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00:00Si on répète sans cesse aux femmes qu'elles ne sont pas compétentes,
00:03il ne faut pas s'étonner qu'elles développent ce syndrome de l'imposteur.
00:06Je m'appelle Marlène, j'ai deux enfants, une fille de 17 ans et une fille de 12 ans et demi.
00:11J'ai été ministre pendant plusieurs années, j'ai été aussi activiste,
00:14présidente d'associations entrepreneuses
00:16et aujourd'hui je préside Active, une ONG consacrée à la réussite des femmes.
00:20Avec l'ONG Active, on cherche les nouvelles femmes patronnes du cas 40
00:23et quand on réfléchit un petit peu aux critères de nomination,
00:26le critère numéro un, c'est la performance économique
00:28et donc c'est quelque chose qu'on peut mesurer de manière finalement assez objective.
00:32Or, quand vous faites de la politique, on vous juge, surtout quand vous êtes une femme,
00:36sur ce qu'on pense que vous portez, mais aussi sur votre vie personnelle,
00:39c'est ce qu'on appelle l'incarnation politique.
00:41On va vous demander comment vous vivez, si vous êtes mariée
00:44et sur ça on va aussi émettre un jugement.
00:46Parfois, quand vous avez un peu de notoriété,
00:48les gens se font une image de vous qui n'est pas la réalité.
00:51Vous êtes jugé pour l'image qu'on se fait de vous et pas pour vos performances,
00:55donc c'est assez paradoxal.
00:56Quand j'ai créé l'association Maman Travail, qui était ma première association,
00:59il y avait deux femmes patronnes du cas 40.
01:01Aujourd'hui, 18 ans après, il y a trois femmes patronnes du cas 40.
01:05Je trouve que ça va trop lentement,
01:07donc avec Active, on veut travailler sur la réussite des femmes
01:09et notamment sur la création d'un indice, finalement,
01:12qui est le Next Woman 40,
01:14qui vise à trouver les 40 prochaines femmes patronnes du cas 40.
01:17Parce que la phrase que je déteste entendre, c'est
01:20« J'aurais bien aimé nommer une femme, hélas, on n'en a pas trouvé. »
01:23Moi, des femmes dirigeantes, j'en vois tous les jours,
01:25elles sont brillantes, elles sont compétentes,
01:27elles ont tout autant de capacités à diriger des entreprises
01:30que des hommes patrons du cas 40,
01:32donc je pense qu'il est temps de les mettre en avant
01:33et de les aider à enfin prendre toute la place
01:35qu'elles devraient avoir dans le leadership économique.
01:38Trop souvent, les femmes elles-mêmes ne vont pas vers la visibilité,
01:41ne vont pas vers les médias.
01:42Elles considèrent que bien faire leur travail, c'est suffisant.
01:45Ça s'appelle le syndrome de la bonne élève.
01:46Ensuite, il y a ce rapport très ambivalent avec la visibilité.
01:50Quand je propose à un homme de prendre la parole dans un média,
01:52il est toujours d'accord.
01:53En revanche, quand je propose à une femme de prendre la parole,
01:56très souvent, elle va refuser
01:58ou alors elle va me dire qu'elle doit faire valider.
02:00Donc ce rapport très ambivalent à la visibilité
02:03fait qu'on a moins de femmes qui prennent la parole
02:05et donc que les femmes sont moins visibles que les hommes.
02:08C'est vrai que les femmes souffrent souvent
02:09de ce qu'on appelle le syndrome de l'imposteur
02:11parce qu'il y a un syndrome extérieur
02:13qui fait qu'un regard qu'on va porter sur une femme
02:15est différent du regard porté sur un homme.
02:17Sur un plateau de télévision,
02:18par exemple dans une émission économique ou politique,
02:21si on voit un homme avec un costume, une cravate,
02:23on va penser qu'il est expert.
02:24On part du principe qu'il est sans doute compétent.
02:26En revanche, si on voit une femme
02:28et de surcroît, si elle a des bijoux ou du maquillage
02:30ou une tenue plutôt féminine, une robe,
02:32on va se poser la question de sa compétence.
02:35Et le backlash est très violent pour les femmes qui prennent la parole.
02:38Regardons les commentaires sur les réseaux sociaux.
02:40J'ai beaucoup de femmes qui m'ont dit
02:41« Moi, je n'ai pas envie d'être visible
02:43parce que je n'ai pas envie de subir
02:45ce retour de bâton que subissent les femmes
02:46dès lors qu'elles prennent la parole publiquement. »
02:48C'est vrai qu'en France, de manière générale,
02:50on a beaucoup de mal avec le terme d'ambition
02:52parce qu'on a un rapport problématique avec l'échec.
02:55C'est-à-dire que vous n'avez pas le droit de monter une entreprise et d'échouer.
02:57Si vous avez un premier échec,
02:59on va avoir du mal à vous faire conscience pour la suite.
03:01Alors que l'échec est hyper formateur, justement,
03:03sur ce que vous ne devez pas faire à l'avenir
03:05et qu'on apprend aussi en se trompant.
03:07Mais on a un problème aussi avec la réussite.
03:09Si vous réussissez très bien, notamment d'un point de vue financier,
03:12ça va être vu comme suspect.
03:14La marge, du coup, pour agir, elle est très restreinte.
03:16Si vous ne pouvez ni réussir ni échouer,
03:18c'est quand même très fin.
