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Transcription
00:00On retrouve Jean-Pierre Molny, directeur adjoint de l'IRIS, l'Institut de relations internationales et stratégiques, spécialiste des questions de défense, bonjour.
00:07Pourquoi la visite du président Emmanuel Macron en Serbie est-elle si importante ?
00:13Elle est importante parce que la Serbie c'est à la fois un candidat à l'Union européenne, c'est un pays des Balkans.
00:21On sait que les Balkans, on n'est pas encore dans une situation parfaite en termes de stabilité.
00:28Il y a le problème avec le Kosovo, il y a la question de la Bosnie-Herzégovine également, qui n'est pas totalement réglée.
00:36Et puis on a un pays qui est effectivement plutôt qualifié, on va dire, de pro-russe.
00:42Donc il y a un enjeu qui est de trouver, je dirais, un juste équilibre,
00:48éviter que la Serbie à la fois ne devienne un allié trop gênant de la Russie et surtout un facteur de déstabilisation dans les Balkans.
00:59Donc effectivement, le fait d'essayer d'arrimer un peu plus la Serbie à l'Union européenne est plutôt une bonne politique.
01:06Vous pouvez la reporter cette visite de quelques jours après la nomination d'un Premier ministre ?
01:13Oui, bien sûr, on peut toujours dire ça, mais vous savez, le Premier ministre, ça fait déjà près de deux mois qu'on l'attend.
01:22Et j'ai envie de dire, malheureusement, l'actualité internationale ne se ralentit pas.
01:29On peut citer par exemple les Britanniques, je suppose qu'ils veulent voir Emmanuel Macron sur les questions des migrants ou la question de la pêche.
01:36Donc la vie internationale ne peut pas s'arrêter.
01:39Alors quel rôle joue la Serbie dans le conflit ukrainien ?
01:45La Serbie ne joue pas véritablement de rôle dans le conflit ukrainien.
01:51Ce qu'on peut dire, c'est que la Serbie, en fait, c'est un pays qui est un peu sur les mêmes lignes que la Hongrie ou la Slovaquie aujourd'hui dans l'Union européenne.
02:00C'est-à-dire, c'est des pays qui ont été, surtout la Serbie d'ailleurs, effectivement, traditionnellement un allié de la Russie.
02:08Mais en même temps, c'est un pays qui souhaite adhérer à l'Union européenne.
02:11Donc c'est un pays qui est, je dirais, qui est dans l'entre-deux.
02:15Toute la question de cet entre-deux, c'est qu'il faut que ce soit un entre-deux qui penche plutôt du côté de l'Union européenne que du côté de la Russie.
02:25En revanche, je doute qu'on puisse attendre de ce type de pays que du jour au lendemain, ils rejettent totalement la Russie.
02:34Ça, je pense que c'est quelque chose qu'il ne faut pas rêver, si vous voulez, à ce niveau-là.
02:41Et je pense que si on a une Serbie neutre et, je dirais, plus proche de l'Union européenne, c'est une bonne chose.
02:49Et en cela, la vente de Rafale, effectivement, arrime un peu plus la Serbie à l'Union européenne.
02:57Et vous pensez, avant d'avenir au Rafale, justement, que cette visite, c'est une pierre dans le jardin de Vladimir Poutine ou pas ?
03:03Ah oui, nécessairement.
03:05Vous savez, Poutine, il regarde véritablement tout ce que font les Européens par rapport à tout son voisinage.
03:13Il ne faut pas oublier que la crise ukrainienne, notamment la crise de Crimée en 2014,
03:18elle était liée à un accord économique entre l'Union européenne et l'Ukraine.
03:22Ce n'était pas une question d'OTAN, ce n'était pas une question militaire à ce moment-là.
03:26Donc, toutes les questions de relations économiques de quelque nature que ce soit,
03:31entre l'Union européenne, les pays européens et le voisinage de la Russie,
03:36sont regardées très attentivement par Vladimir Poutine.
03:40Alors, pour les Rafales, quelle est la signification militaire, économique et politique,
03:45politique, vous venez de le dire, de cette vente de Rafale ?
03:49La signification économique, c'est le prix du contrat, naturellement,
03:53donc à peu près 3 milliards d'euros, ça va encore alimenter le plan de charge de Dassault,
04:00ce qui n'est pas une mauvaise chose.
04:02Ce qui est important, c'est quand même que la Serbie, majoritairement, avait des matériels russes.
04:08Il y a quelques hélicoptères européens qui sont d'Airbus,
04:13mais les avions de combat étaient des avions de combat russes.
04:17Donc, le fait d'acheter du Rafale, c'est au fond avoir une forme d'autonomie stratégique de la Serbie
04:24vis-à-vis de la Russie.
04:26Donc ça, c'est une bonne chose, y compris en termes politiques.
04:30Et quelles garanties a la France quant à l'utilisation de ces Rafales ?
