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Transcription
00:00La France attend toujours, depuis plus de 50 jours, la nomination d'un Premier ministre, mais les choses semblent se préciser.
00:09Bernard Cazeneuve sera reçu demain matin à l'Elysée, d'après les informations d'Europe 1.
00:14On parle de son profil dans un instant avec le politologue Pascal Perrineau.
00:19Mais avant cela, je vous accueille, Arthur Delaborde, bonjour.
00:21Bonjour Lénaïque, bonjour à tous.
00:23Qui servit sa politique d'Europe 1.
00:25C'est vrai Arthur que depuis plusieurs jours, c'est le nom qui ressortait le plus.
00:28Effectivement, c'est l'hypothèse la plus fréquemment citée depuis un certain temps.
00:32Bernard Cazeneuve a très envie de retourner à Matignon,
00:35où il avait passé un peu plus de cinq mois à la fin de la présidence Hollande.
00:38La nomination de cet homme d'État respecté par une grande partie de la classe politique
00:42pourrait permettre à Emmanuel Macron de diviser la gauche.
00:45Jean-Luc Mélenchon explique lui-même que l'hypothèse Cazeneuve ferait des dégâts au Parti socialiste
00:51et affaiblirait mécaniquement le nouveau Front populaire.
00:55Précisons qu'à ce stade, rien n'est encore acté.
00:57Le rendez-vous de demain à l'Elysée sera d'ailleurs le premier contact direct
01:01entre Bernard Cazeneuve et Emmanuel Macron
01:03dans le cadre des consultations pour trouver un nouveau Premier ministre.
01:07Merci Arthur de la borde du service politique d'Europe 1.
01:10Et bonjour Pascal Perrineau.
01:12Bonjour.
01:13Professeur des universités, politologue.
01:15Alors c'est vrai qu'on attendait un nom depuis un certain nombre de jours.
01:18On vient de l'entendre, celui de Bernard Cazeneuve était le plus fréquemment cité.
01:22Pourquoi ça a autant traîné finalement ?
01:24Pourquoi ça a autant traîné ? Les raisons sont multiples.
01:27Il y a eu d'abord en effet la séquence des Jeux Olympiques
01:31et en effet on peut considérer que le gouvernement qui était aux affaires
01:38a géré tout à fait correctement cette phase des Jeux Olympiques.
01:43Et puis d'autre part, il faut bien reconnaître que le Président
01:46qui a le pouvoir propre de nommer le Premier ministre
01:48est devant un cas qu'on n'a jamais connu sous la Ve République.
01:52Parce que d'habitude ou bien le Président a une majorité,
01:55c'est le cas la plupart du temps,
01:57ou bien il n'a pas de majorité mais il a une majorité alternative claire devant lui
02:02et dans ce cas-là c'est la cohabitation.
02:04Et là on voit bien que depuis les dernières élections législatives,
02:08au fond il n'y a pas de majorité claire à l'Assemblée Nationale,
02:13ni de gauche, ni de droite, ni du centre.
02:16Donc il faut que le Président réfléchisse à quelque chose de tout à fait nouveau,
02:20c'est de trouver un homme ou une femme,
02:22et en l'occurrence apparemment si l'hypothèse case-neuve est confirmée demain, un homme,
02:28qui ne suscitera pas contre lui de majorité de blocage,
02:34c'est-à-dire une majorité négative qui serait là pour rejeter ce nouveau gouvernement.
02:40Madame Castex d'ailleurs avait été écartée
02:42parce que le Président de la République disait très vite
02:45qu'il y aura dans les jours qui suivront une nomination éventuelle de Madame Castex,
02:50une majorité contre elle.
02:52Avec M. Cazeneuve, on voit bien que ça n'est pas le cas,
02:55parce que comme vient de le dire le leader de l'EFI,
02:59ça casse la gauche, on voit bien qu'une partie du Parti Socialiste
03:04ne votera pas une censure contre M. Cazeneuve.
03:08Oui, parce qu'il y a ses anciens collègues du gouvernement
03:10et c'est vrai qu'il a un profil plutôt macro-compatible,
03:14il n'y aura donc pas de risque de le voir censurer,
03:16il faudrait qu'il élargisse tout de même, évidemment,
03:18avec des renaissances, avec des LR également.
03:21Bien sûr, il faudra qu'il élargisse,
03:23mais il a toujours dit en effet qu'il était hostile
03:27à la position du nouveau Front Populaire
03:30qui considérait qu'en dehors de la gauche, il n'y avait point de salut.
