Fabrice Luchini et Michel Onfray se sont rencontrés lors d'un événement organisé par Le Figaro appelé "Rencontres du Figaro" à la Salle Gaveau. Cette rencontre a été marquée par un échange intellectuel à la fois profond et divertissant entre les deux hommes.
Déroulement de la rencontre
L'événement a débuté avec l'arrivée de Michel Onfray sur scène, suivant une citation de Nietzsche. Les deux hommes ont ensuite engagé une conversation animée, guidée par les questions de Vincent Trémolet de Villers, directeur adjoint du Figaro. Thèmes abordés Au cours de leur échange, Luchini et Onfray ont abordé plusieurs sujets philosophiques :
La pensée de Nietzsche
Le stoïcisme
L'éternel retour nietzschéen
Le rapport à l'art et à la pensée
Contraste de styles La rencontre a mis en lumière le contraste entre les personnalités des deux hommes :
Luchini : expressif, gesticulant, partageant ouvertement ses angoisses
Onfray : posture droite et stable, démontrant un certain stoïcisme
Atmosphère de l'échange
L'ambiance de cette rencontre était caractérisée par :
Une grande gaieté et un désir de rire
Une méditation à la fois drôle et profonde
Une fluidité et une spontanéité extraordinaires dans le dialogue
Cette rencontre entre Fabrice Luchini et Michel Onfray a offert au public une rare opportunité d'assister à une véritable conversation intellectuelle, mêlant humour et réflexion philosophique.
Déroulement de la rencontre
L'événement a débuté avec l'arrivée de Michel Onfray sur scène, suivant une citation de Nietzsche. Les deux hommes ont ensuite engagé une conversation animée, guidée par les questions de Vincent Trémolet de Villers, directeur adjoint du Figaro. Thèmes abordés Au cours de leur échange, Luchini et Onfray ont abordé plusieurs sujets philosophiques :
La pensée de Nietzsche
Le stoïcisme
L'éternel retour nietzschéen
Le rapport à l'art et à la pensée
Contraste de styles La rencontre a mis en lumière le contraste entre les personnalités des deux hommes :
Luchini : expressif, gesticulant, partageant ouvertement ses angoisses
Onfray : posture droite et stable, démontrant un certain stoïcisme
Atmosphère de l'échange
L'ambiance de cette rencontre était caractérisée par :
Une grande gaieté et un désir de rire
Une méditation à la fois drôle et profonde
Une fluidité et une spontanéité extraordinaires dans le dialogue
Cette rencontre entre Fabrice Luchini et Michel Onfray a offert au public une rare opportunité d'assister à une véritable conversation intellectuelle, mêlant humour et réflexion philosophique.
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ÉducationTranscription
00:00Pour faire jouir cette langue, pour jubiler avec elle en prose, en poésie et même en verlan,
00:07voici Fabrice Lucchini et Michel Onfray.
00:09Fabrice Lucchini, Michel Onfray. Bonsoir Fabrice, je vous en prie. Bonsoir Michel Onfray.
00:22Ravi de vous accueillir tous les deux en direct ce soir dans cette grande librairie.
00:29Est-ce que vous étiez déjà rencontrés l'un et l'autre ?
00:33Il y a eu des échanges.
00:35Si on s'est croisés, Fabrice sortait d'un plateau, j'entrais sur un autre plateau.
00:40On s'est dit qu'il faudrait qu'on se voie et ça ne s'est jamais fait.
00:42Ça ne s'est jamais fait.
00:43Donc nous nous voyons.
00:45Les hommes médiatiques qui finalement ne se retrouvent qu'à l'occasion des missions
00:51mais qui en réalité ont peut-être des choses à partager.
00:54Très bon le début des hommes médiatiques, ça va lui faire plaisir.
00:57Les hommes médiatiques, on n'est pas que des hommes médiatiques quand même.
01:0180 films Fabrice.
01:04Oui.
01:05Des années, des années, des années.
01:08Je ne vais pas non plus dire eh ouais.
01:11Des années à nous faire plaisir en nous refaisant découvrir ou tout simplement parfois
01:18en nous faisant découvrir des poèmes, la manière de les dire, le plaisir de jouir de la langue
01:25avec La Fontaine, avec Rimbaud, avec Baudelaire, avec Nietzsche aussi.
