Malgré sa maladie, elle fait des merveilles sur les tatamis

  • il y a 3 heures
Dans chaque épreuve, Jessica a trouvé la force de se relever, guidée par son intuition et ses sens, même quand la vue lui faisait défaut. Sa résilience ne vient pas que de ses victoires sur les tatamis, mais de son combat quotidien contre l'obscurité grandissante provoquée par sa maladie et de son incroyable mental pour se remettre d'une blessure qui aurait pu lui coûter la vie. Son parcours est un témoignage de courage et d'espoir, une leçon qu'elle partage aujourd'hui avec nous.

Merci à Jessica pour sa confiance et pour son témoignage fort.
Retrouvez-la sur son compte Instagram : https://www.instagram.com/jessica_hugues/

Son livre "Combattante pour la vie" est disponible.

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Fun
Transcript
00:00J'aurais dû mourir sur les tatamis.
00:01Donc j'ai ma tête qui est partie de l'autre côté avec un gros crack.
00:06J'ai su que c'était la catastrophe.
00:09Donc on a annoncé à mes parents que j'avais la maladie de Stariat.
00:11Le ciel lui aurait tombé sur la tête.
00:13Mon papa est parti dans une très grosse dépression.
00:17Il en a fait des tentatives de suicide.
00:20Il en a perdu toutes ses dents.
00:21Enfin, je vous laisse imaginer psychologiquement.
00:23Ma mère était... Elle a pris le rôle en fait, on va dire, du pilier.
00:27Je comprenais tout.
00:29Et en fait, je ne montrais rien.
00:30Et j'ai été plus forte qu'eux à ce moment-là.
00:34Je pouvais avoir 9 dixièmes et 30 minutes après, je pouvais descendre à 2 dixièmes.
00:38Mais on ne savait pas du tout encore qu'est-ce que c'était.
00:41Ça a mis des années avant qu'on sache réellement ce que j'avais.
00:44Je n'ai aucun souvenir, vraiment, de ma meilleure vision.
00:48De quand je voyais un peu mieux.
00:50Par contre, j'ai vu le changement et je vois très clairement que ça se dégrade.
00:55À l'école, j'étais une petite fille qui avait honte,
00:58qui savait qu'elle n'était pas comme les autres,
01:01que je ne voyais pas au tableau.
01:02Parce que là, par exemple, je parle, je ne vois pas l'écran.
01:04Quand je parle à quelqu'un, je regarde droit dans les yeux.
01:07Je ne la vois pas, mais pourtant, on croit que je vois la personne.
01:10On pense que je vois, mais en fait, je ne vois pas.
01:12Ça m'a sauvée d'être maligne et dégourdie.
01:14Par exemple, quand j'étais en retard,
01:15je suis livrée à moi-même pour trouver le numéro de classe.
01:18Dans tout l'établissement, ça c'est vrai que je ne l'ai jamais raconté.
01:22Là, grosse crise de panique, d'angoisse,
01:24parce que je savais pertinemment que j'allais mettre une demi-heure
01:29à trouver le numéro de la classe et j'allais faire tous les étages.
01:32C'était compliqué, mais je le débrouillais toujours avec mon ouïe,
01:36avec mes sens, mes intuitions.
01:39Parfois même, je trouvais la classe tellement rapidement,
01:42mais parce que mon intuition me disait
01:43« Non, je pense que là, c'est au deuxième étage, là, là, là, voilà. »
01:46C'est que des trucs comme ça,
01:47mais ma vie est résumée d'intuition et de faire marcher mes autres sens.
01:52J'ai eu, par chance, des copines de classe.
01:54Vraiment, sans elles, la scolarité aurait été bien plus compliquée pour moi.
01:59Petite anecdote, lorsque moi, je ne voyais pas les énoncés,
02:03parce qu'à chaque fois, il faut être honnête,
02:05les professeurs ne prenaient pas en compte ma maladie.
02:09Lorsqu'elles me lisaient l'énoncé,
02:11la question que je ne voyais pas lorsqu'on avait oublié de me la grandir en grand
02:15et qu'on nous surprenait à ce qu'on parle,
02:17elles disaient « Non, non, mais je lui lis l'énoncé. »
02:21Alors qu'en vérité, elles me donnaient la réponse.
