Nouvelle alerte sur les finances publiques.
Auditionné par la commission des finances de l'Assemblée, Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, attire une nouvelle fois l'attention des parlementaires sur la dégradation budgétaire.
Dans une situation préoccupante en raison du niveau de son déficit et de sa dette, la France est sommée de faire des efforts pour retrouver le contrôle de son budget.
Paris doit notamment présenter un plan de redressement de ses comptes avant le 20 septembre, délai fixé par la Commission européenne. Faute de quoi, elle risque des sanctions.
Les temps fort de cette audition, avec les explications de texte de Fanny Dayres, sur LCP Assemblée nationale.
Auditionné par la commission des finances de l'Assemblée, Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, attire une nouvelle fois l'attention des parlementaires sur la dégradation budgétaire.
Dans une situation préoccupante en raison du niveau de son déficit et de sa dette, la France est sommée de faire des efforts pour retrouver le contrôle de son budget.
Paris doit notamment présenter un plan de redressement de ses comptes avant le 20 septembre, délai fixé par la Commission européenne. Faute de quoi, elle risque des sanctions.
Les temps fort de cette audition, avec les explications de texte de Fanny Dayres, sur LCP Assemblée nationale.
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00:00Bonjour à tous, ravie de vous retrouver sur LCP.
00:02Ça ne va pas du tout, la France n'a toujours pas de budget,
00:05elle est dans le rouge, des déficits qui se creusent,
00:08une dette qui n'en finit plus de dérailler, bref, c'est la catastrophe.
00:12Heureusement, la situation est suivie de très près
00:15par la Commission européenne de Bruxelles
00:17qui demande à Paris de faire des efforts très vite
00:20pour renflouer ses caisses sous peine de sanctions.
00:24Alors s'il y en a bien un qui tire la sonnette d'alarme depuis longtemps,
00:27c'est Pierre Moscovici, un homme important,
00:29premier président de la Cour des comptes,
00:31institution indépendante qui informe et assiste le Parlement.
00:35Et bien ce jour-là, 18 septembre,
00:37Pierre Moscovici est justement auditionné à l'Assemblée en salle 63-50.
00:42Vous ne savez pas où ça se trouve, mais c'est sans importance,
00:45c'est là que ça se passe.
00:46Diriguons tout de suite la séance avec le compte-rendu détaillé de Fanny Daé.
00:50Quels que soient les choix,
00:52quelles que soient les options politiques
00:54des différentes forces présentes au Parlement,
00:56et qui sont très diverses,
00:58la France doit impérativement maintenant réduire son déficit public
01:02et replacer la dette sur une trajectoire descendante.
01:06Je rappelle qu'à ce jour, le programme de stabilité
01:09communiqué à la Commission européenne le 17 avril 2024
01:13est la forme la plus récente de la stratégie pluriannuelle de finances publiques de la France.
01:18La trajectoire de la LPFP, adoptée en décembre 2023,
01:22donc il y a moins d'un an, était devenue caduque
01:25quelques mois seulement après son adoption par vous-même, les parlementaires.
01:30Mais la trajectoire du programme de stabilité est aujourd'hui, à mon sens,
01:34devenue en fait tout aussi obsolète.
01:37Et je crois que dans le cadre du PLF qui vient,
01:41un des préalables sera de présenter une nouvelle trajectoire
01:44pour pouvoir travailler sérieusement et donner des encres au débat public.
01:49Il est impératif de dire la vérité aux Français
01:52à travers l'approche de loi finance,
01:53puis le plan budgétaire national de moyen terme
01:56que le gouvernement doit transmettre à la Commission quelques jours après.
02:00Le déficit public pour l'année 2023, loin de se résorber,
02:04s'est établi à 5,5 points de PIB, soit 154 milliards d'euros.
02:10Il était, on le sait, de 0,6 points au-dessus des prévisions gouvernementales.
02:14Il était dégradé de 0,7 points par rapport à 2022.
02:19Et cette aggravation du déficit public a trois facteurs.
02:23Une faible croissance spontanée est préalablement obligatoire.
02:25Je vais y revenir, parce qu'il faut s'interroger là-dessus.
02:28Nous avons eu en 2021 et 2022, en post-Covid, des années exceptionnelles.
02:32Nous sommes revenus à un rendement moindre.
02:35Et la question qu'on doit se poser et que vous aurez à vous poser
02:37au moment du PLF, est-ce que c'est une tendance durable ?
02:40Et quels sont les facteurs qui pourraient l'expliquer ?
02:42Deuxième cause, ce sont des mesures discrétionnaires
02:45de baisse d'impôts et de cotisations non compensées.
02:48Et enfin, l'absence, je dis bien l'absence d'économie structurelle en 2023,
02:52alors que le ratio de dépenses publiques s'établissait toujours
02:54à plus de 56 points de PIB.
02:56Je l'ai dit et répété maintes fois les dernières,
03:00cette situation aurait dû conduire à des mesures d'ajustement claires
03:03sur les dépenses comme sur les recettes,
03:05au lieu de quoi, vous connaissez les chiffres,
03:08la dette publique a atteint 3 100 milliards d'euros en 2023.
03:11C'est 110 points de PIB.
03:13Elle excédait de plus de 700 milliards son niveau d'avant-crise.
03:17C'est 22 points de plus que la moyenne européenne.
03:20C'est 47 points de plus que l'Allemagne.
03:23Et je rappelle qu'au moment de l'entrée dans la zone euro en 2001,
03:26nous étions strictement à égalité à 58,9.
03:29Donc ces 47 points, c'est le delta que nous avons accumulé
03:33au cours de ces 23 ans, 22 ans,
03:36ce qui n'est pas si long à l'échelle de l'histoire tout de même.
