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ce documentaire aborde des sujets sensibles liés à l'enfance, potentiellement des questions de maltraitance, d'abus ou d'exploitation des enfants.

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00:00:30C'était en 2018 à Paris, au cœur de Saint-Germain-des-Prés, dans le Saint-Dessin de la littérature
00:00:56française.
00:00:57Gallimard.
00:00:58La maison d'édition ouvre les portes du salon d'honneur pour un auteur controversé,
00:01:04Gabriel Mads Neff.
00:01:07C'est donc en majesté que cet écrivain nous reçoit pour parler de son obsession,
00:01:12ses relations sexuelles avec de très jeunes filles, celles qu'il surnomme les moins
00:01:17de 16 ans.
00:01:18Je ne renie pas une ligne de ce que j'ai écrit, mes livres continuent d'être réédités
00:01:24et ce sont des livres véridiques où je dis des choses tout à fait véridiques et
00:01:29justes.
00:01:30Cela dit, je refuse absolument, il n'est même pas question d'entrer dans une discussion
00:01:36sur la moralité ou l'immoralité d'un auteur.
00:01:42À l'époque, drapé dans son prestige littéraire, Gabriel Mads Neff feint de ne pas comprendre
00:01:48que son penchant pour les adolescentes peut déranger.
00:01:52Un pommier donne des pommes, un cérisier donne des cerises.
00:01:56Et un écrivain véridique, un écrivain qui a écrit avec le sang de son cœur, et moi
00:02:00tous mes livres ont été écrits avec le sang de mon cœur, j'écris ce que je ressens
00:02:04en moi, n'est-ce pas ? Ce que je ressens en moi.
00:02:08Et si j'étais peintre, si j'étais cinéaste, je ressortirais Fellini fait du Fellini,
00:02:13Balthus fait du Balthus, Mads Neff fait du Mads Neff, l'eau d'une pipe.
00:02:17Si les gens ne comprennent pas ça, ou si les gens feignent de ne pas le comprendre,
00:02:21mais qu'est-ce que vous voulez dire ? C'est écrit en tout cas, Dieu merci, c'est écrit,
00:02:24c'est publié, voilà, c'est immortel.
00:02:28Et pourtant, deux ans plus tard…
00:02:29L'affaire Mads Neff, c'est le scandale qui secoue le monde littéraire.
00:02:33L'écrivain Gabriel Mads Neff est accusé de pédophilie par l'éditrice Vanessa Springora.
00:02:38Ses livres sont retirés des librairies, Gallimard est perquisitionné, et c'est tout un pan
00:02:45de l'histoire de l'art qui se retrouve sur le banc des accusés.
00:02:49Je pense à Balthus en tout premier lieu.
00:02:53Thomas Mann, Conzart, Gainsbourg, Roger Perfit, Nabokov, Nabokov bien sûr, André Gide,
00:03:00Lewis Carroll, Iréna Ionesco, Edgar Poe, Tony Duvers, Hamilton, Michelangelo Caravaggio.
00:03:07Je pense à Visconti, Marguerite Duras.
00:03:12Tous ces artistes ont en commun d'avoir représenté l'adolescence, sa beauté,
00:03:16sa sensualité, sa tentation.
00:03:19C'est le moment de l'éveil.
00:03:22Il y a la beauté du corps tout simplement, mais il y a aussi surtout cette idée de pureté.
00:03:26L'adolescence est un moment vertigineux, passionnant, mystérieux, énigmatique.
00:03:33C'est un stade de l'amour où rien n'est fixé.
00:03:37C'est l'âge de toutes les fragilités, et du coup on peut projeter n'importe quoi sur eux.
00:03:41L'adolescence, objet de tous les fantasmes incarnés par des visages.
00:03:45Lolita de Nabokov,
00:03:48Anna de Balthus ou encore
00:03:51Mélodie Nelson de Gainsbourg.
00:03:54Es-tu amoureuse de moi ?
00:03:56Un peu comme Pygmalion.
00:03:59Un sujet qui excite l'imaginaire depuis la nuit des temps.
00:04:02On a ici le corps érotique et juvénile parfait.
00:04:06Mais qui flirte aussi avec les limites de la morale et de la loi.
00:04:10Du fantasme à la réalité, certains artistes sont aujourd'hui accusés d'avoir abusé des enfants.
00:04:16Léonard de Vinci, le plus grand génie de la planète, il a fait de la prison pour pédophilie.
00:04:21Il passe son temps, comme un enfant, à essayer de bouger les limites.
00:04:26Mais il reste dans les limites.
00:04:28Il est venu accompagner d'une jeune fille. Quel âge elle avait, je ne lui ai pas demandé son passeport.
00:04:33Désormais, les victimes prennent la parole.
00:04:36Quand on a été violé et qu'on nous dit que c'est de l'art, qu'est-ce que vous voulez qu'on pense ?
00:04:41Et redéfinissent les limites de la création.
00:04:44J'espère bien qu'on peut acheter mes livres. Je suis un des plus grands écrivains français vivants.
00:04:48J'espère bien qu'on peut acheter mes livres. C'est incroyable.
00:04:51Alors, doit-on s'interdire d'érotiser le corps adolescent ?
00:04:55La découverte de la sensualité à 11 ans, à 12 ans, je crois qu'il n'y a rien de plus beau dans la vie.
00:05:01L'art peut-il tout se permettre ?
00:05:04Combien d'artistes ont-ils fait l'apologie de la pédophilie ?
00:05:07Ces questions divisent fortement le monde de l'art.
00:05:14Le Doc Stupéfiant lève le voile sur un tabou de la culture française,
00:05:18la fascination du corps adolescent et ses dérives.
00:05:22L'homme français croyait qu'il était le meilleur amant du monde.
00:05:25Et que l'amour à la française, tout le monde en voulait.
00:05:28C'est vrai ça, non ?
00:05:35Est-ce que je peux conserver mes lunettes ?
00:05:37Oui, bien sûr.
00:05:38Ah, super.
00:05:39Hommage à Lolita.
00:05:42Indirect, mais ça fait longtemps que je les porte.
00:05:45Lunettes de soleil, peau de miel et chevelure châtaine,
00:05:48tout commence avec Lolita, 12 ans et demi.
00:05:511955, Vladimir Nabokov crée la Nymphette, l'archétype de la séductrice aux charmes impubères,
00:05:58un best-seller vendu dans le monde à plus de 50 millions d'exemplaires.
00:06:03Vladimir Nabokov est un des plus grands écrivains du XXe siècle,
00:06:07toutes langues et toutes origines confondues.
00:06:09Et Lolita est son chef-d'œuvre, indéniablement,
00:06:12ça en fait un des plus grands livres de l'histoire de la littérature.
00:06:15Nabokov explore une réalité humaine
00:06:20que le roman n'avait jamais tenté avant lui de découvrir.
00:06:27Lolita, le premier livre, le premier roman
00:06:30qui introduit le thème de la pédophilie dans la littérature.
00:06:34Cette histoire est tragique.
00:06:36Lolita est une fillette de 12 ans,
00:06:39tandis que Monsieur Humbert est un homme mûr.
00:06:43Et c'est l'abîme entre son âge et celui de la fillette
00:06:48qui produit l'attrait d'un danger mortel.
00:06:51Lolita de Nabokov raconte l'histoire d'un homme qui s'appelle Humbert Humbert.
00:06:56C'est un homme d'une quarantaine d'années à peu près
00:06:59qui raconte sa passion amoureuse pour les petites filles de 12 ans,
00:07:03et notamment une qui s'appelle Lolita.
00:07:05Ils vont vivre une passion extrêmement complexe, interdite,
00:07:08malsaine aussi, qui va durer plusieurs années.
00:07:11Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins,
00:07:15mon péché, mon âme.
00:07:18Lolita.
00:07:20Le bout de la langue fait trois petits pas le long du palais
00:07:23pour taper à trois contre les dents.
00:07:26Lolita.
00:07:30Lolita.
00:07:32Le roman Lolita démarre sur les bords de la riviera.
00:07:35Lumière de ma vie, feu de mes reins.
00:07:38La Côte d'Azur, où Vladimir Nabokov venait régulièrement écrire,
00:07:42puisait son inspiration.
00:07:44Mon péché, mon âme.
00:07:47L'écrivain américain d'origine russe.
00:07:49Lolita.
00:07:51Séjournait des mois entiers dans les hôtels de Nice.
00:07:54Lolita.
00:07:58Maurice Couturier est le traducteur de Nabokov.
00:08:01Pas trop de reflets avec mes lunettes.
00:08:03Auteur de plusieurs ouvrages sur cet écrivain,
00:08:05et d'un roman sur Lolita.
00:08:08Nabokov a commencé à écrire ce roman en 1947,
00:08:11et il le terminera simplement en 1953.
00:08:14Entre temps, il a écrit, réécrit,
00:08:17il a failli faire disparaître, il a failli brûler ce roman.
00:08:21Et ce manuscrit a été sauvé des flammes par son épouse.
00:08:24Il savait le risque que cela pouvait constituer
00:08:27pour un professeur d'écrire sur les amours d'un homme adulte
00:08:31pour une gamine de 12 ans.
00:08:33Un thème que l'on retrouvera pourtant après sa mort
00:08:36dans plusieurs écrits non publiés de son vivant.
00:08:39Nabokov avait pu connaître une expérience désagréable.
00:08:44Je dis bien avait pu connaître,
00:08:46parce que cette chose-là n'est pas véritablement authentifiée.
00:08:49Son oncle Ruka, qui était en quelque sorte son parrain
00:08:52et dont il va être l'héritier, était homosexuel.
00:08:56Et le rapport entre ce vieux monsieur et Nabokov
00:09:01demeure assez ambigu.
00:09:04On pourrait imaginer qu'il y ait une sorte d'inversion
00:09:07entre la situation qu'il a pu connaître avec son oncle Ruka
00:09:12et qu'il aurait renversé cette situation dans Lolita.
00:09:15Personnellement, je trouve que c'est peu probable.
00:09:18Ce thème fondateur chez Nabokov
00:09:20va ébranler le milieu littéraire des années 50.
00:09:23Jugé pornographique, Lolita ne sortira d'abord
00:09:26que chez un petit éditeur français
00:09:28spécialisé en littérature érotique, Olympia Presse.
00:09:32Avant d'être censurée et finalement autorisée
00:09:35sur le territoire américain en 1958.
00:09:38Succès littéraire inédit, Lolita divise, scandalise, fascine
00:09:42et lance un débat majeur, innovateur auprès du grand public.
00:09:46Aborder ce sujet en littérature, est-ce forcément en faire l'apologie ?
00:09:51Au moment où Nabokov raconte cette histoire,
00:09:54de pédophilie, on ne parle pas.
00:09:56Le terme n'existe pas. Il n'existe pas dans le langage courant.
00:09:59Ça n'est absolument pas un sujet de préoccupation dans l'espace public.
00:10:03Donc ça scandalise d'un point de vue moral,
00:10:05parce que ce sont des choses dont on ne parle pas.
00:10:07Nabokov parle de pervers et puis, beaucoup plus important,
00:10:12à plusieurs reprises, de viol et d'inceste.
00:10:16Écrire un livre sur un sujet, ce n'est pas nécessairement en faire l'apologie.
00:10:20Mais évidemment, mettre autant de talent à autant de perversité,
00:10:26fait que c'est un livre extrêmement troublant.
00:10:28Le texte de Nabokov, quand vous le reprenez aujourd'hui,
00:10:32il est vraiment dégueulasse.
00:10:34Il est uniquement du côté du désir masculin,
00:10:38un désir plein, un désir dominateur,
00:10:42un désir qui ne se pose pas de questions,
00:10:44un désir qui considère que la jeune fille n'est pas un sujet,
00:10:51n'est pas un sujet qu'il faut respecter.
00:10:54Donc, c'est un véritable cadeau que fait le personnage principal
00:10:59en la baisant même s'il n'a pas envie.
00:11:02La littérature est là pour nous troubler aussi
00:11:05et nous renvoyer à des questions importantes.
00:11:09C'est au lecteur de comprendre ce qu'il se passe.
00:11:12Alors, chacun est libre d'interpréter, bien entendu.
00:11:15Sur les plateaux télé, Nabokov est pourtant systématiquement obligé de se défendre.
00:11:20Eh bien, Lolita n'est pas une jeune fille perverse.
00:11:26C'est une pauvre enfant, une pauvre enfant que l'on débauche
00:11:31et dont les sens ne s'éveillent jamais sous les caresses de l'immonde M. Humbert.
00:11:41Non seulement la perversité de cette pauvre enfant a été grotesquement exagérée,
00:11:48mais son aspect physique, son âge,
00:11:51tout a été modifié par des illustrations dans des publications étrangères.
