement les vestiges provenant des blessures de la Grande Brûlée.
05:57Des clous, fragments de pierre ou de bois, recouverts d'une poussière extrêmement nocive pour l'organisme.
06:05En fondant, la toiture de plomb de la cathédrale s'est répandue sous forme de particules fines dans les moindres recoins de l'édifice.
06:15L'archéologue et conservateur en chef du patrimoine, Dorothée Chahouy-Derieux,
06:21supervise cette opération depuis le lendemain de l'incendie.
06:25Personne n'a souhaité cet incendie, cette tragédie, mais aujourd'hui il faut réussir à positiver les choses.
06:32Au moment où on a fait le tri des vestiges, il y avait un côté physique assez indéniable,
06:38parce qu'on a passé des journées entières.
06:40Il faut imaginer qu'on avait la tenue de chantier avec chaussures de chantier, casque, mais aussi le masque intégral,
06:46la batterie sur le dos, le souffle du respirateur.
06:51Physiquement déjà, ce n'était pas forcément des conditions faciles.
06:55Debout, les mains dans le charbon à trier pendant des heures.
06:59En conservant tous les éléments de charbon, tous les blocs de pierre effondrés,
07:03aujourd'hui on a accès à tout un tas de données qui jusqu'à présent étaient inaccessibles.
07:08Les milliers de blocs de pierre qui composaient les voûtes de l'édifice à plus de 30 mètres de hauteur
07:14ont été regroupés et classés selon leur provenance.
07:18Ils seront conservés et étudiés par les chercheurs,
07:21qui espèrent retrouver les secrets de construction des bâtisseurs de Notre-Dame.
07:28Comment sont-ils parvenus à édifier, au XIIe siècle, ces voûtes,
07:32qui furent, au moment de leur construction, les plus hautes de la chrétienté ?
07:38Cette question est d'autant plus urgente,
07:41que ce sont ces voûtes médiévales que les architectes doivent reconstruire en premier.
07:47Pour Pascal Prunay, un des architectes en chef en charge de la restauration et reconstruction de la cathédrale,
07:54la situation est totalement inédite.
07:57Une première depuis la Seconde Guerre mondiale.
08:01Moi, je n'ai jamais reconstruit de voûte.
08:03Ça fait 60 ans qu'on n'a pas réparé une cathédrale, il n'y a pas un compagnon,
08:08il n'y a pas un architecte qui ait l'expérience de ça.
08:11Donc il fallait qu'on comprenne pourquoi.
08:14Pourquoi cette irrégularité ? Pourquoi ces formes ? Pourquoi cette géométrie ?
08:18Pourquoi cette géométrie apparemment plus complexe que la géométrie simple vers laquelle on voudrait tendre ?
08:24Quel chemin pour l'exprimer ?
08:26Comment l'exprimer pour reconstruire quelque chose en anticipant les déformations ? Il y a plein de questions.
08:34C'est pour répondre à ces nombreuses questions que les architectes en charge de la reconstruction
08:39ont fait appel aux géologues du LRMH, mais aussi aux archéologues et experts du bâti et de la pierre.
08:46Un groupe de travail interdisciplinaire coordonné par l'historien de l'art Yves Gallet.
08:52Car le monument est victime de sa célébrité.
08:56Constamment visité, il n'a été que peu étudié.
09:00Étudier Notre-Dame avant l'incendie de 2019, entrer dans Notre-Dame, c'était très difficile.
09:07Et donc là, avec l'incendie, on a une occasion unique pour une fenêtre de temps malheureusement limitée,
09:15mais une occasion unique de regarder cette cathédrale au plus près.
09:20Notre-Dame est une cathédrale qui a traversé le temps.
09:24Et comme nous voulons étudier la cathédrale telle qu'elle a été conçue au XIIe siècle,
09:29nous allons des parties les plus récentes en remontant le temps jusqu'aux parties les plus anciennes.
09:35Les parties les plus récentes, comme les voûtes de la croisée du troncept,
09:40en fort mauvais état, elles menaçaient de s'effondrer dès le XVIIIe siècle.
09:44Elles furent complètement démontées et reconstruites avec de nouvelles pierres par l'architecte Germain Beaufrand en 1728.
09:53Démontées et remontées à nouveau lors de la restauration du XIXe siècle,
09:58elles présentent moins de difficultés pour la future reconstruction.
10:02En revanche, les voûtes qui se sont effondrées au niveau de la nef correspondent aux parties anciennes de l'édifice.
10:08Construites au XIIIe siècle, elles ont traversé plus de 800 ans,
10:12et intéressent tout particulièrement les historiens du groupe Pierre.
10:18La cathédrale Notre-Dame possédait les voûtes les plus hautes de son temps.
10:23C'est une chance tout à fait unique parce qu'on a là les éléments d'une construction,
10:31mais les éléments de l'architecture de la cathédrale Notre-Dame.
10:34Une voûte médiévale en pièces détachées, composées de claveaux.
10:38Ces blocs de pierres s'assemblent sur des cintres en bois,
10:42pour former de grands arcs droits et croisés, qui découpent la voûte en six parties.
10:47Puis les voussoirs, des pierres de plus petite taille,
10:51viennent combler les espaces vides entre les arcs,
10:54pour former l'ensemble de la voûte, dite sexpartie.
