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01:26le tout est arrivé. Je pense pas que le camion puisse monter. Chacun se débrouille avec des
01:33moyens d'un autre âge. On pompe pour faire monter l'essence, on ouvre ici et ça coule
01:38dans le réservoir. C'est la dernière station avant les montagnes, on ne trouve plus d'essence
01:42après. En revanche, les embûches ne manquent pas. Au pays du sourire, pour gagner son pain,
01:53il faut savoir braver ses peurs, ou bien briller. Entre la Thaïlande et le Laos se
02:08cachent des petits bouts du monde où le quotidien demeure une épreuve de force et d'endurance.
02:24Les Thaïlandais les surnomment les enfants de la forêt. Le peuple Karen a beau vivre
02:33accroché à ses montagnes depuis des centaines d'années, la saison des pluies reste toujours
02:41pour eux une épreuve. Anouat l'a subi à chaque déplacement. Quand il le peut,
02:56l'agriculteur évite de se rendre en ville. Mais ces champs de maïs, eux, n'attendent pas. Ils
03:03ont besoin d'engrais et lui, de quoi manger. Pour revenir, il faudrait déjà qu'il arrive à
03:31regagner son village. Les tempêtes ont fait de la piste une patinoire.
03:50A la saison des pluies, il y a des ornières un peu partout. Il faut y aller tout doucement,
03:58sinon on risquerait d'être coincé. Comment on va faire pour monter ici ? Les
04:08pluies diluviennes ne font pas que gorger d'eau la montagne. Elles emportent tout sur leur passage.
04:16Il a plu hier et ici la route s'est effondrée. Cette année, il y a énormément d'orages. Ce n'est
04:31pas comme ça tous les ans. L'année dernière, une voiture est tombée juste derrière là-bas. C'est
04:39un endroit dangereux où il y a beaucoup de virages. Les deux passagers sont décédés.
04:47Chaque année, des milliers de villageois se retrouvent pris au piège dans leur montagne.
04:57Tous se sentent abandonnés par l'Etat.
05:03D'ailleurs, cette route n'existerait pas sans solidarité. Quand j'étais enfant,
05:10il n'y avait aucune route ici, juste un sentier. Pour aller dans les villages voisins,
05:16il nous fallait une demi-journée de marche. On faisait tout à pied. Donc,
05:24ça s'améliore. Mais il n'y a vraiment que les motos qui peuvent venir facilement ici.
05:28On ne reçoit aucun financement public et nous n'avons pas assez d'argent pour bétonner toute
05:40la route. Cette piste, ce sont les villageois qui ont commencé à la creuser. Il y a maintenant
05:47une trentaine d'années et je les ai moi-même aidés. Mais depuis, elle est toujours dans le
05:53même état. Cela fait longtemps que les montagnards ont pris l'habitude de se débrouiller seul. Enfin,
06:04presque. Un peu d'aide mystique est toujours la bienvenue. Avant de continuer sa route,
06:13Anouat s'arrête dans ce village pour une petite consultation.
06:24Dans le temps, il n'y avait pas d'hôpital, ni de médecin pour soigner les gens. Uniquement le
06:33chaman. Le rituel est un mélange de bouddhisme et de croyances animistes.
06:45Ecorce d'acacia, racines et curcuma, un remontant 100% naturel.
07:15Nous, les Karen, on vit en harmonie avec la forêt. On dépend totalement d'elle.
07:24Son village se trouve encore à 40 kilomètres. Ce n'est pas énorme,
07:34mais dans les montagnes thaïlandaises, les kilomètres se comptent parfois en jour.
07:45Surtout quand les esprits se montrent taquins, malgré les incantations du chaman.
07:57On ne peut plus avancer.
07:57Ce coup-ci, la voiture ne passera pas, c'est sûr. Avec cet arbre en travers...
08:09Non, on ne passera pas. Il va falloir faire demi-tour.
08:15La nuit arrive. Anouat est obligé de rebrousser chemin. Il avisera demain matin.
08:23Vivre dans ces montagnes demande une sacrée patience.
08:35Et pour gagner sa vie, il faut savoir se montrer courageux.