00:11:58Nabokov dénonce le travestissement de sa Lolita dans la culture populaire.
00:12:03Une enfant victime rendue sensuelle et aguicheuse,
00:12:06notamment sous l'objectif de Kubrick.
00:12:20Une réappropriation de la nymphette à l'origine d'un malentendu universel,
00:12:26fondateur et majeur.
00:12:36Le film de Kubrick est compliqué parce qu'il a pris une actrice qui était beaucoup plus âgée.
00:12:40Et donc le fait qu'elle soit plus âgée, c'est comme si ça validait
00:12:43une espèce d'histoire de sexe entre deux adultes,
00:12:46ce que le livre n'est absolument pas.
00:12:48Ce que fait Nabokov dans les livres, c'est de montrer la douleur de la gamine.
00:12:52Et cette douleur-là, elle n'apparaît pas dans ce qu'on en a fait en termes de pop culture.
00:12:56Les Lolitas, on ne les voit pas pleurer.
00:12:58Et pourtant Lolita, dans le roman, elle pleure.
00:13:00Elle pleure après une scène de sexe.
00:13:02Et c'est notre société qui s'est emparée de ce livre
00:13:05et qui en a fait une espèce de roman érotique, ce qu'il n'est pas.
00:13:08Le terme Lolita dans la littérature est devenu un archétype.
00:13:11Ça dessine une jeune fille, généralement assez sensuelle,
00:13:15assez précoce sur le plan physique,
00:13:17qui a la volonté de séduire les hommes,
00:13:20de tester un petit peu son pouvoir sur les hommes.
00:13:23Et comme c'est un archétype que l'on va retrouver dans la société,
00:13:26c'est devenu un nom commun.
00:13:29Le fantasme de la Lolita se diffuse ainsi dans la culture populaire
00:13:33et notamment chez la star de la chanson française, Serge Gainsbourg.
00:13:38C'est un livre très pur.
00:13:40C'est ça.
00:13:41Un des beaux livres de ce siècle, je pense.
00:13:45Fasciné par Nabokov, le chanteur lit ici un passage de Lolita
00:13:49accompagné d'un photomontage de l'ORTF, aujourd'hui troublant.
00:14:15Gainsbourg commence à écrire des chansons dans les années 50,
00:14:18à une époque où le motif de la ninfaite est quand même extrêmement courant.
00:14:23Et comme c'est un poète, un chansonnier qui parle des femmes,
00:14:27il va parler de ce qui occupe les hommes, les très jeunes femmes.
00:14:30Donc ces femmes qui éveillent la pulsion érotique.
00:14:33Il y a beaucoup de références chez Gainsbourg, y compris dans les pochettes d'albums.
00:14:37Melody Nelson avec Ourson, avec l'enfance,
00:14:40avec des choses qui, aujourd'hui, seraient regardées peut-être avec un peu plus de prudence
00:14:45ou en tout cas beaucoup plus de précaution.
00:14:481971.
00:14:52Serge Gainsbourg écrit l'album concept Melody Nelson.
00:15:03L'histoire d'une adorable garçonne de 14 automnes et 15 étés,
00:15:06incarnée par sa nouvelle muse, Jane Birkin.
00:15:09Là encore, un hommage à Lolita.
00:15:19Melody Nelson, c'est une petite fille d'aujourd'hui.
00:15:28Un peu comme Pygmalion. Voilà, c'est tout.
00:15:31Il reprend exactement la même thématique que Nabokov,
00:15:34c'est-à-dire une adolescente, une toute jeune fille,
00:15:38qui est séductrice, qui est provocatrice et provocante,
00:15:44qui attire le regard, qui cherche à susciter le désir masculin.
00:15:49Il joue à la fois de son admiration pour Nabokov
00:15:52et en même temps de son attirance, je le pense,
00:15:55ou en tout cas du trouble qu'il ressent pour les adolescentes.
00:15:58Trouble qu'il transmettra à Jane Birkin, qui finira par faire Lolita Gohom.
00:16:03Dans la chanson Lolita Gohom,
00:16:06à un moment, il est question d'un vieux monsieur qui s'alive devant elle
00:16:10alors qu'elle a les jambes écartées.
00:16:12Elle est vraiment installée dans une provocation tout à fait évidente.
00:16:30On voit bien que la Gainsbourg, il cherche à choquer la bourgeoise.
00:16:37De Lolita Gohom au sucette d'Anouk,
00:16:41en passant par Lemon Incest,
00:16:44Serge Gainsbourg couche sur partition son fantasme des jeunes filles.
00:16:49Il y a une affirmation du désir masculin
00:16:53qui s'insère très bien dans le cadre de la domination masculine
00:16:57et qui s'exerce sur des objets et potentiellement des proies.
00:17:03L'une des preuves qui montre que Gainsbourg adorait les très jeunes filles,
00:17:07c'est qu'il a vécu sa dernière histoire d'amour avec une jeune fille de 16 ans
00:17:11qui s'appelait Constance Meyer.
00:17:13Gainsbourg était tellement sous son charme
00:17:15qu'il lui a même écrit un poème où il reprenait son prénom.
00:17:19Serge Gainsbourg avait l'habitude de retrouver Constance Meyer au bar du Raphael.
00:17:27Constant dans l'inconstance, j'ai perdu ma licence de lettres,
00:17:31celle de science m'est acquise d'offense.
00:17:34Cut ou bien plan-séquence, peu importe à mon sens,
00:17:38pardonnez ces offenses et mes réminiscences.
00:17:41Je vais toujours à sens unique, et je me sens sûre,
00:17:45mais quand Gainsbourg me relance, je suis à 100%.
00:17:50Quand j'ai connu Serge, j'avais 16 ans,
00:17:53en plus j'avais un physique assez candide, je faisais assez jeune,
00:17:58donc naturellement j'étais assez Lolita,
00:18:01donc Lolita avec lui c'est un uniforme,
00:18:05c'est jean, jupe en jean, petite robe noire.
00:18:09C'était mignon d'ailleurs, avec des petites culottes petit bateau blanche,
00:18:12des petites soquettes blanches.
00:18:15C'est une esthétique qu'il avait, qu'il aimait,
00:18:19qu'il m'a inculquée, mais que j'aimais aussi.
00:18:24Une esthétique que l'on retrouve dans son dernier album,
00:18:26Under Arrest, sorti en 1987.
00:18:29L'histoire de la relation entre Samantha, 14 ans,
00:18:32et le narrateur, coffré pour détournement de mineurs.
00:18:35Une fiction qui résonne évidemment avec sa vie privée.
00:18:41Je me rappelle d'une fois dans le commissariat du 6ème place Saint-Sulpice,
00:18:45où je devais avoir entre 16 et 18, c'est sûr.
00:18:48Et il disait, elle est mineure, elle est mineure,
00:18:53il faut m'enfermer, ou il faut l'enfermer, ou il faut nous enfermer.
00:18:57Et les flics se marraient, ils n'en avaient rien à faire.
00:19:00De toute façon, la majorité sexuelle en France est de 15 ans et 3 mois,
00:19:03donc il n'y avait pas d'interdit.
00:19:05Parce que Serge n'allait pas dans l'interdit.
00:19:07Il pouvait peut-être le chanter, mais il n'y allait pas.
00:19:10Et en fait, il passe son temps, comme un enfant,
00:19:13à essayer de bouger les limites.
00:19:15Mais il reste dans les limites.
00:19:18On peut vouloir choquer, et pour cela, utiliser ses propres fantasmes.
00:19:22Mais la question des fantasmes de Gainsbourg, moi, elle ne m'intéresse pas.
00:19:28Il a le droit d'avoir les fantasmes qu'il veut, ça ne me pose aucun problème.
00:19:34Les artistes ont toujours été fascinés par les jeunes adolescents,
00:19:38par ce moment de transition entre l'enfance et l'adulte.
00:19:42Déjà parce qu'il y a la beauté du corps,
00:19:44que ce soit chez les jeunes filles ou chez les jeunes garçons.
00:19:47Un corps qui est juvénile, qui commence à se former.
00:19:50Il y a quelque chose de très fascinant dans cette transformation de l'enfant en adulte,
00:19:55dans cette sexuation qui s'affirme à ce moment-là, via la puberté.
00:20:02Et pour un adulte, c'est quelque chose qui le renvoie à sa propre histoire.
00:20:07Ça, c'est Balthus. C'est le moment de l'éveil.
00:20:11Et notamment de l'éveil des sens.
00:20:14Il y a quelque chose de stupéfiant.
00:20:17Et il est normal qu'un peintre veuille, souhaite capter ce moment.
00:20:29C'est dans un manoir au cœur des montagnes suisses que Balthus accueillait ses jeunes modèles.
00:20:34Ce personnage réservé et mystérieux a peint essentiellement des filles nubiles,
00:20:39dans des positions ambiguës.
00:20:41Une œuvre qui a longtemps fait l'objet d'un culte.
00:20:45Jacques Lang, le ministre de la Culture, a inauguré ce matin la rétrospective Balthus au centre Georges Pompidou.
00:20:52Balthus est un des plus grands peintres français vivants.
00:20:55Il peint peu, ne se montre jamais.
00:20:58La peinture de Balthus est énigmatique, troublante.
00:21:01On a souvent utilisé le mot érotisme à propos des tableaux les plus connus.
00:21:06Ces tableaux sur lesquels des jeunes filles s'abandonnent.
00:21:09On ne sait à quel rêve, à quel fantasme.
00:21:12Balthus érotise le corps adolescent et introduit des allusions sexuelles parfois très explicites.
00:21:18Des tableaux troublants, voire dérangeants.
00:21:22Balthus est un artiste qui a peint des jeunes filles, des adolescentes,
00:21:27dans des positions qui étaient assez érotiques.
00:21:31Qu'a fait Balthus ?
00:21:33Il les a regardées, ces jeunes filles.
00:21:35Il ne s'est pas contenté de les regarder.
00:21:38Il a fait des tableaux, des toiles magnifiques, où il les a déludées.
00:21:44Et quand il ne les déludait pas, il les peignait, allongés ou assises, jambes écartées.
00:21:51J'ai dans l'esprit une peinture de Balthus.
00:21:53Il y a une petite fille qui doit avoir neuf ans,
00:21:55qui est toute nue, allongée sur un canapé.
00:21:59Ça, ce n'est pas possible aujourd'hui.
00:22:01On ne pourrait pas l'exposer dans une galerie.
00:22:03La police viendrait le saisir tout de suite.
00:22:06Les experts en peinture ont tendance à chercher des symboles,
00:22:11à essayer de trouver des sens cachés.
00:22:14C'est ça, le drame.
00:22:17En confondant tout.
00:22:20En mettant tout sur le dos de ce pauvre Nabokov qui avait fait Lolita.
00:22:27Malheureusement, ils sont tous influencés par la psychanalyse, maintenant.
00:22:33La psychanalyse a fait beaucoup de mal, je crois.
00:22:39La force de Balthus, c'est qu'il disait toujours que lui ne peignait pas des choses érotiques.
00:22:45C'était toujours les personnes qui regardaient, qui projetaient leurs pulsions sur l'œuvre.
00:22:49Tout est dans le regard de celui du spectateur,
00:22:52de celui qui lit le tableau et qui le lit avec des yeux plus ou moins orientés.
00:22:58Mais quand on regarde bien l'œuvre de Balthus,
00:23:01on voit que si les poses des personnages sont érotiques,
00:23:04les visages, eux, n'ont jamais une attitude érotique.
00:23:08Il n'y a pas de regard provoquant.
00:23:10Il n'y a pas d'attitude érotique.
00:23:12Il n'y a pas d'attitude érotique.
00:23:13Il n'y a pas de regard provoquant.
00:23:15Il n'y a pas de petit sourire malicieux.
00:23:17Donc, tout est dans l'ambiguïté chez Balthus.
00:23:20Et c'est ça qui est très fort et qui, aujourd'hui, nous paraît encore plus dérangeant.
00:23:25Car le malaise du public est bien réel face à ces filles à ta peine pubères.
00:23:31Aux États-Unis, en 2017, une pétition circule pour demander le décrochage d'une toile de Balthus, Thérèse Révent.
00:23:40Je le qualifierais probablement plus comme du pornographique et pas une œuvre d'art.
00:23:45Selon la pétition, voici une image sexuellement explicite d'une mineure.
00:23:49Selon le musée, le modèle de cette peinture de 1938 avait 12 ou 13 ans.
00:23:54Et cette œuvre est un modèle récurrent du travail de Balthus.
00:23:59Le Metropolitan Museum of Art refusera de retirer la peinture.
00:24:05Je pense que c'est absolument dramatique que de faire des pétitions pour faire décrocher un artiste aussi reconnu que Balthus des musées.