03:39Contrairement à ses partenaires de la zone euro qui avaient pris
03:43face à la crise Covid des mesures absolument comparables
03:45à celles de la France, entre 10 et 13 points de PIB,
03:48notre pays n'a fait aucun effort pour réduire sa dette
03:52une fois le choc passé.
03:54Et cette très mauvaise année 2023, je suis passé très rapidement
03:56car vous la connaissez, elle pèse sur la suite.
03:59En plus, disons-le, le contexte de l'année 2024
04:02n'est guère propice à la réduction des dépenses.
04:04Je rappelle que de nombreux facteurs ont poussé à la hausse de la dépense.
04:09Je cite la crise agricole ou encore les événements en Nouvelle-Calédonie
04:14qui assurément auront un coût.
04:16LPFP, PSTable, RSPFP, que de sigles bien compliqués.
04:22Pourtant, derrière ce florilège de noms de codes,
04:24eh bien, il y a un constat alarmant.
04:27La France est dans une situation intenable.
04:31La Cour des comptes somme pari de prendre des mesures d'urgence
04:34pour redresser ses comptes, sa dette et son déficit,
04:38les deux faces d'une même pièce, afin d'espérer peut-être
04:41retrouver un jour le chemin de la vertu budgétaire.
04:45On retourne en immersion en Commission des finances
04:47avec Pierre Moscovici auditionné par les députés de cette commission
04:51et le commentaire très dynamique de Fanny Daï.
04:54L'objectif de déficit pour l'année 2024 sera très difficile à atteindre.
04:58Je suis diplomatique en disant ça, il ne sera pas atteint.
05:02Le flou qui entoure les économies et les hausses de prélèvements
05:05annoncées en 2024 n'a pas été dissipé.
05:07Les derniers chiffres rendus publics sont plus inquiétants
05:10que ce que l'on imaginait, plus inquiétant que ce qu'imaginait la Cour d'ailleurs.
05:14Dès le 17 juillet, le Trésor a estimé que le déficit en 2024,
05:17certes la politique a changé, atteindrait 5,6% en 2024
05:21contre 5,1% prévu dans le programme de stabilité.
05:24Donc après 0,6% de plus en 2023, on aurait 0,5% de plus en 2024.
05:30Et compte tenu des nouvelles médiocres enregistrées sur les recettes fiscales
05:34et les dépenses, ce chiffre est peut-être le moins mauvais que l'on peut espérer.
05:39Le Haut conseil des finances publiques attend, comme vous,
05:41le projet de finance, mais il a commencé à auditionner divers instituts,
05:45il le fait toujours.
05:46Et disons qu'ils sont tous à l'idée qu'on devrait être,
05:49si tout va bien, à 5,5% en fin d'année,
05:51même quand même avec des ajustements.
05:53Et donc on a un déficit dégradé.
05:56Ce n'est pas la situation que nous voulons pour notre pays.
05:59Elle n'est, je crois, pas tenable.
06:01Je rappelle que nos principaux partenaires ont déployé des efforts
06:03importants pour réduire leur déficit en 2023 et 2024.
06:07Et ça nous fragilise, sans aucun doute,
06:09cette incapacité à nous désendetter.
06:12Je rappelle que la charge de la dette devrait déjà augmenter
06:17de l'ordre de 8 milliards en 2025 et 2026, de 12 milliards en 2027
06:21pour atteindre 83 milliards à cet horizon.
06:24Mais à condition que le reste de la trajectoire
06:27du programme de stabilité soit accomplie.
06:29C'est donc maintenant devenu presque un minimum.
06:33C'est aussi un manquement aux règles que nous nous sommes fixées
06:35collectivement avec nos partenaires européens.
06:37Nous sommes sous la surveillance de l'Union européenne,
06:40d'expérience, puisque j'étais commissaire en charge de ce portefeuille.
06:43Ce n'est pas une surveillance malveillante,
06:45mais c'est une surveillance exigeante.
06:47On peut nous donner du temps, on peut nous comprendre,
06:50mais on attend des gestes concrets de réduction des déficits et de la dette.
06:55Et vous savez que le 26 juillet dernier,
06:57le Conseil européen a approuvé la recommandation de la Commission
07:01d'ouvrir une procédure pour déficit excessif à l'encontre de la France.
07:05Ça nous oblige concrètement à transmettre une trajectoire crédible
07:08de désendettement fondée sur un budget cohérent et sur laquelle
07:12la réponse de la Commission d'ici novembre dernier et les opinions
07:14du Conseil donneront le ton pour rassurer ou à l'inverse inquiéter,
07:19je suis désolé de prononcer ce gros mot ici,
07:21les marchés financiers, puisque notre dette est tout de même
07:24détenue pour plus de la moitié par des créanciers étrangers.
07:28L'Union européenne, je le dis avec toute la foi qui est la mienne,
07:32et l'euro, ce ne sont pas des contraintes, ce sont des engagements.
07:37Mais c'est aussi une sorte de règlement de copropriété et nous devons
07:41à nos partenaires européens d'être à la hauteur de cet engagement.
07:45Nous devons prendre les devants, nous devons afficher clairement
07:48que nous entendons respecter une trajectoire d'adjustement modeste,
07:53mais néanmoins réelle.
07:55La dégradation de la situation des finances publiques en 2024
07:58est inquiétante pour une autre raison.
08:02Je veux y insister et justifier mon propos d'emblée.
08:06Elle rend, à mon sens, impossible la trajectoire pluriannuelle
08:09du programme de stabilité, à laquelle il est vrai peu croyaient
08:13et le Conseil des finances publiques avait mis quelques doutes à sa manière.
08:18Je crois devoir faire preuve ici d'un peu de gravité.
08:21Il est préoccupant pour la France que ces deux dernières trajectoires
08:26pluriannuelles, celle de l'ALPFP décembre 2023,
08:30celle du PESTAB avril 2024, soient devenues caduques
08:34avant même d'avoir connu un début de mise en oeuvre.