08:42L'or n'a pas toujours une belle couleur jaune.
08:50Le filon qui se cache au fond de cette grotte se transmet de génération en génération.
08:57Pendant la journée, les chauves-souris dorment. Donc là, elles sont tranquilles.
09:07Les hirondelles, elles, ont quitté la grotte pour se nourrir,
09:15donc ça nous permet de ramasser facilement.
09:17L'or de Podjaï et son fils est d'un noir profond.
09:23C'est un cadeau des chauves-souris et des hirondelles.
09:27Le mélange de leurs fientes donne le meilleur des engrais naturels.
09:32On est obligé de porter un masque parce que lorsqu'on balaye,
09:47il y a beaucoup de poussière qui entre dans nos narines.
09:50Et l'odeur des fientes est vraiment infecte.
09:54Ça fait environ neuf ans qu'on fait ça. Au début, on en vendait un peu autour de nous.
10:09Et puis, les gens se sont aperçus que c'était un très bon engrais.
10:14Alors, on a eu plein de commandes et on n'a jamais arrêté depuis.
10:18Sur le marché, les engrais prêts à l'emploi sont très chers.
10:25Et en plus, ils sont de moins bonne qualité que le guano.
10:30Parfois, en seulement une semaine, on peut remplir jusqu'à une centaine de sacs.
10:38Donc, cette grotte, c'est un peu comme une banque pour nous.
10:43Le guano leur apporte à chacun environ 250 euros par mois.
10:55Soit la moitié du salaire moyen en Thaïlande.
11:00Une bien petite récompense au vu des heures qu'ils passent à balayer et racler la grotte.
11:08Sans compter les risques de maladie.
11:11Mais qu'importe le danger quand il s'agit de manger.
11:25De l'autre côté de la frontière, au Laos, ces vallons inquiètent sévèrement le conducteur de ce vieux tas de ferraille.
11:40C'est un camion de l'armée laotienne très solide.
11:48Il a servi pendant la guerre civile.
11:53Il est un peu capricieux.
11:56Dans les montées, je dois toujours être pied au plancher.
12:01Le camion de hame a beau être une épave, il est indispensable pour les fermiers.
12:07Depuis qu'en 2006, l'Etat a interdit la culture du pavot, la fleur à la base de l'héroïne, les chauffeurs ont quasiment disparu.
12:17Il faut dire que l'économie n'est plus la même dans la région.
12:25La culture du pavot rapportait bien plus que le maïs.
12:30Mais maintenant, ceux qui font ça sont hors la loi.
12:33Avec le maïs, les gens gagnent à peine de quoi vivre, c'est à dire environ 80 euros par mois.
12:45Pour ne rien arranger, l'inflation ne cesse d'augmenter.
12:51Les prix changent rapidement.
12:54L'agricultrice qui a engagé Ham s'en inquiète.
13:02De toute façon, Tongva n'a pas le choix, soit elle paye, soit elle perd tout.
13:24Il y a trop plus cette année, la récolte est mauvaise et en plus, les rats mangent mon maïs.
13:30J'espère au moins que le transport se passera bien, car la route est glissante.
13:36Vu l'état du camion, ce n'est pas gagné.
13:43J'utilise ce bâton pour verrouiller la porte, sinon je tombe.
13:49Du temps où le pavot était récolté, les 20 kilomètres qui les séparent de la ville se parcouraient en quelques heures.
13:57Maintenant, il ne sait même pas s'il en verra le bout.
14:02Il y a longtemps, la route était bonne, mais aujourd'hui, ce n'est plus le cas.
14:07Je ne pense pas qu'ils la refassent de sitôt.
14:10Ça coûte trop cher de la réparer.
14:15En attendant, tout le monde en souffre.
14:27Il roule depuis seulement une demi-heure, quand?
14:33Je ne pense pas que le camion puisse monter.
14:38Je vais devoir m'arrêter et demander à tout le monde de descendre.
14:51On ne peut plus continuer.
14:53Sur dix boulons, il n'en reste que trois, alors mieux vaut les resserrer avant d'attaquer la côte et ses ornières.
15:05J'en profite aussi pour refroidir le moteur.