00:24:14Ça s'appelle du révisionnisme, tout simplement.
00:24:16On n'a pas à censurer l'art, on a à le contextualiser, à l'expliquer.
00:24:21Mais on n'a pas à questionner si c'était légitime ou pas pour Balthus de peindre des jeunes filles dont on voyait la culotte.
00:24:29Donc l'homme n'a commis, à notre connaissance, aucun acte répréhensible, mais il avait un regard répréhensible.
00:24:37D'ailleurs, les Américains parlent de male gaze, le regard masculin sur les femmes et les jeunes filles dont il faudrait se défaire aujourd'hui.
00:24:47Ce que l'art peut tous permettre, donc questionner les pulsions, évidemment, mais les questionner vraiment, en fait.
00:24:52Moi, ce qui me dérange, c'est le côté on valorise toujours le même point de vue.
00:24:55Et donc, j'ai l'impression que pendant des siècles, la littérature, plus récemment le cinéma, mais la peinture partout,
00:25:02on a valorisé le regard d'hommes, d'hommes d'un certain âge sur des filles très jeunes.
00:25:08Regardons la peinture, il me semble qu'il y a des jeunes filles ou des femmes un peu plus mûres
00:25:15qui, dans l'essentiel de l'histoire de la peinture, sont quand même des corps offerts au désir et au regard masculin.
00:25:22Le prix Goncourt 1984 a été attribué au troisième tour de scrutin à Marguerite Duras pour son roman Laman.
00:25:351984, Marguerite Duras rompt avec cette vision très masculine du désir.
00:25:41Elle se raconte adolescente dans l'Indochine des années 20.
00:25:45Elle a 15 ans. Elle est pauvre. Il a 27 ans. Il est chinois, milliardaire.
00:25:51Poussée par sa mère, Marguerite Duras va vivre une histoire sensuelle et vénale avec cet homme beaucoup plus âgé qu'elle.
00:25:58Laman, trois millions d'exemplaires vendus, fait d'elle l'un des écrivains vivants le plus lus de la planète.
00:26:04Le livre de Marguerite Duras, Laman, est probablement un des premiers textes qui exprime de manière aussi directe,
00:26:12aussi transparente, aussi crue, la réalité du désir féminin et du désir d'une très jeune fille pour un homme plus âgé.
00:26:20C'est la première fois de ma vie que je lisais un livre où il y avait une fille de 15 ans qui n'était pas un objet,
00:26:28c'est un pur objet de désir, qui était sujet et qui parlait de son désir à elle.
00:26:33Et avec énormément de violence parce que tout le livre est très très violent, les rapports avec sa mère, la pauvreté.
00:26:39C'est pas l'amour fou. J'appelle ça le trafic de sentiments et la tentation d'essayer de tomber amoureuse
00:26:49dans une histoire qui n'est pas voulue par elle et qui n'est pas désirée par elle.
00:26:53C'est un peu étonné, un peu épaté et attiré aussi, bien sûr.
00:27:00Mais qu'est-ce qui vous attire en lui ?
00:27:02L'argent, la douceur.
00:27:07Une relation ambiguë, motivée par des besoins financiers, que le réalisateur Jean-Jacques Annaud va transformer en histoire d'amour.
00:27:15Dans son regard masculin, l'amant devient une ode à la découverte de la sexualité adolescente.
00:27:21Une passion sensuelle et érotique entre une jeune fille et un adulte.
00:27:26J'ai adapté l'amant pour une raison assez cocasse.
00:27:31J'ai élevé trois filles. Et le dimanche, à la table, autour du poulet rôti, je voulais expliquer ce que ça allait être la vie sexuelle.
00:27:42Elles se bouchaient les oreilles, elles hurlaient. Ils disaient, mais papa, arrête tes cochonneries.
00:27:46Je disais, c'est pas des cochonneries, c'est la vie, c'est l'amour. Mais arrête, arrête, arrête.
00:27:50Je les ai menacées. Je leur ai dit, les filles, je vais vous faire un film. Et donc vous serez obligées de le voir.
00:27:56J'ai eu envie, d'ailleurs, pour transmettre ça à mes propres filles, d'essayer de comprendre ce qu'on peut ressentir quand on a 15 ans
00:28:10et qu'on tombe en désir sensuel, charnel, d'un homme plus âgé.
00:28:19La découverte de la socialité, à 11 ans, à 12 ans, cet échange, ce partage, je crois qu'il n'y a rien de plus beau dans la vie. C'est magnifique.
00:28:32De toute façon, j'ai eu une découverte un peu particulière. Je suis tombé amoureux de mon professeure quand j'avais 11 ans.
00:28:39Elle avait 28 ans et elle m'a appris beaucoup de choses, le latin, le grec et d'autres choses encore.
00:28:44C'est pour ça que j'ai sans doute un rapport tellement confiant et que j'ai peut-être tendance à idéaliser un petit peu les femmes de toutes âges, de toutes provenances.
00:28:57Parce que j'ai aimé ce rapport, follement. Ce rapport de tendresse, de sincérité, ces moments d'extase partagés. Oui, bien sûr, je trouve ça complètement merveilleux.
00:29:11Jean-Jacques Annaud nous livre un épisode très personnel de son adolescence qui expliquerait peut-être sa vision optimiste et romantique du livre de Duras.
00:29:19Marguerite Duras détestera l'adaptation de Jean-Jacques Annaud. Elle était déçue peut-être par l'illustration un peu de l'histoire d'amour, le côté romancé de l'histoire d'amour.
00:29:32C'est très léché, presque hollywoodien, gentillet. Ça, c'est pas du tout la grammaire des sentiments de Marguerite Duras.
00:29:43Le film de la lecture qui est le plus violent. Il n'y a rien à faire pour la remplacer, celle-là.
00:29:54Je regardais ce qu'il faisait de moi comme il se servait de moi et je n'avais jamais pensé qu'on pouvait le faire de la sorte. Il allait au-delà de mon espérance et conformément à la destinée de mon corps.
00:30:08Ainsi, j'étais devenue son enfant. Ça, c'est une vieille histoire. Quand les jeunes filles sont obligées de faire l'amour avec des personnes qui sont plus âgées qu'elles, généralement des mecs, des vieux mecs, les mecs veulent que les jeunes filles soient des enfants.
00:30:27Donc, on n'est pas loin de la ceste, mais là, on est en train de lire un fragment de « L'amant » de Marguerite Duras où elle dit « Je » et le paragraphe précédent, elle se met à sa place, à lui.
00:30:40Et il dit « Il la regarde, les yeux fermés, il la regarde encore, il respire son visage, il respire l'enfant ». Donc, on voit quand même bien qu'elle parle d'elle comme d'une enfant et donc pas d'un sujet pleinement autonome, à la fois autonome de son propre désir, autonome de sa propre volonté.
00:31:03Il lui fait découvrir quelque chose qu'elle ne connaissait pas, elle en jouit peut-être et elle découvre une terra incognita, mais en tout cas, le consentement, pour parler d'un gros mot, le consentement, moi je ne sais pas où il est là.
00:31:21Il est fou d'amour pour vous.
00:31:23Oui, c'est normal aussi, une petite comme ça. Toute petite, toute...
00:31:32Et vous, vous ne l'aimez pas ?
00:31:35Je ne sais pas.
00:31:42Pour nous aider à prendre du recul sur ce sujet sensible et troublant, nous avons sollicité les lumières du neuropsychiatre Boris Cyrulnik.
00:31:52Boris Cyrulnik, on vient de le voir dans « L'amant ». Un enfant, un jeune adolescent peut-il ressentir du désir pour un adulte ?
00:32:02Alors, un enfant peut ressentir du désir, mais il ne fait pas encore la différence entre le désir sexuel et l'attachement.
00:32:11Parce qu'il est en cours de développement, l'apparition de l'adolescence fait qu'il peut ressentir un désir. Les petits garçons et les filles ont des rêves érotiques.
00:32:20Il peut avoir un désir intense, mais l'amour et l'attachement ne sont pas encore clairement différenciés.
00:32:26L'adulte, lui, devrait faire la différence entre le désir d'attachement et le désir sexuel.
00:32:32La pédophilie, c'est l'amour des enfants. La pédérastie, c'est païdos. Eros, le désir sexuel pour un enfant, ce qui n'est pas normal chez un adulte.
00:32:41Vous dites qu'un enfant peut ressentir du désir pour un adulte, mais est-ce que son consentement est libre, totalement libre ?
00:32:49Alors, l'affaire du consentement, c'est très différent. C'est qu'un enfant, même s'il a un désir, il bouillonne de désirs d'amour, mais il ne sait pas pourquoi, il ne sait pas pour qui.
00:32:59Ça se met en place en quelques années. Donc, même si un enfant éprouve un désir d'amour, il ne peut pas consentir.
00:33:06Pour une raison bien simple, c'est qu'il ne peut pas être un partenaire adulte d'un autre adulte.
00:33:13C'est-à-dire qu'il n'imagine même pas ce que peut être une relation sexuelle. Il a un désir, mais il ne sait pas comment ça va se passer.
00:33:20Donc, il ne peut pas imaginer, donc il ne peut pas consentir.
00:33:23À partir de quel âge on peut dire que le consentement est à peu près libre ?
00:33:27Alors, la loi dit 15 ans, parce qu'il faut bien que les juristes se raccrochent à un chiffre, mais c'est très variable d'un enfant à un autre.
00:33:34Il y a des enfants et il y a des filles à 15 ans qui sont des jeunes femmes, et d'autres à 60 ans qui n'ont pas terminé leur adolescence.
00:33:41Mais en revanche, pour un adulte, c'est différent. C'est que lui doit être en place.
00:33:46C'est-à-dire que même si une petite fille ou un petit garçon exprime un désir érotique,
00:33:52lui, adulte, doit faire la distinction entre le besoin d'attachement d'un enfant, d'un adulte,
00:33:59et le désir sexuel qui implique la représentation de ce que peut être un acte sexuel, ce que ne peut pas faire un enfant.
00:34:07Justement, en quoi ces affaires d'abus sont traumatisantes pour l'enfant, sont destructrices ?
00:34:14Comme un abus, j'ai été escroqué. J'avais un désir sexuel auquel je ne donnais pas une forme adulte, donc je n'étais pas une partenaire.
00:34:22Il en a profité. Il a profité de moi et de mon corps. Vingt ans après, je découvre, je comprends qu'il m'a escroqué.
00:34:31En fait, c'est un abuseur. Mais c'est après que je me mets à souffrir. Pourquoi ? Est-ce qu'il a profité de mon désir
00:34:41pour avoir avec moi des relations sexuelles alors que je n'étais pas une vraie partenaire en corps ?
00:34:47Est-ce que vous pensez que dans le passé, les artistes ont magnifié, ont sublimé les histoires entre des adultes et des enfants ?
00:34:54Très régulièrement. C'est même une forme d'art. Cette ronçard mignonne, allons voir si la rose qui ce matin avait déclose sa robe de pourpre au soleil,
00:35:04elle avait 13 ans. Donc, ronçard, aujourd'hui, pourrait être considéré comme pédéraste.
00:35:11Comment vous expliquez qu'il y ait tellement d'artistes depuis la nuit des temps qui aient abordé ce thème de la pédophilie,
00:35:18qui aient eu envie de représenter ou d'écrire ou de peindre sur les jeunes enfants et sur les jeunes adolescents ?
00:35:26Parce que le corps d'un jeune est très beau. Donc, c'est une forme d'art, déjà. Mais ça dépend beaucoup du contexte socioculturel et des valeurs de la culture.
00:35:40Par exemple, au Moyen-Âge, la pédophilie était considérée comme un péché mignon.
00:35:44Donc, il y avait des poésies, il y avait des tableaux, et c'était considéré que ce n'était pas grave. C'était un péché mignon.
00:35:51Au Moyen-Âge, le péché mortel, c'était la sodomie qui fascinait tous les penseurs du Moyen-Âge, qui étaient horrifiés par ça.
00:35:59Au XIXe siècle, ça a dû durer une bonne partie du XXe siècle, ce qui horrifiait les gens, c'était l'onanisme.
00:36:05La pédophilie, c'était un petit tourisme sexuel, c'était charmant, ce n'était pas grave.
00:36:10Quand vous, aujourd'hui, Boris Cyrulnik, vous lisez Lolita de Nabokov, quand vous écoutez certaines paroles des chansons de Gainsbourg,
00:36:16quand vous regardez une peinture de Balthus qui représente une très jeune fille, est-ce qu'il y a des choses qui vous choquent là-dedans ?
00:36:23Alors, les artistes sont nos porte-paroles. C'est-à-dire que si Nabokov exprime un trouble sexuel pour une grande, petite fille,
00:36:32il est le porte-parole de ceux qui éprouvent le même désir sexuel.
