• l’année dernière
5. Selon quels arguments la SLA est-elle toujours mise en avant pour légiférer sur l'aide active à mourir ?
Transcription
00:00Merci au collectif et merci à toi Emmanuel de me donner la possibilité de parler de
00:11la SLA.
00:12Alors c'est vrai que je le donnerai sur l'angle clinique parce que je suis clinicien dans
00:18un centre SLA, donc je vois quotidiennement des patients, donc ce sera le parti pris de
00:26ma présentation, sachant que ce sera une vision partielle, sachant que la SLA, son
00:33appréhension en fait est multidimensionnelle.
00:35Alors déjà pour clarifier les termes, lors de cette présentation, j'utiliserai le terme
00:44d'aide active à mourir pour qualifier deux modalités, la première c'est le suicide
00:53d'assister, vous le savez c'est une prescription par un médecin d'une drogue létale et le
01:01patient choisit s'il veut la prendre, quand et où.
01:08L'euthanasie c'est différent, c'est un acte programmé avec une date et un lieu et c'est
01:17un soignant qui administre le plus souvent par voie intraveineuse la drogue létale.
01:24Alors vous le savez, la maladie de Charcot est considérée par beaucoup comme un emblème
01:34de la bataille pour l'aide active à mourir, alors ça ne date pas du débat, c'est assez
01:41ancien mais on l'a retrouvé cité de nombreuses fois lors de la convention citoyenne ou bien
01:48lors des débats parlementaires.
01:50Alors c'est vrai qu'il y a une couverture médiatique importante avec souvent des cas
02:00personnels qui sont rapportés, des cas avec une forte composante émotionnelle, alors il y a eu
02:10des articles de fond sur l'aide active à mourir, notamment dans des grands quotidiens, mais très
02:20peu spécifiques à la SLA.
02:23On voit donc qu'il y a en quelque sorte un écart entre les représentations de cette maladie et la
02:32connaissance de la SLA, que ce soit chez le grand public ou chez les décideurs.
02:41Alors le but, ça va être déjà de faire une présentation clinique, je serai de la faire de la
02:48façon la plus claire possible pour ceux d'entre vous qui ne sont pas médecins, j'éviterai le
02:54jargon.
02:55Alors c'est une maladie neurodégénérative qui est caractérisée au sein de ce grand groupe des
03:02maladies neurodégénératives par le fait qu'elle touche les neurones moteurs, donc tout ce qui
03:10contrôle la motricité.
03:13Alors on lit partout qu'il n'y a pas de traitement, alors c'est vrai qu'il n'y a pas de traitement
03:20curatif de la maladie, mais on dispose de traitements symptomatiques et surtout d'une prise
03:27en charge qui est multidisciplinaire.
03:29Je le dis parce que la réduction du traitement, et ce n'est pas le cas uniquement de la SLA, au
03:38traitement curatif peut laisser penser que ces patients sont abandonnés sans suivi médical et en
03:47quelque sorte donne, je pense, une orientation à la façon de penser la maladie.
03:54Alors quelques chiffres, en France c'est 6000 patients à un âge moyen de 55 ans et ça représente
04:041200 décès par an, ce qui est quand même relativement faible quand on considère le nombre
04:12d'essais par an qui est autour, je crois, de 630 000.
04:17Alors quelques mots cliniques, ce qui la caractérise donc, c'est ce qui en fait toute la gravité,
04:28le retentissement dans la vie des patients, c'est la perte de motricité qui débute généralement dans
04:35un membre et qui va s'étendre progressivement.
04:38Dans 30% des cas, c'est une atteinte de l'articulation de la parole, pas du langage,
04:46et de la déglutition.
04:47Ce qui va être essentiel de comprendre lors de cette présentation, c'est l'insuffisance respiratoire
04:55qui en général apparaît secondairement et c'est elle qui va conditionner le pronostic vital.