10:57Dans le groupe Pierre, on a la chance d'avoir accès à la lossature même de l'édifice.
11:03Donc on étudie la pierre, les pierres, l'origine géologique,
11:08la manière dont ces pierres ont été travaillées, mises en oeuvre.
11:13Elles permettent à l'historien Bruno Philippe de découvrir les gènes
11:18et d'étudier l'architecture de la cathédrale Notre-Dame.
11:21On peut tenter de mesurer la lame de l'outil,
11:25de compter le nombre de dents, de voir l'écart des dents,
11:29de façon à savoir si c'est un outil lourd ou plus léger.
11:33Il y a plutôt ici un geste physique, avec des outils lourds,
11:39ce qu'on appelle la draiture, c'est un mouillage,
11:43c'est-à-dire qu'il y a un mouillage de la pierre,
11:46avec des outils lourds, ce qu'on appelle la draiture,
11:50c'est une sorte de hache avec des dents,
11:53et donc utilisée plutôt en oblique, comme ceci.
11:58Mais c'est assez différent d'envisager ces petites faces qui se voient.
12:03On ne va pas travailler de la même façon
12:06avec des systèmes de frappe d'outils dont on dit qu'elles sont en pluie d'impact.
12:11On a une multitude de coups qui sont portés à la surface.
12:17On a des ouvriers qui apprennent de situations qui sont exceptionnelles,
12:23la largeur de la nef immense, la hauteur autour de 30-35 m de hauteur.
12:30On est face à des systèmes inconnus
12:35qui nécessitent des ouvriers qui ont envie d'apprendre,
12:40de dépasser, d'aller vers des réalités
12:44qui jusque-là n'ont pas été expérimentées.
12:55Car au moment de sa construction, dans les années 1160,
12:59la cathédrale parisienne innove sur tous les plans
13:02pour dépasser celles qui l'ont précédée.
13:05Notamment la cathédrale de Noayon, commencée dix ans plus tôt.
13:15Pour Arnaud Timbert, historien de l'art,
13:19une véritable révolution architecturale est en cours.
13:25Notre-Dame de Paris fait entrer l'architecture gothique
13:30dans des dimensions gigantesques, tant en plan qu'en élévation.
13:35On change déjà de monde dans la conception,
13:39sinon dans la conception de l'espace, parce que l'espace reste basilical,
13:42mais dans sa réception.
13:44Le corps n'est plus dans le même mouvement, dans la même place
13:49que dans les cathédrales antérieures.
13:54Il s'agit pour les bâtisseurs médiévaux de franchir une nouvelle étape
13:59dans l'ascension des cathédrales vers les cieux.
14:04La recherche de la hauteur, effectivement,
14:07est toujours associée à l'architecture gothique,
14:09qui est une architecture qui est emportée dans une quête permanente
14:14de la hauteur jusqu'à la cathédrale de Beauvais, avec 48 mètres sous voûte.
14:19À Notre-Dame de Paris, on attend les 33 mètres sous voûte,
14:22ce qui est colossal puisqu'on passe, grosso modo,
14:26d'édifices qui tournent autour de 22, 24, 25 mètres sous voûte
14:31et, brutalement, quasiment un saut de 10 mètres.
14:35L'ambition est donnée.
14:38Les voûtes de Notre-Dame seront une fois et demie plus hautes
14:42que celles de Noyon, qui culminait à 21 mètres.
14:47Par sa démesure, Notre-Dame de Paris marque l'entrée
14:51de l'architecture dans une nouvelle ère.
14:55Elle signe l'aboutissement de 30 ans d'expérimentations
14:59qui ont débuté à la cathédrale de Sens.
15:04...
15:14C'est ici que, pour la première fois,
15:18les maîtres d'œuvre utilisent la voûte d'Augive
15:21dans une cathédrale du Moyen Âge.
15:24Notre-Dame de Paris ne surgit pas du néant, bien évidemment.
15:28Elle est le fruit de plusieurs expériences,
15:31de plusieurs dizaines d'années d'expériences antérieures,
15:34ce que l'on peut considérer comme la première cathédrale gothique,
15:37la cathédrale Saint-Étienne de Sens,
15:40réalisée à partir de 1135-1140,
15:43et la cathédrale Notre-Dame,
15:46débutée aux alentours de 1155-160, selon les historiens.
15:50Le lien, c'est la voûte d'Augive-Sexpartite.
15:56Les voûtes d'Augive, mais surtout les bâtisseurs,
16:00qui ont appris à les hisser de plus en plus haut.
16:03On réussit à former des hommes à un nouvel art,
16:07un nouveau style, un nouveau savoir-faire.
16:12Contre toute attente, l'incendie du 15 avril
16:16a révélé la maîtrise de ces savoir-faire,
16:19dont on fait preuve les hommes de la pierre à Notre-Dame.
16:22On s'est aperçus, parce qu'il y a eu des trous
16:26qui ont été causés par l'effondrement dans la voûte,
16:28on s'est aperçus que les voûtes étaient d'une très grande minceur.
16:33Entre 12 et 15 centimètres d'épaisseur, c'est rien du tout.
16:38Un véritable voile de pierre,
16:41tendu sur 14 mètres de large.