02:23C'est super, voilà.
02:24Donc, clairement, si j'ai eu des bonnes notes,
02:26c'est aussi beaucoup grâce à ces amies-là.
02:28Ça, c'était difficile.
02:29C'était un jour, une professeure d'anglais était mal lunée.
02:32La classe était un peu en folie.
02:35Vous savez, tout le monde parle.
02:36C'était un peu le feu.
02:37Et puis, elle arrive d'une façon très énervée et dit
02:40« Ah là là, déjà que j'ai une aveugle et une dyslexique dans la classe,
02:44vous n'allez pas vous y mettre. »
02:45On m'a traitée d'aveugle quand même.
02:46Vous pouvez s'imaginer l'impact que ça a eu sur moi.
02:49Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer tout ça ?
02:52Alors déjà, un peu plus de bienveillance, ça serait génial.
02:55Et d'arrêter de mettre des étiquettes et des jugements
02:57sur des handicaps invisibles.
02:58Ça, c'est clair et net.
03:00Et de considérer, en fait, une personne handicapée comme tout le monde,
03:04en étant toujours un petit peu attentif à lui quand il en a besoin.
03:08Et là, intérieurement, c'est à nous, personnes handicapées,
03:13à demander l'aide quand on en a besoin.
03:15Si je refaisais ma scolarité en 2023,
03:18je ne suis sincèrement pas certaine que ça aurait changé grand-jour.
03:21Avec ma maladie, de mon point de vue aussi.
03:24J'ai commencé à trois ans et demi le karaté.
03:26Ça paraît faux aussi, puisque normalement quand on fait du karaté
03:29ou tout autre sport, on a besoin de ses yeux.
03:31Mais j'avais un sixième sens.
03:33J'avais cette notion de distance.
03:35Je sentais l'adversaire, je savais exactement quand il allait attaquer.
03:39Même si je ne voyais pas vraiment autour de moi,
03:42que je ne voyais pas mes adversaires,
03:44en fait, la vue n'était plus une barrière pour moi.
03:47Comme si ça me donnait la vue, alors que pas du tout.
03:49C'est très bizarre à expliquer.
03:51Mon professeur, ma maman lui a dit que j'avais des soucis de vision.
03:57J'avais une maladie, mais il ne l'a jamais pris en compte
04:00parce que je ne l'ai jamais montrée.
04:03Mais voilà, pour moi, le sport, ça a été mon échappatoire.
04:06J'arrivais en fait à pixeler alors que j'avais toutes les difficultés
04:10qui normalement ne m'accordaient pas ce que j'arrivais à faire.
04:14Et là, j'ai eu des parents très intelligents
04:15qui ont compris de suite que je n'allais pas pouvoir faire grand-chose à l'école
04:20et dans les études, que ça allait être très compliqué.
04:23Plus les années allaient avancer, plus les études allaient être compliquées pour moi.
04:27Et qui se sont dit, attends, ma fille, elle a cette maladie,
04:31ça va être compliqué pour elle l'école, mais elle se débrouille bien de sport.
04:34Et en fait, ils m'ont laissé partir dans le sport à fond
04:37en sachant tout ce qui allait arriver derrière.
04:39Au bout d'un moment, ils étaient confrontés à l'éducation nationale
04:42qui disait à mes parents, vous faites le mauvais choix.
04:44Ben, j'ai eu de la chance que mes parents ont fait l'autre choix
04:48et qu'ils n'ont pas écouté l'éducation nationale.
04:50Ils n'ont jamais eu les propos directs face à moi en me disant
04:53de choisir le sport plutôt que l'école.
04:55J'avais toujours cette ligne qui me tenait.
04:58Ils me disaient, il faut que tu ailles à l'école, continue, donne-toi.
05:01Ils m'ont toujours dit, essaye au plus que tu peux.
05:04Le karaté, c'était le sens de ma vie.
05:06Je sortais de l'école, j'allais au karaté tous les jours de la semaine.
05:09Voilà, c'était ma vie.
