Pascale de la Tour du Pin vous donne rendez-vous avec Éric Naulleau et Yann Moix pour une nouvelle émission. Ensemble, ils reviendront sur les sujets d'actualité qui font le plus réagir !
Du lundi au vendredi à 17h50 sur C8.
Tous les extraits et émissions de "PASCALE, ÉRIC, YANN ET LES AUTRES" sont à retrouver sur MyCANAL : https://www.canalplus.com/c8/tpmp/touche-pas-a-mon-poste
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00:00Donc nous vous posons la question et nous posons la question sur ce plateau.
00:04Des groupes de niveaux mis en place au collège pour les sixièmes et les cinquièmes en français et en mathématiques, utiles ou inutiles ?
00:15Et la réponse en couleurs s'affiche sur vos écrans.
00:18Je suis la seule en rouge.
00:20Non mais attendez, je vais vous expliquer.
00:22Pensez-vous les questions, Pascale.
00:23Mais non mais attendez, je suis d'accord sur le fond.
00:27Sur la forme, je pense que c'est inapplicable.
00:29Je pense qu'on a des manques de professeurs.
00:32Il n'y a pas de professeurs.
00:34Donc diviser la classe en niveaux, ça veut dire que je ne vois pas comment ça peut être applicable dans les faits.
00:40Ça veut dire plus de professeurs, non ?
00:42Oui.
00:43Je vois la tête de Yann, je sens que ça va être parti.
00:45Plus de professeurs.
00:46Je pense que c'est très compliqué à mettre en place au sein de l'éducation nationale.
00:49Mais je pense que oui, sur le fond, il faut des groupes de niveaux pour réduire les disparités dans les classes.
00:55Eric ?
00:56Vous êtes plutôt d'accord.
00:57C'est-à-dire qu'on prend une décision, ensuite on trouve les moyens pour appliquer cette décision.
01:01Ça s'appelle de la politique.
01:02Est-ce qu'on les a, les moyens ?
01:03Il faut les trouver parce que c'est une urgence.
01:05Là, écoutez, il faut quand même voir quelle est la situation.
01:07Il y a un effondrement du niveau scolaire en France.
01:10Ce n'est pas qu'il y a une baisse du niveau.
01:12Il y a un effondrement.
01:13Nous plongeons dans les classements PISA et puis regardez autour de vous, jetez un coup d'œil sur les réseaux sociaux.
01:17C'est catastrophique.
01:18Pourquoi c'est catastrophique ?
01:19Parce qu'il y a eu le collège unique.
01:21Le collège unique a été une calamité.
01:23Tout le monde sait qu'il faut un accompagnement personnalisé pour les élèves.
01:27Qu'il y a les bons, les moins bons.
01:29Et que les moins bons, il faut les aider et ils deviennent bons.
01:31Je crois savoir, d'ailleurs, que ça ne s'appelle plus groupe de niveau.
01:34Parce que Mme Belloubet, ça lui a écorché un peu les lèvres.
01:36Ça s'appelle groupe de besoin.
01:38Parce que pourquoi groupe de niveau ?
01:40C'est classement, hiérarchie.
01:42Alors ça, c'est horrible.
01:43On ne veut pas de classement, on ne veut pas de hiérarchie.
01:45Vous savez quoi ?
01:46J'ai appris qu'il y avait des élèves qui étaient notés avec des couleurs.
01:48Mais oui, parce que ça risque de les traumatiser.
01:50Alors vous savez ce que c'était dans le temps ?
01:52Il ne faut pas les stresser.
01:53Voilà, j'ai retrouvé le mot.
01:54Il ne faut pas les stresser.
01:55Vous savez ce que c'était le stress dans le temps ?
01:56– Non.
01:57– C'est quand vous étiez convoqué pour aller faire la guerre,
01:594 ans dans les tranchées de 14-18.
02:00– Oui, d'accord.
02:01– Quand c'était, non je finis, le service militaire en Algérie.
02:03– Éric, vous nous parlez d'un temps que les moins de 20 ans.