16:44Est-ce là le secret des bâtisseurs,
16:47pour hisser les voûtes de Notre-Dame
16:50dix mètres plus haut que celles qui l'ont précédée ?
16:53Pour élucider la question,
16:55l'historien de l'art Yves Galet
16:58décide de conduire une expérience inédite.
17:02Examiner les voûtes de la cathédrale de Sens,
17:05puis les comparer à celles de Notre-Dame.
17:14A l'ombre de la charpente,
17:17les voûtes de la première cathédrale gothique,
17:20telles des coques de bateaux retournés,
17:22semblent tout aussi bombées que celles de Notre-Dame.
17:26Mais qu'en est-il de leur épaisseur ?
17:31Nous sommes venus ici à la cathédrale de Sens,
17:34pour faire une mesure directe par un géoradar.
17:38En envoyant des ondes dans les maçonneries,
17:41le géoradar va permettre aux chercheurs
17:44d'estimer leur densité et leur épaisseur.
17:47Une mesure qui n'avait jamais été effectuée jusqu'à maintenant.
17:50Là, j'ai la surface.
17:53Là, j'ai une première réflexion.
17:56Et là, j'ai une deuxième.
17:59Donc, on a 35 cm à 10 % près.
18:02Il y a deux enseignements.
18:05Premièrement, la voûte est à 30-35 cm d'épaisseur.
18:08Et deuxièmement,
18:11ce n'est pas deux couches de maçonnerie superposées
18:14pour atteindre cette épaisseur.
18:17Les voûtes sont ensuite scannées depuis la charpente
18:21et depuis l'intérieur de la nef
18:24pour confirmer les mesures du géoradar.
18:28L'enjeu de l'opération, c'est de savoir
18:31si on peut mesurer par mesure directe,
18:34si le géoradar fonctionne,
18:37et si on aboutit aux mêmes valeurs
18:40que celles qu'on va trouver par la mesure indirecte,
18:43par la superposition des nuages de pointe.
18:46On a le volume en dessous, on a le volume au-dessus,
18:49et en superposant les deux,
18:52on va pouvoir calculer de manière indirecte
18:55l'espace entre les deux,
18:58c'est-à-dire en clair l'épaisseur de la voûte,
19:01mais aussi l'épaisseur des murs,
19:04tout ce qu'il y a entre l'intérieur et l'extérieur.
19:07Donc, selon les points de mesure qu'on prend,
19:10on va obtenir une mesure autour de 30-35 cm.
19:13Et c'est exactement la mesure qu'on a relevée
19:16par le géoradar.
19:1930 à 35 cm,
19:22soit 20 cm de plus qu'à Notre-Dame.
19:25Les voûtes de Paris montent plus haut
19:28et elles sont plus minces.
19:31Les voûtes de Sens, 24 mètres, sont plus basses
19:34et elles sont plus épaisses.
19:37Et par conséquent, il y a probablement un lien
19:40de cause à effet. Il y a plusieurs paramètres
19:43qui entrent en ligne de compte. Il n'y a pas que l'épaisseur
19:46de la pierre, la qualité des mortiers,
19:49les techniques de contrebutement, c'est-à-dire les arcs boutants.
19:52Mais effectivement, c'est un défi technique
19:55et c'est certainement l'une des grandes réussites
19:58de l'architecte anonyme de Notre-Dame,
20:01d'avoir réussi à amincir les voûtes pour battre
20:04un record de hauteur, et le battre de manière significative.
20:08À Notre-Dame, les bâtisseurs d'aujourd'hui
20:11vont tenter d'approcher au plus près
20:13l'œuvre de leur prédécesseur.
20:20Débute pour cela l'édification
20:23d'un gigantesque échafaudage.
20:25Dans quelques mois, il atteindra les voûtes effondrées
20:28de la Neve.
20:31Pour les architectes en chef,
20:34il s'agit maintenant de rebâtir ces voûtes médiévales
20:37à l'identique.
20:40On est dans une logique qui n'est pas
20:43une logique d'architecte, c'est une logique
20:46d'architecte, c'est une logique d'architecte,
20:49c'est une logique d'architecte, c'est une logique
20:52d'architecte, c'est une logique d'architecte,
20:55c'est une logique de reconstruction,
20:58je ne sais pas si on peut l'appeler archéologique,
21:01mais une reconstruction fidèle, autant
21:04qu'on puisse le faire,
21:07à l'état d'avant l'incendie.
21:10À commencer par le grand arc doublot
21:13qui forme le squelette de la voûte.
21:16Il reste à peu près
21:2030-35% de l'arc, ça nous donne
21:22départ de géométrie. D'autant que sur les 79 clavos qui sont tombés au sol, on en a retrouvé 70.
21:29Les 70 clavos rescapés vont être lavés un à un et débarrassés de la poussière de plomb dont
21:36ils sont recouverts. Ces pierres qui ont connu le feu, l'eau et une chute de plus de 30 mètres vont-elles
21:43pouvoir être réemployées lors de la reconstruction de l'arc ? La grande question à laquelle les
21:51architectes ont besoin de répondre c'est à quel point les blocs sont solides, à quel point ils
21:57peuvent maintenir les charges de la cathédrale. C'est au laboratoire de recherche des monuments
22:02historiques de Champs-sur-Marne que plusieurs blocs de pierres vont être analysés par le
22:07géophysicien Thomas Dabas. Donc là sur une sélection de 30 blocs qui correspondent aux trois
22:15voûtes qui se sont effondrées, mon travail va consister à prélever des cylindres à travers le
22:21bloc. On va pouvoir étudier les effets de l'altération en surface et les effets au cœur du bloc.