01:29Vous êtes toujours un Nietzschéen, alors Nietzschéen à votre manière Michel Onfray.
01:35Oui, enfin comme Nietzsche aurait aimé qu'on le soit, c'est-à-dire un homme libre.
01:39Qu'est-ce que c'est un homme libre aujourd'hui au 21e siècle en 2016 Michel Onfray ?
01:42C'est un homme qui travaille, qui pense, qui réfléchit, qui ne se laisse influencer par rien ni personne,
01:47qui croise ses informations, qui quand la gauche est au pouvoir lit la presse de droite,
01:51quand la droite est au pouvoir lit la presse de gauche, enfin un homme libre quoi.
01:54On va parler avec vous justement de ce qu'est la liberté, la liberté de penser, la liberté de jouer,
01:59de se confier également deux autobiographies en réalité.
02:03Je ne sais pas si c'est le mot qu'il faut employer, autobiographie.
02:06Fabrice Luchini, Comédie française, ça a débuté comme ça.
02:10C'est aux éditions Flammarion, le livre est sorti il y a quelques jours, c'est déjà un grand succès.
02:15Autobiographie, vous nous direz ce que vous cachez peut-être, ce que vous n'écrivez pas.
02:20Et puis Michel Onfray, deux livres, alors très attendus évidemment,
02:24parce que depuis quelques mois vous aviez décidé de vous mettre légèrement en retrait du débat médiatique.
02:31Deux livres, Le miroir aux alouettes, qui vient de paraître aujourd'hui en librairie aux éditions Plon.
02:37C'est sous-titré Principes d'athéisme social.
02:41Vous nous direz tout à l'heure ce qu'est l'athéisme social.
02:43Ça aurait pu être sous-titré également Autobiographie politique.
02:46Et Pensée d'islam, ça c'est le deuxième ouvrage, il sort également aujourd'hui chez Grasset.
02:51Pensée d'islam, c'est quand le philosophe se met tout simplement à faire son métier, c'est ça.
02:55On lit le texte du Coran, on prend la biographie du prophète Mahomet, un stylo, on croise, on écrit, on pense.
03:04On va en parler assez longuement de ces deux livres.
03:08Je voudrais qu'on commence par les mots, les mots, les émotions.
03:12C'est la semaine de la langue française.
03:14Quel est pour vous, tiens Fabrice, le plus beau mot de la langue française ?
03:19Je réponds à la question que vous ne m'avez pas posée.
03:26Être Nietzschien, ça devrait demander, exiger de détruire l'homme qui se venge.
03:32Tu sais, le génie de Nietzsche, c'est quand même d'avoir photographié.
03:35Moi, j'en parle avec beaucoup de modestie parce que je n'ai pas la formation pour maîtriser mes Nietzsche.
03:39Quand même, je m'y suis vraiment plongé.
03:42La grande idée géniale de Nietzsche, c'est quand même voir que l'homme dit non.
03:49L'homme se venge.
03:51La grande idée, c'est qu'il a, ce que mon frère appelle aussi les passions tristes,
03:56il a vraiment photographié là où ça se venge.
03:59Je ne me trompe pas jusqu'à là.
04:01Là où ça se venge.
04:03Alors, être Nietzschien, ça devrait être l'homme qui est capable de mourir au vieil homme.
04:09L'homme qui est capable de dire oui à la tragédie.
04:12Oui à l'immanence.
04:14Oui au non arrière-monde.
04:17C'est-à-dire le oui de l'immanence, l'éternité de l'instant.
04:20Il n'y a rien d'autre.
04:21Il n'y a pas de métaphysique.
04:23Il n'y a pas de proposition divine.
04:26Il n'y a que là, ce grand oui, tragique, sublime.
04:29Et nous n'avons affaire qu'aux courageux ou aux lâches.
04:32Les lâches sont ceux qui sont dans l'erreur.
04:35Et il n'y a pas d'erreur et de vérité.
04:37Il y a les courageux et les lâches.
04:38Et vous avez bien compris que je suis du côté des lâches.
04:40C'est-à-dire que moi, je ne suis pas du tout Nietzschien.
04:42C'est trop fort pour moi.
04:44Trop compliqué.
04:45Non, pas compliqué.
04:46C'est une expression qui revient.
04:47On va en reparler.
