Anne Brassié reçoit le poète et explorateur à bicyclette Frédéric Andreu pour son ouvrage : "Ces impossibles retours de voyage - Le "Grand Est" autrement". Par les coulisses des chemins, il découvre les misères insoupçonnées de la campagne russe, comme les beautés inédites de l'Alsace. Ce grand Est se révèle comme autant de "grands tests" à traduire en récits.
Pour vous procurer l'ouvrage, écrivez à fredericandreu@yahoo.fr
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ÉducationTranscription
00:00– Chers amis de TV Liberté, bonjour, nous fêtons notre onzième rentrée,
00:27comme tous les élèves sages, bonjour Frédéric Andreux.
00:30– Bonjour Anne.
00:31– Vous avez, chers amis de TV Liberté, déjà entendu Frédéric Andreux
00:38pour un joli livre qui s'appelait Les Brumes de Grenage.
00:44Voulez-vous nous rappeler ce livre, c'est toujours, vous vous en souvenez peut-être,
00:52Frédéric Andreux est un grand voyageur à bicyclette,
00:56ce qui lui donne évidemment une connaissance de la terre et du ciel,
01:04la terre puisqu'il roule dessus et le ciel parce qu'il est sous le ciel,
01:09c'est une connaissance absolument merveilleuse.
01:11Alors, vos Brumes de Grenage.
01:13– Oui, alors Les Brumes de Grenage était un récit de voyage effectué aux Pays-Bas,
01:19entre la France et les Pays-Bas, à la faveur du confinement sanitaire de 2020,
01:26donc j'ai fui la France pour pouvoir…
01:28– C'est-à-dire que tout le monde était confiné sauf vous.
01:30– Voilà, moi j'ai passé la frontière le jour même du confinement
01:34pour me réfugier dans une ferme aux Pays-Bas.
01:36– C'est ça, voilà.
01:38Et puis vous nous offrez ce matin ces impossibles retours de voyage,
01:45le Grand Est autrement, et vous faites un jeu de mots à l'intérieur du livre
01:51qui s'appelle Le Grand Est, ce qui est très amusant.
01:56Alors, l'Est, vous y habitez en quelque sorte
02:01puisque vous restaurez une maison en Alsace.
02:05Qu'est-ce qui vous a conduit…
02:08Enfin, vous étiez déjà un jeune homme en Allemagne.
02:13– C'est cela.
02:14– Donc vous étiez déjà bien à l'Est.
02:17Qu'est-ce qui vous a suggéré d'aller vous installer,
02:23après une vie professionnelle en Allemagne, en Alsace ?
02:28– Eh bien, il s'agissait de découvrir l'Alsace,
02:32ou je dirais plutôt les Alsaces, les petits pays d'Alsace,
02:36d'une manière un peu atypique, à la faveur d'une randonnée à bicyclette.
02:42Donc l'Alsace par les chemins, par les sentiers.
02:45Et découvrir les villages, les diversités intérieures à l'Alsace.
02:51Et ce voyage est sous-titré le Grand Est autrement,
02:55puisqu'il s'agit de la région Grand Est de la France,
02:59mais aussi du Grand Est de l'Europe, qu'est la Russie.
03:02Donc il y a deux voyages.
03:04– Ma première question, c'était,
03:05qu'est-ce qui vous a fait choisir ce petit village alsacien
03:09pour y acheter une petite maison ?
03:13– Plus exactement, je vis dans les Vosges, côté Lorrain.
03:16Mais, disons que l'Est de la France, j'ai de la famille alsacienne,
03:23donc je me suis rendu plusieurs fois en Alsace.
03:26– Oui, vous êtes chez vous.
03:27– Voilà, je me sens à la maison, on va dire, zu Hause en allemand.
03:31– Très joli, très joli.
03:33Alors, vous avez un second amour après la bicyclette,
03:39vous avez un second amour qui est la poésie.
03:43Et j'avoue que vous êtes un artiste dans le genre.
03:47Vous avez un don, indiscutablement.
03:52Vous écrivez la poésie,
03:54« Ma belle riveraine, ma déesse des mots, ma souveraine ».
03:59Et vous avez une définition de l'écriture qui est absolument inouïe,
04:07parce que je suis quand même, au bout de 40 ans de lecture
04:13et de découverte des écrivains,
04:16j'ai approché de très près ce mystère de l'écriture.
04:20Et vous écrivez,
04:22« L'écriture est un autre nom pour la lecture de ce qui s'écrit en nous ».
04:29Et cette phrase est assez étonnante,
04:32parce qu'elle dit plusieurs choses.
04:34Lesquelles, Frédéric ?
04:37« L'écriture est un autre nom pour la lecture de ce qui s'écrit en nous ».
04:42Je pense qu'il serait presque synonyme de dire que j'ai une écriture sismographique.
04:49Le sismographe enregistre les mouvements tellyriques.
04:53Et avec mon écriture, j'essaye d'enregistrer, d'être sensible
04:58aux mouvements oniriques.
05:00Et à ce qui se passe en vous.
05:02Ce qui se passe en moi.
05:04D'ailleurs, j'ai des petits rites propitiatoires à l'écriture
05:07pour faire accoucher ces textes.
05:09Et évidemment, souvent des souvenirs de voyage.