05:03Un aspect essentiel, parce qu'il est souvent non mentionné, c'est qu'il existe dans près de 50%
05:12des cas des troubles cognitifs.
05:15Et ces troubles cognitifs touchent des sphères comme le raisonnement, le comportement, les émotions
05:24et la cognition sociale.
05:28On comprend que ça a une importance primordiale dans la question qui nous intéresse.
05:34Une caractéristique de la maladie, c'est que c'est une maladie qui progresse de façon inéluctable
05:42et que le handicap peut aboutir à ce qu'on appelle un Lockheedine syndrome, c'est-à-dire une atteinte
05:49complète de tous les membres, une tétraplégie, une incapacité à parler, une incapacité à parler,
05:58et seule, mais c'est important, une motricité oculaire est préservée, ce qui permet de maintenir
06:04une communication avec des moyens plus ou moins sophistiqués.
06:09Alors, le délai de survie médian est de 2 à 5 ans, mais ça ne doit surtout pas masquer
06:17l'hétérogénéité de la rapidité de progression, du niveau de handicap et de la survie,
06:26avec 20% des patients qui peuvent vivre au-dessus de 5 ans, certains avec un niveau de handicap
06:33tout à fait compatible avec une bonne qualité de vie, et des patients qui peuvent vivre
06:39plusieurs décennies, même si ce n'est pas le cas général.
06:45Alors, un point important qui est assez transversal d'ailleurs à toutes les maladies dont on peut
06:53être amené à parler dans notre question actuelle, c'est qu'il n'y a pas de pronostics
06:59individuels fiables qui soient réalisables à moyen et long terme.
07:05Alors, je voudrais citer cette parole d'une infirmière, alors elle a été rapportée dans le
07:13rapport sur la fin de vie dans la SLA qui a été publiée en 2021,
07:21et ce qu'elle nous dit, c'est la particularité de la SLA, c'est que plus on avance vers la fin
07:27de vie, plus on médicalise la prise en charge. C'est un paradoxe pour les équipes, mais aussi
07:33pour les patients dans ce qui se joue psychiquement. Il n'y a plus rien à faire, et on parle de
07:38palliatif, mais en même temps on apporte tout ce matériel. Alors, pour vous donner une idée,
07:45effectivement, il y a des moyens techniques qui sont des techniques de suppléance vitale qui sont
07:55proposées aux patients, qui vont décider s'ils souhaitent qu'on les mette en place ou non.
08:03Ça peut être l'objet de directives anticipées précoces, ou bien énoncées par les patients
08:11lorsqu'il y a des paliers d'aggravation clinique et que ces questions se posent.
08:17Ces moyens de suppléance vitale, c'est la ventilation artificielle, pour lesquels il y a
08:22deux modes. Le mode de ventilation non invasive aux masques, c'est une ventilation comme celle
08:29qui se fait pour les apnées du sommeil, et beaucoup plus rarement la trachotomie, sachant
08:35que les patients, dans leur très grande majorité, refusent qu'on en arrive à ce geste de suppléance
08:43qui engendre une dépendance absolument considérable. Et puis, pour les troubles de
08:51l'alimentation, on peut proposer une alimentation par son. Donc, ça, c'est l'aspect technique.