15:16Quelques passagers préfèrent courir le risque de rester sur la benne.
15:21Quitte à se renverser avec le camion, plutôt que de marcher.
15:36Tong Van, elle, se serait bien passé de cet exercice.
15:47Elle est très éprouvée et a du mal à marcher.
15:50Elle a un problème au coeur depuis plusieurs années.
16:07C'est très dur comme boulot et c'est très dangereux.
16:13Mais j'aime bien ça.
16:14Je travaille tous les jours pour nourrir ma famille.
16:27Je préférais être banquier et gagner beaucoup d'argent, c'est sûr.
16:35Mais je ne me plains pas, il y a des gens dans des situations bien plus difficiles que la mienne.
16:39Comme celle de Tong Van, après deux kilomètres de marche, l'agricultrice a pu remonter sur la benne.
16:50Maintenant, elle espère que Ham arrivera à livrer au plus vite.
16:54Pour elle, cette cargaison est vitale au sens premier du terme.
17:03J'ai besoin d'argent pour aller à l'hôpital afin de soigner mes problèmes respiratoires.
17:10Je ne reçois aucune aide de l'Etat.
17:12On se débrouille avec la famille, mais parfois, c'est difficile, même pour eux.
17:18Alors, je dois emprunter de l'argent à des amis.
17:23Le pays est tellement pauvre que les services publics sont quasiment inexistants.
17:30Heureusement, la nature et les savoirs ancestraux viennent en aide à ceux qui n'ont pas les moyens de s'acheter des médicaments.
17:40C'est une décoction à base d'écorce et de graines de pavot.
17:45C'est mon médicament.
17:49Tout vient de la jungle.
17:55Tong Van en est persuadée.
17:57Sans les plantes médicinales, elle ne serait déjà plus de ce monde.
18:02De son côté, Fred, le réalisateur, est lui aussi sûr d'une chose.
18:12Pour rester en vie sur les routes laotiennes, la meilleure place sur un camion est tout en haut de la baigne.
18:21Là, je suis monté à l'arrière du camion et je me sens plus en sécurité que dans la cabine.
18:27Voilà, on est balotté, mais on sent qu'on peut s'en sortir.
18:32Tout le monde a l'air zen là haut, dans la cabine, le chauffeur avait l'air.
18:36Il a eu peur pour nous, en tout cas.
18:39Effectivement, mieux vaut avoir le choix de sauter plutôt que de rester prisonnier de la cabine.
18:46Et tout peut arriver avec ce vieux camion.
18:56Le bruit n'a rien de rassurant, mais ce village arrive au bon moment.
19:02Même s'il est en retard, Hama prend la décision de s'arrêter au garage.
19:10Le problème vient du pneu arrière gauche, hors d'âge, craquelé de partout, il est prêt à exploser.
19:20Mais un peu de colle et d'air comprimé feront l'affaire pour tenir jusqu'à destination.
19:26En attendant la réparation, il y a de quoi se restaurer avec quelques spécialités très spéciales.
19:39Rochettes de viande de bœuf, mais aussi rochettes de rat.
19:48De poisson et de crapaud grillé.
19:56Et ces petits oiseaux accroqués.
20:03Et puis, il y a ces insectes.
20:08Des scarabées, très exactement.
20:17On enlève les ailes et on garde que les pattes.
20:22Les ailes sont trop fortes au goût.
20:26Nous, les Laotiens, on aime beaucoup les insectes, c'est vraiment délicieux.
20:35La cuisinière accepte de nous révéler sa recette secrète du scarabée à la Laotienne.
20:46Il faut bien les nettoyer et les vider, sinon c'est immangeable.
20:48Ensuite, je mélange de l'ail, du piment, du sel et je les farcis.
21:08Attention, la cuisson est délicate, pas plus de trois minutes de chaque côté.
21:14Les rats ne sont pas attrapés en ville, mais dans les champs.
21:32Je mange du rat depuis que je suis toute petite.
21:38J'en mangeais avec mes parents.
21:44J'aime beaucoup ça, c'est mon plat préféré.
21:53Je le préfère même au poulet.
21:57Ce sont des rats des champs, ils viennent de la nature, ils sont sains.