00:36:37Donc, il peut le faire, puisque les artistes se permettent tout dans un monde de fantasmes et de représentations.
00:36:45Il peut le faire, mais c'est la preuve que, pour lui, la frontière n'est pas encore claire.
00:36:50Mais si je poussais le bouchon, est-ce que l'art pourrait être le lieu où on assouvit ces fantasmes,
00:36:57où Nabokov écrit ce désir pour cette petite fille-là, et que ça éviterait le passage à l'acte dans la réalité ?
00:37:03Non, je crois pas. Je crois que c'est un échantillon. Le désir, ça donne forme au désir. L'art donne forme au désir.
00:37:09Il a le droit de s'exprimer, mais je pense que l'art n'est pas un catharsis, comme on dit en ce cas-là.
00:37:15L'art ne permet pas d'assouvir un désir. Au contraire, il donne forme au désir.
00:37:20Un homme peut le mettre sous forme de peinture. Balthus, il peut le mettre sous forme de livre, de poésie ou de chanson.
00:37:29Il ne peut pas passer à l'acte.
00:37:31Pourtant, certains artistes sont bien passés à l'acte, confondant leur œuvre avec leur vie.
00:37:37Une pratique qu'ils tentent de légitimer en se référant à la Grèce antique.
00:37:43Nous sommes tous imprégnés d'une culture gréco-latine qui habite encore notre habitacle le plus intime.
00:37:51Et finalement, dans cette culture gréco-latine, on a toutes et tous appris à l'école dès qu'on était petits
00:37:58que la beauté, l'expression de la beauté, c'était l'adolescence.
00:38:11L'adolescence dans toute sa grâce, exaltée par les artistes de l'Antiquité grecque et ses figures les plus mythiques.
00:38:29Les Trois Grâces, c'est un peu une personnification pour les anciens de la jeunesse, de la beauté, de la fraîcheur.
00:38:36Ce sont des personnifications parmi les plus positives de la mythologie grecque.
00:38:42On a ici des jeunes filles, des adolescentes. Elles ont sans doute 14 ou 15 ans.
00:38:48Elles sont plutôt petites avec de petits seins et des hanches quand même assez larges.
00:38:52Elles ont le physique de jeunes nymphes, comme on disait dans l'Antiquité.
00:38:58Ce sont les nymphettes absolues, en fait. C'est exactement ça. C'est cette idée de la prime beauté, la prime jeunesse.
00:39:08Mais derrière ces canons de beauté antiques se cache une réalité beaucoup plus sombre, que l'historien Christian-Georges Schwenzel tient à souligner.
00:39:16La nymphe, c'est aussi la jeune fille vierge lors de son mariage.
00:39:22C'est vraiment un rite de passage, un passage assez traumatisant,
00:39:26qui s'apparente dans les faits à une sorte de viol réputé légal d'une jeune fille vierge de 13 ou 14 ans par son mari qui a 30 ans ou plus.
00:39:38On pense qu'ensuite, la jeune fille va s'habituer en quelque sorte et qu'elle va s'attacher à son époux.
00:39:44Mais tout mariage grec commence quand même par une prise de possession violente d'une jeune fille vierge par son mari.
00:39:53Pardon, je vais être un peu direct, mais vous pouvez dire vraiment que tout mariage grec s'apparente à une prise de possession violente ?
00:40:00À une sorte de viol, oui.
00:40:01Mais dans tous les cas, il y a quand même des mariages qui se passent.
00:40:04On ne demande pas son avis à la jeune fille.
00:40:06Quand savez-vous ?
00:40:07C'est la question du consentement.
00:40:08C'est la question du consentement qui est le central.
00:40:10Un consentement sans pression sociale.
00:40:12Et le consentement ne peut pas être obtenu par une jeune fille vierge si elle se trouve face à une autorité qui est plus âgée.
00:40:23Et patriarcale.
00:40:24Qui est patriarcale.
00:40:25Le consentement, un débat très actuel, bien loin des préoccupations antiques.
00:40:31À l'époque, le corps juvénile des filles et des garçons est perçu par leurs aînés comme un objet érotique.
00:40:39C'est un âge ambigu, intermédiaire.
00:40:42Le garçon n'est pas tout à fait garçon, la fille n'est pas tout à fait fille.
00:40:45C'est donc le thème de l'androgynie.
00:40:47L'androgynie, vous savez, c'est avoir les deux sexes à la fois.
00:40:51Et ça, c'est un thème fascinant pour les artistes parce que c'est un vieux mythe.
00:40:54C'est le mythe de l'unité, si vous voulez, de l'harmonie primordiale.
00:40:59Un corps de fille et de garçon mêlés.
00:41:02Ou le mythe de l'hermaphrodite.
00:41:07Objet de désir et de fascination dans l'Antiquité.
00:41:10On a ici le corps érotique et juvénile parfait d'un point de vue strictement sexuel pour de nombreux Grecs et de nombreux Romains.
00:41:21C'est ce que dit d'ailleurs très clairement le poète Horace, un poète latin du 1er siècle avant notre ère.
00:41:26Dans l'une de ses œuvres, il dit qu'il est attiré sexuellement et qu'il a envie de pénétrer tout autant une jeune fille qu'un jeune garçon.
00:41:33Une pouéla tout autant qu'un pouer.
00:41:36Donc ici, on a la jeune fille et le jeune garçon d'Horace en même temps.
00:41:42Ce qui véritablement intéressait beaucoup de Grecs et de Romains, c'était la domination phallique de ce type de corps.
00:41:52Une domination phallique héritée des dieux, omniprésente dans la société grecque.
00:41:58L'homosexualité entre adultes était condamnée.
00:42:02Très mal vu en tout cas, comme en France il y a 50 ans.
00:42:05Mais en revanche, ce qu'on appelait la pédérastie, au sens étymologique, c'est-à-dire amour des enfants.
00:42:11Et raste, c'est-à-dire amoureux, pédos et enfants, était une institution.
00:42:18Le plus grand modèle de la pédérastie, si on peut dire, en Grèce, c'est le mythe du Ganymède.
00:42:24Ganymède, un jeune garçon enlevé par Zeus pour devenir son amant.
00:42:29Le mythe de Zeus et de Ganymède, c'est une justification religieuse de la pédophilie.
00:42:37On voit bien que Zeus est un véritable prédateur sexuel.
00:42:40Il est vêtu, il est barbu, il détient un sceptre, symbole de sa puissance phallique.
00:42:47Alors que Ganymède, lui, est représenté comme un jeune homme, un adolescent de 14 ou 15 ans.
00:42:54Il est nu, il joue avec un cerceau et aussi avec un coq.
00:42:58Le coq, on sait que c'était un jouet pour les jeunes garçons en Grèce.
00:43:03La mythologie grecque justifie la domination phallocratique sur des jeunes garçons, comme des jeunes filles d'ailleurs.
00:43:12La pédérastie, c'est une institution, c'était une forme d'initiation à la vie.
00:43:16Et cet adulte enseignait aux jeunes la chasse, la guerre, à l'époque très importante, la littérature, la philosophie et le sexe.
00:43:24Tout ça, ça faisait partie d'un tout.
00:43:27Après quoi, le garçon était considéré comme étant un homme.
00:43:32Évidemment, ce n'est pas un modèle qu'on peut recommander aujourd'hui,
00:43:34mais comme la civilisation grecque ne passe pas pour être la plus méprisable, c'est quand même, il est bon de le rappeler.
00:43:41Une civilisation qui inspire l'un des plus grands écrivains français du XXe siècle.
00:43:45André Gide.
00:43:47Prix Nobel de littérature en 1947, régulièrement au programme du bac.
00:43:52Cet auteur fait des relations entre adolescents et adultes, le sujet principal de son œuvre.
00:43:58On peut s'étonner qu'un homme comme lui reçoive le prix Nobel,
00:44:02puisqu'il avait une réputation extrêmement sulfureuse, étant donné sa défense de la pédérastie.
00:44:10Il est un des premiers, voire le premier, à avoir fait de ses préférences sexuelles,
00:44:16l'objet d'un récit, l'objet de sa littérature.
00:44:21C'était vraiment une mission presque qui s'était donnée,
00:44:24de vivre ses inclinations au grand jour, de les écrire et de les diffuser.
00:44:32C'est-à-dire qu'il va écrire coup sur coup trois livres très importants.
00:44:37Corridon, qui est donc cet essai qui était une défense officielle de la pédérastie.
00:44:44Les faux monnailleurs, qui sont un roman.
00:44:47Et Si le grain ne meurt, qui est son autobiographie.
00:44:50Rien d'illégal, dans la première moitié du XXe siècle, la majorité sexuelle est de 13 ans.
00:44:56Et le désir pour la jeunesse n'est pas encore condamné par la morale publique.
00:45:01Avoir des relations sexuelles avec des enfants, ce n'est pas vraiment choquant.
00:45:06Ce qui est réellement choquant, c'est avoir des relations homosexuelles avec des enfants.
00:45:09Bref, Gide est, un peu à son corps défendant, transformé en défenseur, avocat de l'homosexualité.
00:45:18Ce qu'il n'est pas, ce qu'il ne cherche pas à être, ce n'est pas ça son objet.
00:45:22L'objet de son désir, ce sont les petits garçons.
00:45:25C'est toute l'ambiguïté de Gide.
00:45:27Porte-drapeau de l'homosexualité, l'écrivain fait entrer le désir pour les jeunes garçons
00:45:31dans le périmètre du plaisir et de la sensualité.
00:45:35Une dimension qui sera porteuse de bien des confusions.
00:45:39On sait que Gide allait très régulièrement en Afrique du Nord.
00:45:43D'ailleurs, il a commencé par y faire son voyage de Nasse.
00:45:46Il croise des tas d'enfants, manifestement, dans ce qu'il raconte.
00:45:50Ils sont nombreux, qui sont offerts.
00:45:53Et il a avec eux des amours tarifés, qu'il présente bien sous les auspices du désir partagé, de la complicité.
00:46:04C'est évident que dans les livres de Gide, quand il parle du petit Tunisien dans l'immoralisme,
00:46:09ce n'est pas un adolescent, c'est un enfant.
00:46:11Il y a quelque chose qui est accepté, qui est intégré dans un ordre sexuel plus général,
00:46:19qui est que, en gros, les enfants peuvent être victimes de la prédation masculine.
00:46:24Ils sont un peu là pour ça.
00:46:27Gide a reçu le prix Nobel aujourd'hui.
00:46:30Et de plus en plus, on va le considérer comme un pédophile,
00:46:36un homme qui a abusé de son autorité d'adulte pour se taper des jeunes gens à peine pubères.
00:46:47Et on ne verra rien d'autre de lui.
00:46:51André Gide ouvre la voie à toute une génération d'écrivains.
00:46:57Dans son sillage, Roger Perfit n'hésite pas à romancer ses amours adolescentes
00:47:02et son désir de jeunes et faibles.
00:47:05Les Amitiés particulières, pris Renaudot en 1945, sera même adapté au cinéma.
00:47:11Le scandale, pour moi, c'est l'hypocrisie.
00:47:14C'est-à-dire l'ennemi de la vérité, l'ennemi de la vie, l'ami de la mort.
00:47:20Et par conséquent, il faut bien le dire, l'ami d'une certaine morale.
00:47:25Allons-y, shooté, petit Julien.
00:47:30Écrivain à scandale, personnage excentrique,
00:47:33Roger Perfit croise la route d'une certaine Amanda Lear.
00:47:36La muse de Dali nous raconte cette histoire particulière.
00:47:41En 1978, on m'a demandé d'inaugurer le Palace.
00:47:46C'était la grande période disco, vous savez, le Palace, etc.
00:47:49Paris Match a demandé à quelqu'un de m'interviewer.
00:47:53Ils ont demandé à Roger Perfit, que je ne connaissais pas particulièrement.
00:47:57Il était avec un beau jeune homme, qui m'a tapé dans l'oeil,
00:48:01et qui était son fils, et qui l'avait adopté.
00:48:05Je suis tombé amoureuse de ce garçon.
00:48:07Je l'ai épousé.
00:48:09On s'est mariés en mars, quelques mois plus tard, en mars 1979.
00:48:13Et donc Roger Perfit est devenu mon beau-père.
00:48:16Roger Perfit rencontre Alain-Philippe Malagnac,
00:48:19lorsque le garçon avait 13 ans, sur le tournage des Amitiés Particulières.
00:48:23L'écrivain le prend sous son aile, en fait son amant, avant de l'adopter.
00:48:28Au départ, il a vu un joli garçon, forcément, vu ses mœurs.
00:48:32Il a trouvé qu'il était ravisant.