02:05– Maintenant, il y en a, c'est un passé assez récent.
02:08Maintenant, le stress, c'est d'avoir une note moyenne sur sa copie.
02:11Ça traumatise nos chers petits.
02:13Bon, écoutez, ce n'est pas très sérieux.
02:15Il faut revenir à quelque chose de normal.
02:18Il ne s'agit pas de les traumatiser mais de leur montrer
02:20qu'au moment où il y a des Jeux olympiques et paralympiques
02:23où tout est basé sur la performance, tout est basé sur le classement,
02:26il y a le meilleur, il y a le moins bon.
02:28C'est comme ça dans la vie et que ça doit être comme ça à l'école
02:30et qu'ils vont progresser.
02:32Mais ce principe de précaution pour éviter de choquer
02:35ces petits êtres fragiles que sont nos enfants, c'est vraiment énervant.
02:38– Bon, Yann, je vois sourire.
02:40Yann a sourire jusque-là.
02:42– L'école est un lieu d'abord stressant en soi, il faut être honnête.
02:45Pas besoin de le comparer à la guerre de tranchées.
02:47L'école est un lieu stressant à l'école.
02:49– Mais comme l'univers du travail.
02:51– Surtout l'école, ma chère Pascale, est un lieu où on s'ennuie.
02:53Et pourquoi on s'ennuie ?
02:55– Pas tous les élèves.
02:56– Pour une raison très simple et c'est pour ça que je suis favorable
02:58au groupe de niveau.
02:59Le professeur ou l'instituteur parle à un élève générique qui n'existe pas.
03:04On parle à un espèce d'élève idéalisé, idéal,
03:07mais évidemment il y a tellement de personnalités diffuses,
03:10il y a tellement de caractères différents dans une salle de classe
03:13que c'est impossible d'intéresser de la même manière tout le monde
03:16de manière uniforme.
03:17Par conséquent, admettons bien sûr qu'il n'y a aucune corrélation
03:21entre être en difficulté scolaire et l'intelligence.
03:24C'est une question intellectuelle parce qu'il y a des enfants
03:27qui sont inadaptés au milieu scolaire, soit parce qu'ils sont trop intelligents
03:30ou parce qu'ils sont trop en avance.
03:32Et bien sûr, dans la vie on s'aperçoit que ceux qui étaient excellents en CP
03:36ne sont pas forcément ceux qui réussissent dans la vie après.
03:39Donc on ne pourra pas catégoriser les élèves en tant que doués, pas doués.
03:44Non, simplement le besoin, ça veut dire qu'il y a des élèves
03:46qui sont plus ou moins adaptés à l'école.
03:48Et je trouve excellent les groupes de niveau parce que du coup,
03:50on s'adresse à un interlocuteur qui est mieux ciblé
03:53et surtout les élèves peuvent s'aider entre eux.
03:56Ceux qui sont dans le meilleur groupe peuvent aussi enseigner
04:00à leur manière à ceux qui sont en difficulté.
04:02Oui, je crois que les élèves qui sont dans le premier groupe,
04:04d'après ce que disait l'éducation nationale,
04:05c'est pour les pousser à être encore meilleurs.
04:06Je ne suis pas sûre qu'ils prennent le temps d'aider le petit camarade
04:08au fond de la classe qui ne comprend rien aux thématiques.
04:10Vous savez, la pédagogie, ça permet de comprendre.
04:12Moi, j'ai donné des cours particuliers dans ma vie
04:14de plusieurs matières, comme je pense nous tous,
04:16pour gagner un peu d'argent de poche.
04:17Je me suis aperçu que je ne savais, je ne pouvais affirmer
04:21que j'avais compris une théorie ou un principe ou une leçon
04:25que lorsque je l'enseignais moi-même.
04:27C'est-à-dire que le fait de communiquer une leçon
04:29vous prouve à vous-même que vous la maîtrisez.
04:31Donc je pense que ce serait utile que les groupes puissent
04:34se parler les uns les autres pour s'éduquer les uns les autres.