22:33Donc le but entre autres ici ça va être de classer les
22:36blocs qui peuvent être réutilisés, les blocs qui ne pourront pas être réutilisés.
22:40Une analyse qui s'avère complexe car l'altération des pierres est loin d'être homogène.
22:48Il y a ces trois échantillons qui proviennent du même bloc et on peut voir clairement qu'ils ont
22:55un aspect différent, notamment le premier est complètement altéré, il a une coloration gris
23:01noire et il est très fissuré, ça ça correspond à la surface du bloc qui a été fortement chauffée
23:09et donc la question se pose notamment de savoir quelle est sa résistance par rapport à une partie
23:15non altérée du bloc. Thomas Dabas mesure la propagation d'ondes à l'intérieur de la matière.
23:24Des résultats transmis ensuite à la géologue Lise Leroux, en charge du suivi de l'état des
23:31pierres de la cathédrale. Il y avait une incertitude qui était une incertitude de
23:38est-ce que ces arcs, ces blocs, est-ce qu'ils ont les mêmes capacités mécaniques qu'initialement.
23:46Donc ça on a montré qu'en grande partie c'était possible de les réutiliser, pas tous, mais certains.
23:54Au final, sur les 70 clavos récupérés, une quinzaine pourraient être réemployées.
24:01Commence alors un gigantesque puzzle à échelle 1, dont chaque pièce unique pèse plusieurs dizaines
24:11de kilos. Un remontage au sol du grand arc, dit arc doublot, car pour espérer réutiliser les clavos
24:18d'origine, il faut d'abord retrouver leur place dans la construction monumentale. On a fait ce
24:25remontage à blanc avec l'espoir que certains clavos seraient remis en oeuvre parce que ça fait
24:30partie des objectifs maximum qui sont de conserver les matériaux dans l'édifice pour lesquels ils
24:37ont été utilisés au départ. De cette expérimentation grandeur nature découleront également des choix
24:48décisifs pour la reconstruction. Comment tailler les blocs manquants ? Les agencer ? Selon quelle
24:55technique ? Cette expérience a été voulue par les architectes en chef chargés de la restauration et
25:07on peut les comprendre parce que l'architecture c'est une expérience de l'espace. Un architecte
25:12c'est quelqu'un qui, c'est pas quelqu'un qui monte des murs, c'est quelqu'un qui avec ses murs
25:17crée un espace et pour avoir une appréhension correcte de ce que représentait cet arc, il
25:24fallait le remonter en vrai. Pour une cathédrale gothique ça n'avait jamais été tenté, il n'y avait
25:28jamais eu un tel rassemblement de compétences et de spécialités et des spécialités de tous horizons
25:35au service d'un monument en tout cas en France. L'exercice est complexe car il n'existe pas de
25:46plans de l'époque médiévale et pas de modèles à suivre pour la construction d'un arc doublot.
25:50En l'absence de documents d'origine, la réponse est à chercher dans le monument lui-même. C'est
26:01la mission qui a été confiée au groupe de travail numérique. A l'aide de drones équipés
26:07d'appareils photos, ils ont scanné l'ensemble des maçonneries de la cathédrale. Suspendus
26:13au-dessus des voûtes, ils ont utilisé des scanners rotatifs pour numériser les vestiges de
26:18sa toiture et de sa charpente. Ils ont ainsi obtenu un double virtuel extrêmement précis de la
26:27cathédrale après incendie. Directeur de recherche au CNRS à Marseille, Livio De Luca pilote le groupe
26:37numérique. Pour la première fois à Notre-Dame, le virtuel devient une méthode d'investigation
26:43archéologique à part entière. Aujourd'hui les numériques on ne peut plus les considérer tout
26:51simplement comme une étape de dématérialisation. Il y a une sorte d'hybridation complète entre la
26:59réalité physique et la réalité du numérique. C'est une sorte de mémoire numérique que l'on
27:06compose. Ce n'est pas seulement la mémoire numérique d'une dimension physique, c'est la
27:14mémoire numérique d'une aventure scientifique. Par chance, le groupe de travail numérique dispose
27:24également d'un modèle 3D de la cathédrale avant l'incendie réalisé en 2010. Ce modèle est basé
27:32sur un nuage de points précis au centimètre près. On a la possibilité de superposer les nuages
27:43des points qui avaient été réalisés avant l'incendie par un drotalon. Il est juste là et puis on vient
27:49combler le trou avec le nuage de points. Tu peux tourner un peu ? Il est parfaitement
27:57aligné en plus. Tu peux revenir sur la partie post-incendie ? Juste pour voir là à quel endroit.
28:05Voilà, c'est juste là. Nous avons recueilli, intégré et fusionné des données sur les états
28:13avant l'incendie, pendant les phases de récupération des vestiges et bien sûr après le nettoyage des
28:24surfaces. Et cette représentation quadrimensionnelle de la cathédrale nous permet de regarder l'ensemble
28:35des objets dans un repère géométrique unique et en se baladant dans les temps.
