Érik Rémès Serial Fucker- le journal dun barebacker chez Thierry Ardisson

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Érik Rémès est un auteur français connu pour ses écrits controversés sur la sexualité gay. Il a été invité sur le plateau de Thierry Ardisson pour discuter de son ouvrage, qui traite de pratiques sexuelles à risque. Ce type de contenu soulève des débats importants sur la santé publique et l'éthique, mais nécessite une discussion nuancée et responsable.
Transcript
00:00Éric Rémes, bonsoir. Alors là, attention. Vous avez 38 ans, vous êtes titulaire d'une maîtrise de psychologie clinique et de philosophie et vous êtes également journaliste.
00:16Vous avez travaillé pour Gaie-Pieds, Libération, Nova et vous avez déjà publié deux livres, Je bande donc je suis, consacré au SM gay pendant les années SIDA, et Le maître des amours qui raconte votre expérience de masseur prostituée bisexuelle.
00:33Attention aux yeux. Maman va te coucher, je te jure. Maman. C'est mieux.
00:37Alors là, et vous publiez aujourd'hui aux éditions blanches Serial Fucker, journal d'Humbert Baker.
00:46Alors, Éric Rémes, qu'est-ce qu'un Berbaker ?
00:58Alors, un Berbaker, c'est une personne séropositive qui désire avoir des rapports sexuels non protégés avec d'autres Berbakers, avec d'autres personnes séropositives.
01:06Il y a aussi une forme plus radicale qui est le Berbaker qui veut contaminer des personnes séro-négatives.
01:12Moi, j'ai voulu un petit peu traiter tout ce problème-là.
01:15Traiter du problème des Berbakers. Alors, c'est vrai qu'à l'origine, ça veut dire chevaucher accru, en anglais.
01:21C'est un terme américain.
01:22Un américain, voilà, ce qui veut dire baiser sans capote, en gros.
01:24Et alors, dans la communauté gay, chez les Berbakers, en tous les cas, il y a un véritable culte des relations non protégées.
01:32Tout à fait. Il y a les Bug Chaser, c'est-à-dire ceux qui désirent être infectés par le virus, et il y a les Gift Givers, donc c'est les donneurs de cadeaux.
01:38Et il y a vraiment de plus en plus de personnes qui ont des pratiques à risque.
01:43Les statistiques sont exponentielles chaque année.
01:45Oui, en fait. Donc, il y a ça, il y a un culte du sperme aussi.
01:48Un culte du sperme, oui, tout à fait.
01:49Voilà.
01:50Des liquides, des muqueuses, des glaires.
01:52Voilà. Et puis aussi, les rapports impersonnels multiples dans les backrooms.
01:56Dans les backrooms.
01:57Voilà. Donc, ça, c'est vraiment la définition complète du Berbaker.
02:01Vous suivez, Astrid ?
02:02Je suis là, oui. C'est un peu effrayant, je trouve, tout ça, mais...
02:05Alors, est-ce que tous les Berbakers sont séropositifs comme vous ?
02:08Alors, les Berbakers deviennent forcément un jour ou l'autre séropositifs, c'est ça le problème, parce que c'est quand même une maladie qui est grave et qui peut être mortelle.
02:15Oui.
02:16Voilà. Donc, il faut... C'est un peu le jeu de la roulette russe aussi.
02:19Oui. Alors, vous, vous êtes devenu séropositif à l'âge de 24 ans.
02:24Vous dites dans votre bouquin, prendre un premier X, aller à la gym, se faire un tattoo, devenir séropo.
02:30C'est le parcours classique du jeune PD parisien normal.
02:33Voilà, c'est... Moi, mon livre, c'est un livre quand même radical, donc il y a beaucoup de phrases à l'emporte-pièce.
02:37Beaucoup de phrases un peu humoristiques, comme le sida, parce que je le vaux bien.
02:41Ne vous murmuriez du sida que d'ennui.
02:43Donc, c'est un humour très noir, très cynique.
02:45C'est un roman assez violent, qui est assez dur à lire et qui n'est pas évident et qui est un documentaire assez exceptionnel, ne serait-ce que pour les hétérosexuels, de savoir comment les gays vivent aujourd'hui.