04:36Alors moi, je voudrais quand même avoir l'avis d'une professeure.
04:38Quand même, ce sont les premiers concernés.
04:40Alors justement, sur CNews, il y a une professeure des écoles
04:43qui a réagi et qui estime, vous allez l'entendre,
04:46qu'on prend les élèves un peu pour des cobayes.
04:48Ils prennent des élèves pour des cobayes, ça ne sert à rien.
04:51Premier concerné quand même, premier concerné des enseignants.
04:54Moi, je pense à vous.
04:55Je pense à vous, je propose quelque chose d'autre.
04:57On supprime l'audimat.
04:59Si jamais ça marche moins bien, vous ne vous sentiez pas humiliés.
05:01Ne vous inquiétez pas, il n'y a aucun problème.
05:03Il faut tout supprimer dans la vie, il faut tout supprimer.
05:06Et arrêtons le classement du championnat de France de football.
05:08Pour celui qui termine dernier, c'est très humiliant.
05:10Vous comprenez, c'est toujours le PSG qui gagne.
05:12C'est très humiliant.
05:13– Mais pour la conscience en soi, l'école, c'est important, non ?
05:15– Non mais c'est la vie quand même.
05:16Il ne s'agit pas que ça soit une course à l'échalote permanente.
05:19Mais ils vont être confrontés à ça.
05:21Il y a des gens qui arrivent les premiers,
05:22des gens qui arrivent les derniers dans tous les domaines.
05:24Alors justement, on propose de réparer un peu cette injustice,
05:27qui est perçue en tout cas comme une injustice,
05:29en aidant les plus faibles.
05:31Moi, ça me semble aller dans le bon sens.
05:33Et ce qui m'horripile, mais vraiment ce qui m'horripile dans cette affaire,
05:35c'est qu'ici, autour de cette table, même vous qui êtes plutôt défavorable,
05:39on essaie de raisonner, d'avancer des arguments rationnels.
05:43Et en face, vous avez une idéologie.
05:45En fait, c'est une idéologie d'extrême gauche
05:47qui veut absolument bannir tout ce qui est la méritocratie,
05:51le classement, etc.
05:53Parce qu'on a l'impression que tous ces gamins sont en sucre
05:56et qu'ils peuvent s'effondrer,
05:58ils sont au bord de la dépression nerveuse.
06:00Le stress, je ne parle pas de l'angoisse,
06:03mais le stress, ça fait partie de la vie.
06:05Quand on est sur un plateau de télé, deux minutes avant,
06:07on est stressé, ça fait partie de la vie.
06:09Ce n'est pas du tout ce que j'ai remarqué de vous avant l'antenne.
06:11Vous n'êtes pas du tout stressé.
06:13Écoutez, moi, je suis inquiet
06:15quand je suis trop décontracté avant une émission.
06:17Ça veut dire que je ne suis pas dans l'ambiance,
06:19je ne suis pas dans la bonne atmosphère.
06:21Donc, il ne s'agit pas d'être paralysé par l'angoisse,
06:23mais de prévenir ces gamins, de les former,
06:26de les dire qu'ils vont affronter des situations un peu stressantes
06:30et beaucoup plus stressantes que d'avoir un 5 sur 10.
06:33Moi, je trouve que c'est les infantiliser
06:35que de mettre des couleurs sur leur copie.
06:38Je pense qu'ils sont assez grands pour encaisser une petite déception
06:42et on leur dit, la prochaine fois, tu n'auras pas 5 sur 10, tu auras 8.
06:45Moi, je trouve que c'est une belle ambition dans la vie de progresser.
06:48Yann, je ne vous entends même pas.
06:50Je suis d'accord avec Eric.
06:51En plus, le fait de faire des groupes de niveau,
06:53ça remplace l'équité par l'égalité.
06:55L'équité, c'est beaucoup plus intelligent que l'égalité
06:57puisque c'est de l'égalité,
07:00sur mesure, l'équité.