28:45Les ingénieurs du groupe numérique ont ainsi retrouvé le plan de la partie de l'arc qui
28:49s'est effondrée. Ce plan a été imprimé à échelle 1 sur une immense bâche pour faciliter le travail
28:57des archéologues et géologues du groupe Pierre, qui peuvent tenter désormais de positionner les
29:0270 claveaux en fonction de leur dimension. Pour l'archéologue Cédric Moulisse, il met en
29:10lumière la singularité de l'agencement de ces pierres. Ce plan nous est d'une grande aide. On a
29:17un arc qui n'est pas standardisé, c'est-à-dire que les claveaux ont tous des tailles un peu
29:22diverses. Les plus petits font dix centimètres en hauteur d'épaisseur et les plus larges montent jusqu'à
29:2828. Ces tailles-là ne sont pas progressives, les plus grandes ne sont pas nécessairement en bas,
29:32les plus petits au sommet. Et donc toute l'idée c'est de comprendre toute la séquence de cette
29:39organisation. C'est un claveau qui fait 19 sur un emplacement 18,5 et c'est un claveau qui fait 18 sur un emplacement 19.
29:45Les archéologues vont de surprise en surprise. Sur 66 claveaux rescapés, ils constatent que 49 claveaux sont
29:52épais de 14 à 18 centimètres. 13 claveaux ont une épaisseur comprise entre 18,5 et 28 centimètres.
30:00Enfin, seuls quatre claveaux mesurent entre 10,5 et 13,5 centimètres. Comment expliquer cette diversité ?
30:10Pour le savoir, il faut s'enfoncer à plusieurs mètres sous terre dans une ancienne carrière qui a
30:18servi à la construction des monuments de Paris. C'est dans ce monde souterrain que l'archéologue
30:25Marc Virey, spécialiste des carrières, a repéré les traces du passage des hommes de la pierre.
30:31Alors le calcaire grossier, donc déposé au fond d'une mer chaude et peu profonde, forme des bancs,
30:44des bancs de pierre. Pourquoi ? Parce que de temps en temps, la mer ne se dépose mal et forme ces
30:51joints horizontaux que les géologues appellent des joints stratigraphiques. Et c'est entre ces joints
30:57stratigraphiques, la pierre est massive, d'un seul tenant, c'est un banc de pierre. Et c'est ça qui
31:04détermine la hauteur des blocs de pierre de taille que les carrières sortent du front de taille.
31:10Donc là, on ne peut pas faire plus haut, mais par contre ici, où on a beaucoup plus de hauteur,
31:17les carrières ont pu sortir un bloc infiniment plus gros. Bien que les carrières utilisent les
31:26joints stratigraphiques comme limite naturelle des blocs, leur travail s'avère extrêmement physique.
31:31On met des coins en fer et on cogne dessus à la masse, de manière à arracher le bloc du front de
31:41taille. Ça c'est ce qu'on appelle l'extraction. Il y avait, dès le stade de la carrière, la mise en forme
31:50du bloc. Il fallait mettre, il fallait donner à ce bloc une forme carrée. C'est ce qu'on appelle
31:56la première taille. Ça, c'était fait à l'intérieur de la carrière. Dès que la première taille était
32:02faite, on pouvait placer le bloc sur un chariot, le sortir de la carrière pour l'emmener sur le
32:09chantier. Là, c'est le tailleur de pierre qui procède à la deuxième taille, afin d'être mis en
32:15oeuvre dans la cathédrale. Une organisation du travail étonnamment efficace, que les scientifiques
32:23découvrent au fur et à mesure de leur progression dans la reconstitution de l'arc doublot.
32:27Donc tu auras un bloc de carrière qui arrive, dans lequel tu peux tailler deux clavos.
32:34Tu vois que le bloc est complètement homogène, il taille deux clavos dans la longueur,
32:40mais dans la même épaisseur, tu veux dire ? Oui, c'est ça. Ils ont des blocs comme ça,
32:47ils les recoupent en deux, ils font deux clavos dedans. Là, on est en train de redécouvrir des
32:52choses. On ne fait plus rien. On a l'impression d'être au degré zéro de la compréhension des
32:57vôtres, presque. Le puzzle progresse lentement. Présent sur certains blocs, un détail attire
33:05l'attention des chercheurs du groupe Pierre et relance l'enquête. On a encore des informations
33:10complémentaires qui viennent par exemple de ces cavités qui ont été ménagées à la jonction
33:17entre la nervure, l'arc et la voûte. Ces cavités, ces encoches qui sont parfois à cheval sur deux
33:25blocs, servaient à encastrer des poutres de bois qui permettaient, le temps de la construction de
33:31la voûte, de stabiliser la voûte en attendant que le mortier sèche et qu'on puisse retirer
33:37cette construction provisoire, ce système provisoire. Dans quel ordre sont ordonnées les
33:45encoches et peuvent-elles aider à reconstruire l'arc doublot ? Pour aller plus loin, l'historien
33:53de l'art Yves Galet doit accéder au sommet de la cathédrale. Notre-Dame a enfin achevé sa
34:00mue. En quelques mois, la cathédrale de Pierre est devenue une cathédrale de fer.
