A entendre certains commentateurs et certains dirigeants, l’IA est une réponse magique à toute difficulté dans une organisation : technologique, management, RH etc… Nous savons au moins depuis Sénèque, que « l’Homme préfère croire que de juger ». Il n’est donc pas étonnant que l’intelligence artificielle suscite de nombreuses croyances notamment sur le grand remplacement de l’Homme. [...]
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00:00À entendre certains commentateurs et certains dirigeants, l'IA est une réponse magique
00:14à toute difficulté dans une organisation. Technologique, management, RH, etc. Nous savons
00:20au moins depuis Sénèque que l'homme préfère croire que de juger. Il n'est donc pas étonnant
00:26que l'intelligence artificielle suscite de nombreuses croyances, notamment le grand
00:31remplacement de l'homme. Cette croyance en une IA toutologue revient à penser que l'entreprise
00:38n'est qu'un ensemble de problèmes à résoudre. Croire cela, c'est nier toutes les situations
00:44et qui ne sont pas les moindres, qui nécessitent non pas une solution, c'est-à-dire une réponse
00:49qui satisfait l'ensemble des données d'un problème, mais des arrangements non définitifs
00:54avec des clauses de revoyure si des données de la situation venaient à évoluer. Ainsi,
01:01faire des arrangements, c'est faire preuve de discernement, de tact, de courage, de sensibilité,
01:07avoir le sens de l'humain, passer ses idées par le filtre du sens commun et pourquoi pas
01:12faire œuvre de bon sens. Grosso modo, tout ce qu'un programme informatique fera difficilement.
01:18Dans un collectif humain, l'action raisonnable surpasse toujours en bienfait la simple action
01:25rationnelle. D'ailleurs, plus de technique et de technologie dans un corps social doit aller de
01:33paire avec plus de capacité de jugement. Le cas contraire, ces dispositifs produiront bien sûr
01:39des fruits, mais uniquement des fruits secs comme le dit la célèbre expression. Nous avons donc
01:46besoin, plus que jadis, d'êtres humains dans nos organisations, c'est-à-dire des individus qui
01:51n'agissent pas comme de simples intelligences artificielles, car l'expérience devrait montrer
01:58que le savoir ne bouleverse pas les cœurs, nous disait à juste titre Emmanuel Mounier. Ce qui est
02:05valable pour le savoir est valable pour les technologies. Il est donc nécessaire dans
02:10l'action collective et donc dans le travail de toujours s'appuyer, comme nous y enjoignait Gaston
02:16Berger, sur une connaissance et une sagesse, sur une technique et une culture. C'est d'ailleurs ce
02:24qui fait la difficulté d'enseigner le management. Cela serait donc une erreur de penser que l'IA va
02:31remplacer l'homme dans le travail et son management. Un homme qui imite bien le singe n'est pas un singe
02:38mais un bon comédien. La pensée artificielle nécessite donc plus que jamais la pensée humaine.
02:45Malheureusement, comme l'avait noté Georges El-Ghazi dans son fameux ouvrage « Le désordinateur » il
02:52y a plus de 50 ans, plus enclin à se passionner qu'à instruire, nos contemporains célèbrent avec
02:59tant de lyrisme les services réels et imaginaires rendus par les ordinateurs qu'ils en négligent
03:05les contraintes, les nuisances. Les désillusions qui suivent une découverte sont à proportion des
03:11illusions qui la précèdent ou qui l'accompagnent. El-Ghazi a encore raison lorsqu'il déclare que les
03:18penchants d'un chef d'entreprise pour le ski, l'adultère discret ou le voile au grand jour,
03:24qui influent parfois sur le choix d'une décentralisation, seraient difficilement pris
03:29en compte par un ordinateur. D'ailleurs Victor Hugo ne disait pas l'inverse lorsque répondant à son
03:35professeur de mathématiques qui lui demandait ce qu'il pensait des mathématiques, il rétorqua des
03:42x et des y ses bas de plafond. Le haut de plafond, les sentiments et les finalités échapperont toujours
03:50aux mathématiques et aux outils techniques, mais le rêve réchauffe toujours les cœurs et bien sûr
03:56les portefeuilles des commerçants. La rêverie assistée par ordinateur a de l'avenir lorsque
04:00l'IA devient synonyme d'impréparation absolue dans le monde du travail et son management.