08:57Et puis, il faut bien intégrer l'aspect de l'environnement avec une charge physique et
09:05psychologique qui est très importante pour les patients et très importante pour les aidants,
09:11avec une complexité administrative, avec des délais. Et il ne faut pas oublier des coûts
09:19importants en ce qui concerne les aides humaines ou le matériel. Et nous, ce qu'on voit quotidiennement,
09:26c'est que c'est beaucoup plus facile pour les patients qui ont des moyens de se payer du matériel,
09:32de faire refaire leur domicile pour l'adapter handicap par rapport à des gens qui ont des
09:40plus faibles moyens. Cette introduction, elle était pour donner le cadre clinique. Maintenant,
09:49je vais en arriver à ces arguments qu'on a entendus en faveur de l'aide active à mourir
09:57dans la SLA. Ils sont de plusieurs types. Le premier, c'est de dire que la loi actuelle
10:05ne répond pas aux besoins en fin de vie, c'est-à-dire que les soins palliatifs optimaux,
10:11y compris la sédation profonde et continue jusqu'au décès, ne permettraient pas de répondre
10:17à toutes les situations. Et par conséquence, on aurait des souffrances en fin de vie. Et ce qui est
10:26le plus souvent cité, c'est la mort par suffocation ou le fait qu'on laisse des
10:33patients mourir de faim. C'est le premier argument. Le second, c'est toute la discussion autour des
10:40critères de l'AMM qui, pour certains, devraient être élargies, pas seulement à la phase de fin
10:48de vie, mais à une phase avancée de la maladie. Et les termes qu'on entend pour le justifier sont
10:55souvent les suivants. Niveau de dépendance insupportable, perte de dignité et souffrance
11:03existentielle. Troisième argument, c'est celui des départs à l'étranger pour l'aide active
11:09à mourir. Et il y aurait une rupture du principe d'égalité pour les patients qui n'ont pas la
11:17possibilité de partir. Enfin, dernier argument. Alors là, il s'agit des moyens. L'AMM devrait
11:26autoriser ce qui a été appelé l'euthanasie d'exception, en plus du suicide assisté. Alors,
11:34je vais voir ces différents points. Alors, la prise en charge en soins palliatifs. Quelle est
11:45son efficacité? Première question, quand définit-on la fin de vie? Dans l'ASLA, on peut
11:54la déterminer comme le point où l'insuffisance respiratoire qui conditionne le pronostic vital
12:01n'est plus compensée et à ce moment-là engage le pronostic vital dans un délai rapide. Et on
12:09va avoir trois situations. La première, le patient ne souhaite pas de ventilation artificielle. La
12:18seconde, le patient a eu une ventilation, mais elle n'est plus efficace. Et troisième situation,
12:26il veut arrêter la ventilation. Alors, dans ces situations, on a des outils très efficaces de la
12:36médecine palliative, comme vous le savez, qui ont fait des progrès considérables, y compris sur le
12:43plan des techniques médicales, avec un contrôle des symptômes respiratoires. Il n'y a pas de décès
12:53par suffocation. Si on donne un traitement adapté par benzodiazépine, par exemple, ou par morphine,
13:04les douleurs sont contrôlables par des anthalgiques. Et puis, ce qu'on retrouve
13:10souvent dans le discours, c'est mourir de faim, alors qu'il y a d'ailleurs un terme qui prête à
13:20confusion. On peut mourir de dénutrition, effectivement, mais on ne meurt pas avec une
13:27sensation de faim quand on est dénutrié. Et ça, pour une raison qui est physiologique, parce qu'en
13:34situation de jeûne, le corps puise dans des réserves et il se met à produire ce qu'on appelle
13:40des corps cétoniques qui font disparaître la sensation de faim. Et puis, c'est la prise en
13:49charge, bien sûr, en soins palliatifs de tout ce qui est la souffrance psychologique avec l'écoute
13:56des patients et des aidants. Et puis, en cas d'angoisse ou de douleurs réfractaires, on peut
14:06établir une sédation proportionnée et éventuellement une sédation profonde et continue
14:13jusqu'au décès. La sédation proportionnée, ça veut dire que l'objectif principal est de faire
14:25disparaître l'angoisse ou les douleurs réfractaires, mais d'essayer de maintenir un niveau
14:31de conscience maximum. Mais la priorité est celle de supprimer les souffrances.