22:02J'ai l'impression dans les rats, je n'avais jamais vu qu'on allait manger des rats.
22:16En gastronomie, tout est une question d'habitude.
22:20Mais au-delà de l'héritage culturel, insectes et autres rongeurs permettent de se remplir le ventre quand l'argent manque.
22:28Les enfants en mangent, ils adorent ce genre de plat.
22:37Nous sommes une famille très pauvre, nous venons d'une tribu des montagnes.
22:44On est très soudé, on s'en traite beaucoup.
22:52J'aimerais bien prendre ma retraite.
22:54Mais quand je vois toute ma famille travailler dur dans cette pauvreté, je me dis que je ne peux pas m'arrêter.
23:07Au Laos, la plupart des habitants gagnent tout juste 1000 euros par an.
23:12Alors, ce ne sont pas des pneus prêts à partir en lambeaux qui vont arrêter Ham et Tong Van, l'agricultrice.
23:27Quoi qu'il arrive, ils sont condamnés à livrer, même avec le mauvais temps à leur trousse.
23:42Et la vieille bâche ne leur servira à rien si la pluie devient torrentielle.
23:56C'est ce scénario qui semble se dessiner.
24:06Les Thaïlandais en font déjà les frais.
24:11Le déluge est ininterrompu, mais peu importe.
24:38Comme le chauffeur laotien, Anouat est obligé de prendre des risques.
24:44La veille, il a fait demi tour à cause d'un arbre qui lui barrait la route.
24:48Maintenant, il doit passer coûte que coûte.
24:58Je suis obligé de mettre les chaînes, sinon je ne pourrai ni monter ni descendre.
25:03La voiture va patiner.
25:04S'il reste bloqué une journée de plus, l'agriculteur met en péril ses champs et ses récoltes.
25:16Seulement, rien n'est gagné.
25:19Quand le déluge se calme, les dégâts sont importants.
25:24Des routes ont été emportées et des éboulements barrent le passage.
25:35Si les routes principales sont rapidement dégagées, le réseau secondaire, lui, reste dans un sale état.
25:48Anouat et son peuple en souffrent, mais qu'importe, pour eux, le bonheur est ailleurs.
25:59Nous, les Karen, nous n'aimons pas tellement la plaine.
26:02Nous préférons vivre dans les montagnes.
26:07D'ailleurs, le roi nous a officiellement baptisé le peuple des montagnes.
26:14Mais à part ça, il ne fait pas vraiment grand chose pour nous.
26:20Cela fait des années que les Karen réclament du goudron sur les pistes.
26:26De belles routes leur permettraient de développer des circuits touristiques.
26:31L'artisanat.
26:33Ils imaginaient un avenir meilleur pour leurs enfants.
26:42On a bien songé à faire autre chose que de l'agriculture.
26:46Mais ici, la route est tellement mauvaise, on n'a pas le choix.
26:51On doit se concentrer sur nos plantations.
26:57La chance semble être enfin de son côté.
27:00L'arbre qui barrait la piste a été enlevé.
27:05La partie semble gagner.
27:08Enfin, pas tout à fait.
27:16Les conditions se dégradent, même pour nous.
27:31À 20 kilomètres de chez lui, Anuat est obligé de stopper une nouvelle fois.
27:42L'eau a fait s'effondrer une partie de la route.
27:46Des hommes de son village sont déjà à l'oeuvre pour creuser un nouveau passage.
27:56Là, on voit bien qu'il y a eu un premier glissement de terrain.
28:01Et donc, la piste est en partie condamnée.
28:07Quel chantier !
28:17Regardez comme ça s'enfonce ici.
28:24S'il pleut à nouveau, tout va s'effondrer.
28:31Pour élargir la piste, les hommes grignotent et déboisent la montagne avec des moyens rudimentaires.
28:43Un travail de titan à la seule force des bras.
28:47Et tout ça, juste pour rentrer chez soi.
28:57On doit enlever souche par souche.
29:01On attend qu'ils aient fini de creuser et ensuite, on pourra tirer.
29:11Les autorités ne viendront pas nous aider, même si on leur demande, parce qu'il pleut beaucoup trop.