08:38Quel que soit ses choix politiques, la France doit réduire son déficit
08:42et sa dette. Un Etat trop endetté est un Etat paralysé.
08:46C'est le message martelé par Pierre Moscovici,
08:49le premier président de la Cour des comptes qui est auditionné
08:53ce 18 septembre par la Commission des finances.
08:56On retourne tout de suite en salle 6350 et on retrouve le commentaire,
09:00le compte-rendu détaillé de Fanny Daï.
09:03Encore une fois, qu'on s'applaise ou non, nous sommes dans la position
09:07un peu du débiteur qui revient à chaque fois devant son créancier
09:10en promettant que cette fois c'est du solide et que c'est sûr
09:14qu'il va tenir ses engagements. Cette trajectoire du programme
09:17de stabilité, j'y insiste, est devenue tout aussi caduque
09:20que celle de la LPFP et elle apparaît même déraisonnable.
09:24En plus d'être peu crédible et peu cohérente,
09:26je reprends les mots du Haut conseil.
09:28En réalité, la Cour et d'ailleurs le HCFP ne croyaient pas beaucoup
09:34au retour sur 3% du déficit en 2027.
09:36Nous l'avons écrit dans le RSPFP publié en juillet.
09:39Ce n'est pas une position de ma part qui serait politique ou idéologique.
09:43Ce sont nos travaux qui le disent et je crois que cette question,
09:46d'ailleurs, elle doit être envisagée avec beaucoup de calme.
09:50Ce n'est pas vertueux d'être pour 3% dans des conditions impossibles.
09:53Ce n'est pas laxiste de penser qu'on doit les retarder
09:56quand les conditions sont impossibles.
09:58C'est juste réaliste.
10:00Les derniers chiffres publiés par le Trésor vont dans ce sens,
10:03même s'il faut les considérer avec précaution,
10:05car ils reposent sur une méthodologie,
10:07vous le savez, en dépense tendancielle et un politique inchangée.
10:11Si rien ne change, le déficit continuerait d'augmenter
10:13après 2024 si aucune mesure d'ajustement n'était prise.
10:16Il pourrait s'élever à 6,2% en 2025.
10:19Ce serait un dérapage de 60 milliards d'euros
10:21par rapport à ce qui figure dans la trajectoire,
10:24contre 4,1 prévus dans le PSTAB.
10:27Le ratio de dette augmenterait lui aussi continuellement.
10:29Il atteindrait 124% du PIB en 2028.
10:33Pour atteindre le déficit prévu dans le PSTAB pour 2025,
10:37il faudrait faire des économies de plus de 60 milliards d'euros
10:40l'année prochaine et donc les documenter dans le PLF pour 2025.
10:45Je ne suis pas poussé au crime.
10:46Je ne le recommanderais pas, en vérité,
10:49malgré tout l'attachement que j'ai pour des finances publiques saines.
10:52Pour respecter à minima les nouvelles règles budgétaires européennes,
10:56ce qui, je le rappelle, est un devoir et un engagement,
10:58nous devrions faire des économies de 30 milliards en 2025,
11:03de 100 milliards à l'horizon 2028.
11:05Ce serait brutal.
11:07À vous d'évaluer si c'est politiquement faisable.
11:09Je ne connais plus rien à la politique.
11:11Ce serait socialement peut-être un peu difficile.
11:15Et en tout cas, économiquement, ce serait guerre cohérent.
11:18Parce que retirer 100 milliards d'euros de la consommation publique et privée,
11:22c'est tout de même un facteur dépressif
11:24qui lui-même risquerait d'entraîner une chute des recettes
11:27et donc d'entraîner de nouvelles économies.
11:29Et donc, on ne sait pas trop bien en fait où ça s'arrête.
11:32N'oublions pas les mécanismes de multiplicateur
11:33et d'efflateur keynésien essentiels.
11:36Pierre Moscovici qui exhorte les parlementaires à dire la vérité
11:39sur la situation des finances publiques françaises.
11:43L'heure est grave, tout le monde est d'accord pour le dire.
11:45Oui, mais que faire ?
11:46Augmenter les impôts ?
11:47Faire de nouveaux coups de rabot ?
11:49Ou bien attendre qu'une croissance miracle règle tous les problèmes ?
11:53Non, non, pas si vite.
11:54La Cour des comptes a peut-être trouvé la solution.
11:57Pierre Moscovici.
11:58Alors, que faire, mesdames et messieurs les députés ?
12:02Cette situation est inquiétante.
12:04Si nous ne faisons rien, elle peut devenir dangereuse.
12:07Et je pense qu'il y a urgence à agir.
12:09J'ai été ministre des Communes et des Finances.
12:11J'ai connu un peu la politique, je l'ai moi-même constaté.
12:14J'avais aussi une situation de dette sérieuse.
12:18Un pays trop endetté n'a aucune marge de manœuvre.
12:21Si on dépense trop d'argent annuellement à rembourser sa dette,
12:2683 milliards, 90 milliards, que sais-je,
12:29comment peut-on investir dans l'avenir ?
12:34Qu'il s'agisse de la transition écologique, si on dira un mot,
12:37qu'il s'agisse de l'éducation,
12:38qu'il s'agisse de l'innovation, de la recherche,
12:40de ce qui est utile à la compétitive d'un pays.
12:43Et nous risquons de devenir impuissants.
12:45Et donc, ce qui est pour moi l'urgence,
12:48c'est de construire un projet de loi de finances sérieux, crédible.
12:50Et je le redis, qu'il dise la vérité aux Français.
12:53On ne peut pas prendre les lois financières pour 2025 à la légère.
12:56Nous avons un peu perdu de temps, chacun a d'évaluer ce point.