05:13Ça veut aussi dire, moi je les lue,
05:15parce que vous savez qu'une phrase est enregistrée
05:19souvent différemment de celui qui l'écrit et celui qui le lit.
05:27« La lecture de ce qui s'écrit en nous ».
05:29En réalité, quand je lis votre livre,
05:32qui est plein de poésie, qui est plein d'amour des nuages,
05:35d'amour de la pluie, d'amour des chemins creux.
05:38C'est pour ça que j'ai choisi cette illustration.
05:42On s'y reconnaît soi-même.
05:45Pourquoi aime-t-on un livre ?
05:46Vous le savez bien.
05:47C'est parce qu'on y retrouve un écho de soi-même.
05:50Oui, tout à fait.
05:51Je pense que plus une écriture est personnelle,
05:55plus elle devient transpersonnelle.
05:58Et chacun peut trouver une facette de sa propre réalité.
06:03Alors donc, évidemment, il s'agit de ne jamais rentrer
06:06dans des formes vieillies ou des, je dirais, des écritures préfabriquées.
06:14Il s'agit toujours de, même si parfois la formule
06:17ou les mots qui viennent paraissent un peu inappropriés,
06:22il faut toujours préférer ce qui vient en nous
06:26à ce que la bienséance aimerait que nous nous écrivions.
06:33Alors, ce qui est amusant, c'est votre goût de la métaphore,
06:37votre goût de l'image.
06:38Il nous reste à exposer le blason héraldique,
06:42autrement dit, la poésie,
06:44lorsque celle-ci se fait la porte de l'âme.
06:50C'est fabuleux, ça.
06:52– Alors, vous dites d'ailleurs que,
06:55vous en profitez pour dire que dans notre République française,
06:58il n'y a plus de blason.
07:00– Une introspection historique que j'ai appliquée à l'Alsace
07:05et à d'autres régions m'a montré qu'effectivement,
07:07ceux qui ont planté le drapeau tricolore à la façade des mairies
07:12sont les mêmes qui ont détruit les blasons des régions et des villages.
07:16– Or, pour vous, le blason a une signification énorme.
07:19– Disons que le blason parle à l'âme.
07:23Déjà, quand on est face à un blason,
07:25on ne comprend pas immédiatement, il s'agit d'une héraldique.
07:29Et pour moi, les paysages, les rencontres…
07:30– Qu'est-ce que c'est, une héraldique ?
07:33– Alors, les rencontres, les paysages peuvent être des héraldiques.
07:35Alors, pour expliquer cela,
07:38je fais référence souvent à notre cher écrivain Luc-Olivier Dalgange,
07:44qui est notre héraldiste…
07:45– Bien connu de nos auditeurs.
07:47– Notre héraldiste en chef.
07:49Et je m'inscris dans une tradition, on va dire,
07:54qui peut aller de Ernst Jünger à Luc-Olivier Dalgange,
07:59en passant par notamment Dominique de Roux,
08:02qui sont quelque part des héraldistes.
08:05C'est-à-dire qu'on ne fait pas…
08:08on essaye d'aller au-delà de la simple description
08:11ou de la simple historicité des lieux,
08:14mais on essaye de trouver les clés qui teintent
08:21entre le visible, l'expérience visible et palpable, et l'invisible.
08:26Voilà, donc à partir de là,
08:29nous devons pratiquer une sorte de lâcher-prise
08:35et de retrait pour accéder à cette souveraineté de l'invisible.
08:44– Alors, vous avez une autre expression aussi,
08:46pour parler de la liberté du voyage,
08:48vous parlez de la liberté de l'aigle souverain.
08:52– Oui, tout à fait, j'aime beaucoup cette image de l'aigle
08:58qui est notre… comment dire…
09:00dans un monde où la planification, disons,
09:07s'accélère de plus en plus son processus,
09:11Luc-Olivier Dalgange nous apprend que
09:13on ne peut pas être à la fois un homme de planification
09:16et un homme de réminiscence.
09:18Et ce qui me semble être le plus propre de la réminiscence,
09:22c'est la liberté souveraine de l'aigle.
09:25– C'est très important, la planification efface le passé.
09:29– La planification est un dispositif, un système
09:32qui est dans la technique, dans l'essence de la technique,
09:35et Luc-Olivier Dalgange a bien raison d'opposer,
09:39de manière dialectique et radicale,
09:42l'homme de la planification et l'homme de la réminiscence.
09:45C'est un des axes essentiels de sa pensée
09:50et je m'inscris totalement dans cet axe.
09:53– Oui, vous êtes…
09:55– D'où, si je me permets,
09:56l'intérêt de pratiquer la marche ou la bicyclette
10:01puisque la bicyclette permet justement d'échapper
10:04à la planification de l'asphalte
10:06et du monde pré-programmé par le système routier.
10:15Donc on peut prendre un sentier,
10:18une sente qui monte dans les montagnes,
10:22on peut s'arrêter sur un banc,
10:24donc la bicyclette permet plus ou moins
10:31d'échapper à la planification de l'espace.
10:36– Il vous cite,
10:40il manque à notre temps tyranniquement nihiliste,
10:43un archaïsme, quelque chose de très ancien,
10:46comme la crypte d'une religion primitive
10:49qui pourrait faire contrepoids au dernier modèle de smartphone.