03:34C'est un homme qui a toujours dit
03:36qu'il faut ouvrir la situation inouvelle,
03:38la situation nouvelle, solution nouvelle,
03:41il faut une ouverture et une ouverture large.
03:43Il y aura en effet des gens qui se retrouveront
03:47de la gauche républicaine, de la gauche réformiste,
03:52et puis il y aura en effet, il devrait y avoir
03:55des gens qui sortent de la majorité présidentielle
03:58et également de la droite républicaine.
04:02Avec tout de même un ancien socialiste
04:04qui avait été critique il y a quelques temps encore
04:07à l'égard de la réforme des retraites.
04:09Ça veut dire qu'il va y avoir une période de négociation
04:11avec Emmanuel Macron.
04:13Est-ce que ce sera une cohabitation finalement ?
04:15Oui, ça sera une cohabitation,
04:17mais là aussi d'un nouveau type.
04:19Parce que les cohabitations qu'on a connues dans le passé,
04:21au fond, le pouvoir se déplaçait complètement à Matignon.
04:26Le chef de l'opposition était choisi par le Président de la République
04:30pour gouverner.
04:32Là, vous voyez bien que ce n'est pas le cas.
04:34Monsieur Cazeneuve n'est pas le chef de l'opposition,
04:36ce n'est pas le chef non plus de la majorité présidentielle.
04:39C'est un homme, en effet, qui devra sans cesse pratiquer le compromis.
04:45Guillaume Tabard du Figaro a inventé un terme nouveau,
04:49un néologisme qui est pas mal du tout,
04:51qui est coalibitation.
04:53C'est-à-dire un mélange de cohabitation et d'art,
04:57j'allais dire journalier, de la coalition.
05:00Et c'est la gauche de gouvernement,
05:02telle qu'on l'appelle.
05:03C'est aussi un profil un peu monde d'avant,
05:05finalement, on revient avant la première élection d'Emmanuel Macron.
05:09Oui, parce qu'au fond, certes, là, on le voit bien au Parlement,
05:14la vie politique française change.
05:16On n'est plus dans une bipolarité gauche-droite traditionnelle.
05:21À la limite, les choses étaient faciles à cette époque.
05:24Mais le nouveau monde que voulait inventer le Président de la République,
05:27c'est-à-dire l'opposition entre des progressistes européens
05:33et des nationalistes, n'a pas réussi non plus à s'imposer.
05:37Donc on est dans un entre-deux,
05:39entre le vieux monde et le nouveau monde,
05:42et le nouveau monde a besoin, comment dire,
05:45de l'expérience aussi, d'hommes et de femmes,
05:48de l'ancien monde.
05:49Des gens qui savent négocier,
05:51qui sont des élus,
05:53qui ont de l'expérience.
05:55Et au fond, c'est cela,
05:57l'expérience et l'art du compromis
05:59dont aura besoin le nouveau Premier ministre.
06:02Et puis avec également un Parlement éclaté,
06:05un Parlement divisé, Pascal Perrineau.
06:07Et là aussi, c'est un signal envoyé peut-être aux Français ?
06:11Oui, c'est un signal envoyé aux Français
06:13parce que le Président avait,
06:15avec cette dissolution sur laquelle on peut s'interroger, bien sûr,
06:19mais il avait renvoyé la balle dans le camp des Français
06:22en leur disant, écoutez, voilà, envoyez-moi un message.
06:25Le moins qu'on puisse dire,
06:26c'est que les Français n'ont pas envoyé un message clair.
06:29Pas du tout.
06:30Ils ont envoyé l'image d'une représentation nationale
06:34qui est un miroir brisé.
06:35Et d'ailleurs, ils s'en veulent, les Français.
06:38On le voit dans les enquêtes.
06:39Ils disent au fond,
06:40ces élections législatives ne nous ont pas satisfait,
06:44mais on doit faire avec
06:45puisque le Président ne peut pas, après une dissolution,
06:48redissoudre pendant un an.
06:50Donc au moins pendant un an,
06:51il faut faire avec ce qu'on a
06:53pour parler de manière un peu triviale.
06:55Eh bien, faisons avec ce qu'on a,
06:57c'est-à-dire un miroir brisé.
06:58Mais pour gouverner avec un miroir brisé,
07:00il faut un orfèvre en la matière.
07:02Et espérons que le prochain Premier ministre
07:05sera cet orfèvre de la négociation
07:09et puis de l'écoute, j'allais dire, tous azimuts,
07:12parce qu'il faudra écouter de la droite à la gauche
07:15en passant par le centre.

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