13:02Mais c'est vrai qu'il faut, à mon sens, un point d'inflexion.
13:05Je l'ai dit au début, ce point d'inflexion,
13:06c'est vraiment réduire sérieusement le déficit.
13:09Et marquer un coup d'arrêt à l'augmentation de la dette.
13:14Il est crucial, à mes yeux,
13:16je ne rejoins peut-être pas tous les points de vue exprimés ici,
13:19que ce que j'appellerais un vrai projet de loi de finances,
13:21complet, détaillé, soit déposé.
13:24Ce n'est peut-être pas votre point de vue, à tous,
13:26je l'ai lu ici ou là, le temps manque sans doute pour cela.
13:30Mais je crains que si on ne dépose qu'un squelette
13:34ou une architecture à dépense constante,
13:37qui sera ensuite amendée par le Parlement, c'est son rôle,
13:39mais complètement.
13:41À ce moment-là, ça ne réduirait pas beaucoup les déficits.
13:44La qualité de la dépense publique en serait peu améliorée.
13:48Et donc, moi, je m'y mettrais plutôt pour le sérieux de prévision
13:52et d'une trajectoire qui prime.
13:54Quel que soient, en tout cas, les arbitrages rendus,
13:57quelle que soit la date des dépôts,
14:01quel que soit le contenu du projet de loi de finances pour 2025,
14:03il y a quand même des règles constitutionnelles.
14:05Il y a celle de la loi organique qui implique qu'on dépose
14:08le Parlement devant vous le 1er octobre.
14:10Mais il y a aussi celle de la Constitution qui vous impose
14:14d'avoir 70 jours de délai d'ici à Noël.
14:16Donc, vous faites le compte à rebours.
14:18Donc, on ne peut pas attendre trop.
14:20Le Haut conseil des finances publiques rendra un avis sur le
14:22réalisme des prévisions mécroéconomiques,
14:24de recettes et de dépenses, ainsi que sur la cohérence de ces
14:27projets de loi avec les orientations pluriannuelles
14:29définies dans la loi de programmation.
14:31Et il a aussi besoin d'un peu de temps, le Haut conseil.
14:33Donc, on est vraiment, pour le 1er octobre,
14:36au-delà du budget pour 2025, il est impératif à mes yeux de
14:42rebâtir une stratégie pluriannuelle pour nos finances
14:44publiques, sans s'arc-bouter sur l'horizon 2027.
14:49Il faut absolument arrêter de nous engager sur des chiffres que
14:52l'on ne pourra pas atteindre, car là,
14:55nous manquons vraiment de crédibilité.
14:57La trajectoire du programme de stabilité présenté en avril était
15:00non crédible, non cohérente.
15:02L'EHCFP et la Cour le soulignent.
15:04Il serait déraisonnable de tenter de la respecter à tout prix.
15:09Et je le dis ici, la cohérence et la crédibilité,
15:13c'est d'assumer que la France aura sûrement besoin de plus de temps
15:17que la période 2024-2027 pour repasser en dessous du seuil
15:21des 3% de déficit.
15:23Et à ceux qui me suspecteraient là d'avoir une position personnelle,
15:26je reporterai à celle prise par le gouverneur de la Banque de France,
15:30qui est exactement identique.
15:32Pourquoi ? Parce que nous avons tout simplement les chiffres
15:35sous les yeux.
15:36Ce n'est pas un parti-prix quelconque.
15:38Réduire notre dette, c'est une obligation.
15:40Ce n'est ni de gauche ni de droite, c'est d'intérêt général.
15:43Mais nous avons besoin d'une trajectoire véridique.
15:44Aujourd'hui, pour respecter le lot de programmation de finances publiques,
15:48le programme de stabilité, je rappelle que l'un et l'autre
15:50prévoient un passage sur les 3% en 2027,
15:52il faudrait faire, je le redis, plus de 100 milliards d'euros
15:54d'économie en trois ans.
15:56Ce serait, à mon sens, peu cohérent.
15:59Il est impossible, le Conseil le disait clairement,
16:02de poursuivre à la fois des objectifs de croissance ambitieux
16:05et de réduire les déficits en donnant un coup de frein sévère
16:12à la dépense publique.
16:13Il faut être donc plus réaliste, me semble-t-il.
16:16Je pense que la Commission européenne préférera toujours
16:19un discours de vérité, des objectifs réalistes
16:23et des objectifs intenables, sans vraie mesure.
16:26Sur quel levier jouer ?
16:28Premier message de ma part, je pense qu'il...
16:31Et ça, c'est peut-être quelque chose qui a pêché
16:33dans les précédentes trajectoires.
16:35N'attendons pas de remèdes miracles par la croissance.
16:38Il faut absolument préserver la croissance.
16:41Il faut investir davantage.
16:43Mais ne racontons pas que nous allons faire des 2%, 3%.
16:46Que sais-je de croissance ?
16:48La France a une croissance plus résiliente que ses partenaires.
16:51Ce n'est pas un tigre asiatique dans le moment qui vient.
16:54Et donc la croissance potentielle, elle est autour de 1%
16:57pour les années qui viennent.
16:59Et donc il faut rester avec l'idée que ça rapporte quelque chose,
17:02qu'il ne faut pas l'affecter, mais raconter qu'il suffit
17:05d'investir, que la croissance va suivre et que les recettes vont monter.
17:08Ça n'est pas réaliste, d'autant que le contenu des recettes,
17:11plutôt la elasticité des recettes par rapport à la croissance,
17:13paraît quand même un peu amorti.
17:16Le chemin est un peu étroit.
17:19Ce que nous devons rechercher collectivement,
17:21c'est la réalisation d'économies en dépenses
17:23pour que chaque euro d'argent public dépensé soit une dépense de qualité.