29:22On doit régler le problème nous-mêmes.
29:30Certains habitants de la forêt n'apprécient pas vraiment le dérangement.
29:37Et leur colère est piquante.
29:44Les fourmis rentrent partout.
29:50Il y en a plein dans les bambous.
29:54Elles vous montent sur le corps, elles mordent et ça fait très mal.
29:58Si tu en vois, il faut vite les écraser.
30:07Anouat ne sait pas encore s'il retrouvera ses champs en fin de journée.
30:12Mais il est sûr d'une chose, sans entraide, il serait impossible de vivre dans ces montagnes.
30:18Chez les Karen, l'esprit de solidarité prend tout son sens.
30:32Une partie de leur peuple vit en Birmanie, où ils subissent la répression de l'agent militaire qui dirige le pays.
30:42Anouat vient en aide quand il le peut à ses cousins éloignés.
30:47En face, c'est la Birmanie, il y a beaucoup de violence là-bas.
30:54Et tous les jours, des réfugiés arrivent en Thaïlande.
30:58La plupart sont des Karen, comme nous, mais ils n'ont pas de permis de séjour.
31:04Les autorités ne les laissent pas rentrer.
31:08Il y a beaucoup de soldats postés à la frontière.
31:10La rivière Mohaï marque la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie.
31:22Des dizaines de Karen la traversent illégalement tous les jours, avec femme et enfants, pour fuir la guerre.
31:28Les jours où les soldats sont absents, les allers-retours s'enchaînent entre les deux berges.
31:41Je viens de Birmanie, à 5 heures d'ici.
32:02Je ne viens pas pour la semaine, je suis venue pour rester.
32:07Je vais rejoindre mon mari qui est déjà là.
32:11Les Karen font partie de la rébellion.
32:17Mali et son fils de deux ans étaient en danger.
32:23Vivre en Birmanie est très difficile.
32:29C'est dur de trouver à manger.
32:34En plus, il y a des militaires partout et l'armée bombarde nos villages.
32:41Ces deux dernières années, plus d'une centaine de milliers de Birmans ont trouvé refuge en Thaïlande.
32:49Mais une fois passé la frontière, le plus dur commence.
32:54Dans la région, beaucoup d'entre eux se retrouvent à travailler dans les champs, employés aux tâches les plus ingrates.
33:01Et ce, dès le plus jeune âge.
33:11Je m'appelle Nou, j'ai 15 ans.
33:27Je suis venue ici avec mes parents.
33:33Je n'ai pas encore de mari.
33:36Je gagne 6 euros par jour.
33:38Quand je peux, je mets de côté pour envoyer mes parents.
33:42Les réfugiés n'ont aucun droit.
33:49Payés une misère, ils font la fortune des exploitants agricoles.
33:59Celui-ci nous l'avoue à demi mot.
34:01Il y a de tous les âges, des jeunes et des moins jeunes, aussi bien des filles que des garçons.
34:14Mais ce sont tous de bons travailleurs.
34:19La plupart des Thaïlandais ne font pas tellement ça.
34:23En Thaïlande, il y a des choses qu'on fait, des choses qu'on peut faire aux étrangers.
34:27C'est partout pareil, non?
34:39L'exploitation humaine peut prendre bien des formes.
34:44Surtout pour ceux ou celles qui possèdent une particularité.
34:57Comme ces femmes girafes et leur collier en spirale.
35:04Elles aussi ont fui la guerre en Birmanie.
35:08Aujourd'hui, elles sont l'une des attractions principales d'un parc.
35:16Au même titre que les éléphants.
35:23Les femmes girafes appartiennent à la tribu des Padang.
35:28Maipé ne se plaint pas, c'est toujours mieux que de travailler dans les champs.
35:36Ce n'est pas très confortable, mais ça va, j'arrive à le supporter.
35:44Parfois, ça fait mal à la nuque et au menton.
35:48Le pire, c'est pendant la saison chaude.
35:50Ça nous démange énormément.
35:53On se gratte jusqu'au sang et ça nous fait des plaies.
35:57On en met autour des jambes, des bras et du cou, bien sûr.
36:04Il faut que ce soit long pour que ce soit beau.