07:01Et puis aussi, il y a une chose,
07:03c'est que l'échec n'a jamais été un problème.
07:05L'échec, ça fait partie de l'existence humaine.
07:07Et la pédagogie de l'échec, c'est très important.
07:09Évidemment, si on utilise l'échec pour humilier l'enfant,
07:12ça crée des drames.
07:13Mais il faut faire comprendre à l'enfant
07:15qu'une vie humaine, c'est surtout fait d'échecs.
07:17Et exactement comme Eric Clapton ne fait que quelques solos,
07:20il fait beaucoup de rythmique, contrairement à ce qu'on peut imaginer,
07:23l'échec, en fait, c'est la norme.
07:25Et de temps en temps, le samedi soir, à 22h30, on a un succès.
07:30Bon, écoutez, je vais passer un extrait.
07:33Regardez, un extrait sonore.
07:34C'est la rectrice de la région de Normandie
07:36qui est plutôt d'accord avec vous.
07:39Dans le public, vous en pensez quoi ?
07:41– Attendez, juste un dernier mot.
07:42– Oui, quoi ?
07:43– Vous connaissez la statistique.
07:45À l'entrée en sixième, 40% des gamins
07:47ne maîtrisent aucun des savoirs fondamentaux.
07:50Je parle de lire, écrire, compter.
07:52– On parle de la fac ?
07:53Où il y a des fautes d'orthographe à chaque mot ?
07:55– Mais c'est normal, puisque ce sont les gamins en sixième
07:57qui sont les copies de l'ENA.
07:58– Dans les copies de l'ENA aussi ?
07:59– De l'ENA.
08:00Le jury reproche au candidat l'orthographe, la tenue de l'orthographe.
08:03– Donc on continue comme ça ?
08:04– Oui.
08:05– Non, écoutez, franchement…
08:06– Il faut trouver des solutions.
08:07Dans le public, qui est pour les groupes de niveau
08:09en sixième et cinquième ?
08:10Levez la main.
08:11Que je me rende un peu compte.
08:13Ah, c'est pas mal.
08:14C'est partagé.
08:15C'est partagé.
08:16C'est partagé.
08:17Non, c'est partagé.
08:18Pourquoi ?
08:19– On va vous répartir en groupe de niveau, justement.
08:20– On va faire passer des tests.
08:21– On va faire l'expérience.
08:22– On va faire passer des tests, c'est ça ?
08:23On va être des groupes de niveau.
08:24Vous avez raison, Éric.
08:25– De niveau d'enthousiasme seulement.
08:26– Oh, d'enthousiasme.
08:27– Seulement.
08:28Soldat me disait quelque chose de très important.
08:29Moi, j'ai passé toute ma vie à être cancre.
08:30Jusqu'à un moment où j'ai changé.
08:31– Quand ?
08:32– J'ai été cancre jusqu'en seconde, à peu près.
08:34Troisième.
08:35Mais ce qui est bien, c'est la mobilité.
08:36On n'est pas assigné à une catégorie.
08:38On peut se mouvoir d'une catégorie à l'autre.
08:41Donc ça, c'est important.
08:42Descendre ou monter.
08:43Regardez, en tout cas, ce qui se dit sur les moyens.
08:45Parce que c'est très bien.
08:46C'est ce que je disais, moi.
08:47Sur le fond, bien sûr que c'est une idée merveilleuse.
08:50Mais sur la forme, est-ce applicable ?
08:51Dans le concret, tous les jours, il y a quand même des classes
08:53qui n'ont toujours pas de professeur, soit de français, soit de maths,
08:56qui les attendent six mois.
08:57Mais on fait comment ?
08:58On parle de groupe de niveau, on n'a déjà pas de professeur.
09:00Pour mettre en place ces groupes…
09:01– Yann est disponible.
09:02– Ecoutez ce témoignage, pour mettre en place ces groupes,
09:04il faudrait que toutes les heures de maths et de français tombent en même temps.
09:08Donc il faudrait un professeur par classe.