17:27Ça, c'est le mot que j'utilise toujours.
17:29Je sais que c'est un chemin étroit pour que ce ne soit pas vain
17:31ou contre-productif, pour que ça ne porte pas préjudice à la croissance.
17:35Ça doit passer par une maîtrise des dépenses réfléchies et raisonnées,
17:38tout le contraire de la technique du rabot qui n'a jamais fait ses preuves.
17:43Je suis persuadé depuis longtemps que la réduction brutale
17:46et uniforme des dépenses publiques n'est pas une solution.
17:49Pour réaliser ces économies, il faut opérer intelligemment
17:51et efficacement en agissant sur la qualité de la dépense.
17:56Ça doit être le seul mot d'ordre.
17:59Nous avons publié la Cour des comptes des notes structurelles
18:02et thématiques en 2022 et 2023 pour proposer des pistes d'économies
18:05dans des champs aussi variés que l'apprentissage,
18:08les soins de ville, les transferts financiers aux collectivités, le logement.
18:12Nous continuons, bien entendu, de le faire à travers tous nos rapports.
18:16Et je remettrai dans quelques jours au Premier ministre,
18:18quand il sera bien installé, trois revues de dépenses
18:22que je n'avais pas pu remettre à son prédécesseur en juillet,
18:25compte tenu du calendrier des élections.
18:28Nous avons peu de temps, mais il faut être très ambitieux.
18:30Enfin, troisième levier après la croissance et les économies en dépenses,
18:34l'outil fiscal.
18:35J'ai cru noter que c'était un sujet de débat en ce moment.
18:39Je vais exprimer grande prudence sur ce sujet,
18:42car vous le savez, ce n'est pas au cœur des compétences de la Cour des comptes.
18:45À titre personnel, je ne crois pas que nous disposions
18:49de grandes marges de manœuvre pour augmenter les impôts.
18:52Notre taux de prélèvement obligatoire est déjà très élevé.
18:54Le consentement à l'impôt est fragile.
18:57Notre compétitivité est un atout à préserver et renforcer.
19:01Je continue d'être attentif à ce que j'avais jadis appelé
19:03le ras-le-bol fiscal, qui saisit tous nos concitoyens,
19:06notamment les plus modestes.
19:08Et pour autant, je le dis ayant été membre de votre commission jadis,
19:12entre autres, le sujet n'est pas tabou,
19:15ni du point de vue du financement de la transition écologique,
19:17ni du point de vue de la justice fiscale.
19:20Nous ne pouvons pas non plus nous permettre,
19:22je l'ai déjà dit aussi et je le répète,
19:24de réaliser des baisses de prélèvements obligatoires non financées,
19:28qui pèseraient obligatoirement sur nos trajectoires pluriannuelles
19:31et sur notre déficit.
19:32Il y a du monde dans cette salle 63.50.
19:35Les députés de la commission des finances sont venus nombreux
19:37écouter Pierre Moscovici et ils ont beaucoup de questions.
19:41Alors il y a 11 groupes politiques à l'Assemblée nationale.
19:43C'est deux minutes par question.
19:45Florilege tout de suite avec les commentaires de Fanny Daï.
19:48J'en viens à mes questions Pierre Moscovici.
19:50Elles sont de trois ordres.
19:53La première, elle a un lien avec ce que je viens de dire en introduction.
19:57C'est-à-dire que si on regarde dans le PESTAB,
20:01le PESTAB intègre implicitement des mesures de hausse de la fiscalité
20:04à hauteur de 15 milliards d'euros en 2025 et de 6,2 milliards,
20:08soit plus de 21 milliards d'euros au total.
20:11Il y a des choses qui ne viennent pas beaucoup dans le débat,
20:14mais qui sont intégrées dans le PESTAB.
20:16Donc ma question, elle est première, c'est que vous dites qu'il n'y a pas
20:20beaucoup de marge de manœuvre sur la question des impôts.
20:22Encore une fois, je le contredis, et notamment sur les impôts
20:28qui ont enrichi considérablement les plus forts détenteurs du capital.
20:33Est-ce que vous ne pensez pas que, justement, c'est peut-être plus là-dessus
20:38qu'il faut rechercher des économies pour les années à venir ?
20:42Quand je dis impôts, je parle aussi des dépenses fiscales
20:44qui sont sur la table, plutôt que dans une baisse des dépenses publiques.
20:49Sur la baisse des dépenses publiques, les chiffres des directeurs de l'OFCE
20:54sont assez intéressants pour 2025.
20:59Il explique que si, par exemple, on suit la note de recommandation
21:04du ministère de Bercy sur l'idée qu'on ne peut pas se contenter
21:09de 15 milliards de baisse de dépenses publiques en 2025,
21:12et qu'il en faudrait 30 pour peut-être arriver à satisfaire
21:18les engagements de la France, il estime que cette baisse de 30 milliards
21:23serait équivalente à une baisse de 0,5% de croissance,
21:28vu l'effet dépressif que peut avoir une politique de ce type.
21:32Là-dessus, est-ce que la Cour des comptes a tenté d'estimer
21:35l'ampleur potentielle de cet effet dépressif qui pourrait résulter
21:39de ces politiques de baisse des dépenses publiques ?
21:43Et enfin, j'ai une troisième question sur la vieille question écologique.
21:46La Cour rappelle certains travaux qui chiffrent le coût
21:48du dérèglement climatique pour les finances publiques
21:50à plusieurs milliards d'euros dès 2030.
21:53A force de refuser, pour ma part, je le crois,
21:55une politique suffisamment ambitieuse en matière de bifurcation,
21:58je ne vais pas rappeler ici les 37 milliards recommandés d'ici 2027
22:02par le rapport Pisani-Ferry pour un investissement public
22:06en matière écologique, je pense que le retour de bâton
22:09va être rapide et violent pour tout le monde.