00:48:34Lui, il voyait ça beaucoup plus dans le sens de ce que faisaient les Grecs.
00:48:39En fait, il vous citait tout le temps la mythologie grecque, etc.
00:48:43Que les Grecs avaient un giton, Alexandre le Grand aussi,
00:48:46c'est-à-dire l'amour d'un jeune homme, qui d'ailleurs plus tard,
00:48:49une fois que ce jeune homme grandit, se marie, a des enfants et tout.
00:48:53Mais il y a toujours une personne un peu plus âgée,
00:48:56une espèce de figure un peu dominante,
00:48:59qui tombe amoureuse de ce garçon-là et qui l'aide, qui l'accompagne dans la vie.
00:49:03Mais ça, c'est traditionnel.
00:49:05Ça existe aussi beaucoup en Italie et ça a toujours existé.
00:49:08Roger Perfit tire de cette relation illégale deux romans.
00:49:12Voyez, lui ne se cachait pas.
00:49:14Alors que ce qu'il reprochait justement à Aragon, à Gide et tout ça,
00:49:18c'est qu'ils se cachaient, les autres.
00:49:20Ils allaient faire la nuit, vous voyez,
00:49:22chercher des petits jeunes dans les lieux publics et tout.
00:49:25Ils disaient, c'est affreux, c'est honteux, il ne faut pas se cacher.
00:49:28Roger ne s'en cachait pas du tout.
00:49:30Il le disait à tout le monde.
00:49:32Chez lui, il y avait des photos de garçons affichés.
00:49:36Et il reprochait aux autres cette hypocrite,
00:49:39et il reprochait aux autres cette hypocrisie.
00:49:43Ça, il ne supportait pas.
00:49:46C'est une révolution qui va permettre à ces pratiques,
00:49:49déjà tolérées dans certains cercles littéraires,
00:49:52d'être défendues au grand jour.
00:49:55Le contexte des années 1970-1980 est très particulier.
00:50:00On est dans la période post-68
00:50:03où là, on glorifie la liberté sexuelle à tous les niveaux.
00:50:07C'était l'époque du flower power.
00:50:09Make love, not war.
00:50:11Make love.
00:50:13Une espèce de sexe, de pansexualisme.
00:50:16Il s'agissait de libérer tout ce qu'il était possible de libérer.
00:50:20Ça voulait dire contraception, avortement.
00:50:22On était dans une période où il y a eu l'alignement
00:50:25de la majorité sexuelle, homosexuelle et hétérosexuelle.
00:50:29Dans cette révolution,
00:50:31il y a un certain nombre de philosophes et de penseurs.
00:50:34Je pense notamment à René Scherer,
00:50:37qui encourage grandement cette libéralisation
00:50:41à aller jusqu'à la libéralisation
00:50:44des relations sexuelles entre les adultes et les enfants.
00:50:49Toute une littérature tente de valoriser la pédophilie
00:50:52et les relations sexuelles entre adultes et adolescents.
00:50:55Des pratiques pourtant bien condamnées à l'époque par la loi.
00:50:59En 1973, Tony Duvers, écrivain amateur de petits garçons,
00:51:03reçoit même le prestigieux prix Médicis.
00:51:06La revue Recherche consacre tout un numéro
00:51:09à l'éloge des relations entre adultes et enfants
00:51:12et du tourisme sexuel.
00:51:14Sa diffusion est aujourd'hui arrêtée, son stock pilonné.
00:51:19Les années 70 n'hésitent pas à mettre l'enfance à nu.
00:51:24Vous savez que la sexualité d'un gosse est absolument fantastique.
00:51:28Il faut être honnête, sérieux.
00:51:32J'ai travaillé avec des gosses qui avaient entre 4 et 6 ans.
00:51:40Quand une petite fille de 5 ans commence à vous déshabiller,
00:51:44c'est fantastique.
00:51:46C'est un jeu absolument érotico-maniaque.
00:51:53Pour tous ces intellectuels, il n'était pas question de viol,
00:51:56de violence ou de pédocriminalité.
00:51:58Il disait juste qu'au nom de la liberté,
00:52:01des enfants pouvaient accéder à la sexualité s'ils le souhaitaient.
00:52:05Ces adultes seraient peut-être plus à même
00:52:08de le conduire à l'épanouissement de la sensualité
00:52:13que quelqu'un d'autre.
00:52:15Il y a quand même l'idée que pour renverser l'ordre social,
00:52:19il faut le prendre à la racine
00:52:22et que sa racine, c'est précisément la famille et la sexualité.
00:52:26C'est pour ça qu'on voit fleurir, dans Libération notamment,
00:52:30des défenses de pédophiles.
00:52:32Matzneff va être l'auteur d'une fameuse pétition
00:52:35signée par la fine fleur de l'intelligentsia parisienne.
00:52:563 ans de prison pour des caresses et des baisers, cela suffit.
00:53:02L'objectif de la pétition ?
00:53:04Assouplir la répression pénale des crimes sexuels sur mineurs,
00:53:08comme le propose l'un des plus éminents intellectuels de l'époque,
00:53:11Michel Foucault.
00:53:13Il est allé très loin dans cette réflexion sur le Code pénal.
00:53:17En allant même jusqu'à demander un moment,
00:53:19peut-on imaginer de supprimer du Code pénal tous les crimes sexuels ?
00:53:23On décriminaliserait toutes les formes de sexualité.
00:53:27À quoi un certain nombre de féministes lui ont répondu, aussi secs,
00:53:31on ne peut pas imaginer supprimer le viol du Code pénal,
00:53:34ça c'est impensable.
00:53:36Après, il a fait machinarier en disant,
00:53:38oui c'est vrai, ça serait certainement problématique.
00:53:42Parmi la soixantaine de signataires, de nombreuses personnalités.
00:53:47L'une d'entre elles n'a jamais exprimé le moindre regret,
00:53:50c'est l'universitaire René Scherrer.
00:53:53René Scherrer fait partie de cette galaxie pédophile,
00:53:56de la défense de la pédophilie,
00:53:58avec des arguments de type constructionniste,
00:54:00c'est-à-dire de mettre en évidence le fait que les lois,
00:54:03les mœurs étant façonnées, construites,
00:54:06étant deux mains d'hommes,
00:54:08il est possible de les défaire, de les déconstruire.
00:54:11C'est maintenant quelqu'un qui est très âgé,
00:54:14et qui n'a jamais émis le moindre regret par rapport à ses prises de position.
00:54:19René Scherrer est un intellectuel de 97 ans.
00:54:23Ses apparitions à la télévision sont rarissimes,
00:54:25c'est un homme méfiant, qui refuse généralement de revenir
00:54:28sur ses écrits polémiques concernant l'enfance.
00:54:32Je ne connais pas ce sujet.
00:54:35Vous avez beaucoup écrit sur ce sujet tout de même.
00:54:39Oui, mais maintenant je ne le connais plus.
00:54:43Pourquoi ?
00:54:44Mais parce que c'est trop dangereux.
00:54:46Enfin, j'ai l'air d'être naïf.
00:54:49Est-ce que vous ne voyez pas que n'importe quel article
00:54:53risque de tomber dans des accusations ?
00:54:58Mais vous regrettez ce que vous avez dit à l'époque ?
00:55:01Je ne réponds pas sur ces questions-là, je ne regrette rien.
00:55:06Je ne regrette rien, je suis comme Edith Piaf.
00:55:09Non, non, je ne regrette rien.
00:55:12J'ai écrit, c'est tout ce que j'ai écrit, on n'a qu'à le lire.
00:55:18Nous sommes venus justement lui poser des questions
00:55:20sur son livre « Emile Perverti », sorti en 1974
00:55:24et qui fait la promotion de la pédérastie.
00:55:28Je n'ai jamais fait l'apologie d'une relation
00:55:32enfant-adulte du point de vue sexuel.
00:55:36Le mot sexuel, d'ailleurs, n'est rarement prononcé par moi
00:55:40parce qu'il ne s'agit pas tellement de relations
00:55:43qui sont de l'ordre de la sexualité,
00:55:45ce sont des relations qui sont de l'ordre de la sensualité, souvent.
00:55:50Mais les caresses entre adultes et adolescents ou enfants
00:55:54sont condamnées par la loi, c'est un crime.
00:55:57Oui.
00:56:00Je ne vais pas discuter de la loi
00:56:03quand la loi a bien conscience elle-même,
00:56:06les auteurs de la loi, du caractère variable
00:56:09de l'énoncé des lois.
00:56:14Alain Finkielkraut a lui-même soutenu ce mouvement dans son livre
00:56:17« Le nouveau désordre amoureux ».
00:56:20Qu'est-ce que vous voulez que je vous réponde ?
00:56:23Je sens que je suis évidemment mis en accusation,
00:56:28mais je vous répète, c'est l'esprit d'une époque.
00:56:35Nous proclamions l'innocence de la chair.
00:56:40Nous voulions déculpabiliser le désir.
00:56:45Et en effet, on est allé jusqu'à innocenter
00:56:50les caresses entre adultes et enfants.
00:56:54Nous sommes allés trop loin, dans les mots d'ailleurs,
00:56:58plus que dans les faits,
00:56:59parce qu'il n'y a pas eu d'explosion particulière
00:57:04de pédophilie à l'époque par exemple.
00:57:07Mais nous sommes sans doute allés trop loin
00:57:09dans cette permissivité généralisée.
00:57:13Je ne cultive pas la singularité, je la vis.
00:57:16C'est déjà assez fatigant.
00:57:17Non, je ne la cultive pas,
00:57:18mais je crois qu'il faut rester naturel
00:57:19dans sa vie comme dans son œuvre.
00:57:21L'écrivain Gabriel Matzneff profite justement
00:57:24de cette permissivité pour chasser les jeunes filles
00:57:27à la sortie des lycées.
00:57:29Gabriel Matzneff, c'est un homme qui,
00:57:31plutôt que de faire preuve d'imagination,
00:57:34a mis en scène dans la littérature
00:57:36ses journaux intimes et ses relations
00:57:38avec des jeunes adolescentes, voire des petits garçons.
00:57:42Il avait des relations avec des enfants très jeunes,
00:57:45à Manille, des enfants de 8 ans.
00:57:48Il considérait que c'était des relations
00:57:51qui relevaient de l'hétérosexualité
00:57:52dans la mesure où les jeunes garçons en question
00:57:54étaient dépourvus de tout caractère sexuel secondaire
00:57:57et donc c'était leur vénusté
00:57:59qu'il aimait chez ces jeunes garçons.
00:58:02Je vous dirais qu'il y a beaucoup d'autres façons
00:58:04de pourrir un gosse que de coucher avec.
00:58:06Je vous assure, à la limite, on peut très bien,
00:58:08on peut très bien avoir vis-à-vis des enfants
00:58:10l'attitude et le regard d'Alyosha Karamazov,
00:58:12c'est-à-dire la pureté absolue.
00:58:14On est d'accord.
00:58:15Non, mais aussi, vous savez,
00:58:16on n'est pas tous Alyosha Karamazov,
00:58:18on ne l'est pas 24 heures sur 24.
00:58:20Ce qui est intéressant, je trouve, dans son cas,
00:58:22c'est qu'il n'a jamais caché ses amours,
00:58:26comme il les appelle.
00:58:28Il les a écrites dans un journal
00:58:31qu'il a rendu public.
00:58:33La jouissance sexuelle est doublée
00:58:35par la jouissance du verbe,
00:58:37la jouissance littéraire.
00:58:38C'est très important de pratiquer,
00:58:40mais c'est aussi très important de l'écrire
00:58:42et de le publier et de donner ceci à lire.
00:58:46Le fameux extrait d'Apostrophe,
00:58:49le prouve très bien.
00:58:51Pivot lui dit, mais j'ai demandé à vos amis
00:58:54et oui, en effet, tout est vrai,
00:58:56vous avez plusieurs maîtresses,
00:58:58vous adorez les nymphettes,
00:58:59elles ont 14 ans, etc.
00:59:01Toutes choses qui sont condamnées par le droit,
00:59:05déjà à l'époque.
00:59:071990, Bernard Pivot reçoit l'écrivain
00:59:10pour la quatrième fois sur le plateau d'Apostrophe.
00:59:13S'il y a un vrai et véritable professeur
00:59:15d'éducation sexuelle,
00:59:16c'est quand même Gabriel Matzeff
00:59:18parce qu'il donne volontiers des cours
00:59:21et en payant de sa personne.
00:59:23Des amis qui vous connaissent
00:59:24qui disent que vous n'inventez rien.
00:59:26C'est tout à fait ça.
00:59:27J'ai une écurie de jeunes amantes.
00:59:29C'est-à-dire, on voit votre vie,
00:59:30c'est incroyable.