05:10Le karaté, c'est ma vie.
05:11Le sport d'un niveau, c'est on se couche et on se lève pour ça.
05:14Il y a des objectifs de compétition.
05:16Quand à 12 ans, on intègre l'équipe de France
05:19et qu'à 14 ans, on fait son premier championnat d'Europe,
05:21ben là, voilà, ça change toute la donne.
05:23C'est on se prépare pour être performante
05:26à un championnat d'Europe, à un championnat du monde.
05:28Alors, à un moment donné, j'ai arrêté l'école.
05:30Je suis partie au CNED.
05:32J'ai fait une première au lycée qui s'est très, très mal passée.
05:35Et puis, est venue l'évidence où j'ai été confrontée à ça,
05:39à se dire, OK, là, je suis en équipe de France senior.
05:42J'ai un championnat du monde Paris 2012.
05:45Pour tout karatéka, ce fut le championnat du monde
05:48le plus important, le plus wow.
05:51J'ai eu la chance.
05:53Aujourd'hui, je le sais, j'ai eu la chance de pouvoir le vivre.
05:55Même si avec les années,
05:57j'ai compris que malheureusement, je ne pouvais pas vivre de mon sport.
06:01Mais les choix que j'ai faits à ce moment-là de ma vie,
06:03je ne les regrette absolument pas.
06:05Malgré tout, je suis restée assez longtemps au sein de l'équipe de France.
06:09J'ai pu vivre des moments incroyables et inoubliables.
06:13Je ne regrette pas du tout.
06:14Après mes 18 ans, j'ai tout simplement,
06:17en Dansey, continué ma carrière de sportive de haut niveau.
06:20Le 15 mars 2015, au moment où, justement,
06:22après toute cette période un petit peu de down,
06:24où vraiment, j'ai eu cette période de dépression, de remise en question.
06:28J'ai gagné moins de compétitions, j'étais moins forte.
06:30Voilà, c'est comme tout, on ne peut pas accéder dans tout et performer.
06:33Et là, je remets tout en œuvre pour repartir dans,
06:36vraiment, le plus haut de mon niveau.
06:39Et c'était bien parti pour.
06:40Sauf que, lors d'une compétition, le 15 mars 2015,
06:43j'ai eu un grave accident sur les tatamis,
06:45où je me suis mis à bronzer ma serre de calcé 1.
06:49Je tombe littéralement en plongeon direct sur le tatami
06:53avec le poids de mon adversaire.
06:55Je n'ai pas eu l'impulsion qu'il fallait.
06:56Je me suis retrouvée, en fait, avec son poids sur ma tête.
06:59Le salto n'est pas passé, j'ai fait un plongeon littéralement sur le tatami
07:02avec son poids plus le mien.
07:03Donc, j'ai ma tête qui est partie de l'autre côté avec un gros crack.
07:08Voilà, ma tête est littéralement partie à gauche.
07:10J'ai su que c'était la catastrophe.
07:13La douleur était tellement forte qu'elle n'est même pas...
07:17On ne peut même pas la noter sur 10.
07:19Ça a été le moment de ma carrière qui a tout arrêté.
07:23J'aurais dû mourir sur les tatamis.
07:25Normalement, quand on brise une serre de calcé 1,
07:28tous médecins, tous chirurgiens, tous kinés qui passent par là
07:31savent très bien, parce que quand je le dis, on me fait les gros yeux,
07:33on me dit « mais t'es encore vivante ».
07:34Alors, ma carrière, suite à cette blessure, s'est complètement arrêtée, d'accord.
07:39Parce que déjà, de base, on ne savait même pas s'il allait pouvoir marcher.
07:41Quand on arrive à l'hôpital et qu'on me dit droit dans les yeux
07:45« déjà, vous ne devriez pas être en vie et mademoiselle, il va falloir arrêter.
07:48Le sport, c'est fini pour vous ».
07:50Je me suis pris le plus gros coup dur de ma vie.
07:54Et puis, arrive un jour où on toque à ma porte un dimanche inattendu.
07:59Et là, le chef de l'endoro toque et me dit
08:02« écoutez mademoiselle, on part dans une heure au bloc ».