22:11Mais de votre côté, pour limiter les dépenses publiques,
22:13vous proposez de faire confiance au marché en invitant,
22:16je cite, à rouvrir le débat sur une tarification
22:18et une fiscalité du carbone plus élevées.
22:21Les conséquences, nous les connaissons.
22:22Hier, Mme Merceau était là pour nous rappeler,
22:26à l'occasion de la présentation du rapport
22:28sur les certificats d'économie de l'énergie,
22:30le fait que ça peut être aussi un rapport du coût
22:32vers les consommateurs avec, évidemment,
22:34les conséquences qu'on peut imaginer.
22:36Alors, est-ce que vous recommandez de redistribuer
22:38les recettes supplémentaires liées à ces dispositifs
22:41vers les ménages des moins favorisés ?
22:42Et comment, dans cette situation, pourraient s'opérer
22:45ces redistributions pour qu'elles soient
22:47la moins injustes possibles ?
22:49Je passe la parole au rapporteur général.
22:51Je vous repasserai la parole après.
22:52Et après chaque intervenant,
22:53vous aurez l'occasion de répondre. Merci.
23:01Monsieur le Premier président de la Cour des comptes,
23:04je partage pour l'essentiel le diagnostic porté par la Cour
23:09sur la situation et les perspectives des finances publiques.
23:13La situation des finances publiques, mes chers collègues,
23:15elle n'est pas préoccupante.
23:17Je trouve que l'adjectif utilisé ces derniers temps
23:22par la Cour des comptes est insuffisant.
23:24Elle est très grave.
23:27Et elle nous pose question dans tous nos courants politiques.
23:32Et pour redresser les finances publiques,
23:35mes chers collègues, ne croyez pas ce qu'on a essayé
23:39de vous faire croire pendant des années,
23:41qu'on allait avoir une envolée du taux de croissance
23:43et que la croissance allait régler nos problèmes.
23:46De ce point de vue-là, nous sommes toujours à 1% depuis 10 ans.
23:50Deuxièmement, ceux qui croient qu'on peut redresser
23:53les finances publiques en augmentant massivement
23:57les recettes se trompent.
24:00Ça ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir
24:02un certain nombre de mesures dans le sens notamment
24:06d'une meilleure justice fiscale.
24:08Mais que ce n'est pas comme cela qu'on peut le redresser
24:12et qu'il faut arrêter les réductions d'impôts.
24:16Il y en a eu pour 60 milliards à peu près depuis 7 ans,
24:21c'est-à-dire grosso modo 2, 2,5 points de PIB.
24:25On ne l'aurait pas fait.
24:27On serait dans une situation moins désastreuse.
24:31Et troisième point, c'est sur la dépense.
24:35Et faire des réductions de dépenses justes,
24:39ça devrait être ça, notre débat entre nous tous.
24:43Nous avons obtenu des ministres les fiches
24:47qui sont à votre disposition, n'est-ce pas M. le Président,
24:50qui étaient toutes les idées qui avaient été proposées
24:53aux ministres de réduction.
24:55Il y a tout dedans.
24:56Il y a des choses qu'il faut absolument écarter.
24:58Il y en a qui méritent vraiment un vrai examen.
25:02Et c'est là-dessus que si nous étions une démocratie mature,
25:07nous devrions nous réunir pour voir
25:09qu'est-ce qu'il est possible de faire.
25:11Après cette brève introduction,
25:13je voudrais vous poser quatre questions,
25:14M. le Premier Président.
25:17Ma première question, c'est sur les économies de dépense
25:21à réaliser en 2025.
25:24Votre rapport mentionne des économies
25:26insuffisamment documentées, je cite,
25:28et un flou sur la trajectoire de réduction des dépenses.
25:32Est-ce que la Cour des comptes pourrait un peu préciser
25:36son propos là-dessus ?
25:38Et puis, la Cour des comptes soulève également
25:40la question de l'importance du taux de croissance du PIB,
25:47d'un éventuel plan de réduction important,
25:51c'est-à-dire 25-30 milliards par an de la dépense publique.
25:56Est-ce que la Cour a une estimation des conséquences
26:00sur le taux de croissance d'une telle politique ?
26:04Et dans quelle mesure, vu la nature des économies,
26:09est-ce que certaines économies auraient des incidences
26:11moindres que d'autres ?
26:14Voilà la première question.
26:15Deuxième question, sur la volonté de revenir sur la barre
26:19des 3% de déficit public en 2027,
26:22puisque c'est actuellement l'objectif qui demeure.
26:27Vous avez déclaré ne pas être opposé à un léger report
26:30du calendrier budgétaire.
26:31Est-ce que vous pourriez préciser cela ?
26:34Est-ce que c'est un an ou deux ans,
26:36comme beaucoup de gens le pensent,
26:37c'est-à-dire de reporter de 2027 à 2029,
26:41déjà l'objectif de revenir à 3% ?
26:45Et selon vous, les hypothèses macroéconomiques retenues
26:51sont-elles toujours trop optimistes
26:53ou est-ce qu'il faut rester tout simplement autour de 1%
26:56de taux de croissance potentiel ?
26:58Voilà ma deuxième question.
27:00J'ai une troisième question qui va passionner
27:02beaucoup de nos collègues ici présents,
27:04notamment ceux qui sont élus dans des collectivités territoriales.
27:08C'est que la semaine dernière, les ministres des Finances
27:10et du Budget ont estimé le dérapage des déficits publics
27:15pour 2024 à autour de 0,5-0,6 points de PIB.
27:19Et ils ont imputé ce dérapage au dérapage des dépenses
27:23des collectivités locales, qu'ils ont estimé à 16 milliards,
27:28c'est-à-dire 11 milliards sur les dépenses de fonctionnement.