00:59:31C'est-à-dire que vous devez mentir,
00:59:33le téléphone, pour pas qu'elles se rencontrent,
00:59:36vous faites l'amour le matin,
00:59:37l'après-midi, le soir.
00:59:38Vous avez une santé extraordinaire.
00:59:40Vous avez une santé incroyable.
00:59:42La question est un petit peu vulgaire,
00:59:44mais est-ce que vous baisez pour votre journal aussi ?
00:59:46Parce que plus il y aura de maîtresses,
00:59:47plus il y aura de pages.
00:59:48Absolument pas.
00:59:50Ce soir-là, cette complaisance
00:59:52ne sera pas du goût de tous les invités.
00:59:56La littérature ne peut pas servir d'alibi.
00:59:58Il y a des limites même à la littérature.
01:00:00Il n'y a pas de limites à la littérature.
01:00:01Et je crois que si M. Maznev était plutôt
01:00:03un employé anonyme de n'importe quelle société,
01:00:06je crois qu'il aurait des comptes
01:00:07à rendre avec la justice.
01:00:09La première personne à s'opposer fermement
01:00:11à Gabriel Maznev n'est donc pas française,
01:00:14mais canadienne.
01:00:16Journaliste et écrivaine,
01:00:18Denise Bombardier s'étonne que le monde littéraire
01:00:21ait encensé l'écrivain si longtemps.
01:00:24D'abord, ce qui a été extrêmement douloureux pour moi,
01:00:30c'est de voir la réaction des invités sur le plateau.
01:00:37Et la légèreté du temps avec lequel Maznev a été présenté
01:00:44et comment l'entrevue s'est déroulée.
01:00:46Moi qui aime la France, je connais la France.
01:00:49Je l'aime.
01:00:51Mais cet univers-là,
01:00:53qui pour moi est un univers faisandé,
01:00:56s'encourage.
01:01:00Amère contre ce milieu,
01:01:02car dans les jours qui suivent l'émission,
01:01:04Denise Bombardier est l'objet d'une avalanche de critiques.
01:01:08Le premier, c'est Jacques Lanzmann dans Libération,
01:01:11une page où il disait qu'il ne comprenait pas
01:01:14pourquoi Maznev ne m'avait pas donné une claque
01:01:17en pleine figure.
01:01:18Et il y a eu Josiane Soulignon,
01:01:20qui continue à ce jour de défendre son amie,
01:01:24et qui était la responsable des pages au Monde.
01:01:28Elle a fait une critique absolument...
01:01:32C'était la démolition totale de mon roman
01:01:36où je n'existais pas, je n'étais rien.
01:01:38Philippe Solers, qui est un homme de grande culture,
01:01:42a été très limité dans son vocabulaire
01:01:44quand il s'est tâché d'écrire ce que j'étais,
01:01:47puisqu'il n'a parlé que de malbaiser.
01:01:50C'était accepté dans les milieux de l'élite littéraire
01:01:55Saint-Germain-des-Prés.
01:01:58Mais ces gens-là avaient énormément de pouvoir
01:02:00sur les idées, sur l'évolution de la modernité,
01:02:05sur le progrès.
01:02:06Ils le faisaient au nom du progrès.
01:02:08Voilà bien le problème.
01:02:11De nombreux appuis à Saint-Germain-des-Prés
01:02:13et au plus haut sommet de l'État.
01:02:16En même temps, Gabriel Maznev s'est prévalu
01:02:18du soutien de François Mitterrand.
01:02:21Voici un article signé du président de la République
01:02:24publié en 1989 dans la revue littéraire.
01:02:29Ce séducteur impénitent,
01:02:31qui se définit lui-même comme un mélange
01:02:33de Dorian Gray et de Dracula,
01:02:35m'a toujours étonné par son goût extrême de la rigueur
01:02:38et par la densité de sa réflexion.
01:02:40La spontanéité de son jugement
01:02:42exprimée dans un style limpide
01:02:44s'allie à une exigence de vérité
01:02:46qui le mène souvent hors des limites
01:02:48considérées comme ordinaires.
01:02:51François Mitterrand prendra finalement ses distances
01:02:53avec l'écrivain.
01:02:55L'Élysée était dans ses petits souliers.
01:02:59À la suite de mon intervention,
01:03:02j'ai été convoquée à l'Élysée.
01:03:04Moi, je connaissais le président Mitterrand personnellement.
01:03:06Bon, on fait la conversation,
01:03:08mais moi j'attends,
01:03:10c'est pas moi qui me suis invitée à l'Élysée.
01:03:12Et là, il m'a dit,
01:03:14ah, ce cher Mads Neff.
01:03:16Il est vrai qu'à un moment donné,
01:03:18je lui ai reconnu quelques qualités.
01:03:20Malheureusement,
01:03:22il a sombré
01:03:24dans la pédophilie
01:03:26et la religion orthodoxe.
01:03:28Voilà comment il a conclu.
01:03:30Et il m'a dit, mais vous les connaissez,
01:03:32vous connaissez mieux que moi ce milieu parisien.
01:03:34Vous savez très bien qu'ils n'ont qu'une obsession,
01:03:36c'est d'être toujours
01:03:38à l'avant-garde de tous les progrès.
01:03:40Voilà ce qu'il m'a dit.
01:03:42Nous avons contacté
01:03:44de nombreuses personnalités
01:03:46qui ont porté au pinacle Gabriel Mads Neff.
01:03:48Aucune
01:03:50n'a souhaité répondre à nos questions.
01:03:54Pourquoi tant de complaisance ?
01:03:56Il est évident qu'il y a
01:03:58une chose que je trouve d'ailleurs
01:04:00moi-même parfaitement détestable,
01:04:02comme quoi
01:04:04des délits, des crimes,
01:04:06etc., seraient
01:04:08inexcusables à cause du talent.
01:04:10C'est une chose qui pour moi
01:04:12est tout à fait inaudible.
01:04:14Personne dans les maisons d'édition
01:04:16ou dans les rédactions des journaux
01:04:18ne voulait être le réac
01:04:20qui sonnait la sonnette d'alarme en disant
01:04:22« Hé, ça, c'est pas bien. Interdit d'interdire. »
01:04:24C'est un milieu
01:04:26et donc c'est un milieu
01:04:28où ce qui règne est là, c'est l'entre-soi.
01:04:30On se reconnaît, on s'identifie,
01:04:32on s'apprécie et donc on se défend
01:04:34et donc on se protège les uns les autres.
01:04:36Il est supposé qu'il y avait
01:04:38certaines personnes,
01:04:40certains hommes
01:04:42de ce milieu qui étaient quand même
01:04:44vaguement excités par ce qu'ils racontaient
01:04:46et vaguement jaloux
01:04:48de ces conquêtes.
01:04:50Une forme d'envie, une forme de jalousie,
01:04:52une forme d'admiration
01:04:54dans un milieu qui est quand même
01:04:56très masculin.
01:04:58Je crois qu'il y a ça aussi,
01:05:00mais qui est en fait aussi une confusion
01:05:02parce qu'elle est sodomisée
01:05:04par son amanie.
01:05:06Il ne me paraît pas
01:05:08être un art de la séduction
01:05:10tellement enviable.
01:05:14« La Belgique n'est pas au bout de l'horreur.
01:05:16Les recherches se poursuivent
01:05:18dans les différentes maisons du pédophile Marc Dutroux. »
01:05:20Comme un effet boomerang
01:05:22de ces années libertaires,
01:05:24plusieurs affaires pédocriminelles vont faire la une
01:05:26des médias au début du XXIe siècle.
01:05:28« Justice maintenant avec l'ouverture
01:05:30du procès Doutreau, 17 adultes
01:05:32sur le banc des accusés. Il est une question
01:05:34de viols répétés sur de jeunes mineurs. »
01:05:36Dutroux ou Trot,
01:05:38ces procès très médiatisés
01:05:40présentent pour la première fois des enfants
01:05:42comme des victimes de prédateurs sexuels.
01:05:44La parole se libère.
01:05:46« Puisque ça devient
01:05:48un sujet qu'on peut aborder,
01:05:50un sujet qui n'est plus tabou là pour le coup,
01:05:52un certain nombre de victimes
01:05:54ou d'anciennes victimes vont
01:05:56commencer à penser la chose non plus
01:05:58selon la modalité de la honte,
01:06:00de ce qu'il faut dissimuler,
01:06:02de ce qu'il faut cacher. La honte
01:06:04change de camp. » « C'est révolutionnaire.
01:06:06Une révolution, c'est le moment où
01:06:08tout s'inverse. Là, c'est exactement
01:06:10ce qui se passe. Tout s'inverse.
01:06:12La prise de parole de l'autre,
01:06:14de celle qui était des objets,
01:06:16pour moi, c'est de l'ordre de la révolution
01:06:18copernicienne.
01:06:20On va pouvoir voir les choses différemment. »
01:06:22« Ce n'est pas seulement une libération de la parole,
01:06:24c'est une libération de l'écoute.
01:06:26Maintenant, on entend.
01:06:28Tout d'un coup, on est décillé,
01:06:30on écoute et
01:06:32on entend. C'est ça
01:06:34qui fait le changement. »
01:06:38« Le vieux photographe ne me quitte pas
01:06:40les yeux, m'enchaîne, me soumet,
01:06:42me muselle, m'intime l'ordre
01:06:44et d'une pression me contraint à écarter les jambes.
01:06:46Derrière ses lunettes,
01:06:48son regard s'est durci, son œil s'est fait
01:06:50métal, froid, incisif
01:06:52et sans appel.
01:06:54Je me souviens maintenant que j'ai gloussé bêtement,
01:06:56en repoussant ses mains et en tentant de me redresser,
01:06:58le regard suppliant
01:07:00avec le fol espoir de me tromper,
01:07:02de le voir se relever et dans un éclair de lucidité
01:07:04s'excuser et m'ouvrir la porte
01:07:06pour me libérer.
01:07:08Promis, je n'aurais rien dit. »
01:07:14Qu'est-ce que la petite fille ressent à ce moment-là ?
01:07:16« Précisément ce que
01:07:18je ressens là au moment où je lis ces lignes.
01:07:20Une
01:07:22peur assez
01:07:24inexplicable.
01:07:26Un
01:07:28état de sidération.
01:07:30Donc je pense que le souffle me manque, comme là il me manque
01:07:32au moment où je vous parle. Je voudrais me dire
01:07:34que c'est un cauchemar. »
01:07:36L'animatrice Flavie Flamand a été
01:07:38violée à 13 ans par un grand photographe.
01:07:40En 2016, elle est l'une des premières
01:07:42à briser l'omerta dans le milieu artistique
01:07:44avec son livre témoignage
01:07:46« La Consolation ».
01:07:48« Vous avez 13 ans donc, vous êtes en vacances au Cap d'Ague
01:07:50avec votre mère. Qu'est-ce qui se passe ? »
01:07:54« J'ai 13 ans, je suis
01:07:56pour une fois partie en vacances
01:07:58un peu loin de ma Normandie natale.
01:08:00J'ai l'impression que c'est la belle vie, il fait beau.
01:08:02On va manger une glace
01:08:04à la terrasse d'un café
01:08:06dans un quartier naturiste
01:08:08quand même. Et puis arrive
01:08:10quelqu'un qui nous dit
01:08:12« Vous avez été repéré par ce photographe
01:08:14David Hamilton » et qui me désigne
01:08:16cet homme aux cheveux grisonnants avec ses lunettes
01:08:18et qui déjà
01:08:20a un regard de
01:08:22prédateur. Et puis je suis sa nouvelle proie.
01:08:24Donc il veut faire des essais avec moi, je fais des essais.
01:08:26Je me retrouve dans son appartement au Cap d'Agde.
01:08:28J'y vais la première fois pour les
01:08:30essais, il m'ouvre la porte, il est
01:08:32en bermuda et puis à partir
01:08:34du moment où je fais partie des élus
01:08:36ce qui suscite évidemment une grande fierté
01:08:38familiale,
01:08:40il m'accueille et il est élu.
01:08:42Et ma mère me laisse à ce photographe
01:08:44qui va me photographier et puis
01:08:46qui un jour va m'emmener
01:08:48sur le balcon
01:08:50et va
01:08:52me violer.
01:08:54Voilà.
01:08:56Nous sommes en 1987.
01:08:58David Hamilton est un photographe
01:09:00mondialement connu et admiré
01:09:02pour ses nuits prépubères,
01:09:04très jeune fille en fleurs.
01:09:06David Hamilton, pourquoi toujours des adolescentes ?
01:09:08Ce n'est pas un reproche.
01:09:10Je crois que ce sera mon thème éternel
01:09:12pour la vie.
01:09:14Pose lassive et flou
01:09:16vaporeux, ses clichés pastels se vendent
01:09:18par milliers. Des marques aussi prestigieuses
01:09:20que Chanel ou Nina Ricci
01:09:22s'emparent de son imagerie.