04:48Mais c'est une expression qui revient systématiquement sous votre plume.
04:51Une façon de se dénigrer un petit peu aussi.
04:54Parfois, Fabrice Lucchini.
04:56C'est trop dur.
04:58Je n'ai pas le courage.
05:00Ça, c'est pour...
05:01Pour amuser la galerie ?
05:02Non, pour l'histoire de la gauche.
05:04Pas seulement, Nietzschien, par exemple.
05:06Nietzschien, il faut être très quand même.
05:08Il faut être...
05:09Tu te rends compte ?
05:10Être Nietzschien, c'est quand même être...
05:11Nous, nous ne sommes que des êtres...
05:13Enfin, moi, je suis un être quand même de miscinerie, de jalousie, de médiocrité,
05:17d'envie, de peur, de névrose, de narcissisme.
05:21Je suis accablé par un petit moi freudien qu'on ferait adore.
05:27Mais je ne suis pas un homme qui dit oui.
05:29Je ne suis pas un homme.
05:30Je n'ai pas la grande santé.
05:31Je ne suis pas un homme qui affirme la solitude.
05:34Je ne suis pas un...
05:35Tu te rends compte ?
05:36Être Nietzschien, ce que ça veut dire ?
05:38Être Nietzschien, c'est extraordinaire.
05:40Il a raison, Onfray, de dire ça.
05:42Mais être Nietzschien, c'est ne plus être dans le ressentiment.
05:45Et qui est capable en France de dire oui ?
05:48Je suis dans le grand oui.
05:49Oui, je n'ai plus de haine.
05:51Je ne me venge pas.
05:53Ça, c'est merveilleux.
05:54Qu'est-ce que vous en êtes capable, Michel Onfray ?
05:55Vous avez pas mal pris.
05:57Évidemment, c'est le fondement de votre livre,
06:00de Penser l'Islam et puis du miroir aux aluettes.
06:02Depuis quelques mois, déferlante dans la presse,
06:05vous êtes attaqué, traité de tous les noms.
06:09Tantôt islamophobe, tantôt islamophile, tantôt antisémite.
06:12On ne sait plus très bien d'ailleurs qui vous êtes réellement,
06:14si on suit la presse.
06:15Heureusement, on lit les livres.
06:17Aucun ressentiment ?
06:18Ou quand même un petit peu ?
06:20Non, je veux dire...
06:21Non, sérieusement ?
06:22Après, vous n'êtes pas obligé de me croire.
06:24J'ai découvert la presse très tôt,
06:27quand j'ai commencé à écrire mes premiers livres,
06:29c'est-à-dire 89, 90.
06:31Je trouvais toujours très injuste qu'on me reproche
06:33des choses que je n'avais pas dites.
06:34On faisait la critique de livres que je n'avais pas écrits.
06:37Et je me demandais pourquoi.
06:38Et puis, c'est allé grandissant.
06:40Et puis, il y a un moment donné où c'est devenu n'importe quoi.
06:42Maintenant, j'ai la chance quand même d'avoir des unes de haine.
06:45Des unes qui demandent s'il faut me brûler.
06:48Des unes qui disent que je fais le jeu du Front National,
06:51qui est assimilé à Le Pen, donc à Pétain, donc à Vichy,
06:54donc au nazisme, donc aux juifs.
06:55En gros, je suis un compagnon de route des nationaux socialistes.
06:58Vous leur répondez à travers les livres.
07:00Vous avez du ressentiment ou pas, honnêtement ?
07:02Non, non.
07:03C'est un choc.
07:04Non, non, ce n'est pas ça.
07:06Non, parce que ce n'est pas...
07:08Fabrice n'a pas parlé du mot important chez Nietzsche,
07:11c'est l'éternel retour.
07:12Nietzsche dit qu'il y a un éternel retour,
07:14et le surhomme, c'est celui qui consent à ce qui advient.
07:17Je ne peux rien contre ça.
07:20Fabrice avait l'amitié de dire que je parlais des passions tristes,
07:24qui est une expression de Spinoza,
07:26mais ces gens-là sont dans les passions tristes.
07:28Moi, j'ai autre chose à faire,
07:30et l'arbitre des élégances, c'est mon père qui n'est plus là,
07:33mais pas Laurent Geoffrin, pas le directeur du Monde.
07:36Peu importe que ces gens-là disent que je sois ceci.