10:55Le voyage comme un échappement à la technique en fait.
11:02– Oui, c'est pour échapper à la planification sous toutes ses formes,
11:07pas seulement la planification de l'espace,
11:11mais aussi du temps,
11:12puisque sur une bicyclette, nous sommes sur un autre temps.
11:17On prend le temps et on est dans le tropisme du nomade.
11:22On échappe aussi à la sédentarisation grâce à ces voyages
11:24et on rentre dans le tropisme du nomade,
11:28de celui qui est plus soumis aux mêmes lois,
11:33au même espace et au même temps que le sédentaire.
11:37– C'est sûr, c'est sûr.
11:39Mais ce qui est étonnant, c'est que dans ce récit de voyage,
11:45donc vers l'Est, vers l'Alsace dans un premier temps,
11:49et après, au-delà de l'Alsace, la Russie,
11:55que vous avez parcouru à bicyclette, ce qui est quand même un exploit,
12:02j'ai envie de dire que c'est très à la mode maintenant,
12:04mais vous, vous avez fait ça il y a 20 ans.
12:06– Alors, ce sont des voyages qui sont en train de se banaliser, effectivement,
12:10parce que dans la société, on sent bien que, justement,
12:14les espaces de liberté se rétrécissent.
12:17Donc, la société cherche… Excusez-moi.
12:21– Les jeunes partent.
12:22– Cherchent des chemins de traverse.
12:25Donc, le voyage à bicyclette devient populaire.
12:33– Et le voyage à pied.
12:34Il y a eu un livre très célèbre de Sylvain Tesson
12:38qui a traversé la France par les petits chemins noirs.
12:44Et c'était très…
12:47Et…
12:50Alors, ce qui est étonnant, c'est que vous nous donnez des sensations,
12:57vous nous donnez des impressions, vous nous parlez des nuages,
13:02vous nous parlez des gouttes d'eau qui tombent, de la pluie,
13:06mais il y a très peu de détails concrets.
13:11J'ai repéré qu'à un moment donné, vous plantez votre tente.
13:18Vous plantez votre tente, c'est une jolie définition que je vais retrouver.
13:22Voilà.
13:23Vous plantez votre tente au milieu des dunes
13:27et alors vous déscrivez les dunes qui sont toutes en rondeur.
13:32Un tableau de plus dans le musée de ma mémoire.
13:37– Oui, en effet.
13:38– Et cette phrase est tellement photographiée
13:44qu'on l'imprime nous-mêmes dans notre cerveau.
13:47– Je loue votre perspicacité, chère Anne.
13:52Vous avez noté le mot musée et nous n'oublions pas
13:56que le musée c'est d'abord le temple des muses, les neuf muses.
14:00Donc, ce qui inspire le poète.
14:03On oublie souvent l'étymologie des mots.
14:08Et quand on dit qu'on s'échappe,
14:12quand vous vous échappez avec la poésie,
14:15vous écrivez la poésie d'un pouvoir sur rien mais souveraineté sur tout.
14:21C'est intéressant cette différence entre le pouvoir et la souveraineté.
14:24Il y a en effet des gens aujourd'hui qui ont le pouvoir mais aucune souveraineté.
14:28– Ah oui, là on est bien placé aujourd'hui pour se rendre compte
14:31qu'un pays peut imposer des choses à son…
14:35un gouvernement peut imposer des choses à son peuple
14:38et au nom du pouvoir mais pas du tout au nom de la souveraineté.
14:43Donc, il y a même une opposition entre les deux.
14:47Donc, ça je dois dire que je m'inscris totalement dans la…
14:52je m'inscris à la suite de Ernst Juncker
14:54qui a développé cette dialectique tout au long du XXème siècle
15:00où le très jeune Ernst Juncker était un Nietzschéen
15:06donc à la recherche de la volonté de pouvoir, de la volonté de puissance.
15:09Et à un moment donné, il a compris que vouloir lutter contre…
15:16– C'est-à-dire qu'il a connu la guerre ?
15:17– Voilà, il a connu la première… – Qui lui a pris son fils ?
15:20– Il a connu la première guerre mondiale,
15:21il a été blessé de nombreuses fois et la seconde lui a pris son fils,
15:27Ernst Junger.
15:29Donc, il a bien compris que la recherche du pouvoir par la technique
15:34était une illusion totale et qu'en réalité,
15:38vers la fin de sa vie, vers la deuxième partie de sa vie,
15:40à partir des falaises de marbre, son maître livre,
15:46en fait, il y a un basculement qui se produit,
15:48j'allais dire une conversion et il est dans une recherche de souveraineté intérieure
15:53et non plus de puissance extérieure par la technique.
16:01– J'ai noté, vous avez en fait un ermitage au buisson blanc, comme Junger.
16:07– Exactement.
16:07– C'est une expression de Junger, l'ermitage au buisson blanc.
16:12Et ce don de l'observation, ce don de ce bonheur à être dans la nature,
16:22est-ce que vous ne l'auriez pas pris, contracté,
16:27lors de vos promenades avec votre père chasseur ?