09:10Nous avons quatre classes de sixième pour trois professeurs.
09:13Là, il y a un problème de recrutement.
09:15Non mais attendez, c'est vrai.
09:16– Il y a un problème de recrutement global.
09:17– Oui, mais les professeurs n'ont plus envie d'être professeurs.
09:19Pourquoi ?
09:20Parce qu'aujourd'hui, les professeurs, même le métier,
09:22quand on était plus jeune, c'était un métier respecté.
09:24C'est plus respecté le métier de professeur aujourd'hui.
09:26Vous faites combien d'années d'études ?
09:28Cinq, six ans d'études pour avoir un salaire
09:30qui n'est pas la hauteur des études que vous avez fournies.
09:33Et pareil, vous vous retrouvez face à des enfants, parfois,
09:36qui ne vous respectent pas.
09:38Si on veut être honnête jusqu'au bout, le niveau des profs
09:40est en train de s'effondrer aussi, ce qui est normal,
09:42puisque le niveau des élèves s'effondre.
09:44Maintenant, quand on fait passer des concours, on les prend à 5 sur 20.
09:46Ce n'était pas possible.
09:48Donc c'est une réforme du système, je suis d'accord avec vous.
09:50C'est une réforme du système, mais commençons par ça.
09:52– Je suis témoin de ça parce que lorsque j'ai fait mes études mathématiques,
09:56mathématiques supérieures et mathématiques spéciales,
09:58j'étais dernier de la classe en maths spé.
10:00Et mon prof de maths m'a dit, écoute, si tu veux, tu as le CAPES.
10:04Donc tout est dit.
10:06J'étais nul en maths, donc je pouvais avoir le CAPES.
10:08– Non, ce n'est pas vrai.
10:10– Non, mais si, moi j'ai fait autre chose, comme ça ne vous a pas échappé.
10:12Mais en fait, le fait d'avoir raté mathématiques spéciales
10:14m'ouvrait les portes pour le CAPES.
10:16– Ah bon ? – Oui.
10:18– Mais c'est quand même incroyable ça.
10:20– C'est du vécu.
10:22– Ce n'est pas incroyable, c'est juste la réalité contre l'idéologie.
10:24Après, on peut être dans le ciel des idées, ne pas tenir compte,
10:26être hors sol. La réalité, c'est ce que vient de dire Yann.
10:28La réalité, c'est les 40% de gamins qui ne savent ni lire,
10:30ni écrire, ni compter.
10:32Donc je pense qu'à situation nouvelle, solution nouvelle.
10:34– Oui, mais comment vous l'expliquez, pardon, qu'on se retrouve
10:36avec des élèves en 6e, et moi je trouve que c'est pire encore en fac,
10:38parce que la 6e, vous pouvez encore rattraper le niveau.
10:40Mais quand vous arrivez à la fac et qu'il y a une faute,
10:42mais même l'ENA, qui ne s'appelle plus comme ça maintenant d'ailleurs…
10:44– Oui, à l'époque où ça existait.
10:46– Oui, à l'époque où ça existait, on se retrouve avec des élèves
10:48qui font des fautes d'orthographe.
10:50Mais alors, qu'est-ce qui va passer à la base ?
10:52C'est au CP qu'on doit reprendre ?
10:54Je ne sais pas comment on en est arrivé là.
10:56– C'est une idéologie, on vous dit, il ne faut pas les brusquer.
10:58Il y a même des intellectuels qui vous disent, pardon,
11:02l'orthographe est fasciste, la grammaire est nazie.
11:04– L'orthographe est fasciste, c'est à dire…
11:06– C'est Roland Barthes.
11:08– C'est Roland Barthes.
11:10– Non, non, Roland Barthes disait…
11:12– La langue est fasciste.
11:14– La langue est fasciste.
11:16– Et maintenant, regardez, dans les réseaux sociaux,
11:18quand vous recevez un tweet pas aimable avec 20 fautes,
11:20vous faites une petite remarque.