34:131200 tonnes de métal ont été nécessaires pour édifier le squelette qui permettra de
34:18restaurer l'édifice. Une construction à la mesure du chantier, titanesque.
34:31Une lente ascension, le long de cette immense cage de fer, va permettre aux scientifiques de
34:36découvrir ce que nul n'a vu de près depuis plus de 150 ans, les voûtes de Notre-Dame.
34:45Quand on monte comme ça avec l'ascenseur et puis qu'on découvre l'état dans lequel
34:51se trouve aujourd'hui la cathédrale, ça fait un choc. On a beau être préparé, ça fait un choc.
35:00Le fait de voir aussi l'état d'endommagement des pierres, c'est difficilement imaginable d'en bas.
35:24Avec une pierre qui a déjà travaillé, l'eau qui s'est infiltrée dans les maçonneries, les sels
35:32qui ont commencé à migrer, l'épiderme de la pierre qui commence à cloquer, qui commence à se déformer,
35:38on voit tout ça.
35:40C'est l'opportunité que Yves Gallet et son équipe attendaient, pour poursuivre l'enquête sur les
35:55encoches qu'ils ont repérées sur les blocs effondrés. Sont-elles visibles sur les arcs encore en place ?
36:01Est-ce qu'on pourrait regarder peut-être par ici ?
36:11Celle-là est magnifique, on la voit parfaitement, à cheval sur deux claveaux.
36:15Statistiquement, elles sont toutes concentrées dans la partie haute de la voûte.
36:31La logique de répartition des fameuses encoches s'éclaire enfin.
36:37Ces encoches deviennent nécessaires dans le processus de construction de la voûte,
36:41à partir du moment où la voûte est de plus en plus en surplomb. Plus on va vers la partie sommitale,
36:48plus le débord est prononcé, et plus là les risques d'effondrement sont importants s'il n'y a aucune structure en bois.
36:54Elles sont espacées toutes les quatre, cinq, six blocs, selon l'épaisseur des blocs,
37:01donc une répartition à peu près régulière. Une structure en bois qui maintenait les voûtes
37:07pendant leur construction, et qui aide aujourd'hui les scientifiques à retrouver la logique de l'assemblage de l'arc.
37:14Et l'encoche est vraiment pas mal. En fait l'idée c'était qu'on a un nombre de pierres qui possèdent
37:23des encoches qui est bien particulier, qui est bien finie, donc on a divisé ce nombre par deux
37:29pour avoir un nombre d'encoches égale sur la partie droite de l'arc comme sur la partie gauche,
37:34et en fait on s'est aperçu que l'espacement de ces encoches pour placer les cerfs sans bois
37:40est vraisemblablement de trois pieds et demi. Ce qui équivaut à un espacement d'un mètre dix.
37:51La reconstitution de l'arc progresse, mais bientôt c'est un autre paramètre qui entre en ligne de compte.
37:57Que signifient ces croix gravées, présentes sur tous les blocs ?
38:08Restées cachées sous le mortier pendant 800 ans, quel est leur rôle dans l'agencement de ces pierres ?
38:17Une réponse peut être trouvée dans les combles de la cathédrale de Noyon.
38:21C'est ici que sont conservés les vestiges de l'édifice médiéval,
38:26en partie détruits lors de la première guerre mondiale.
38:35Sur certains de ces blocs effondrés, l'historien Arnaud Timbert a repéré des croix similaires.
38:41Donc au XIIIe siècle, il y a un système de production à la fois destiné à faire des
38:54pièces standards et préfabriquées dans la carrière, par des hommes qui sculptent les
38:59pierres à la carrière et qui doivent fournir des informations par signe à ceux qui sur le
39:06chantier vont les associer, les maçonner, les mettre en oeuvre. Et ces deux hommes
39:09souvent ne se connaissent pas, il n'y a pas de communication autre. En conséquence,
39:14ils font ce type de marque, on appelle des marques de pose. Donc cette croix, par exemple,
39:19sur cette pierre, était destinée à être mise en vis-à-vis d'une autre pierre avec la même croix.
39:24Ainsi, ces croix permettaient d'éviter les erreurs en indiquant aux maçons ou bien la
39:31phase de pose, c'est-à-dire la phase cachée du bloc, ou bien la phase d'attente, c'est-à-dire
39:36la phase visible, jusqu'à l'arrivée du prochain bloc. Les croix, les encoches, mais aussi les
39:47dimensions des blocs. Les paramètres à prendre en compte se multiplient et augmentent les
39:53combinaisons d'agencements de façon exponentielle. Le remontage se révèle un véritable casse-tête.
40:00Et si on les décale toutes d'un rang ? Le 17,5 sur le 17 et le 18,5 sur le 19 ?
40:07Au fur et à mesure qu'on essaye de poser une pierre à tel ou tel endroit, il y a d'autres
40:12questions, d'autres problématiques qui viennent se poser. Et puis soudain, on se rend compte qu'une
40:17pierre, elle va vraiment ici, mais du coup, ça va décaler les autres. Face à la difficulté de
40:24l'entreprise, le groupe de travail numérique est à nouveau mobilisé. Il s'agit cette fois de
40:33numériser chacune des pièces de l'immense puzzle, et de tenter de le résoudre virtuellement.