01:09:24C'est tout à fait une fille
01:09:26d'amitié.
01:09:28Je ne sais pas de quoi tu parles.
01:09:30Mais en 2015,
01:09:32fin du rêve,
01:09:34le voile se lève, plusieurs modèles
01:09:36dont Flavie Flamand l'accusent de viol
01:09:38alors qu'elles étaient mineures.
01:09:42À 14h, écrivez-vous ?
01:09:44J'ai viol.
01:09:46C'était à chaque fois
01:09:48qu'il devait y avoir une séance photo.
01:09:50On faisait les photos quand même.
01:09:52Après, il y avait viol.
01:09:54Quand tu voulais.
01:09:56À ce moment-là,
01:09:58votre esprit se dédouble ?
01:10:00Je pars en dissociation.
01:10:02C'est ce que j'écris dans le livre.
01:10:04C'est-à-dire qu'à un moment donné, je m'abandonne.
01:10:06Je m'abandonne puisque
01:10:08physiquement, psychologiquement,
01:10:10je ne fais pas le poids.
01:10:12Donc j'abandonne mon corps.
01:10:14Mon esprit s'en va.
01:10:16Et votre mère ?
01:10:18Et votre mère dans tout ça ?
01:10:20Ma mère,
01:10:22elle est aveuglée
01:10:24par la notoriété d'un photographe.
01:10:26Elle est aveuglée
01:10:28par la puissance de l'artiste
01:10:30comme l'ont été beaucoup de parents
01:10:32des victimes d'Hamilton.
01:10:34Flavie Flamand, vous êtes une des premières
01:10:36à avoir brisé l'omerta.
01:10:38Une des pionnières avant Me Too,
01:10:40avant tout ce qu'on entend aujourd'hui.
01:10:42Vous avez attendu 30 ans pour dire tout ça.
01:10:44Pourquoi ?
01:10:46J'ai attendu le temps de mon souvenir
01:10:48déjà, dans un premier temps,
01:10:50puisque j'ai souffert d'amnésie traumatique.
01:10:52C'est quand même une chose extraordinaire dans le cerveau
01:10:54qui fait que lorsque vous vivez quelque chose
01:10:56qui met en péril votre équilibre psychique,
01:10:58même à l'âge de 13 ans,
01:11:00ces souvenirs absolument épouvantables
01:11:02viennent se loger dans une partie de vous
01:11:04qui vous est inaccessible pendant toute une partie
01:11:06de votre existence.
01:11:08C'est-à-dire, on oublie et puis soudainement, ça revient.
01:11:10C'est un événement, ces souvenirs reviennent,
01:11:12c'est comme un coffre qui s'ouvre
01:11:14et vous vous prenez tout dans la gueule.
01:11:16Et vous vous les prenez avec la même violence
01:11:18que lorsque vous les avez vécues.
01:11:20Pourquoi avez-vous choisi une photo d'Hamilton
01:11:22pour illustrer votre livre ?
01:11:24Parce que je voulais qu'on le reconnaisse.
01:11:26À ce moment-là, je veux juste que tout le monde sache
01:11:28qui a pris la photo de cette petite fille.
01:11:30Et quand je regarde cette petite fille,
01:11:32je vois les yeux d'une petite fille
01:11:34qui vient d'être violée.
01:11:36Et je veux souligner ce qu'est la réalité
01:11:38de Hamilton.
01:11:40Ce fameux regard des jeunes filles en fleurs,
01:11:42cette fameuse innocence dont il parle,
01:11:44elle a un éclat brisé, c'est la réalité.
01:11:46Et je voulais qu'à un moment donné,
01:11:48on puisse soutenir ce regard-là.
01:11:50Et que lui puisse soutenir ce regard.
01:11:52Alors, il n'a pas pu le soutenir, ce regard.
01:11:54Non, il n'a pas eu ce courage.
01:11:56Pourquoi ?
01:11:58Parce qu'il s'est suicidé.
01:12:00Et qu'est-ce que ça vous fait, à ce moment-là,
01:12:02qu'il se suicide un mois après la sortie du livre ?
01:12:04Une colère immense.
01:12:06Parce qu'il nous a une fois de plus échappés.
01:12:08Et que c'est une révérence pitoyable
01:12:10aux allures d'aveu.
01:12:12À ce moment-là, je suis très, très en colère.
01:12:14Parce que je me dis,
01:12:16mais j'ai voulu prévenir,
01:12:18j'ai voulu dire.
01:12:20Et on voit d'ailleurs la suite,
01:12:22ce mouvement comme ça de libération
01:12:24qui a suivi.
01:12:26Et je me félicite aussi
01:12:28de voir aujourd'hui à quel point,
01:12:30finalement, tout le monde a retenu
01:12:32une leçon de l'affaire Hamilton.
01:12:34Puisqu'on ne laisse plus faire.
01:12:36Mais à ce moment-là, je suis persuadée
01:12:38que si la justice était autosaisie
01:12:40de l'affaire, on n'en serait pas
01:12:42arrivés là.
01:12:44Je vais vous montrer un extrait.
01:12:46On est à la télévision française, sur France 3.
01:12:481992.
01:12:50Et regardez ça.
01:12:54Cette semaine est donc consacrée aux adolescentes
01:12:56et aux adolescentes à travers
01:12:58le regard, bien évidemment,
01:13:00de David Hamilton.
01:13:02Pour vous,
01:13:04quel est le type de la jeune fille idéale?
01:13:06Blonde,
01:13:08des yeux clairs,
01:13:10des grandes bouches,
01:13:12des longues jambes
01:13:14et une vraie innocence.
01:13:18Là,
01:13:20il y a David Hamilton
01:13:22et dans quelques minutes,
01:13:24il va être rejoint sur ce même plateau
01:13:26pour discuter des jeunes filles,
01:13:28comme dit la journaliste,
01:13:30regardez ce plateau.
01:13:32Gabriel Maznev, est-ce que ce type physique
01:13:34est proche de votre propre imaginaire
01:13:36ou de vos propres fantasmes?
01:13:38Je n'ai pas de fantasme
01:13:40et je n'ai pas d'imaginaire particulier.
01:13:44C'est bien ce qui inquiète certaines mères
01:13:46habitant autour de la Sorbonne.
01:13:56Ça, c'était il y a 30 ans,
01:13:58on recevait,
01:14:00on ne va pas blâmer cette journaliste,
01:14:02parce que c'était le temps, l'époque, non?
01:14:04Non, je ne suis pas d'accord.
01:14:06On n'est pas d'accord.
01:14:08Je trouve que tout ce que je viens de voir est blâmable.
01:14:10C'est une société qui s'est fabriquée
01:14:12sur la culture du viol
01:14:14et sur la négation des enfants
01:14:16et sur
01:14:18le silence.
01:14:20À l'époque, j'aurais voulu être protégée
01:14:22et je n'ai pas été protégée
01:14:24ni par ma mère, ni par les gens
01:14:26qui pouvaient se douter qu'il y avait quelque chose.
01:14:28Mais je n'ai pas été protégée par une société entière
01:14:30et je ne suis pas la seule.
01:14:32Est-ce qu'il faut aujourd'hui interdire
01:14:34la publication des photos d'Hamilton?
01:14:36Bien sûr.
01:14:38Est-ce qu'il faut interdire les livres de Matt Sneff?
01:14:40Oui, je le pense.
01:14:42Vous êtes pour l'interdiction?
01:14:44Je suis pour ce genre d'interdiction, oui.
01:14:46De toute oeuvre pédocriminelle, oui, bien sûr.
01:14:48Pourquoi?
01:14:50Parce que quand vous ouvrez
01:14:52un livre d'Hamilton,
01:14:54vous voyez des gamines
01:14:56qui, dans la majorité des cas,
01:14:58ont été violées
01:15:00et vous avez en face de vous
01:15:02le décor
01:15:04d'un pervers sexuel.
01:15:06Il faut bien comprendre ce que c'est
01:15:08quand on est victime
01:15:10de se voir exposer dans son intimité la plus crue
01:15:12au regard des autres.
01:15:14Au regard de la critique.
01:15:16Qu'est-ce que c'est quand on est une petite fille
01:15:18et qu'on est dans un livre de David Hamilton?
01:15:20Qu'est-ce que ça fait
01:15:22de voir ses petites miches de race,
01:15:24son petit sexe,
01:15:26quand on a été violé
01:15:28et qu'on finit dans un livre de David Hamilton
01:15:30et qu'on nous dit que c'est de l'art?
01:15:32Qu'est-ce que vous voulez qu'on pense?
01:15:34On est exposé, on est violé plusieurs fois.
01:15:36On est violé à chaque fois que quelqu'un
01:15:38ouvre un livre et regarde une photo de David Hamilton.
01:15:40On n'est pas considéré.
01:15:42Au nom de quoi?
01:15:44Au nom d'un pseudo-art.
01:15:46Non, je ne suis pas d'accord.
01:15:48Je ne suis pas du tout d'accord avec ça.
01:15:50Un témoignage qui raisonne
01:15:52avec ce débat très actuel.
01:15:54Que faire de l'oeuvre d'un pédocriminel?
01:15:56Faut-il boycotter les photos
01:15:58de David Hamilton?
01:16:00Sur ce sujet, deux points de vue.
01:16:02Ça, c'est le portfolio
01:16:04de David Hamilton.
01:16:06Celui d'un avocat et celui d'une féministe.
01:16:10Outre le jeu
01:16:12entre le fait qu'elle est
01:16:14une chatte, un chat
01:16:16sur sa vulve,
01:16:18mais le regard,
01:16:20c'est un regard de victime
01:16:22qui appelle à l'aide.
01:16:24Il y a quelque chose de terrible.
01:16:26Moi, je crois me souvenir
01:16:28que j'avais des copines qui avaient les photos d'Hamilton
01:16:30dans leur chambre quand elles étaient petites.
01:16:32Les parents avaient dû se dire, c'est joli,
01:16:34t'es une petite fille, on va te mettre
01:16:36des photos de David Hamilton sur ton mur,
01:16:38au-dessus de ton lit.
01:16:40C'est aussi une manière de nous faire passer des messages
01:16:42quand on est petite.
01:16:44Une bonne petite fille, elle est comme ça.
01:16:46J'ose espérer que de nos jours,
01:16:48ça ne serait plus possible.
01:16:50Je me pose la question.
01:16:52Si quand même, un regard comme ça,
01:16:54là, on appelle les services sociaux.
01:16:56Je ne peux pas dire
01:16:58si elle est encore adolescente
01:17:00ou si c'est déjà une jeune femme adulte.
01:17:02Elle est de dos, on voit un sein.
01:17:04Je la laisserai comme non problématique.
01:17:10Une jeune fille, de dos,
01:17:12le sein à l'air, avec le petit nœud rose
01:17:14dans les cheveux, là, c'est vraiment un objet.
01:17:16Pour moi, cette photo, ce n'est pas de l'art.
01:17:18Moi, ça ne m'apporte rien à part me dire
01:17:20que c'est le cliché de ce qu'on a fait du corps des femmes
01:17:22et des jeunes filles pendant des siècles.
01:17:24Ça n'a aucun intérêt.
01:17:26Je ne pense pas qu'un éditeur prendrait le risque
01:17:28aujourd'hui de les éditer comme tels.
01:17:30Moi, je lui dirais non et je déconseillerais à l'éditeur
01:17:32de se lancer là-dedans.
01:17:34Il y a aussi une question de temporalité.
01:17:36On est tellement dans les récits des victimes en ce moment
01:17:38que c'est encore plus insupportable.
01:17:40Chez David Hamilton, il y avait l'œuvre,
01:17:42il y a la vie de David Hamilton.
01:17:44Par conséquent, on ne peut pas regarder ces images
01:17:46comme si elles étaient totalement détachées
01:17:48du personnage qu'il a été
01:17:50et qu'on connaît aujourd'hui
01:17:52grâce aux témoignages et aux livres de Flavie Flamand.
01:17:54Est-ce qu'on va brûler l'œuvre d'un artiste ?
01:17:56Certainement pas.
01:17:58Est-ce que c'est nécessaire de faire des grandes expositions
01:18:00sur Hamilton ? Certainement pas.
01:18:02Je pense qu'il n'y a rien d'autre à faire
01:18:04qu'à laisser vivre son œuvre et la laisser mourir
01:18:06de sa belle mort.
01:18:08À l'ère post-Me Too,
01:18:10les présentations érotiques de l'enfance
01:18:12ne sont plus acceptables.
01:18:14Une révolution qui va bientôt faire vaciller
01:18:16le monde de l'art tout entier.
