• il y a 3 mois
Transcription
00:00Paradoxalement, je sais que vous tapez pas mal sur le jeunisme et c'est vrai que c'est tout un
00:14courant. D'ailleurs je crois que vous avez édité récemment un livre là-dessus. Oui, Boussion,
00:19c'est bien le livre. L'immaturité permanente. L'immaturité permanente, donc on met les jeunes
00:23au ciré d'avant, donc ça va un petit peu à l'encontre de vos propos aussi. Non, c'est-à-dire
00:27que les jeunes à l'avent, il fallait avoir du talent et se battre pour pouvoir percer. Aujourd'hui,
00:34on dit à tous les jeunes, vous avez le génie en vous, exprimez-vous, même d'ailleurs, changez de
00:39sexe si vous voulez. C'est-à-dire que pour qu'un sportif devienne bon, il faut lui botter le cul
00:43pour qu'il s'entraîne. Mais si tu vas voir un mec qui dit t'es un génie, t'es déjà Zidane alors
00:48que t'as rien fait, le mec ne deviendra jamais Zidane. C'est-à-dire que pourquoi il y avait du
00:52génie adolescent à l'époque ? Parce que l'adolescence était contrariée, était contrariée
00:56à tous les niveaux. Et c'est dans cette contrariété que le mec, même si tu prends un mec comme
01:01Balavoine quand il s'énerve face à Mitterrand, tu vois très bien qu'il y a une espèce de colère
01:05chez lui parce qu'il dit nous n'avons pas le droit de parler, on ne s'intéresse pas à nous,
01:08vos problèmes d'alguste ne nous concernent pas. Donc il est dans un manque qu'il exprime. Mais
01:12aujourd'hui, tout est fait pour l'adolescent, tout, tout. Et c'est même l'inverse, c'est que
01:16c'est la dictature adolescence généralisée. C'est-à-dire qu'on est sommé de tout ce désadon,
01:21les enfants d'Elberso jusqu'à la mort. Tu vois la différence entre Macron et le général de Gaulle
01:27quand même, comme président de la République ? Tu vois l'effondrement et tu vois le post-ado
01:32psychopathe complètement sans maturité à qui on donne les rênes de la France ? Tu vois ce que je
01:37veux dire ? Le danger, l'effondrement que ça représente. Moi, je fais partie d'une génération
01:40où mon père me tapait sur la gueule chaque fois que je faisais une connerie. Donc quand je faisais
01:44des conneries et que je les faisais, je savais les risques qu'il y avait derrière de me faire péter
01:48la gueule par mon père. Si quand tu fais que des conneries, tu tagues les murs, etc., tu dis que si
01:52ton père t'engueule, tu peux appeler un numéro spécial où les flics viennent emmerder ton père
01:56parce qu'il aurait levé la main sur toi. Ça change toute la structuration et ça change tout ton
02:01potentiel. Tu fais pas d'un mec un champion en lui disant qu'il est doué. Tu lui bottes le cul,
02:06tu le fais travailler, tu l'obliges à se dépasser lui-même et tu lui apportes une contradiction.
02:10Tu vois ce que je veux dire ? En boxe, la mise de gants pour préparer un combat, c'est pas flatter
02:15le mec en disant « t'es le meilleur ». C'est « montre-moi ce que t'as dans le bide ». Et le
02:20contre-sens, il est là. Moi, je viens encore d'une époque, qui était la dernière peut-être d'ailleurs,
02:24où mon père était mon père, ma mère était ma mère. Ma mère était femme au foyer, mon père
02:29travaillait et ramenait le pognon. Mon père me tapait dessus si je me tenais mal. J'avais droit
02:34aux corrections physiques. Et donc, ça m'a structuré. Et ma colère adolescente était
02:39effectivement très forte à 18 ans quand je me suis barré de chez moi. Ceux qui s'intéressent
02:43à ma vie, c'est romancer dans « Misière du désir ». Je raconte des épisodes très précis. Mais je
02:48veux dire, il a fallu que je me révolte réellement contre ce qu'on m'imposait pour que moi,
02:54d'adolescence, aboutisse à quelque chose, notamment à l'écriture. Si aujourd'hui,
02:59on te dit à un ado « vas-y, écris, t'es un génie, t'es rimbaud sans rien faire ». Et le mec,
03:03il écrit des conneries sur le mur, ou il salope le mur d'ailleurs de l'immeuble d'en face et
03:07qu'il se prend pour un génie, ça s'appelle le tag. C'est de la merde, je suis désolé. Qu'est-ce
03:11que c'est que tout ça ? C'est des mecs qui pensent qu'ils existent parce qu'ils écrivent
03:15leur nom sur les murs. C'est comme des chiens qui pissent sur un réverbère, ça ne vaut pas plus.