14:40Alors, je vais pour ça aborder un cas clinique. Je pense que ce ne sera plus
14:48parlant. C'est une jeune patiente âgée de 43 ans dont le diagnostic de SLA a été porté en octobre
14:572023. Elle était employée dans une banque. Elle a deux enfants adolescents. Elle présente une
15:07forme particulièrement rapide puisqu'elle perd la marche en quatre mois. Le diagnostic traîne
15:16parce que ses troubles sont d'abord considérés comme des troubles fonctionnels. Et puis,
15:23en octobre 2003, le diagnostic de SLA est posé et on annonce le diagnostic avec une annonce qui
15:33est très difficile et notamment un effondrement émotionnel de son époux qui n'accepte pas le
15:41diagnostic. Dès ce stade, la maladie va très vite et avec l'accord de la patiente, on doit
15:49mettre en route une ventilation par masque avec une dépendance rapide 24 heures sur 24.
15:55La patiente, dès le début, spontanément donne des directives anticipées claires.
16:00Elle refuse que soit réalisée une trachéotomie, une intubation si la VNI n'était pas suffisante.
16:10Mais voilà que l'époux ne l'accepte pas. En fait, il insiste pour que les médecins aillent
16:17jusqu'au maximum de la réanimation, ce qui met l'équipe dans une position de grande difficulté.
16:25Dans l'équipe, on va reprendre avec le psychologue les discussions avec la patiente, seule d'abord,
16:32puis en présence de la famille, ce qui permet déjà un premier temps d'apaisement et d'échange. Et
16:39surtout, il y aura un relais au domicile par une équipe de soins palliatifs, donc l'intervention
16:46de tiers. Et donc, ce travail de discussion avec des psychologues, incluant le patient et la
16:53patiente et l'époux, pourra être repris et approfondi. Ce travail sur le temps permettra
17:03à l'époux de cheminer, de bien comprendre qu'il s'agit des souhaits de son épouse.
17:12Il va donc les respecter et en quelque sorte, on peut penser que cela le déculpabilise.
17:24Un mois après, la patiente s'encombre et la VNI devient moins efficace. Elle se surinfecte et
17:36apparaît un inconfort respiratoire. Elle est alors hospitalisée en USP. C'est à ce moment-là
17:42qu'est instituée une sédation proportionnelle. La patiente s'encombre et s'enfonce progressivement
17:55dans un coma et décède entourée de ses proches. Cette observation souligne de mon point de vue
18:06l'importance d'avoir des tiers dans les discussions, le travail avec les proches et les aidants,
18:15la multidisciplinarité avec l'expertise des soins palliatifs et la nécessité du temps.
18:23Je dirais que cette perception du temps, moi en tant que clinicien, j'ai l'impression qu'elle n'est
18:32pas toujours bien comprise et qu'on entend beaucoup dans les débats parler d'urgence.
18:40Il y a l'urgence législative, mais aussi cette urgence dans les délais de réflexion de 48 heures
18:49pour l'aide active à mourir. Et ça ne correspond pas du tout au vécu de la prise en charge d'une
18:56maladie chronique. On va avoir besoin de temps pour les évaluations et pour des décisions
19:05adaptées à chaque patient. On va maintenant voir la sédation profonde et continue jusqu'au décès,
19:14avec l'argument qu'on nous dit qu'elle n'est pas suffisante dans ce contexte de SCLA. J'en rappelle
19:23le cadre légal, en présence de douleurs, de souffrances réfractaires, en soutien d'une
19:31demande de limitation ou d'arrêt des thérapeutiques actives qui sont susceptibles d'entraîner des
19:38souffrances insupportables. Enfin, le pronostic vital doit être engagé à court terme. Et le cadre
19:48de la SLA s'adapte bien à celui de cette loi, de ce cadre légal de la sédation profonde et continue
19:59jusqu'au décès, puisque, je l'ai dit, l'insuffisance respiratoire conditionne la fin de vie, qu'elle
20:06est à l'origine de souffrances par suffocation et qu'elle engage le pronostic à court terme.
20:16La sédation profonde empêche, prévient la suffocation et entraîne rapidement ce qu'on
20:23appelle un coma hypercapnique, qui est lié à une élévation du taux de CO2 et le décès du patient.