07:38Moi, je sais ce que je suis, et je sais ce que je fais,
07:41et je sais comment je le fais.
07:42C'est le coiffeur de mon enfance,
07:44c'est l'instituteur de mon enfance,
07:47ce sont des gens qui pourraient me dire
07:49ce que tu dis, ce n'est pas bien, ce que tu fais, ce n'est pas bien, etc.
07:51Alors là, j'aurai de la peine.
07:53Mais que ces gens-là fassent leur métier,
07:55vendent du papier, se servent de moi,
07:57créent le buzz,
07:59soient au service du pouvoir qui les appointe,
08:01ils font leur boulot,
08:03donc on ne peut pas avoir de haine contre ça.
08:05Et c'est quand même le point de départ également des livres.
08:07Ça vous permet d'écrire et de penser contre.
08:09C'est pas plus mal.
08:11Non, non, non.
08:13D'abord, c'est une opportunité.
08:15Je n'ai pas décidé de faire ce livre.
08:17C'est Olivier Poivre-Darvore
08:19qui s'est trouvé évincé de France Culture,
08:21qui s'occupait d'une collection chez Plon.
08:23Il m'a sollicité en me disant
08:25j'aimerais bien faire un entretien
08:27pour clarifier les choses parce que ce n'est pas très clair.
08:29Évidemment, quand Libération dit
08:31que vous faites le jeu du Front National
08:33et Le Monde, trois jours après,
08:35dit que je fais partie des intellectuels
08:37que le Front National apprécie ou je ne sais pas quoi,
08:39il y a des gens qui commencent à douter.
08:41Et donc il voulait
08:43que nous fassions un entretien sur la question politique.
08:45Et j'ai dit oui, c'est une bonne idée
08:47parce que ça permettrait de dire quelle est ma gauche.
08:49C'est une gauche simple, populaire,
08:51modeste, anarchiste, libertaire,
08:53près des gens.
08:55Moi, je reste fidèle aux idéaux de ce qu'était la gauche
08:57avant l'exercice du pouvoir.
08:59Ou même de 1981 à 1983.
09:01La gauche des gens modestes.
09:03Simplement, cette gauche-là n'est plus entendue.
09:05On a une gauche de bourgeois,
09:07une gauche de riches,
09:09une gauche d'opportunistes, une gauche de bobos,
09:11une gauche de libéraux, une gauche parisienne,
09:13une gauche mondaine, une gauche qui ne sait plus du tout ce qu'est le monde.
09:15Et qui estime que quiconque ne souscrit pas
09:17à ses bêtises est un type d'extrême droite.
09:19Donc je me suis dit que ce livre
09:21soit l'occasion de dire que
09:23un, je suis de gauche. Deux, je ne suis pas
09:25un idéologue de gauche.
09:27Quand je fais savoir que je préfère
09:29un type de droite qui dit une chose intelligente
09:31à un type de gauche qui dit une bêtise.
09:33C'est très exactement cette phrase-là qui a mis aussi le feu aux poudres
09:35avec l'intervention du Premier ministre.
09:37Alors, si vous voulez bien, Michel,
09:39de prendre les choses dans l'ordre, à la fois les attaques
09:41et puis les réponses, vous répondez
09:43d'une manière extrêmement argumentée,
09:45extrêmement simple. C'est aussi un livre
09:47de programme et de philosophie.
09:49Je ne voudrais pas vous laisser croire qu'il s'agit uniquement d'un
09:51règlement de compte. On va y venir,
09:53si vous voulez bien, dans un instant.
09:55J'aimerais peut-être, pour commencer
09:57cette émission, puisque il faut savoir
09:59comment ça débute. Ça débute comme ça
10:01la grande librairie Fabrice, vous savez.
10:03On parle des mots, on échange un peu,
10:05on se lance deux, trois trucs, on essaye de savoir
10:07ce que les uns et les autres ont à dire.
10:09C'est très difficile de vous répondre quel est le mot.
10:11C'est impossible. Moi, je ne pourrais pas.
10:13Par exemple, j'aime énormément un mot qui dit
10:15pondérer, par exemple.
10:17Je m'en fous de pondérer. Ce qui m'intéresse,
10:19c'est l'agencement. Ce qui m'intéresse,
10:21c'est ce que Deleuze dit. C'est l'agencement.