16:31– Ah, je n'avais pas pensé à cela, mais effectivement,
16:34je pense que l'acuité visuelle que nécessite une promenade dans les forêts,
16:42dans les prés, observer les animaux,
16:47je me souviens d'ailleurs de ma première sortie, j'avais 6 ou 7 ans,
16:53avec mon cher père, nous nous arrêtions et puis il me disait,
17:01regarde entre les deux buissons, il y a un lapin,
17:03est-ce que tu vois les oreilles du lapin dépasser les buissons ?
17:06Et cette école d'observation, évidemment, a fait florès en moi.
17:12– Oui, oui, oui.
17:15Alors, l'Alsace, pour vous, c'est ce merveilleux pays de colombage.
17:23– Tout à fait.
17:23– Et pouvez-vous nous parler de cette Alsace que vous aimez tant ?
17:30– Alors, je dirais toujours les Alsaces.
17:32– Les Alsaces, oui.
17:33– Les Alsaces plutôt que l'Alsace.
17:37Et je dirais que oui, c'est une terre qui est riche, très riche en histoire.
17:44J'essaye moi de retrouver à travers mes voyages l'histoire de l'Alsace,
17:49même l'histoire industrielle par exemple de l'Alsace,
17:51en visitant telle friche industrielle ou telle usine désaffectée.
17:57Et j'ai rencontré le comte d'Andelot
18:00qui est le souverain, on peut dire, symbolique de l'Alsace.
18:04Et lorsque je l'ai rencontré, je l'ai rencontré à M. le comte,
18:07il m'a dit, l'Alsace existait avant la France et l'Allemagne.
18:11Et on peut l'appeler la Lotharingie.
18:13– Alors, qui est cet homme ?
18:15– Le comte d'Andelot, c'est un comte,
18:18c'est un château qui n'est pas un château.
18:20– Dont la famille est très, très ancienne ?
18:22– Sa famille remonte à la nuit des temps, à la Lotharingie.
18:28Et à cette époque de la Lotharingie,
18:32il n'y avait dit vraiment de France ni d'Allemagne.
18:34Donc l'Alsace existait déjà en tant que comté.
18:42– Oui, ça c'est joli comme histoire, oui.
18:46Et alors, ce que je trouve étonnant, c'est que finalement,
18:52l'Alsace et ses colombages n'ont pas été si détruites que ça.
18:57– Elle n'a pas été détruite comme la Normandie
19:00ou les régions qui ont été bombardées,
19:03mais elle a quand même été annexée plusieurs fois.
19:06– Oui, annexée, mais vous savez, les occupations passent.
19:11Mais les poutres demeurent, les colombages demeurent.
19:14Alors que malheureusement, la pauvre Normandie,
19:18les maisons à colombages, parce que c'est aussi une région à colombages,
19:24prêtent beaucoup de disparus.
19:27C'est quand même une région qui a subi des déchirements
19:31entre justement la France et l'Allemagne.
19:32– Oui, bien sûr.
19:34– Toute l'élite alsacienne, en 1870,
19:37et les élites industrielles notamment,
19:40ont quitté l'Alsace en fuyant l'arrivée de l'Allemagne.
19:46Et donc, c'est une terre de rencontres pacifiques,
19:50mais aussi guerrières en fait,
19:52entre les deux entités françaises et allemandes.
19:56– Oui, oui.
19:59Alors voilà, ce passage, rien ne vous arrête,
20:04et vous pénétrez dans une usine désaffectée,
20:09remplie de machines-outils, recouverte de rouille,
20:12au sol jonché de débris de verre.
20:14Cette usine m'a parue alors comme un titan éteint,
20:18dont les mythologies mortes circulaient devant moi en spectre gris.
20:23Revoyant alors défiler ces siècles de l'Histoire,
20:26où triompha l'industrie carnassière dans la trame de mon rêve éveillé,
20:30je compris que la caste industrielle n'était parvenue au pouvoir
20:35qu'en remplaçant la tour du château
20:38par la haute cheminée d'usine, cracheuse de désolation.
20:44J'ignorais encore que le remplacisme
20:47allait figurer en macre-cœur de la modernité.
20:51Il allait entrer comme une clé dans bien d'autres questions métaphysiques.
20:56À quoi rime ce remplacement du monde par son double mécanique ?
21:01Mènerait-il une guerre secrète contre l'humanité,
21:04réduite au rôle d'assistant des forces titanesques ?
21:08Alors là, c'est très amusant parce que vous partez en live,
21:11comme on dit en anglais,
21:13et cette usine vous inspire beaucoup de choses.
21:16Oui, effectivement, ça fait partie des surprises du voyage à bicyclette.
21:20On peut rentrer soudain dans un complexe industriel, désaffecté, faire de...
21:25Il y a des gens qui éviteraient.
21:27Oui, mais il y a aussi des gens qui le font volontairement,
21:31ça s'appelle l'urbex.
21:32L'urbex, c'est donc une mode qui consiste à visiter,
21:35c'est une mode qui vient des États-Unis,
21:36qui consiste à visiter des lieux désaffectés.
21:39Et il est vrai qu'en visitant cette usine,
21:43ces hangars à demi détruits,
21:47ces tours, ces cheminées industrielles,
21:50j'y ai vu comme une sorte de parodie du château médiéval.
21:57Et n'oublions pas que nous sommes dans un monde de parodies.