40:38L'ingénieur Elouah Gatet a conçu pour cela un appareil sur mesure.
40:45Placé sous une arche de lumière dotée de quatre appareils, les clavos sont pris en photo sous
40:54tous les angles. Repositionnés dans l'espace par un logiciel de photogrammétrie, ces clichés vont
41:02générer un double virtuel de l'objet. Chaque bloc de pierre est ainsi immortalisé, sous la
41:09forme d'un modèle 3D extrêmement précis. À Marseille, Livio De Luca et son collaborateur
41:18Antoine Gros veulent reconstituer l'état de la cathédrale au lendemain de l'incendie.
41:27Pour cela, ils ont récupéré des milliers de photos, réalisées par les scientifiques
41:32dans les jours qui ont suivi la catastrophe. En repositionnant ces photographies dans l'espace,
41:42ils ont réussi à créer un modèle 3D des vestiges, à l'intérieur duquel il est désormais possible de
41:49retrouver les clavos numérisés. Donc ici, sur cette photo, tu vois bien, tu as le X001, et on
41:57peut aller le rechercher. Donc on voit bien que les torts et les moulures sont bien présents.
42:07Mais l'expérience ne s'arrête pas là. À partir de leur emplacement au sol, les deux scientifiques
42:13peuvent simuler la trajectoire des clavos tombés à la verticale de leur point de chute, et ainsi
42:18déduire leur emplacement d'origine au sein de l'arc. Mais tous les blocs ne sont pas si facilement
42:24repositionnables. C'est le cas notamment de ceux qui ont été déviés en tombant.
42:31Comment retrouver l'emplacement de la totalité des 70 clavos ?
42:35Toutes ces acquisitions et toutes ces observations, une fois mises en données, une fois formalisées,
42:42on arrive à les parcourir de manière à sortir du sens. Dans le remontage de l'arc doublot,
42:49c'est de pouvoir proposer, aux côtés des méthodes traditionnelles, une méthode mathématique.
42:55L'équipe coordonnée par Livio de Luca décide donc de créer un algorithme qui intègre la
43:02modélisation de la trajectoire des clavos aux découvertes des archéologues.
43:06On a le critère du repérage où on est capable de retrouver la position de chute d'un clavo.
43:13Il y a la deuxième chose, les archéos ont trouvé des encoches et ont trouvé des
43:19croix qui permettent d'associer des clavos et de les assembler.
43:23Il existe des milliards d'agencements possibles que l'esprit humain ne peut pas appréhender.
43:30Grâce à sa puissance de calcul, l'ordinateur va les passer en revue et aboutir à un résultat
43:40qui répond à tous les critères entrés dans l'algorithme.
43:42Donc là, on a une partie de la solution qui s'affiche où on a les différents clavos qui
43:51sont remis à l'intérieur des enveloppes. On peut prendre par exemple N222 comme clavo
43:59et qui va, par l'algorithme, remonter à une position qui est la position R3, R4,
44:08juste ici. Et on peut le voir là, à côté d'autres clavos et au sein de notre solution.
44:18Avec l'aide des ordinateurs, les chercheurs obtiennent une solution fiable à 80%.
44:25Mais il reste une marge d'erreur irréductible.
44:29Impossible donc de retrouver avec certitude la place des 70 clavos.
44:32Le puzzle médiéval résiste aux technologies du présent.
44:40Mais pour les scientifiques, l'expérience s'est révélée extrêmement riche en enseignement.
44:45Sur la façon dont, pour la première fois dans l'histoire de l'architecture gothique,
44:49les bâtisseurs de cathédrales ont érigé un arc à plus de 30 mètres de haut.
44:54Le fait de faire ce remontage à blanc d'un point de vue physique a vraiment permis de
45:00comprendre des choses qu'on n'aurait pas compris autrement.
45:03On se rend compte du poids des blocs, on se rend compte des dispositifs de levage qui
45:10ont dû être nécessaires pour hisser ces blocs à 30 mètres de hauteur, les difficultés
45:15aussi de manipuler un bloc relativement lourd pour l'acheminer sur le cintre en bois où
45:20il va prendre sa place.
45:22Ce que j'ai vu, c'est la compréhension du fonctionnement d'un chantier, du chantier
45:29en fait, pour cette période.
45:31Et là, Pascal Prunay, il en avait besoin pour comprendre comment fonctionnait l'arc,
45:38mais ça a permis aussi de comprendre comment il avait été construit, ça va permettre
45:42de le reconstruire.
45:43Cet exemple d'archéologie expérimentale s'avère être un succès, grâce à la collaboration
45:53aussi exceptionnelle qu'inédite entre une large équipe scientifique interdisciplinaire
45:58et des architectes.
45:59Mais il reste une décision à prendre, si les chercheurs n'ont pu déterminer l'emplacement
46:08exact de chaque claveau d'origine, est-il raisonnable d'imaginer les replacer dans
46:13le futur arc ?
46:14En fait, la solution pour la reconstruction, elle s'est petit à petit imposée parce
46:20qu'au début, on sentait qu'il y avait une sorte d'obligation morale de remettre
46:24en place les claveaux, etc.
46:25Il y a aussi la volonté de montrer que ce qui était resté était de nouveau à sa
46:33place.
46:34On ne sait pas si c'est à sa place, donc par le moment, on ne sait pas si c'est à
46:37sa place.