08:04Et on va vous visser quatre vis dans le crâne, on va vous raser,
08:07on va reposer dans l'allocrinien et on va vous tirer la tête par des poids.
08:10Il n'y a plus que cette solution.
08:12C'est une méthode qu'il y avait à l'ancienne, dans les années je ne sais plus quelle année.
08:16Et il n'y a que ça.
08:17Je vous laisse imaginer le choc pour moi un dimanche,
08:19alors que je n'avais même pas ma famille auprès de moi.
08:22On me dit qu'on va me raser la tête, qu'on va me mettre des vis dans la tête,
08:24qu'on va me tirer par des poids, par la tête, voilà.
08:27Durant cette période-là, très clairement, mon objectif,
08:30ma victoire à moi, c'était de revenir dans le sport de haut niveau.
08:33Et du coup, alors, ça ne s'est pas fait du jour au lendemain, bien sûr,
08:37mais j'ai réussi, au bout de deux ans, à revenir au haut niveau.
08:41J'ai réussi à ce qu'il me fasse mon papier et je suis revenue au championnat de France de karaté.
08:46Je ne m'étais pas forcément beaucoup entraînée en karaté
08:48et de là, je rebascule dans le haut niveau et c'est reparti.
08:52Ça a bien repris puisque dès que j'ai repris, j'ai fait troisième au championnat d'Europe.
08:56J'ai refait une médaille européenne.
08:59Et puis au moment où je recommence à reprendre de l'énergie
09:03et à me remotiver et à me dire, OK, c'est la dernière ligne droite pour les Jeux olympiques,
09:07je tombe enceinte.
09:08Je tombe enceinte.
09:10C'était pour moi une évidence.
09:11Et alors, oui, ma vie de marin en étant handicapée, c'est dur.
09:15C'est très dur.
09:16Encore une fois, je suis confrontée à mon handicap chaque jour.
09:19Il faut savoir que moi, c'est 1 cas sur 10 000.
09:20Je suis tombée sur le 1 cas.
09:22Je suis du coup partie faire les tests pour ma fille avec mon conjoint,
09:25avec mon conjoint, bien évidemment, parce que c'est génétique.
09:28Le professeur qui s'occupe de la maladie m'a dit d'être sereine
09:32et de... qu'il y avait espoir qu'elle ne l'ait pas.
09:35Il y a 1 cas sur 80 pour elle.
09:38Je croque ma vie parce que j'ai conscience qu'elle est sur un fil
09:42et qu'à tout moment, je peux perdre ma vue.
09:45Et je pense que c'est pas donné à tout le monde d'avoir cette notion-là.
09:49C'est pour ça que je ne vois plus la vie comme avant.
09:53Moi, un accident qui m'a failli...
09:56qui a failli m'oppoter mes jambes de ma vie.
09:59Cette maladie, j'ai peur du jour où je vais être dans le noir.
10:01C'est tout ça qui a fait celle que je suis.
10:03Il faut savoir qu'on m'a proposé d'écrire un livre depuis que j'ai 16 ans.
10:06Quand j'étais en équipe de France de karaté,
10:08j'ai eu 2-3 propositions pour parler justement de l'handicap,
10:12d'être malvoyante et d'être en équipe de France de karaté dans le sport de haut niveau.
10:16Et si j'arrive à faire parler de moi, de ma maladie,
10:20que ça touche les gens,
10:21et qu'enfin j'arrive à faire parler de ça et que j'arrive à réunir des fonds,
10:25peut-être que grâce à mon histoire et à mon livre,
10:27dans 10 ans, on me proposera une solution
10:33pour que je puisse garder mes yeux et voir ma fille.
10:36C'est pour ça.
10:36Donc ce livre, il est pour ça.
10:39Si je dois rajouter un truc, c'est une phrase que j'ai tatouée sur mon bras,
10:42qui résonne en moi et qui me résume aussi parce que j'ai dit que j'étais une grande rêveuse.
10:47Ça serait de dire qu'il faut rêver comme si on allait vivre pour toujours,
10:51mais vivre comme si on allait mourir demain.