27:30Je rappelle pour les collègues que dans le PESTAB,
27:34l'augmentation des dépenses de fonctionnement était estimée
27:37des collectivités territoriales à 1,8 et qu'on serait autour de 7%.
27:45Et 5 milliards de dérapage sur les dépenses d'investissement,
27:49dans le PESTAB, c'est estimé à plus 7,8%,
27:52c'est-à-dire lié au cycle électoral,
27:53puisque en fin de période électorale,
27:57avant les élections de mars 2026, on accélère les investissements,
28:01c'est ce qu'on a constaté depuis des dizaines d'années.
28:06Et donc, on serait à 14,9% d'augmentation à fin juillet.
28:13Alors ma question est la suivante.
28:14La Cour des comptes estime-t-elle réaliste les prévisions
28:18gouvernementales qui figuraient dans le PESTAB pour 2024
28:21et relatives aux collectivités territoriales ?
28:23Que certains disent cette dérive,
28:25elle est par rapport à des objectifs totalement irréalistes,
28:28notamment 2 milliards d'économies sur le fonctionnement,
28:31dont on n'a jamais su qu'est-ce qu'étaient ces 2 milliards.
28:36Et puis, deuxième question,
28:38quelle part du dérapage des finances publiques,
28:41d'après la Cour des comptes, est imputable aux collectivités
28:43territoriales pour l'exercice 2024 ?
28:47Et puis, dernière question, c'est une question subsidiaire,
28:50Monsieur le Premier Président, c'est que la Cour des comptes
28:54soulève les risques constitutionnels liés à l'éventuelle
28:59rétroactivité de l'éventuelle taxe sur les rentes énergétiques
29:05qui figurerait dans le projet de loi de finances pour 2025,
29:09mais rétroactif sur 2024.
29:13Alors, est-ce que vous pourriez éclairer la Commission
29:17sur le risque d'un tel dispositif ?
29:23Monsieur le Président, sur ces questions.
29:26Merci, Monsieur le Rapporteur général.
29:28Je partage tout à fait votre réflexion initiale sur le fait
29:30que la dette écologique est mortelle,
29:32que la dette financière ne l'est pas,
29:33mais en vérité, il ne faut pas non plus tomber dans le jeu de mots,
29:36parce que si nous sommes très endettés sur le plan financier,
29:38nous ne pourrons pas résorber la dette écologique.
29:40Donc, in fine, disons quand même que c'est une maladie
29:43qui est un peu commune et que les 2 dettes,
29:45c'est quand même ça le message du rapport sur la situation
29:48des perspectives des finances publiques,
29:49doivent être traitées ensemble.
29:50On peut avoir, et c'est mon cas, beaucoup plus de sympathie
29:53sur le fait de s'endetter pour la transition écologique
29:56que de s'endetter pour d'autres motifs,
29:58mais in fine, quand vous êtes le gestionnaire
30:00des finances publiques, quand vous êtes l'agence France Trésor,
30:02vous avez une dette, et celle-là,
30:05elle a quand même les mêmes créanciers,
30:07et au final, c'est quand même une masse qui est globale,
30:10et donc, si on veut pouvoir investir
30:12sur la transition écologique,
30:13et c'est quand même le message du rapport des finances publiques
30:16de manière très claire, il faut dégager des marges
30:18financières, sans quoi on parle aimablement,
30:22mais on agit peu.
30:23Je ne vais pas revenir sur la comparaison avec l'Allemagne,
30:26elle est un peu difficile, mais il n'empêche quand même
30:29que nous n'avons pas exactement les mêmes problèmes
30:31et que la baisse de la croissance allemande
30:32n'est pas imputable spécialement à ces questions
30:34de finances publiques.
30:35C'est pour l'essentiel sa dépendance à l'égard du gaz russe.
30:38C'est un modèle qui a été entièrement fondé
30:39sur l'exportation.
30:41C'est des problèmes de transition dans certaines industries.
30:44Notons quand même que l'Allemagne,
30:45avec toutes ses faiblesses, a quand même une base
30:46industrielle qui est deux fois supérieure à celle de la France,
30:49ce qui nous donne quand même quelques capacités de rebond.
30:50Nous avons, nous, une économie qui est sans doute plus résistante,
30:53qui est moins sensible aux chocs, mais qui est aussi moins capable
30:56de rebond, mais ça, c'est un enjeu pour nous tous.
31:00J'en viens aux questions que vous posez.
31:01Je vais essayer de faire masse de certaines questions que vous avez
31:03posées tous les deux, puis je répondrai à d'autres
31:05plus spécifiquement, notamment deux questions du président
31:10et deux questions du rapporteur général qui,
31:11me semble-t-il, vont dans le même sens.
31:14D'abord, sur les prélèments obligatoires,
31:17puisque c'est une question que vous avez soulevée l'un et l'autre,
31:20à supposer qu'elles soient politiquement acceptables
31:24et socialement acceptées, c'est la question du consentement
31:27à l'impôt que j'évoquais.
31:28Je vous renvoie d'ailleurs à un très bon baromètre
31:30des prélèments obligatoires qu'établit ce Conseil
31:34des prélèments obligatoires, qui montre quand même
31:36la fragilité de ce consentement.
31:37Ne croyons pas qu'on peut avoir un taux de prélèments
31:39obligatoires très élevé.
31:42Une hausse, par exemple, de 70 milliards d'euros
31:44de prélèments obligatoires d'ici à 2027,
31:46en contrepartie d'une absence d'économie en dépenses,
31:48en se contentant dessus de l'évolution tendancielle,
31:52aurait budgétairement, dans un raisonnement assez basique,
31:56à croissance donnée, le même effet que la trajectoire
31:59du programme de stabilité.