02:55Tu me diras, votre bouquin, c'est la meilleure publicité pour la capote, parce que quand on a lu votre bouquin, on n'a qu'une envie...
03:00De se protéger.
03:02C'est un livre de prévention radical.
03:04C'est de la pub à contrario.
03:05Tout à fait.
03:06Alors, quand vous avez eu les résultats de votre test, quand vous avez appris que vous étiez positif, vous avez fait une tentative de suicide.
03:13Vous êtes resté deux jours dans le coma.
03:15Oui.
03:16Et quand vous êtes sorti de l'hosto, vous avez planté un couteau de cuisine dans le dos de votre mari.
03:21Le couteau s'est cassé, vous êtes battu.
03:23Ensuite, les flics sont arrivés et vous terminez.
03:26Et voilà, c'est fini.
03:28Le coup de couteau, en plus, c'était un couteau solide.
03:31Par chance, il s'est cassé.
03:33Sinon, il serait mort, le mec.
03:34Sinon, il serait mort et je serais en prison.
03:36Oui.
03:37Ça ne fait pas rire.
03:38Non, ça ne me fait pas rire.
03:39C'est grave.
03:40Non, mais c'est super grave.
03:41Moi, je pense que si ça fait 14 ans que je suis séropositif et que je suis encore en vie, c'est aussi que j'ai su positiver les choses.
03:50Et ne pas tout prendre au dramatique et pouvoir en rire.
03:53Et dans Serial Fucker, j'essaye de rire de tout.
03:56Et je pense qu'il faut rire de tout.
03:58Comme on peut rire des PD, comme on peut rire des juifs aussi.
04:01Oui.
04:02Par exemple, quand vous dites...
04:03Alors, vous pouvez dire que c'est le personnage du roman et que ce n'est pas vous.
04:06Mais quand vous infectez sciemment un garçon qui s'appelle Pierre, sous prétexte qu'il est con et prétentieux,
04:12et que vous rajoutez que c'est un service à lui rendre pour donner un sens à sa vie,
04:15c'est quand même...
04:16Excusez-moi, c'est un crime de détraqué.
04:18Il n'y a pas d'autre mot.
04:19Je ne veux pas jouer les moralistes, mais c'est un crime.
04:21C'est un roman.
04:22Oui.
04:23Il y a marqué roman.
04:24Oui, il y a marqué roman, oui.
04:25Oui, tout à fait.
04:26Donc, je ne dis pas que j'ai pratiqué ces choses-là.
04:28De toute façon, il y a beaucoup de gens, éventuellement que j'aurais contaminé,
04:30qui auraient été contaminés ailleurs, de toute façon.
04:32Oui.
04:33Donc...
04:34Enfin, ça vous est arrivé de faire l'amour avec des gens négatifs en sachant que vous pouviez les rendre positifs ?
04:40Alors, il y a deux solutions.
04:41Par exemple, si on veut rentrer ensemble ce soir, soit je vous ai dit que je suis séropositif.
04:46Si vous ne voulez pas qu'on mette des capotes, je ne vais pas en mettre.
04:49La deuxième solution, c'est qu'on n'a pas parlé de mon état sérologique.
04:51Si non plus vous ne voulez pas utiliser de capotes, moi, je ne suis pas responsable du désir que vous avez pour moi ou pour d'autres personnes.
04:57Donc, vous ne me direz pas que vous êtes séropositif ?
05:00Si la personne ne me le demande pas, non.
05:01Oui.
05:02Parce que c'est à la personne de prendre ses responsabilités aussi.
05:04On se protège pour soi.
05:06Je sais que ça fait bondir tout le monde.
05:08Moi, je ne suis pas un monstre, mais c'est à chacun de se protéger pour lui-même.
05:12Il y a aussi des gens qui désirent contaminer les autres, que ce soit des hétéros ou des homos.
05:17Le personnage secondaire dans Serial Fucker, c'est une femme hétérosexuelle, Nina,
05:20qui s'amuse à contaminer d'autres personnes hétérosexuelles parce qu'elle a été violée dans son enfance par son père.