36:11Les femmes girafes sont logées gratuitement avec leur famille.
36:15Reçoivent un sac de riz et une centaine d'euros par mois.
36:20Soit environ deux fois moins que le salaire minimum.
36:24Alors, elles comptent sur les pourboires pour compléter leur salaire.
36:28Je n'ai jamais été à l'école, je n'ai pas fait d'études.
36:37Je coûte moi-même et je vends ce que je fabrique.
36:40Je pense que c'est déjà très bien.
36:44Je ne peux pas faire autre chose.
36:46Je n'essaie ni lire, ni écrire.
36:50J'ai donc fait le choix d'être ici.
36:52C'est ce qu'il y a de mieux pour moi.
36:53En Birmanie, je n'étais pas femme girafe.
37:01Mais en arrivant en Thaïlande, je n'avais rien à me mettre sous la dent.
37:07Alors, j'ai commencé à faire ça.
37:10Effectivement, Mai Pe est une fausse femme girafe.
37:15Comme beaucoup d'autres dans le parc.
37:18Selon la légende, le collier sert à protéger les femmes des attaques de tigres qui saisissent le coup en premier.
37:27D'autres racontent qu'il a été inventé pour repousser les hommes des autres tribus.
37:34Normalement, il est posé aux alentours de l'âge de cinq ans et ce ne sont pas des anneaux, mais une spirale de laitons.
37:42Les femmes l'allongent au fur et à mesure de leur croissance.
37:49Il peut peser jusqu'à 25 kilos.
37:54Dans le parc, la technique est plus rapide.
38:02Et voilà, chacune peut le retirer quand elle le veut et sortir sans parure, si elle le souhaite.
38:12Au Laos, un homme et une femme sont plus que soulagés.
38:26La pluie n'est pas tombée.
38:28Le vieux camion de Ham et Tong Van, l'agricultrice, n'ont pas eu à souffrir de la boue.
38:33Dans la région, d'autres regrettent amèrement ces nuages qui les ont soigneusement évités, car c'est un comble, mais des villages situés à seulement quelques kilomètres du Mekong, le plus grand fleuve d'Asie du Sud-Est, manquent cruellement d'eau.
38:58Les fontaines de Huey Pong sont à sec.
39:05Il ne reste qu'un russeau insalubre et lui aussi s'assèche petit à petit.
39:12Tous les gens du village utilisent cette eau pour boire, se doucher et laver le linge.
39:28Nous n'avons plus d'autres sources.
39:31Tout le village boit cette eau et elle est très sale.
39:37En amont de cette rivière, il y a de nombreux buffles, des vaches et des cochons.
39:43C'est sale, mais nous n'avons pas le choix.
39:50Le plus étonnant est que pour une fois, ni le soleil, ni le réchauffement climatique n'y sont pour quelque chose.
39:59Alors que se passe-t-il?
40:02Eh bien, le Mekong, que tous surnomment la mer de toutes les eaux, se meurt.
40:08Le grand fleuve ne recharge plus les nappes phréatiques.
40:13Il faut dire que tout le long des six pays qu'il traverse, de nombreux barrages freinent son débit.
40:22Son niveau baisse.
40:26Le Laos s'y met lui aussi.
40:29Il ambitionne de devenir la pile électrique de l'Asie.
40:32La course à la modernité fait reculer l'un des besoins les plus élémentaires.
40:39Avoir de l'eau au robinet.
40:49Alors, les porteurs d'eau retrouvent du service.
40:51Pour aider les villageois de Weipong, Tam et son fils Sang font l'aller-retour deux fois par semaine jusqu'à la seule usine d'eau potable.
41:03Et c'est loin d'être de tout repos.
41:09C'est très difficile de rouler ici, car parfois, notre tracteur tombe en panne et on doit le réparer.
41:16Et en plus, il nous faut plusieurs heures pour aller du village jusqu'à l'usine.
41:34Maintenant, c'est un chemin de croix qui attend les deux hommes.
41:41Ils embarquent 1000 litres, une charge énorme pour ce petit engin.
41:46Je ne vois rien avec les bouteilles.
41:57On est obligé de rouler très lentement.