20:33Maintenant, il faut voir les conditions pratiques. C'est un point essentiel en regardant la répartition
20:40des lieux de décès des patients atteints de SLA. Dans la grande majorité des cas, c'est en médecine,
20:4770 %, et moins souvent en hospitalisation à domicile ou en soins de suite et réadaptation.
20:55Et au sein des fin de vie en médecine, seulement 8 % sont des décès en USP et 8 % dans des lits
21:07identifiés de soins palliatifs. Cette proportion ne semble pas avoir augmenté depuis 10 ans et il
21:16est reconnu que le recours aux équipes de soins palliatifs est trop tardif. Donc là,
21:21il y a un besoin et une marge de progrès très importante.
21:28Alors, l'autre aspect, c'est cet argumentaire sur les critères et la nécessité qu'il y aurait
21:39d'avoir des critères plus larges que celui de la fin de vie. Cette question complexe,
21:43je la borderai par le désir de mort dans la SLA. Qu'est-ce qu'on en sait sur la fréquence,
21:50la temporalité et les ressorts ? Alors, il faut se méfier des chiffres qui ne sont pas toujours
22:00complètement soutenus par des études parfaites, mais on sait que le risque de suicide est
22:08augmenté de 6 à 7 fois. Et ce qui est important, c'est que ce risque augmente dans les 6 mois
22:16après l'annonce, et essentiellement dans les 6 mois après l'annonce diagnostique.
22:23Alors, le désir de mort dans la SLA, il est rapporté, quel que soit le stade, entre 20 à
22:2940 %. Il faut savoir que c'est une notion assez large puisque ça va de l'idéation, qui est le
22:38souhait du patient de s'endormir et de ne pas se réveiller, jusqu'à un véritable suicide planifié.
22:45Ça ne tient pas compte d'une observation qu'on a en clinique, qui est celle de la fluctuation et de
22:53l'ambivalence des désirs de mort. Là, ce n'est pas propre à la SLA, mais c'est transversal à
22:59beaucoup de pathologies, mais c'est très net dans l'expérience d'un médecin qui s'occupe de SLA.
23:07La dépression sous-jacente est évaluée entre 30 et 40 %, et finalement, les demandes d'actifs
23:19à mourir verbalisées restent très rares. Et là, je suis obligé de parler de mon expérience
23:26personnelle, qui est que ces demandes sont absolument exceptionnelles après une prise
23:33en charge optimale en soins péridatifs, mais on ne peut pas dire qu'il ne soit pas possible
23:40qu'elles soient maintenues. Aussi, un point intéressant, c'est que contrairement à ce que
23:48j'avais pensé au départ, le fait qu'il y ait un débat n'a pas augmenté les demandes de la part
23:57des patients, et ils n'en parlent très peu, voire jamais. Ce qui fait qu'il faut sortir l'idée,
24:05parce que c'est parfois présenté, qu'il y aurait des patients qui seraient là en attente d'une
24:12législation et qui questionneraient les médecins, alors quand, docteur, on va pouvoir enfin faire
24:19ce geste que je souhaite. Les données, on les a essentiellement des pays qui ont légalisé
24:29l'aide active à mourir. En Hollande, où est légalisé l'euthanasie et le suicide assisté,
24:39et dans deux États des États-Unis, l'Oregon et Washington, où seul est autorisé le suicide
24:48assisté, la condition étant que le pronostic vital soit engagé dans les six mois. Alors,
24:54Hollande, le pourcentage de patients SLA qui décèdent après une euthanasie, parce que c'est
25:04beaucoup plus souvent, voire quasiment seulement des euthanasies et pas des suicides assistés,
25:10est de 25%. Il y a un quart des patients SLA qui ont recours à une euthanasie.