10:23Pourquoi Céline, par moments,
10:25et c'est ce que je raconte dans mon bouquin,
10:27pourquoi Céline ?
10:29C'est d'une banalité absolue, la phrase.
10:31La tante Habébert rentrait des commissions.
10:33Elle avait déjà pris le petit verre.
10:35Il faut bien dire également aussi qu'elle
10:37reniflait un peu les terres.
10:39Habitude qu'elle avait prise
10:41quand elle avait travaillé chez un...
10:43Qu'est-ce que ça veut dire ? C'est qu'il dit
10:45à un moment chez les pauvres de New York,
10:47il voit son vieux pote qui sort d'un...
10:49Ce qui est étonnant, c'est que Céline,
10:51qui est la personne la plus dure,
10:53politiquement tragique,
10:55etc., a parlé des pauvres
10:57sans affection, donc les pauvres
10:59ne sont pas humiliés. Dans le voyage
11:01au bout de la nuit, c'est ce que j'explique,
11:03les pauvres sont restitués,
11:05il n'y a pas de compassion.
11:07Et à un moment, il dit,
11:09en parlant d'un autobus américain,
11:11il parle de Robinson qui travaille
11:13et qui est déprimé parce que ça fait
11:15deux ans qu'il bosse et il n'apprend pas
11:17l'anglais, il n'a appris pour le moment
11:19que l'avatory, donc ça le déprime.
11:21Et dans la nuit, Céline dit,
11:23dans la fatigue,
11:25le divin s'assort des hommes,
11:27il marchait bien pondérément.
11:30Ça, ça me plaît beaucoup.
11:32Mais pondérer, je m'en fous.
11:34Mais agencement.
11:36J'avais envie de faire un cadeau
11:38à Michel Onfray,
11:40je ne sais pas si c'est le moment,
11:42vous allez me le dire, c'est un petit cadeau.
11:44C'est-à-dire que je pense,
11:46j'ai lu, j'ai lu pas tout,
11:48parce que je lis lentement,
11:50mais j'ai lu des choses,
11:52je vois le peu que je peux comprendre
11:54de son courage.
11:56Moi, je ne pourrais pas,
11:58acteur Onfray,
12:00je ne pourrais pas subir ça.
12:02Il a vraiment du caractère.
12:04Ce qui est dramatique chez les comédiens,
12:06c'est qu'ils n'ont pas de caractère.
12:08Vous avez été traîné dans la boue
12:10comme il l'a été, ou pas ?
12:12Moi, ça a commencé par François Chalet
12:14qui a dit dans un Shakespeare,
12:16il est tellement mauvais qu'il ressemble
12:18à Serge Lama dans La Dame aux Camélias.
12:20Ça, c'est l'exercice de mon métier.
12:22Puis après, j'ai eu du bol.
12:24Avec un physique pas facile,
12:26mais réellement,
12:28je n'ai pas à me plaindre.
12:30Je ne suis pas non plus vénéré
12:32par la presse de gauche du tout.
12:34Moi, c'est plutôt l'institution bourgeoise,
12:36le Figaro magazine, le Figaro...
12:38Ça vous va très bien, d'ailleurs.
12:40Je suis très content.
12:42J'ai des points communs avec lui.
12:44Moi aussi, je viens d'une famille modeste,
12:46mais c'est un autre truc.
12:48Ce que j'avais envie de dire,
12:50puisque vous me demandez
12:52quels sont les mots que j'aime le plus,
12:54il n'a rien à voir avec Alceste,
12:56mais il n'est pas étranger à Alceste.
12:58Il n'a pas la haine des hommes.
13:00Alceste, c'est une mise en trompe.
13:02Oui, mais il n'est pas Filinthe.
13:04Il est Alceste, bizarrement.
13:06Pourquoi ?
13:08Parce qu'à un moment,
13:10Filinthe, le super raisonneur,
13:12le merveilleux analysé,
13:14le trop bien analysé,
13:16dit à Alceste,
13:18vous nous emmerdez à gueuler
13:20contre tout.
13:22Tout bon, quittez toutes ces incartades.
13:24Vous voulez parler de mots que j'aime.
13:26Vous allez les entendre dans deux secondes.
13:28Quittez toutes ces incartades.
13:30Le monde, par vos soins,
13:32ne se changera pas.