03:19Et puis, particulièrement pour les femmes,
03:21c'est vrai qu'on dit que quand une femme a un échec financier ou d'entreprise,
03:25ça impacte l'ensemble des femmes.
03:27Parce qu'après, on va vous dire
03:28« Ah, vous voyez, on n'aurait pas dû confier ce poste à une femme
03:30parce que la preuve, elle n'a pas réussi. »
03:32Mais inversement, une femme qui a de l'ambition, c'est toujours mal perçu.
03:35En fait, on aime que les femmes soient dans des cases.
03:37Et les femmes qu'on tolère dans l'espace public,
03:39ce sont les femmes qui ne dérangent rien.
03:41Si vous venez juste pour dire que vous êtes d'accord
03:44avec le discours qu'un homme a prononcé avant vous,
03:47ça ne vous sera pas reproché.
03:48Parce que ça ne dérange rien particulièrement.
03:50En revanche, si vous sortez des cases dans lesquelles les femmes ont le droit d'être,
03:54là, vous allez bousculer quelque part l'ordre établi.
03:57Une femme, par exemple, qui va venir parler de finance
03:59ou qui va venir parler de tech,
04:00ça va bousculer quelque part
04:02et elle va être mal perçue dans l'espace public.
04:04Alors qu'une femme qui va parler de sujets dits féminins,
04:07sur lesquels on ne lui conteste pas son expertise,
04:09la maternité, la beauté, la mode,
04:11là, on ne va pas la contredire
04:13et on va estimer qu'elle ne bouscule pas, finalement, ce qui est fait.
04:16Ça se voit dans la vie politique.
04:17Regardez les commentaires physiques qui existent, par exemple, sur Marine Le Pen
04:20et sur Mathilde Panot.
04:21Ce qu'on ne supporte pas, c'est la posture physique de ces femmes,
04:24c'est qu'elles ne sont pas en posture de séduction.
04:25C'est-à-dire qu'elles sont parfois en posture de colère, de revendication.
04:29Donc, elles sortent de la place qui est assignée habituellement aux femmes.
04:32On va vous supporter si vous êtes vraiment dans la place qu'on vous assigne.
04:36Par exemple, si vous êtes une femme politique, vous êtes une femme politique.
04:39Vous ne pouvez pas être aussi une romancière.
04:41Vous ne pouvez pas avoir plusieurs passions, plusieurs centres d'intérêt.
04:44Alors que dans la vie, personne n'est une seule chose.
04:46J'ai beaucoup de rôle-modèle,
04:47mais je suis souvent inspirée par les gens des plus jeunes générations que moi.
04:50J'ai pu tout autant être inspirée par des stagiaires ou des conseillères qui ont travaillé pour moi.
04:55J'ai l'impression que ces jeunes filles ont 20 ans d'avance sur le développement personnel
04:59que nous, on peut avoir.
05:00Moi, j'ai plus de 40 ans aujourd'hui,
05:02et j'ai l'impression que j'ai mis 20 ans à savoir quelles étaient mes limites,
05:05ce que j'acceptais, ce que je n'acceptais pas.
05:07Elles sont beaucoup plus affirmées qu'on pouvait l'être nous.
05:09Elles sont aussi plus claires sur leurs limites.
05:11Et je trouve que c'est admirable et ça m'inspire beaucoup.
05:14Il y a une vraie évolution de la société sur la notion de ce qu'on est prêt ou pas à sacrifier
05:18pour sa réussite et pour sa carrière.
05:21Et j'observe qu'il y a vraiment un changement générationnel.
05:24Il y a 18 ans, quand j'ai créé Maman Travail,
05:26moi, je travaillais à l'époque chez Avas,
05:28et je voyais que, par exemple, les dirigeants faisaient beaucoup de dîner.
05:32Aujourd'hui, les dirigeantes ou les dirigeants des nouvelles générations que j'accompagne
05:35ne sont pas prêts à dîner hors de chez eux tous les soirs de la semaine.
05:38Ils veulent rentrer chez eux, dîner avec leur famille.
05:40Et moi, je me suis toujours battue pour dire les choses.
05:42Quand j'ai fait une fausse couche et que j'étais au gouvernement,
05:44j'ai voulu en parler parce que je trouvais que c'était important de dire à toutes les femmes
05:48qui, peut-être, vivaient ça sur leur lieu de travail,
05:50qu'on n'a aucune raison d'avoir honte.
05:53On a le droit d'en parler si, bien sûr, on a envie d'en parler.
05:56Et c'était aussi un message à tous les managers de France
05:59pour leur dire que si le Premier ministre conçoit qu'il faut être dans l'empathie,
06:02dans l'écoute et dans la bienveillance quand une membre de son équipe traverse une telle épreuve,
06:07je pense que tous les managers de France peuvent faire la même chose.
06:10Le conseil que je donnerais aux femmes dirigeantes,
06:12c'est de bannir de leur vocabulaire le mot « petit ».
06:15J'ai trop souvent entendu des femmes qui me disent
06:17« J'ai un petit projet, j'ai une petite équipe, j'ai une petite carte de visite,
06:20j'ai préparé un petit business plan. »
06:22Moi, j'ai envie de dire aux femmes « Relevons la tête, soyons fiers de ce que nous faisons
06:25et disons que nous avons une belle équipe, un grand projet
06:28et assumons de faire des choses positives qui nous rendent fiers.
06:31Cessons de minimiser notre propre travail. »