05:25Donc, il faut se méfier.
05:27C'est un message aussi de prévention radicale que je fais.
05:30Oui.
05:31Il y a une scène terrible avec un mec marié qui vient faire l'amour sans capote et qui se fait infecter.
05:38En plus, le personnage, vous, je n'en sais plus rien, mais vous dites, je ne savais pas encore pour ma rechute de syphilis.
05:45Le mec risque de se choper le sida et la syphilis le même soir.
05:48J'entends que ça fait bondir la salle.
05:51Vous savez qu'il y a de plus en plus de barbacueurs qui ne pratiquent plus le sexe sans capote
05:57parce qu'ils se tapent des blénoragies, des syphilis et d'autres maladies.
06:02Donc, ils préfèrent éviter d'avoir des rapports à risque.
06:06Il y en a un aussi qui perce ses capotes. C'est terrible, ça.
06:09Ça, c'est une rumeur urbaine qui circule depuis une quinzaine d'années.
06:15Et effectivement, ça peut exister.
06:17C'est des trucs qu'on voit sur Internet.
06:19Les capotes, il vaut mieux les surveiller.
06:23Il vaut mieux apporter les sièges.
06:24Mais c'est aussi valable pour les hétérosexuels.
06:26Maintenant, le premier groupe à risque, ce n'est pas les pédés, qu'on soit clair.
06:29Le premier groupe à risque, il y a 40% des gens qui sont hétérosexuels.
06:32Donc, ça concerne tes gamins, ça concerne vos frères, ça concerne vos parents.
06:36Ce n'est pas un truc pour les pédés et les toxicaux, le sida.
06:39Vous racontez des trucs incroyables dans ce bouquin.
06:42Par exemple, les couples, quand il y en a un des deux qui n'est pas séropositif,
06:45ils partagent le virus.
06:47Par amour.
06:48Par amour, ils partagent le virus.
06:49Pour être complètement avec l'autre.
06:51Parce que c'est vrai que pour être dans une relation intime,
06:54une relation intime à long terme avec préservatif, c'est difficile à tenir.
06:58Et c'est vrai qu'il y a plein de séronégatifs qui, par amour de leur partenaire,
07:01préfèrent devenir séropos, effectivement.
07:03Est-ce que vous connaissez des gens qui sciemment infectent
07:07des gens qui sont séronégatifs ?
07:09Par vengeance, par haine de la société,
07:11ou simplement parce qu'ils sont positifs et ça les fait flipper ?
07:15Serial Fucker, moi je l'ai écrit pour ça.
07:17Pour montrer qu'il y a des choses aussi radicales qui existent.
07:19Parce que le sida...
07:20Je suis très jeune, 17-18 ans.
07:22J'ai entendu une histoire d'une gamine de 18 ans.
07:27C'est une amie de ma petite filleulle, qui doit avoir 17 ans.
07:30Et effectivement, il y a un de ses potes qui a fait l'amour avec une jeune fille,
07:34qui a dit qu'elle était vierge.
07:36Et en fait, elle a été contaminée et elle lui a dit sciemment que c'était pour se venger.
07:39L'histoire du premier rapport est vachement importante.
07:41Parce que quand on a 16, 17, 15 ans et qu'on a un premier rapport sexuel,
07:44on n'est pas du tout habitué.
07:46Et là, il faut vraiment faire attention.
07:48Ça existe, oui.
07:49Tu savais que ça existait, Francis ?
07:51Oui.
07:52Toi, tu le connaissais ?
07:54Je me dis que tout existe.
07:56Moi, j'ai écrit ce bouquin parce qu'au départ,
07:59j'ai été attaqué, suite à mon premier roman « Je bande donc je suis »
08:02par Act Up Paris, qui ont fait des affiches pendant la Gay Pride,
08:05où ils mettaient que les bouquins de Guillaume Dustan et Éric Rémès
08:08étaient incités au barback.
08:10Ensuite, on nous a traités de criminels.
08:12On nous a traités d'irresponsables.
08:14On nous a traités d'assassins.
08:16Ensuite, il y a même un président d'Act Up qui nous a traités de grenades sexuelles.