25:18Aux États-Unis, ce taux est beaucoup plus faible, il est de 4 à 7% de suicides assistés. Il faut
25:26savoir qu'il y a environ 30% des patients qui ont eu la prescription, mais qui finalement
25:34n'absorbent pas la drogue l'état. Les motifs des demandes qui sont décrits, souvent de façon
25:47insuffisamment détaillée et insuffisamment, je dirais, qualitatif, c'est l'absence de chance
25:56d'amélioration, la peur de l'étouffement, et vu qu'on avait des moyens d'y répondre,
26:03la perte de dignité, la dépendance, la charge pour les proches, les douleurs,
26:11ce qui nous étonne parce que les douleurs sont vraiment quelque chose de bien contrôlé
26:18dans la SLA, et puis les ressources financières. Ce n'est pas directement mentionné dans l'étude
26:26hollandaise, mais c'est 8% dans l'étude réalisée dans les deux États américains. L'interprétation
26:38habituelle, c'est bien sûr de dire que c'est lié au système de santé aux États-Unis,
26:46qui fait que les patients doivent payer. Cela dit, on a vu que le coût de la prise en charge
26:58du reste à charge pour les patients était important. Moi, j'ai eu récemment un patient
27:05agriculteur qui a des crédits, dont on vient d'annoncer le diagnostic de SLA,
27:12et j'ai été très inquiet, et son épouse aussi, sur le risque de passage à l'acte
27:20suicidaire du fait de ces conditions économiques. Il y a la question des départs à l'étranger.
27:33Alors, qu'est-ce qu'on peut dire là-dessus ? On peut dire que globalement, il n'y a aucune
27:37donnée chiffrée. L'euthanasie belge, qui est le recours le plus fréquent, n'est pas en mesure
27:44de communiquer le lieu de résidence des personnes concernées, donc c'est un chiffre qu'on n'a pas.
27:50En Suisse, on a des chiffres qui viennent de l'association qui procède aux euthanasies,
27:59qui est l'association aux suicides assistés, qui est l'association Dignitas, qui rapporte 408
28:09Français ayant eu recours à ce suicide assisté sur 22 ans, donc 408 patients qui souffraient de SLA.
28:18Mon expérience personnelle est que c'est exceptionnel, et je recense 3 cas sur un exercice
28:27déjà depuis 15 ans, et un nombre de plusieurs centaines de patients.
28:34Je voudrais parler d'un cas clinique qui est Marie, 67 ans, donc un diagnostic de SLA en octobre
28:452023. C'est une enseignante à la retraite, elle vit seule, et puis fin 2022, de façon pas très
28:55rapide, elle commence quand même à présenter des troubles de la marche, puis des difficultés
29:00à écrire. On pense initialement, parce qu'elle a de l'arthrose, un problème rhumatologique,
29:07mais finalement le diagnostic de SLA est posé. 12 mois après, elle est en fauteuil roulant,
29:12elle organise très bien son domicile et les aides. C'est une dame très organisée et proactive,
29:22elle continue à avoir des amis, notamment elle joue beaucoup au bridge.
29:27Et puis, elle est dans l'anticipation, elle rédige elle-même ses directives anticipées,
29:36en disant bien qu'elle ne veut ni nutrition, ni ventilation artificielle.
29:40Et en fait, son angoisse est de mourir par suffocation. Nous la voyons avec le psychologue,
29:48et nous lui expliquons les soins préaliatifs, en quoi ça consiste, et puis le cadre où il peut
29:57être, les conditions pour pouvoir avoir accès notamment à la sédation profonde et continue.
30:07Donc, cette patiente, elle est en fait adhérente à l'ADMD et décide de partir en Belgique.
30:16Et on lui dit à ce moment-là qu'elle est éligible pour une euthanasie et puis qu'elle
30:22peut revenir pour réaliser cet acte quand elle en ressentira le besoin.