22:03Et finalement, il y a déjà bien longtemps
22:05que les forces vives de la tradition ont été parodiées.
22:11Je crois que c'est René Guénon qui dit que la modernité,
22:13la marque de la modernité, c'est la grande parodie.
22:16Donc effectivement, l'usine avec sa tour cracheuse de fumée
22:21est un peu un double parodique,
22:24un double mécanique, si vous voulez, du château fort.
22:29Mais il y a de nombreux châteaux forts
22:31suspendus au sommet des collines en Alsace
22:34et cette vision est guérisseuse.
22:39Oui, beaucoup, beaucoup, beaucoup de châteaux.
22:42Tout à fait.
22:43C'est sûr, notamment dans la région de Colmar.
22:46Exactement.
22:47Il y a ce grand château d'un seigneur allemand
22:51qui a été restauré et qui est superbe.
22:57Mais vous ne présentez pas que des usines désaffectées.
23:04Vous parlez aussi des chemins d'eau, des canaux, des rivières, de la pluie.
23:12Vous êtes très attiré par l'eau.
23:15Oui, je fais provande de tout ce qu'il m'est amené de visiter,
23:21de voir, d'explorer, des rencontres aussi que je peux faire.
23:25Et c'est vrai qu'une des manières très agréables
23:29de découvrir les paysages, les régions,
23:33c'est en suivant les chemins de halage.
23:36Oui.
23:36Et donc, on découvre l'histoire au fil de l'eau, c'est le cas de le dire.
23:42Oui, vous dites que le chemin de halage a un charme extraordinaire.
23:46Absolument.
23:47Et il a une vertu calmante.
23:51L'eau a une vertu calmante.
23:53Et on peut en même temps pratiquer le bivouac sur les rives.
23:58Ah oui, racontez-nous ça, racontez-nous.
24:00Tout simplement, les canaux et les rives des rivières,
24:05des cours d'eau sont généralement ouverts au bivouac par la loi.
24:12Donc, on peut ne pas trop se soucier du lieu où on va dormir
24:20et on peut ouvrir sa tente au bord d'un canal, d'une rivière,
24:25au bord du Rhin, si ça peut arriver.
24:26Parce que c'est quand même un souci, le lieu où l'on va dormir.
24:30Bien sûr.
24:32Et on n'est pas toujours accepté.
24:39Vous citez des lieux où vous n'avez pas été accepté.
24:42Oui.
24:43Mais vous avez quand même une diplomatie jolie pour vous faire accepter.
24:52Notamment dans le Nord, dont j'ai lu les récits.
24:58Vous dites que vous demandez l'hospitalité,
25:04mais vous proposez en échange une aide aux gens.
25:07Et ça, c'est assez extraordinaire.
25:10Vous aidez les gens à rentrer les foins, à faire...
25:15Effectivement, cela peut arriver.
25:16Disons que nous arrivons comme un nomade, comme un passager.
25:22Et vous aidez le sédentaire.
25:23Et le sédentaire est en cours d'une action,
25:28en train de réaliser une séquence de vie sédentaire.
25:31Il travaille.
25:32Et donc, il peut m'arriver de donner un coup de main, effectivement.
25:35Et ça, c'est une importante...
25:40Alors, vous êtes allé, plus au-delà de l'Alsace,
25:46vous êtes allé en Russie.
25:50Et vous avez eu, d'ailleurs, des rencontres étonnantes
25:53avec des ours ou des loups, je ne sais plus.
25:56Je me souviens que c'était juste.
25:59Disons qu'effectivement...
26:02Alors, nous, je dis nous, parce que nous étions deux amis.
26:07Et nous avons effectivement traversé des régions assez dangereuses,
26:11des usines interlopes et également des forêts remplies d'ours.
26:17Alors donc, nous aurions pu faire de mauvaises rencontres.
26:20Mais, puisque je suis là, en face de vous,
26:23c'est que je n'ai pas rencontré d'ours.
26:27Alors, cette Russie, vous la décrivez de façon fort émouvante.
26:34Alors, c'est un voyage que vous avez fait il y a quand même très très longtemps.
26:38Il y a une douzaine d'années.
26:39Une douzaine d'années, oui.
26:41Je crois pouvoir dire que ça a pas mal changé.
26:44Ça a pas mal évolué.
26:45Mais, vous avez des propos très intéressants.
26:55Alors, vous parlez à Blaise Sandrard, qui a fait un livre que je n'ai pas lu.
27:02Pouvez-vous nous parler de ce livre, Le Transsibérien ?
27:05Ah, il s'agit plus exactement d'une chanson célèbre
27:09qu'il a baptisée La Prose du Transsibérien.
27:14Une célèbre chanson politique qui a marqué son temps
27:19et qui a probablement généré aussi une nouvelle ère esthétique, on va dire.
27:26Puisque, se rendant à Moscou pendant la révolution bolchevique,
27:32sans qu'il ne s'en rende vraiment compte d'ailleurs,
27:35Donc, depuis Moscou, il envoyait ses vers, ses récits,
27:41à son ami Sonia Dolonay, l'épouse de Robert Dolonay.
27:46Qui était russe ?
27:48Qui était ukrainienne-russe, oui.