08:19Ce qu'avait fait Jean-Marie Le Pen en nous traitant de bons bactériologiques.
08:23Le problème, c'est que c'est les PD eux-mêmes qui deviennent racistes.
08:27Act Up Paris, en l'occurrence.
08:28Moi, j'ai voulu faire un bouquin là-dessus.
08:30Et le sida, excusez-moi, mais c'est quand même un prétexte littéraire formidable.
08:34Le barback, ça touche à la vie, à la mort, au désir, à la sexualité, à l'amour.
08:38Et c'est quand même un prétexte littéraire formidable.
08:40Mais en même temps, le sida, ce n'est pas une obsession littéraire.
08:42Mon deuxième roman, « Le masseur prostitué », il était séronégatif.
08:46Il n'y a pas que le sida dans la vie non plus.
08:48OK.
08:49On peut pratiquer le « light my fire » aussi.
08:52C'est qu'on fait l'amour en fumant à côté d'une bassine de kérosène.
08:55Oui, ça revient à ça.
08:57C'est la bombe.
08:59Mais il y a un truc encore pire, c'est le « buckake ».
09:02Le « bonne cake ».
09:03Non, mais ça, c'est en fait un terme porno.
09:05Tu dois connaître ça.
09:06Non, c'est un gangbang buccal.
09:08Oui, voilà.
09:09Je suis considéré comme un grand spécialiste.
09:18Je suis considéré comme une autorité en la matière.
09:21On pourrait être trop riche.
09:24Je sais ce qu'est un gangbang.
09:27Et là, c'est un gangbang buccal.
09:29Éjaculation faciale.
09:30Oui.
09:31Je ne comprends pas le gangbang buccal, excusez-moi,
09:33mais par Mick Jagger ou machin.
09:36Non, il n'y a pas plusieurs en même temps.
09:38C'est l'un après l'autre.
09:39Bon, bon, bon.
09:40Il faut tout lui dire.
09:41Je voyais une flûte de paon, je voyais un truc.
09:43Alors sérieusement, pour conclure,
09:45est-ce que vous pensez que vous êtes une publicité formidable pour la capote,
09:49ce que je disais tout à l'heure,
09:50ou au contraire que vous allez donner à des gens,
09:53grâce à vos bouquins et à vos passages à la télé, à la radio,
09:56finalement des idées terribles ?
09:58C'est-à-dire qu'au lieu de Serial Fucker...
10:00C'est clair, c'est clair, c'est formidablement clair.
10:02Son discours est épatant, bien sûr.
10:05C'est génial, bien sûr.
10:06C'est un écrivain, avant toute chose.
10:09C'est une noble littéraire artistique, quoi.
10:11Et moi, ce qui m'a fait me radicaliser dans mes positions,
10:14c'est les attaques sur le fait qu'il y a une espèce d'omerta dans le milieu gay,
10:17qu'on ne peut plus dire certaines choses.
10:19Je suis sur la liste noire de têtu.
10:21Ils ne veulent pas parler du bouquin parce qu'ils ont peur,
10:23parce que c'est les mêmes gens qu'Act Up.
10:25Donc, il y a une vraie omerta.
10:26Au mot à la bouche, la seule librairie gay,
10:28je suis vendu avec un bandeau.
10:30Nous sommes en désaccord total avec le contenu de ce livre.
10:32Excusez-moi.
10:33Donc, il y a vraiment une forme de censure.
10:35Les PD deviennent totalement normatifs.
10:38Hygiénistes.
10:39Ils veulent avoir des gamins.
10:41Bientôt, les PD vont être aussi, j'allais dire, aussi tristes que les hétéros.
10:46Non, mais l'homosexualité doit rester quand même quelque chose de subversif et de créatif.
10:52Sinon, à quoi ça sert ?
10:53On est loin de Jean Genet, si c'est ce que tu veux dire.
10:55Voilà, tout à fait.
10:56Et moi, ma référence, c'est Jean Genet.
10:58Le Guy de Michelin, on n'est pas obligés de grossir.
11:01Oui, c'est vrai.
11:15Et pour être sûr de ne rien rater de Linarditube, abonnez-vous et mettez un pouce bleu.

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