03:19Ce n'est pas pareil, un rimbaud et un chien qui pissent sur un réverbère, ce n'est pas la même
03:22chose. Moi, je comprends le génie adolescent justement parce que c'est un âge contrarié et
03:29c'est par cette contrariété que les mecs sont poussés à se dépasser, à se sublimer dans une
03:34contradiction, c'est Hegelien. Aujourd'hui, on est dans la flatterie de l'adolescence,
03:38il suffit de regarder les victoires de la musique, ils auraient de sa gazant.
03:41Je n'avais aucune confiance en moi physiquement. Par contre, j'avais une confiance en moi
03:45complètement surdimensionnée dans la musique. La seule chose où j'avais confiance, c'est qu'un
03:49jour, j'écrirai des chefs-d'oeuvre. Je vais dire, tu es génial, fille à papa,
03:54le père est déjà artiste, ta mère est artiste, ta tante est artiste, ils sont tous artistes.
03:58Je suis un génie artistique, fille de génie artistique, excuse-moi, ça ne donne pas derrière
04:07Jacques Brel, Jacques Brel qui était quand même scout catholique et qui a un parcours de révolte et
04:13d'initiation, c'est autre chose. Si on ne comprend pas, c'est comme ne pas comprendre la différence
04:19entre Nakamura et Edith Piaf. Quand on ne comprend pas ça, la discussion s'arrête. Si vous ne
04:24comprenez pas, vous ne comprenez pas. Après, il y a les Maliennes qui ont été d'origine marocaine,
04:28et alors ? Il y en a une, c'est d'une beauté qui transcende les cultures, les âges et les
04:34civilisations. Et puis l'autre, je ne sais pas, je ne vais pas encore risquer un procès, mais les
04:38mêmes objectifs. Je vous coupe, vous citez Aya Nakamura, qui invente des mots, qui invente des
04:44phrases. Là, j'ai entendu même Pascal Praud dire des éloges de Aya Nakamura. J'ai trouvé la mélodie
04:52de Dja Dja réussie. Les paroles malignes et le texte drôle. Je n'ai perçu aucune vulgarité dans
05:01Dja Dja. Je pense que c'est là se confronter quand même au summum du ridicule. En plus,
05:06ils mentent, ils sont malhonnêtes. J'explique pourquoi c'est une sélection qui est logique.
05:16Citez Edith Piaf, notamment cette chanson. « Je travaille comme un chien toute la semaine. Je
05:23vous jure que le patron, il est content. Je m'en fous pas mal, j'ai mon dimanche qui est à moi. »
05:28En page 115, avec des classes et des luttes. Il y avait ce côté très social dans les textes de
05:36ces artistes, notamment Edith Piaf, qui représentait un certain côté populaire. Johnny aussi avait ce
05:42côté un petit peu populaire. Et populaire, attention, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que
05:46c'est des gens qui souffraient, c'est-à-dire que la vie était difficile pour eux. Ils travaillaient
05:51très jeunes, on leur a rien donné. Parce qu'aujourd'hui, on peut dire populaire, les mecs
05:54sont en cité ou les filles sont en cité. Il y a les aides sociales, la grande surface, c'est pas du
05:59tout le même monde. Et c'est ça qui est un peu agaçant, c'est qu'à l'époque, on disait populaire,
06:03il suffit de regarder les films des années 30, etc. Ça veut dire prolétariat, ça veut dire une vie
06:08difficile de travail. Les garçons commencent à travailler à 16 ans, à 18 ans ils se marient,
06:14à 19 ans ils sont pères de famille déjà. C'est-à-dire que vous voyez, on n'est pas dans la
06:19gaudriole où aujourd'hui quelqu'un dit « je viens d'une cité », donc tu viens d'une cité, tu n'as
06:23jamais rien foutu, tu vis des aides du chômage et des allocs, tu as tous les équipements modernes
06:28au niveau des chaussures, du survêtement et de l'iPhone. Où est-ce que t'as souffrance ? Où est-ce
06:33que t'as souffrance par rapport à un paysan de la Creuse, tu vois, de souche des années 50 ? Le
06:39problème il est là, c'est qu'aujourd'hui, du peuple populaire, ça ne veut plus rien dire. Ça veut
06:43dire souvent assisté social, à moitié obèse, passant son temps devant une télé à écran plasma,
06:50à boire des bières en se vappant pour regarder son abonnement de football. Il n'y a aucun mérite à ça.