46:38D'une certaine manière, vouloir les réinstaller à une place arbitraire, ce n'est pas forcément
46:44une très bonne chose.
46:45Grâce à la précision du scan de la cathédrale avant l'incendie, l'arc sera reconstruit
46:52à l'identique.
46:53Mais les futurs claveaux seront tous remplacés et taillés sur le même modèle que ceux
46:58du Moyen-Âge.
46:59Reste à trouver la pierre.
47:03Dans quelle carrière prélever les blocs pour la reconstruction ?
47:07Ou trouver un calcaire qui présente des caractéristiques à la fois esthétiques et physiques, compatibles
47:15avec les autres pierres de la cathédrale ?
47:17La solution est à chercher à la croisée du transept.
47:22Car l'architecte qui a dû reconstruire les voûtes au XVIIIe siècle s'est heurté
47:27au même problème.
47:28Les carrières parisiennes qui avaient alimenté le chantier médiéval étaient épuisées.
47:33Où est-il allé chercher les pierres ?
47:37Missionnée par les architectes, la géologue Lise Leroux réalise un prélèvement sur l'un
47:43des blocs du XVIIIe siècle, pour l'analyser au laboratoire de recherche des monuments
47:47historiques.
47:49Les observations que peut faire le géologue sur un échantillon de pierre prélevé sur
47:55un édifice, c'est déterminer quels sont les principaux minéraux visibles et reconnaissables
48:03et puis s'il y a des fossiles ou pas de fossiles.
48:07Il se trouve qu'on a dans cette pierre toute une série de microfossiles qui sont différents.
48:14Des milliards de débris de minuscules fossiles, squelettes et coquilles de micro-organismes
48:20qui se sont accumulés au cours des siècles pour former le calcaire.
48:23Alors sur cette image on voit en particulier un tout petit débris d'un fossile qui est
48:31présent ici.
48:32C'est un débris du fossile Orbitolites Complanatus.
48:36On a aussi des minéraux qui sont présents qui vont nous donner des indications.
48:43On sait dans quel type d'environnement ça s'est formé.
48:47Cette pierre potentiellement elle vient d'une zone géographique qui est localisée dans
48:51le Vexin.
48:52Pour affiner l'identification de la pierre, Lise Leroux a à sa disposition un outil inestimable,
49:00la lithotech, une bibliothèque unique au monde où des générations de chercheurs
49:06ont accumulé plus de 6000 échantillons de pierre prélevés sur les monuments et les
49:10carrières de tout le pays.
49:11Une véritable carte géologique des monuments de France.
49:17On a dans ces échantillons de pierre qui proviennent de la sculpture du pont de Vienna
49:24exactement le même cortège de fossiles et de minéraux que dans la pierre des arcs diagonaux.
49:32Et il se trouve que pour le pont de Vienna, on a une source écrite qui nous donne la
49:39carrière de provenance.
49:41Qui est localisée à Sagi, donc actuellement dans le Val d'Oise, donc ça confirme bien
49:48en fait qu'on a, pour les arcs diagonaux, qu'on a une zone carrière de provenance qui
49:54est localisée dans le Vexin.
49:55Grâce à l'enquête de la géologue, le chantier va pouvoir être approvisionné.
50:04Dans les carrières de l'Oise, le coup d'envoi est donné.
50:11La découpe des bancs de calcaire où seront taillés les claveaux a commencé.
50:14Véritable pont entre passé et futur, l'arc majestueux s'élèvera à nouveau dans la
50:23nef de Notre-Dame.
50:27Plus le chantier progresse, plus les bâtisseurs d'aujourd'hui découvrent les prouesses
50:33d'équilibre dont on fait preuve leurs prédécesseurs du Moyen-Âge.
50:36C'est une des toutes premières cathédrales, on a l'impression qu'on a tiré sur la matière
50:43pour l'élever jusqu'aux limites presque de ses capacités et en même temps elle ne
50:48s'est pas déformée après.
50:49Les arboutons sont là, les gouttes étaient là, la charpente était au-dessus, huit
50:53siècles, ça n'a pas bougé.
50:54Quel est le secret de la résistance exceptionnelle de Notre-Dame ? Comment les bâtisseurs ont-ils
51:02conçu sa structure ? Et comment a-t-elle traversé les siècles sans encombre ?
51:06Ces questions sont essentielles pour les architectes.
51:11Impossible en effet de reconstruire l'édifice sans être d'abord assuré de sa parfaite
51:16stabilité.
51:17L'équilibre de la cathédrale a été totalement bouleversé par la disparition de sa toiture
51:23et de sa charpente.
51:24Quant à ses voûtes fracturées, extrêmement fragilisées par le feu et l'eau, elles ont
51:30porté pendant des mois 500 tonnes de fragments de plomb et de bois.
51:34Des dizaines de scientifiques, experts du bois, du métal et de la pierre, sont mobilisés
51:42pour comprendre comment s'enchevêtre ces matériaux.
51:44Ils sondent ces voûtes de pierre, plongent au cœur des maçonneries en quête de son
51:50squelette de métal et modélisent sa charpente disparue.
51:53Peu à peu, ils révèlent les lois physiques qui régissent la structure de cet immense
51:59château de cartes.

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