01:18:18Son témoignage crée une véritable déflagration
01:18:20dans la société française.
01:18:22Voici Vanessa Springora.
01:18:242020, une éditrice dénonce à son tour
01:18:26les abus sexuels dont elle a été victime.
01:18:28Vanessa Springora raconte dans son livre
01:18:30Le consentement, sa relation avec l'écrivain,
01:18:32amateur de jeunes filles,
01:18:34Gabriel Matzneff.
01:18:36Elle le rencontre à l'âge de 13 ans.
01:18:38Là, on parle d'un profil de prédateur
01:18:40qui était systématiquement attiré
01:18:42par les très jeunes adolescents
01:18:44et je l'ai su plus tard
01:18:46même par les enfants.
01:18:48Il collectionnait les jeunes filles
01:18:50depuis toujours
01:18:52et de façon compulsive.
01:18:54J'ai pris conscience
01:18:56que la personne dont j'étais amoureuse
01:18:58était malade, pathologiquement malade.
01:19:00Vanessa Springora
01:19:02pointe du doigt l'hypocrisie
01:19:04du milieu littéraire.
01:19:06En 2013,
01:19:08l'écrivain est couronné du prix
01:19:10Renaudot Essai.
01:19:12Et c'est ce prix qui vous révolte ?
01:19:14Ça fait partie des provocations
01:19:16qui m'ont paru insupportables.
01:19:18Qu'on puisse encore le récompenser,
01:19:20c'est un titre honorifique.
01:19:22Il y a eu de très grands écrivains
01:19:24qui ont reçu ce prix
01:19:26et j'ai commencé à écrire en 2014.
01:19:28Gabriel Matzneff
01:19:30a opéré
01:19:32un système
01:19:34d'emprise
01:19:36autour de Vanessa Springora.
01:19:38Il a vampirisé
01:19:40cette histoire pour en faire
01:19:42un objet littéraire.
01:19:44Avec le consentement,
01:19:46Vanessa Springora dit elle-même
01:19:48qu'elle a voulu en faire
01:19:50un objet de papier.
01:19:52C'est un effet de cette libération
01:19:54que de vouloir
01:19:56recapturer le prédateur
01:19:58dans des pages.
01:20:00Je crois qu'il y aura
01:20:02un avant Vanessa Springora
01:20:04et un après Vanessa Springora.
01:20:06Nous n'avons pas
01:20:08à accepter que des hommes
01:20:10aient à massacrer
01:20:12notre existence
01:20:14et quelquefois notre innocence
01:20:16quand nous étions jeunes filles
01:20:18sous prétexte
01:20:20qu'ils veulent nous posséder
01:20:22corps et âme en ignorant
01:20:24que nous sommes
01:20:26leurs égales.
01:20:28Nous ne sommes pas
01:20:30des objets
01:20:32à violer, à piller,
01:20:34à butiner.
01:20:36C'est le système qu'il faut interroger.
01:20:38C'est le consentement
01:20:40de toute une société.
01:20:42C'est la complaisance d'un milieu,
01:20:44en l'occurrence le milieu littéraire.
01:20:46On est face à un phénomène de société.
01:20:48Ce ne sont pas des exceptions.
01:20:50Ce n'est pas quelque chose de rarissime.
01:20:52C'est un peu la règle générale.
01:20:54Collectivement, on a laissé faire des violences sexuelles
01:20:56voire on les a quasiment autorisées
01:20:58en n'étant pas plus vigilants.
01:21:00Maintenant, il faut qu'on réagisse.
01:21:02Il aura fallu attendre le témoignage
01:21:04de Vanessa Springora pour que le milieu littéraire
01:21:06ouvre les yeux.
01:21:10Dans la foulée, plusieurs maisons d'édition
01:21:12retirent de la vente les livres
01:21:14de Gabriel Matzneff.
01:21:16Une décision exceptionnelle.
01:21:18Pour un écrivain,
01:21:20retirer les livres de la vente,
01:21:22c'est le tuer. C'est une mort professionnelle.
01:21:24Pour un écrivain,
01:21:26c'est la mort.
01:21:28C'est absolument méprisable.
01:21:30C'est lâche.
01:21:32C'est obéir à la vox populi,
01:21:34à la rumeur.
01:21:36C'est épouvantable.
01:21:38Aujourd'hui,
01:21:40on ne fait plus la différence
01:21:42entre l'enfance et l'adolescence.
01:21:44Cela a disparu.
01:21:46Le mot de pédophilie
01:21:48recouvre
01:21:52tout type de relation
01:21:54avec les mineurs de moins de 15 ans.
01:21:56Une adolescente
01:21:58et une enfant,
01:22:00ce n'est pas du tout la même chose.
01:22:02Le droit le savait,
01:22:04la civilisation
01:22:06le savait aussi.
01:22:08Je trouve que c'est une apologie
01:22:10de la pédophilie
01:22:12et ce sont des actes criminels
01:22:14qui sont punissables de la loi.
01:22:18Visée par une enquête
01:22:20pour viol sur mineurs,
01:22:22la police est aussi attaquée sur ses écrits.
01:22:24L'écrivain sera jugé
01:22:26pour apologie d'acte pédophile
01:22:28suite à une plainte de l'Ange Bleu.
01:22:30La présidente de cette association
01:22:32est à l'écoute des enfants
01:22:34victimes d'abus sexuels
01:22:36mais aussi des agresseurs
01:22:38depuis plus de 20 ans.
01:22:42L'apologie qu'il a exprimée
01:22:44clairement, explicitement
01:22:46dans ses livres
01:22:48a suscité l'envie de passage à l'acte
01:22:50auprès des pédophiles qui m'ont écrit
01:22:52ou qui m'ont appelée
01:22:54depuis des années parce qu'ils ont lu
01:22:56les livres de Masef.
01:22:58C'est un homme qui a écrit
01:23:00des choses très dangereuses.
01:23:02Et ceux qui passent pas à l'acte sont troublés
01:23:04et frustrés.
01:23:06Moi c'est ce qu'il m'a dit un pédophile avant-hier.
01:23:08Il m'a dit, je me suis sentie
01:23:10troublée et frustrée
01:23:12parce que je me dis
01:23:14peut-être que lui il est
01:23:16notable, il est connu
01:23:18il n'a pas de problème d'assouvir ses désirs
01:23:20et ses fantasmes
01:23:22et tout. Donc il passe à l'acte.
01:23:24Au taux biographique
01:23:26les écrits de Gabriel Masef
01:23:28pourraient se retourner contre lui-même.
01:23:30Une question posée à l'avocat
01:23:32de l'écrivain
01:23:34Emmanuel Piera.
01:23:36Un livre peut être utilisé
01:23:38contre son auteur pour le juger.
01:23:40Non seulement pour lui reprocher le contenu évidemment
01:23:42mais aussi pour juger sa propre vie.
01:23:44Évidemment l'affaire Gabriel Masef
01:23:48je ne me prononcerai pas sur l'affaire Gabriel Masef
01:23:50je suis son avocat
01:23:52donc je ne suis pas son juge.
01:23:54Sensibilisé
01:23:56aux violences sexuelles sur mineurs
01:23:58l'opinion publique pointe ses
01:24:00oeuvres qui font des adolescents un objet
01:24:02de désir.
01:24:04Appel à boycotter Gauguin
01:24:06procès contre une exposition sur
01:24:08l'enfance à Bordeaux
01:24:10ou encore pétition pour retirer
01:24:12une toile de Balthus.
01:24:14Certains craignent
01:24:16le retour de la censure.
01:24:18Je pense qu'en ce moment il y a une très forte
01:24:20pression qui est entretenue
01:24:22par des associations
01:24:24qui sont extrêmement
01:24:26désireuses
01:24:28de protéger l'enfance
01:24:30et l'adolescence
01:24:32et c'est tout à leur honneur
01:24:34mais il faut faire attention c'est à dire que
01:24:36il y a eu une judiciarisation
01:24:38du regard que les artistes
01:24:40portaient sur l'adolescence
01:24:42qui a abouti à des interdictions.
01:24:44Je trouve que ce phénomène
01:24:46est extrêmement préoccupant.
01:24:48Nous faisons très attention quand on
01:24:50relit des manuscrits, ce que je fais, quand on relit
01:24:52des scénarios, à ce qu'il n'y ait pas
01:24:54d'ambiguïté sur le fait
01:24:56si un personnage n'a pas d'âge
01:24:58véritablement précis, moi je force
01:25:00l'écrivain à donner un âge pour être sûr
01:25:02que le personnage est consentant
01:25:04sexuellement et qu'il est majeur sexuellement.
01:25:06Même si l'écrivain n'a pas écrit
01:25:08dit un adolescent, je dis ton adolescent il vaut mieux qu'il ait plus de 15 ans
01:25:10parce que comme ça moi j'éviterais
01:25:12d'avoir des problèmes avec la loi.
01:25:14Il y a aux Etats-Unis, dans chaque maison
01:25:16d'édition aujourd'hui, des sensitivity readers
01:25:18des gens justement
01:25:20qui lisent pour
01:25:22voir si tel ou tel
01:25:24développement, telle ou telle phrase
01:25:26tel ou tel personnage
01:25:28ne risque pas de
01:25:30heurter la sensibilité
01:25:32des femmes.
01:25:36Certains craignent le retour
01:25:38de la censure
01:25:42d'autres militent
01:25:44pour une tolérance zéro.
01:25:46Sur ces questions, le monde de l'art
01:25:48est divisé.
01:25:52Une frature symbolisée
01:25:54par la 45ème cérémonie des Césars
01:25:56est le prix de la meilleure réalisation
01:25:58attribuée à Roman Polanski
01:26:00lui-même condamné pour viol
01:26:02sur mineurs.
01:26:04Vive la pédophilie, bravo la pédophilie, bravo !
01:26:08L'actrice Adèle Haenel qui aurait été victime
01:26:10d'abus sexuels pendant son adolescence
01:26:12quitte la salle en pleine cérémonie.
01:26:14C'est un nouveau Vatican
01:26:16un nouveau Vatican
01:26:18est en train d'apparaître
01:26:20les éradicateurs
01:26:22les moralisateurs ont la tête en feu
01:26:24ils n'ont qu'un souci
01:26:26qu'un désir justement
01:26:28c'est le désir
01:26:30d'accuser, de mettre en cause
01:26:32de faire taire
01:26:34de censurer. Il y a
01:26:36la domination
01:26:38masculine
01:26:40et la nécessité impérieuse
01:26:42d'y mettre fin.
01:26:44Ce qui fait en quelque sorte de la culture
01:26:46non plus un espace
01:26:48d'exploration
01:26:50d'investigation mais une maison
01:26:52de redressement.
01:26:54Je déteste, je hais
01:26:56ce vent de vertu
01:26:58soi-disant moralisatrice
01:27:00qui nous empêcherait
01:27:02d'aller voir des tableaux
01:27:04qui nous empêcherait de lire des bouquins
01:27:06qui nous empêcherait d'aller voir des films
01:27:08chacun, chacune
01:27:10choisit ce qu'il a
01:27:12envie d'aller voir
01:27:14ce qui permet
01:27:16d'enrichir son imaginaire
01:27:18mais là nous sommes dans une période
01:27:20et comment ne pas
01:27:22la revendiquer
01:27:24nous ne voulons pas que les femmes
01:27:26qu'elles soient jeunes ou moins jeunes
01:27:28soient écrasées
01:27:30dominées, humiliées
01:27:32par le regard masculin.
01:27:34On ne veut plus entendre
01:27:36vous les interdire l'art, vous les féministes.
01:27:38Non, on va le renouveler, on va le moderniser
01:27:40on va lui insuffler autre chose
01:27:42on va faire des choses qui n'ont jamais été vues jusqu'à présent
01:27:44je ne vois pas ce qu'il y aurait de mal là-dedans
01:27:46en quoi ça serait de tuer l'art que de dire
01:27:48on va le revitaliser
01:27:50et j'adorais qu'il y ait aussi des jeunes filles
01:27:52qui posent leur regard
01:27:54sur le corps des hommes de 50 ans
01:27:56et c'est la jeune fille de 15 ans qui va raconter
01:27:58elle comment elle voit le monde.
01:28:00À l'ère post-MeToo
01:28:02les femmes font entendre
01:28:04leur voix, leur désir
01:28:06leur vision du monde
01:28:10un nouveau regard puissant
01:28:12qui éveille les consciences
01:28:14plus question de considérer comme simple objet de désir
01:28:16l'enfance
01:28:18une révolution
01:28:20qui ne doit pas censurer les oeuvres du passé
01:28:22mais au contraire s'y intéresser
01:28:24pour mieux
01:28:26comprendre que les temps ont changé
01:28:28pour se convaincre
01:28:30que tout reste en bonté

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