27:50Et cet artiste a réalisé une décoration tout à fait spectaculaire
27:59de La Prose du Transsibérien.
28:02Et on a retrouvé quelques exemplaires de cette œuvre.
28:05Et si on tape Prose du Transsibérien, on trouve le texte ?
28:09On trouve le texte et on trouve de nombreuses interprétations,
28:13puisque de nombreux chanteurs l'ont interprétée.
28:19Alors, vous le parlez donc à Sandra.
28:25Un siècle après ta joyeuse Prose du Transsibérien,
28:28si débordante de créativité,
28:31quand tu vendais des bijoux à la sauvette dans Moscou
28:33avec ta petite Jeanne de France,
28:35et que tu prenais ou ne prit point le train pour faire le tour du monde.
28:41Depuis un siècle, les idées politiques ont tout rouillé.
28:44Il y a eu deux guerres mondiales génocidaires
28:47et une troisième, pas encore déclarée,
28:49qui continue sous le faux nom de globalisation.
28:53Toutes ces idées, on dirait des épaves.
28:57Seul l'or de la foi est imputrécible.
29:01Les villes-chantiers, les bateaux-chantiers que j'ai vus à Murmansk,
29:05on peut les prendre pour des soucoupes volantes.
29:08J'ai même vu une grande gare qui venait juste d'atterrir.
29:12Neuf fuseaux horaires, des colonnes, des hubelots,
29:15des bruits qui provenaient d'un autre monde.
29:17Des petits hommes gris en sortaient pour envahir la terre.
29:21J'ai vu tous ces décors de films qui prenaient l'eau.
29:25Le grand metteur en peur, Staline,
29:28a tourné le plus grand film jamais réalisé.
29:31Son studio mesurait des millions de kilomètres carrés.
29:36Et pourtant, on sent l'âme russe partout sur le territoire,
29:41y compris et surtout au milieu des ruines.
29:45Une âme comme une grande voile étoilée prête à prendre le large.
29:51Ça, c'est un très joli passage.
29:55Il n'y a rien à ajouter, tout est dit.
30:02Le grand metteur en scène et le grand metteur en peur, Staline, c'est bien ça.
30:07Vous connaissez cette phrase de Solzhenitsyn, je crois, qui dit
30:13la Russie n'a pas de frontières avec des voisins.
30:18Elle n'a pas de frontières horizontales,
30:20elle n'a que des frontières horizontales avec le ciel.
30:24Très belle phrase, je l'ignorais,
30:26mais effectivement, c'est un peu ce qu'on peut ressentir en Russie.
30:30À travers les rencontres, un peuple fier, un peuple de résistants
30:36et qui savent vivre au milieu des ruines.
30:40Et de la pauvreté.
30:42Oui, dans les zones rurales, la misère est assez grande
30:47et il est vrai qu'ils vivent une sorte de sainteté misérable.
30:52Oui, vous l'écrivez.
30:53Et ils sont prêts à vous accueillir.
30:55Absolument.
30:56Ils vous donnent leur matelas et ils vont dormir ailleurs.
31:00Oui, ça m'est arrivé.
31:02Ça, c'est sûr.
31:04Mais bon, je crois que ça change un peu, ça évolue un peu en dix ans.
31:09L'Afropoutine, comme on dit dans la presse,
31:11tout de même fait bien évoluer les choses.
31:16Et puis, bien sûr, vous retrouvez la mer en Courlande.
31:21Oui, la mer blanche en Russie.
31:24Courlande est aussi, effectivement...
31:25C'est un terrain plat.
31:28Comment est la Courlande ?
31:31J'en rêve, la Courlande, je ne sais pas pourquoi.
31:32La mer blanche, plutôt.
31:34Oui, enfin pas la mer, la mer est plate.
31:36Mais les rivages de la mer blanche.
31:37Les rivages de la mer blanche sont assez saisissants, effectivement.
31:42On peut voir au loin des îles.
31:44Et une de mes expériences assez...
31:50je dirais même métaphysique qui s'est produite sur place.
31:55En fait, j'ai vu au loin, au bord de l'eau justement, sur le rivage,
32:00une petite église orthodoxe, une petite église en bois
32:03avec un petit pont comme ça, passant au-dessus d'un ruisseau.
32:08Et c'est étonnant, je n'étais jamais allé en Russie
32:11et pourtant j'ai reconnu cette église.
32:13J'étais bien sûr de l'avoir vue déjà.
32:15Alors, est-ce que j'ai rêvé ?
32:16Eh bien non, c'était en fait le décor du film Ostrov de Pavel Lungin.
32:21L'île.
32:22Qui s'appelle Ostrov, ce qui veut dire, en russe, Ostrov veut dire l'île.
32:27Et donc je suis tombé sur l'église qui a servi au tournage.
32:33Et par hasard, en passant à la bicyclette.
32:35Il faut dire aussi que toutes les églises orthodoxes
32:39ont une allure semblable.
32:43Il n'y a pas...
32:45Les architectes, quand ils construisent une église orthodoxe,
32:48ne s'amusent pas à faire valoir leur égo.
32:52Il y a des normes, il y a des indications.
32:56De même qu'une icône, on ne se met pas à peindre une icône comme ça,
33:00un jour de grand vent, non.