30:29Elle revient en France, nous en fait part, et dans cette situation, décide de l'adresser
30:39pour une hospitalisation de deux jours en soins palliatifs, pour qu'elle puisse avoir
30:45une explication d'une autre équipe. Là, le médecin reprend les explications,
30:56il répond surtout à toutes ces questions, questions qu'elle n'avait pas encore pu formuler
31:02dans son processus pour intégrer ces soins palliatifs. Et puis, elle revient vers nous
31:11en disant qu'elle a maintenant bien compris et que la prise en charge palliative lui convient.
31:19Elle demande même la mise en place d'une chambre implantable, c'est un dispositif pour avoir
31:26un abord veineux, afin de lui assurer qu'il n'y ait pas de problème de perfusion qui
31:32ralentirait l'initiation de la sédation. On lui fait également une prescription anticipée de
31:41sédatifs. Six mois après, elle présente une infection pulmonaire qui n'est pas contrôlée
31:47par les antibiotiques. Elle renouvelle son refus d'une ventilation. Comme elle s'aggrave,
31:56elle est hospitalisée dans une USP. Sa fille est présente. Une sédation proportionnée est
32:03réalisée. Puis, elle demande une sédation profonde et continue jusqu'au décès. Un avis collégial est
32:12donné. Elle est parfaitement dans les critères. Si bien que la sédation est débutée, le décès
32:19survient en quelques heures et elle est entourée de sa famille et notamment de sa fille.
32:26Voilà un cas. Les choses se sont bien résolues grâce au temps, l'intervention de Thiers.
32:39Ça ne reflète pas l'ensemble des cas, mais c'est l'exemple d'une prise en charge
32:49multidisciplinaire qui a vraiment apporté de l'apaisement à la patiente et le respect de ses
32:59choix. Un autre point, j'en avais parlé, c'est ce qui a été appelé l'euthanasie d'exception.
33:09Les arguments peuvent sembler tout à fait sensés. Ce qu'on nous dit, c'est que le suicide assisté ne
33:16serait pas possible en cas de déficit moteur important des membres supérieurs, puisque le
33:22patient serait incapable d'auto-ingérer la drogue. Une conséquence serait qu'il pourrait y avoir des
33:33risques de suicide prématurés de patients qui auraient peur de manquer la fenêtre de temps
33:41où ils peuvent encore s'administrer la drogue. On a remis en question ce concept parce qu'on avait
33:53le sentiment que c'était une construction théorique plutôt qu'une réalité clinique.
33:59Et donc ça a été l'objet d'un éditorial qu'on a fait pour le Lancet avec Claire Fourcade,
34:08Sarah Piazza et Pierre-François Périgaud. En fait, en substance, ce qu'on dit, c'est que
34:15ce sont des situations qui ne sont pas rencontrées en pratique clinique. Comme je l'ai dit, dans la
34:22situation de fin de vie, le patient est dépendant d'un support des fonctions vitales, des fonctions
34:30respiratoires. Et dans ce cas-là, il rentre dans les critères de la sédation profonde et continue.
34:37En son absence, en fin de vie, c'est exceptionnel, mais on peut l'imaginer. S'il existe une atteinte
34:46motrice, on a tout à fait les moyens de réaliser un suicide assisté avec des méthodes adaptées
34:55aux handicaps qui peuvent être des méthodes très simples comme l'utilisation d'une paille ou d'un
35:01dispositif de commande d'une perfusion par les mouvements oculaires. Alors, ça a été présenté
35:10comme une question purement technique, mais vous savez bien que pour beaucoup, et pour les soignants
35:22notamment, il y a une différence de nature radicale entre le suicide assisté et l'euthanasie.
35:33Alors, qu'est-ce qu'on peut, à partir de ces données, retenir comme voie de réflexion ? Les
35:44données d'évidence, les données de la littérature, elles ont leurs limites. On est à des niveaux de
35:51granularité qui sont insuffisants, mais toutefois, on dispose quand même de données d'une expérience
36:00clinique qui permet d'avoir un certain nombre de, je ne dirais pas de convictions, mais de directions.