04:36On prend toutes garanties quand on vend du matériel de combat.
04:40Vous savez, d'abord Dassault prend d'énormes garanties,
04:44parce que les transferts de technologie, c'est quelque chose sur lequel ils font extrêmement attention,
04:49parce que c'est leur patrimoine, c'est ce qui fait leur richesse.
04:54Donc, ils font très attention à ne pas avoir des concurrents.
04:58Et puis, vous savez, on a quand même un système de contrôle des exportations en France
05:04qui est extrêmement rigoureux et je dirais qui permet de ne pas faire tout ou rien.
05:11On peut faire de l'entre-deux.
05:13Donc, on peut se donner certaines garanties.
05:16Et quelle est la nature exacte des rapports en ce moment entre la Serbie et le régime russe de Vladimir Poutine ?
05:23Je pense que les rapports, c'est quand même des pays qui restent en contact l'un avec l'autre.
05:30Il n'y a pas d'ostracisme, si vous voulez, de la Serbie vis-à-vis de la Russie.
05:35Et on ne peut pas attendre d'un pays comme la Serbie de mettre la Russie sous sanction, par exemple.
05:41Ça, c'est quelque chose qu'il faut véritablement s'écarter de l'esprit.
05:47Ce qu'il faut attendre, encore une fois, d'une relation plus forte avec la Serbie,
05:54c'est un, un arrimage à l'Union européenne.
05:57Alors, pas à n'importe quelle condition, bien entendu.
05:59Mais tout arrimage de quelque nature que ce soit à l'Union européenne,
06:04c'est quelque chose qui, d'une certaine manière, détache de la Russie.
06:08Donc, c'est une bonne chose.
06:10Mais je pense que la Serbie restera, au moins dans un avenir prévisible,
06:15une sorte de pays d'entre-deux.
06:18Et d'après vous, comment cette visite est perçue par nos partenaires,
06:22nos alliés européens et par Kiev ?
06:26Nos partenaires européens, j'espère qu'on a bien communiqué avec eux,
06:30parce que parfois, ils sont un petit peu étonnés par la politique de Macron,
06:33qui discutait beaucoup avec Poutine au début du conflit ukrainien,
06:39et puis après, qu'il proposait de déployer des troupes au sol en Ukraine.
06:42Donc, ça donne un petit peu le sentiment d'aller d'un extrême à l'autre.
06:49C'est sans doute plus cohérent qu'on ne peut le penser.
06:52Mais encore faut-il faire toute la démarche explicative vis-à-vis de nos partenaires.
06:58Une chose est sûre, c'est que l'associé de la Serbie
07:01et tout le processus d'adhésion à l'Union européenne,
07:05c'est quelque chose qui est intériné au niveau des 27.
07:08Ce n'est pas la question de la France.
07:11Donc, on a à la fois un processus d'adhésion qui est là aussi extrêmement rigoureux,
07:16et on demande à la Serbie d'abord de régler les questions avec le Kosovo.
07:21Et là, pour le coup, c'est aujourd'hui plutôt la question de la minorité serbe au Kosovo,
07:28la question des droits de l'homme, la question de la démocratie.
07:31Et là, il y a même un plan de l'Union européenne
07:33qui vient d'être mis en place pour les six adhérents des Balkans,
07:39de telle manière à pouvoir les rapprocher en termes de démocratie,
07:44de mode de fonctionnement des institutions vis-à-vis de l'Union européenne.
07:48Donc, on demande des garanties à ce type de pays.
07:51On ne fait pas n'importe quoi en termes de processus d'adhésion.
07:54Oui, et l'un des principaux obstacles, c'est le respect de l'État de droit, notamment.
07:59On parle beaucoup de la vente des Rafales dans le cadre de cette visite,
08:02mais est-ce qu'il y aura la signature d'autres contrats, d'autres accords peuvent-ils être passés ?
08:09Éventuellement, tout dépend des discussions qu'il y a pu y avoir entre les Serbes et les Français.
08:17Non, ce qui est intéressant, c'est que vous avez ce type de pays.
08:19On a vu un petit peu la même chose avec la Croatie,
08:22qui sont un peu des pays nouvellement européens ou futurs européens des Balkans
08:29et qui sont intéressés finalement par l'offre française, notamment sur les questions d'armement,
08:37parce que, bien sûr, ce n'est pas l'offre russe, ça c'est certain,
08:42mais ce n'est pas l'offre américaine non plus.
08:44Et là, on retrouve un petit peu ce qu'on voyait dans les années 70, au moment de la guerre froide,
08:50c'est-à-dire une France perçue comme quelque chose d'un petit peu différent des États-Unis
08:56et qui permet sans doute plus de marge de manœuvre en termes politiques.
09:00Merci beaucoup Jean-Pierre Mollny pour votre décryptage sur France 24.
09:03Merci d'avoir été avec nous.

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