13:34Et puisque la franchise
13:36a pour vous tant d'appas,
13:38je vous dirai tout franc que cette maladie,
13:40partout où vous allez,
13:42donne la comédie.
13:44Et qu'un si grand courroux
13:46contre les mœurs du temps
13:48vous tourne en ridicule auprès de bien des gens.
13:50Ce que répond Alceste ?
13:52Tant mieux, c'est ce que je demande.
13:54Ce met un fort bon signe.
13:56Et ma joie en est grande.
13:58Et là, ce n'est pas du tout on frais.
14:00Tous les hommes sont à tel point odieux
14:02que je serais fâché d'être sage
14:04à leurs yeux.
14:06Il lui dit, Filinthe, vous voulez un grand mal
14:08à la nature humaine ?
14:10Et il répond, Alceste, oui.
14:12J'ai conçu pour elle une effroyable haine.
14:14Eh bien, voilà des mots.
14:16Vous m'avez demandé les mots que j'aime.
14:18C'est l'agencement.
14:20Et c'est l'agencement des mots.
14:22Avant de savoir, Michel Onfray,
14:24si c'était vraiment un cadeau
14:26empoisonné ou un vrai cadeau,
14:28ça te plaît pas mal ?
14:30Qu'est-ce que tu en penses ?
14:32Moi, quand on me dit c'est ça ou ça,
14:34je préfère autre chose.
14:36Et c'est plutôt Cyrano, moi, qui me plaît.
14:38Dans la vie.
14:40Je pense qu'on peut être Cyrano dans la vie.
14:42Et c'est vrai que je ne parviens pas
14:44à être pessimiste.
14:46Ou à être misanthrope.
14:48Là encore, c'est Nietzsche.
14:50Nietzsche dit qu'un optimiste voit le meilleur partout.
14:52Le pessimiste voit le pire partout.
14:54Et le tragique essaie de voir le réel comme il est.
14:56Je pense que ça, le tragique, je le suis.
14:58Mais pessimiste, non, je ne crois pas.
15:00Je ne veux jamais faire payer la facture
15:02que quelqu'un doit à un autre
15:04en disant, les hommes étant méchants,
15:06toi tu es un homme, donc tu seras méchant.
15:08Non, je ne parviens pas
15:10à haïr.
15:12Je ne suis pas doué pour la haine.
15:14Cyrano, c'est admirable quand même.
15:16Il est absent un peu de votre spectacle.
15:18Cyrano, c'est pour vous.
15:20C'est un texte magnifique.
15:22Moi, je te tutoie, tu reviens au vouvoiement.
15:24En plus,
15:26oui, je connais beaucoup moins bien.
15:28Moi, je suis très obsédé par Molière.
15:30Très obsédé par Molière sur
15:32la qualité du verre.
15:34C'est inutile.
15:36Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès.
15:38C'est encore plus beau lorsque c'est inutile.
15:40C'est un peu vous ça, non ?
15:42Je me bats, je me bats, je me bats.
15:44Oui, mais je ne me pose pas la question en termes d'utilité.
15:46Je me dis, il y a toujours quelqu'un
15:48qui écoute, qui entend et qui un jour reprend le flambeau.
15:50Un garçon qui passe,
15:52une petite fille.
15:54Des gens qui ont entendu et qui ont eu l'exemple
15:56de quelque chose d'élégant, de grand
15:58et qui disent, c'est possible, c'est pensable.
16:00Jadis, ça se faisait avec Plutarch.
16:02C'est aussi un homme pour toi.
16:04Plutarch est quelqu'un
16:06qui donnait du tempérament et du caractère.
16:08Et Cyrano, quelqu'un qui donne du tempérament
16:10et du caractère.
16:12Alors, le tempérament et le caractère,
16:14on va le trouver aussi avec
16:16les deux lauréats du prix France Télévisions
16:18qui vont nous rejoindre tout à l'heure, dans un petit instant.
16:20Là, on a fait connaissance.
16:22Ça s'est dégelé un tout petit peu.
16:24Vous vous tutoyez. Dans pas longtemps,
16:26vous allez vous embrasser. Ils sont nus de chiens,
16:28tous les deux. Les mots, la lecture,
16:30la langue, le livre,
16:32ça c'est ce que nous célébrons dans l'émission.