33:04Dessiner une icône, peindre une icône est un exercice religieux
33:08qui doit obéir à des règles.
33:09Il en est de même pour les églises.
33:12Ça c'est tout à fait encore une différence entre la foi orthodoxe
33:17et nous autres pauvres catholiques
33:19dont les architectes ont construit n'importe quoi et des horreurs.
33:25Les nouvelles églises ne sont quand même pas des lieux fantastiques.
33:29Je peux dire que souvent à bicyclette,
33:32on voit briller au loin un phare lumineux
33:35et en fait il s'agit d'un bulbe doré d'une église orthodoxe.
33:40Et c'est assez saisissant effectivement de voir au loin...
33:43Vous savez que la cathédrale orthodoxe de Paris,
33:46l'église orthodoxe de Paris au Quai Branly a eu toutes les peines du monde
33:50parce qu'ils ont voulu contrecarrer tous les projets,
33:57et les premiers projets étaient une cathédrale orthodoxe vraie,
34:03comme en Russie.
34:04Et la mairie de Paris bien sûr a fini par accepter seulement le projet moderniste.
34:13C'est-à-dire toute la base de l'église,
34:15c'est un espèce de millefeuille, un parallépipède en millefeuille.
34:21Mais ils n'ont pas pu empêcher les bulbes d'or
34:24et donc quand vous passez sur la Seine,
34:26vous voyez ces bulbes qui rayonnent au soleil,
34:31ce qui est magnifique.
34:33Mais c'est très intéressant parce qu'en vous parlant,
34:36je comprends que les lois municipales et les esprits tordus
34:44ont imposé que la structure de l'église ne soit pas celle des églises orthodoxes.
34:49C'est fou quand même.
34:50Vous imaginez là, la pression, on vit dans un monde dingue.
34:55C'est des gens assis dans un bureau qui décident en ayant bien réfléchi
35:02que l'on ne doit pas construire une vraie cathédrale orthodoxe.
35:06Encore un exemple de planification dont nous parlions.
35:08Vous avez raison, vous avez raison.
35:11Planifions la laideur.
35:14Il paraît qu'un vieux moine a raconté à Sandrard la légende de Novgorod.
35:21Vous la connaissez ?
35:22C'est un ouvrage de Sandrard qui a une histoire assez rocambolesque.
35:28On a retrouvé un exemplaire dans une bibliothèque en Russie.
35:33Mais ça reste un peu mystérieux.
35:34On ne sait pas vraiment qui a écrit.
35:36De toute façon, chez Sandrard, il ne faut jamais prendre les choses au pied de la lettre.
35:41C'est un bourlingueur.
35:45C'est lui qui a fait rentrer le mot bourlinguer,
35:47le verbe bourlinguer dans le dictionnaire.
35:49Et on ne sait d'ailleurs pas exactement qui a écrit cette légende de Novgorod.
35:55On ne sait d'ailleurs même pas, il n'est pas certain qu'il ait pris le transsibérien.
35:59Et puis, de retour en France, vous connaissez l'anecdote, cher Anne ?
36:02Non.
36:03De retour en France, lorsque sa prose du transsibérien commençait un peu à être connue
36:08dans un certain cercle parisien,
36:11un journaliste lui a posé la question
36:13« Mais est-ce que vous pouvez nous garantir que vous avez pris le transsibérien ? »
36:17Et sa réponse est belle et juste.
36:19Il a dit « Qu'est-ce que ça peut faire puisque je vous l'ai fait prendre à vous ? »
36:23C'est très joli.
36:25Oui, c'est exact, oui, oui, oui.
36:31Et si cette légende de Novgorod contenait la boîte noire de ce qui s'est passé
36:35et que les historiens ignorent ?
36:38Si elle contenait le plan de retour, ses bases inconscientes,
36:42la serrure de ce monde-ci, dont le monde-là est la clé,
36:46la grande intrication des mondes dont la nostalgie en l'homme est l'indice.
36:52La Russie contient des distances archaïques
36:55que l'on ne compte pas en heures mais en semaines de voyage.
36:59Un temple archaïque y est caché, gardé par des ours tueurs.
37:04Il y a aussi de la modernité dans l'air, des pluies acides
37:07et un briseur de glace atomique garé dans le port de Murmansk.
37:12Que va chercher ce navire au milieu des icebergs
37:15sinon le trésor enfoui de Golconde ?
37:19Un peu de cet or brille dans les yeux des filles russes.
37:23Leur regard provoquant est comme un train rempli d'or qui traverse les steppes.
37:28Visiblement, vous savez, admirer les jeunes filles russes.
37:36Vous êtes...
37:39Alors pourquoi est-ce que vous avez écrit ces impossibles retours de voyage ?
37:43Le titre, puisque nous avons un retour de voyage.
37:47Oui, je ne voulais pas faire un énième récit de voyage
37:51ou intituler mon livre « Récit de voyage » qui est assez banal.
37:54Mais je voulais faire aussi une interrogation sur les retours
38:00et sur ce sentiment étrange que nous vivons au retour d'un voyage,
38:05notamment un voyage assez radical comme celui de la Russie.
38:09En fait, ce sentiment de suspension.
38:12On n'est pas complètement rentrés, on n'est pas complètement arrivés.