11:22On vous traite de grammaire nazie, nazie de la grammaire.
11:24Nazie de la grammaire parce que, en fait,
11:26c'est une oppression de classe.
11:28Si vous ne faites pas de fautes d'orthographe,
11:30c'est que vous appartenez à une classe supérieure
11:32où vous faites preuve d'un mépris en corrigeant.
11:34Ça c'est terrible, mais c'est l'idéologie
11:36qui s'est introduite dans tout le domaine de la société.
11:38– Et le grammo naziste, et la lexicographie fasciste aussi.
11:42– La lexicographie fasciste ?
11:44– Tout est fasciste.
11:46– Tout est fasciste aujourd'hui, c'est-à-dire qu'en clair,
11:48pour être bien et ne pas se faire insulter, il faut faire des fautes d'orthographe à chaque mot.
11:50Si vous voulez passer inaperçu, faites des fautes d'orthographe.
11:52– Pascal, ce que les gens ne comprennent pas,
11:54c'est que l'orthographe,
11:56ce n'est pas simplement ne pas abîmer une langue.
11:58Ça va beaucoup plus loin que ça.
12:00Abîmer l'orthographe, c'est abîmer simplement
12:02la vision du monde que l'on a.
12:04Car si on ne désigne pas les choses correctement,
12:06alors les choses, on ne peut pas les voir,
12:08on ne peut pas les appréhender,
12:10on ne peut pas les penser, on ne peut pas les concevoir.
12:12C'est pour ça que c'est important l'orthographe.
12:14Ce n'est pas juste pour des questions d'esthétique.
12:16C'est pour avoir une appréhension du monde
12:18qui repose sur des bases.
12:20Celui n'est qu'on puisse penser de manière personnelle.
12:22Celui qui ne sait pas écrire
12:24ne peut pas penser personnellement.
12:26Donc, il passera sa vie à répéter
12:28ce qu'il entend et ce qu'il lit.
12:30– Et vous n'allez pas vous faire que des amis.
12:32– Non mais c'est la vérité. L'orthographe, c'est la vision du monde.
12:34Ce n'est pas une beauté esthétique pour le plaisir.
12:36– Non mais après, il y a des enfants aussi
12:38qui sont dyslexiques.
12:40– Non mais il faut les aider.
12:42– Mais c'est des cas différents.
12:44– Il ne s'agit pas de se moquer des gens faibles à l'orthographe.
12:46Il faut les aider.
12:48– Qui ne maîtrise pas sa langue ne maîtrisera jamais sa vie.
12:50– C'est déprimant.
12:52– Non, ce n'est pas déprimant.
12:54– Beaucoup d'enfants font des fautes d'orthographe.
12:56C'est mal barré.
12:58– Oui, c'est mal barré.
13:00Mais qu'est-ce que vous croyez qu'il se passe
13:02quand quelqu'un envoie une lettre de candidature
13:04au moment de chercher un emploi ?
13:06Vous croyez que ça n'a aucune importance
13:08si vous envoyez une lettre avec 40 fautes ?
13:10Vous croyez que celui qui ne va pas faire de fautes
13:12ne va pas être avantagé ?
13:14– Je crois que c'est l'idéal de la Troisième République
13:16que tous les gamins maîtrisent les savoirs fondamentaux,
13:18qu'ils aient des chances égales.
13:20On nous explique que non, il ne faut absolument pas
13:22essayer de remonter les gamins, il faut essayer
13:24de descendre les meilleurs jusqu'au niveau des moins bons.
13:26Je trouve ça catastrophique.
13:28– Il y a un grand philosophe qui s'appelle Heidegger
13:30qui a dit que le mot donne l'être.
13:32Si vous ne désignez pas l'être,
13:34c'est dissous dans quelque chose d'informe
13:36et vous ne pouvez plus penser la vie ni l'existence.
13:38– Je n'aurais jamais cru qu'on parlait d'Heidegger.
13:40– Ça c'est sûr.
13:42Il est 18h17.
13:44Il y a du niveau.