42:02Si on va trop vite, les bouteilles d'eau risquent de tomber.
42:06Tam et son fils achètent les bonbonnes 30 centimes d'euro et les revendent 35 centimes.
42:12Une misère.
42:15Cette eau est très chère pour nous.
42:19Moi, je ne fais pas vraiment de bénéfice.
42:24Ça couvre à peine mes frais.
42:28Je fais surtout ça pour aider les gens de mon village.
42:33Ça m'inquiète de les voir boire l'eau sale de la rivière.
42:36Seulement avec les secousses, le petit bénéfice se dilue au fil des kilomètres.
42:42La bouteille s'est cassée.
42:46On a tout le temps des accidents à cause de la route.
42:49Je suis très en colère, car tout cela me fait perdre de l'argent.
42:53Et c'est loin d'être fini.
42:59Le périple est interminable.
43:12Là, on n'en peut plus. Il fait 39 degrés.
43:16Mais bon, eux, c'est tous les jours.
43:42On n'a pas d'argent, on n'a rien.
43:56Je ne comprends pas pourquoi l'État ne nous aide pas.
44:04Ils sont venus voir le village.
44:06Ils ont dit qu'ils pourraient nous aider, mais on les attend toujours.
44:16Le calvaire prend fin au bout de six kilomètres, parcourus en deux heures et demie.
44:22Impensable, mais la souffrance en vaut la peine.
44:35Leur dévouement évite à tous de tomber malade.
44:51Ça va nous faire du bien de boire de l'eau pure.
44:54On en a assez de l'eau coupée.
44:59Mais l'avenir n'annonce rien de bon.
45:02Les puits de l'usine d'eau potable commencent à s'assécher.
45:06Les habitants devront peut-être déménager.
45:18Tongvan, l'agricultrice, Ham, le chauffeur et les passagers,
45:24attaquent les derniers kilomètres.
45:27Content de voir le bout du voyage.
45:36À mon âge, je n'ai plus peur de rien maintenant.
45:40Sauf quand le camion descend de la montagne.
45:47Je suis heureux de parcourir cette route.
45:54Ça me donne l'impression d'être en dehors des sentiers battus et de partir à l'aventure.
45:59Une demi journée pour 20 kilomètres, ce n'est pas terrible comme moyenne.
46:10Mais bon, ils ne sont pas nombreux dans la région à posséder un camion.
46:15Le tout est d'arriver.
46:24Je suis content, mais demain, ça recommence.
46:27Il faudrait que je travaille comme ça tous les jours pour que ma famille soit à l'abri.
46:33Quant à Tongvan, elle est soulagée.
46:37Je suis très heureuse d'être arrivée ici en toute sécurité.
46:42Je vais pouvoir vendre mon maïs et aller à l'hôpital pour acheter des médicaments.
46:49Au Laos, la vie ne tient qu'à un fil.
46:57En Thaïlande, les hommes se battent toujours avec une énorme souche de bambou.
47:03Si elle ne bouge pas, un noix ne rentrera pas chez lui encore une fois.
47:13L'agriculteur reprend la route immédiatement.
47:19Il aura mis deux jours pour venir à bout des 40 kilomètres qui le séparent de son village.
47:27Je suis content, ça n'a pas été trop difficile.
47:33Il n'a pas trop plu cette fois-ci.
47:36J'ai eu de la chance.
47:39Tout est relatif.
47:45Dès le lendemain matin, Anouat et ses fils sont dans les champs.
47:51Soulagés de voir que la pluie n'a rien abîmé.
47:57Anouat ne se plaint pas de cette vie à la dure.
48:01Il aimerait juste une belle route pour emmener les enfants du village au collège et lycée qui se trouvent en ville.
48:09La plupart des parents n'ont pas les moyens de payer l'internat.
48:15Il faudrait que le gouvernement nous apporte son soutien en termes d'éducation et de route.
48:22Parce que si ça reste comme ça, rien ne va s'améliorer dans le village.
48:27La Thaïlande fait partie des pays les plus visités au monde.
48:34Développer les chemins qui mènent à ces contrées éloignées, c'est assurer un avenir aux futures générations des peuples des montagnes.