38:15On est dans un sas qui dure quelques jours.
38:21Les voyageurs connaissent bien cela.
38:23Et je me suis rendu compte que c'est un peu ce que vit Ulysse
38:31dans l'Iliade et l'Odyssée.
38:34Puisque de retour à Ithaque, après 12 ans d'exil,
38:39après avoir subi la guerre de Troie,
38:43il a rencontré de multiples...
38:44Alors, il n'a pas rencontré des filles russes,
38:45mais il a rencontré des muses et des nymphes.
38:48Et des sorcières.
38:48Et des sorcières.
38:50Et des nymphes, Calypso, Circé, etc.
38:53C'est vrai qu'au retour à Ithaque, il est aussi dans un état de suspension.
39:00Et d'ailleurs, on ne le reconnaît pas.
39:03Sa propre épouse n'est pas complètement sûre que ce soit lui.
39:06Il n'y a que son chien qui le reconnaît, Argos,
39:10qui jappe lorsque...
39:12Et ça nourrisse.
39:13Et ça nourrisse aussi.
39:15Mais tout cela est à plusieurs niveaux de lecture.
39:18Et une des épreuves que subit Ulysse pour prouver son identité,
39:25c'est le tir à l'arc.
39:27Il doit pouvoir bander l'arc et envoyer des flèches à travers 12 haches alignées.
39:35Et éliminer tous les prétendants.
39:38J'ai eu l'impression que cette épreuve de l'arc et des flèches,
39:43c'était un peu l'épreuve de l'écriture, métaphoriquement.
39:46C'est joli.
39:46En tout cas, vous dites que Ulysse a retrouvé Andromaque,
39:51c'est-à-dire son âme.
39:54Ça, c'est une jolie comparaison.
39:56Pénélope.
39:57Pénélope.
39:59On peut imaginer qu'effectivement, Ulysse et Pénélope
40:01sont les deux faces d'une même réalité.
40:04Et une traduction de ce qu'est le pèlerinage sur terre.
40:08C'est-à-dire, le moi personnel est à la recherche de son âme,
40:14mais on oublie aussi que l'âme est à la recherche du moi.
40:18Donc, c'est dans les deux sens.
40:20Et l'âme est fidèle, comme Pénélope.
40:22Elle est fidèle à son mari, elle l'attend avec patience,
40:28comme notre âme nous attend avec patience.
40:31Lorsque l'arrédition, qui est un terme chrétien,
40:34lorsque l'arrédition se manifeste,
40:37l'âme, qui ne nous a en fait jamais quittés,
40:40se fait, comment dirais-je, se fait voir à nous,
40:46devient une réalité dans notre existence.
40:48Donc, c'est la réunion d'Ulysse et de Pénélope.
40:52C'est très joli.
40:53Je voudrais terminer sur une dernière image que j'ai beaucoup aimée.
40:58L'eau du canal semble regarder l'aquarelle nuageuse du ciel.
41:03Cette idée d'appeler le ciel une aquarelle,
41:06ça, c'est une très, très jolie idée.
41:11Alors, c'est le moment de dire,
41:14où est-ce qu'on peut trouver cette jolie navigation ?
41:18Alors, les téléspectateurs peuvent m'envoyer un courriel,
41:21c'est le plus simple.
41:22Oui.
41:23Je pense que l'adresse sera écrite sur…
41:25frédéricandreux, tout attaché, arrobasiaou.fr, entendu.
41:30Et ils peuvent aussi…
41:32Et les Brumes de Greninges sont éditées à l'Armatan.
41:35Les Brumes de Greningues sont publiées à l'Armatan.
41:38Il existe une librairie, Rue des Écoles, à Paris.
41:40Voilà.
41:40Et ils peuvent aussi me rencontrer.
41:41Je serais très heureux de rencontrer les auditeurs
41:45qui se rendraient en région Alsace, à Vaisserlin, le 29 septembre.
41:55Donc, dans le parc de Vaisserlin.
41:57Puis, il faut se souviendre aussi que vous avez un très joli texte
41:59de David Masqueret sur votre livre.
42:01Tout à fait.
42:03C'est une bonne idée de publier les réactions des vrais écrivains, en fait.
42:09C'est à mon arrivée à Itac, je vois qui me reconnaît et qui ne me reconnaît pas.
42:13C'est un peu ça.
42:14Exactement.
42:15Et Luc-Olivier Dalgange m'a fait l'honneur
42:17de m'écrire aussi un petit mot extrêmement…
42:21Luc-Olivier Dalgange qui va publier cet hiver un livre sur,
42:27j'ai envie de dire, les tribulations de l'âme,
42:30notre âme occidentale qui est si attaquée de nos jours.
42:35Merci beaucoup Frédéric Andreux.
42:38Je rappelle votre livre, C'est impossible, retour de voyage,
42:42Le Grand Est, autrement.
42:45Et soyez vraiment remerciés parce qu'on passe un bonheur de lecture à vous lire
42:54et on approfondit sa propre âme.
43:00Et on ne regarde plus un ciel, on ne regarde plus un canal, une rivière,
43:07la pluie tombée sans penser à vos lignes.
43:13Merci beaucoup.
43:15Merci à vous, Chérane.
43:16Chers amis de TV Libertés, à très vite.