36:13Alors, en conclusion, sur les arguments que j'ai donnés, c'est qu'il me semble que les
36:19caractéristiques cliniques de l'ASLA rendent questionnables tous les arguments faisant de
36:27l'ASLA à elle seule une justification d'un nouveau cadre législatif encadrant la fin de vie. Et puis,
36:37je voudrais aussi insister sur la grande vulnérabilité des patients qui est liée à leur
36:45maladie, qui est liée à la dépendance, qui est liée à l'environnement avec l'implication des
36:53aidants. Et cette vulnérabilité est considérablement accrue chez les patients qui présentent des
37:00troubles cognitifs. Un point, je pense, sur lequel on peut s'accorder, c'est que la prise en charge
37:09palliative est adaptée, est efficace et que la priorité est de lui donner plus de moyens.
37:22Alors, j'ai dit que c'était une réflexion orientée, basée sur la clinique. Il y a la nécessité d'une
37:31réflexion croisée qui prenne, mais pas seulement, en compte la clinique et qui
37:41sort d'une certaine stigmatisation de l'ASLA qu'on peut parfois percevoir.
37:49Alors, avant de finir, je voudrais mentionner, parce que c'est des choses qu'on rencontre
37:57dans notre expérience clinique, c'est celle de la responsabilité qu'on a tous, que moi j'ai
38:06aussi, bien entendu, lorsqu'on porte une réponse, une parole publique sur l'ASLA. Et je
38:14rapporte cette parole de Marie, qui est aidante d'un patient SLA, qui dit en mai 2024,
38:23« Je zappe dès qu'à la télé des reportages associant la loi sur la fin de vie à la maladie
38:29de mon époux. » Jacques, qui est un patient SLA de 72 ans, son diagnostic a été porté en juillet
38:372022. Cet été, il adresse mail au secrétariat d'un centre SLA renommé. En fait, c'est l'épouse du
38:51patient qui a reçu un mail qui est une diffusion générale, sans qu'elle ait absolument rien
39:05demandé, et qui provient d'un organisme privé à brut non lucratif,
39:18qui est un organisme qui a pignon sur rue et une forte valeur de crédibilité. Je tiens à dire que
39:27ce n'est ni une association de patients, ni un groupe militant pour l'euthanasie.
39:36Mais voilà, elle l'a reçu, et voilà ce qu'elle nous dit. Elle commence très gentiment en nous
39:43remerciant pour la prise en charge, et elle nous écrit, alors c'est peut-être difficile à lire,
39:50« Je vous transmets un mail que nous avons reçu vers le 27 juillet, et nous avons été effondrés de
39:56lire ce mail. Malheureusement, je n'ai pas pu intercepter ce mail, et mon mari en a pris
40:01connaissance avant moi. On parle de non-traitement, de survie entre deux et cinq ans. C'est violent
40:09quand on reçoit un tel mail avec la description de la SLA. On est à des années-lumière de toute
40:15la délicatesse du docteur qui lui a donné un traitement. » Et elle conclut en disant « Merci
40:21de me lire. Il faut avouer que ce diagnostic est un cataclysme dans notre vie, et que c'est très
40:27difficile d'envisager l'avenir, et c'est très dur au niveau psychologique. » Donc évidemment,
40:32on va revoir ces patients. Mais là, on retrouve ces éléments qu'on entend souvent,
40:39donc l'absence de traitement en le réduisant au traitement curatif, et puis des données statistiques
40:46de décès en deux à cinq ans qui n'ont pas de valeur à l'échelle individuelle, ou en tout cas,
40:53il n'y a pas de mise en garde sur le fait que c'est uniquement de la statistique. Voilà,
41:00c'est sur ces témoignages de patients que je souhaitais terminer cette intervention,
41:05et je vous remercie chaleureusement pour votre attention.

Recommandations