32:00Donc, de ce point de vue-là, vous vous interrogiez,
32:03et c'est vrai que les travaux de l'OFCE,
32:04qui est quand même l'institut le plus keynésien présent
32:07sur la place, montrent bien qu'une économie en dépenses
32:10n'est pas neutre sur la croissance,
32:12que ça a un impact, mais dans certaines conditions.
32:14C'est ça que je veux préciser.
32:17En réalité, je pense qu'il faut un raisonnement un peu plus fin,
32:21un peu plus granulaire, et dire que les effets
32:23sur la croissance dépendent des mesures d'ajustement
32:26qui seront retenues.
32:27En particulier, des hausses d'impôts sur les entreprises
32:30ou sur l'ordre du travail peuvent avoir des effets dépressifs
32:32moindres, même à court terme, par rapport à certaines
32:35économies de dépenses publiques, mais ont des effets négatifs
32:38croissants et persistants, pourquoi ?
32:40Parce que ça affaiblit assez durablement notre compétitivité,
32:43ça augmente le taux de chômage structurel.
32:45Je pense donc qu'une hausse des prélèvements massifs,
32:48encore une fois, supposée qu'elle soit acceptée,
32:51acceptable politiquement et socialement,
32:53pèserait assez durablement sur notre croissance
32:55et serait contre-productive à moyen terme.
32:57Certaines économies peuvent en outre être rapidement indolores
33:02sur l'activité économique si les dépenses concernées
33:07sont peu efficaces.
33:08Et c'est pour ça que ce que nous préconisons,
33:11c'est la nécessité de privilégier des économies qui reposent
33:13sur une évaluation de la qualité des dépenses publiques.
33:15Il y a quand même effectivement toute une série de travaux,
33:18vous l'avez fait vous-même, sous la houlette du député
33:20de la Barogne, ceux de l'inspection générale,
33:22ceux de la Cour des comptes.
33:24Il y a les mesures que vous avez collectées apparemment
33:26dans les ministères.
33:27Il y a possibilité de faire des économies intelligentes,
33:29c'est-à-dire qui ne pèsent pas sur la croissance.
33:31Tout de même, quand nous avons 56% de dépenses publiques
33:33dans le PIB, ne laissons pas croire que tout est efficace
33:35sur cette dépense.
33:36Ça n'est pas exact, sinon nous fermerions quelques boutiques,
33:40par exemple la Cour des comptes.
33:41Non, il y a beaucoup de choses à faire
33:43pour des économies intelligentes.
33:45Et si on fait cet effort, je crois que vous avez évoqué cela,
33:47M. le rapporteur général, d'honnêteté,
33:50de travailler en profondeur sur les dépenses publiques,
33:51vous trouverez des dépenses qui sont peu efficaces
33:54ou moins efficaces et qui, pour autant,
33:56si on les réduit, ne pèseront pas sur la croissance.
33:58Par ailleurs, il ne vous a pas échappé que le RSPFP
34:01reprochait précisément la trajectoire des problèmes
34:03de stabilité de ne documenter en vérité
34:05ni les mesures d'économie, ni les hausses
34:07du prélèvement obligatoire sous-jacentes.
34:09Et en l'absence de ces informations,
34:10l'exercice de chiffrage précis que vous demandez
34:13de l'impact sur la croissance des mesures d'adjustement
34:15en dépenses et recettes serait quand même très hasardeux.
34:18Et ça, c'est un problème commun.
34:20C'est-à-dire que tous les documents,
34:22plutôt tous les programmes que nous avons reçus
34:25au cours des deux dernières années étaient très peu documentés,
34:29tant en recettes qu'en dépenses.
34:30Et donc, je me refuse de faire des spéculations
34:32à dire combien ça monte, sa dépense,
34:34puisqu'en réalité, nous ne savions pas.
34:36Nous ne savions pas tout simplement de quoi il s'agissait.
34:40Ensuite, pour ce qui est des économies en dépenses
34:43et du PIB que vous évoquiez, M. le rapporteur général,
34:48je dirais que ce qu'il faut absolument au préalable
34:50de votre discussion de finances publiques,
34:51si je peux me permettre ce conseil, cet avis,
34:54c'est qu'une trajectoire nouvelle soit donnée
34:57et que cette trajectoire soit effectivement
35:00robuste et documentée.
35:02Si elle ne l'est pas,
35:04je trouve que vos travaux seront compliqués.
35:07Je sais que ceux du Haut conseil des finances publiques
35:09sont en réalité impossibles et je sais que tout raisonnement
35:12sera ensuite, à la hausse ou à la baisse,
35:14totalement spéculatif.
35:15Et donc, ça, c'est la base de tout.
35:18Sur 2027 et les 3 %,
35:23je me suis déjà exprimé devant vous,
35:25je me suis exprimé ailleurs et je vous redis aujourd'hui
35:27ce que je pense, d'une manière très précise.
35:31Je suis attaché au respect des 3 %, évidemment.
35:34J'ai été ministre des Affaires européennes au moment
35:36du lancement de l'euro, j'ai été commissaire européen,
35:39j'ai été ministre des Finances et j'ai veillé à ce que la France
35:42respecte, comme d'autres, ces exigences.
35:46Mais ce que je constate, je vais être un peu trivial,
35:49nous disions, on nous disait en 2022, en 2023,
35:55qu'on avait cinq ans pour parvenir à 3 %,
35:57partant d'un niveau qui était inférieur à 5 %.
36:00Maintenant, si on prétendait qu'en trois ans,
36:05on peut revenir à 3 %, en partant de 5,5 %,
36:10ce serait un effort qui ne serait pas crédible,
36:14qui serait socialement très difficile et qui serait
36:16économiquement très dépressif.
36:19Et c'est la raison pour laquelle des hommes,
36:21nous sommes des hommes aussi modérés et dans des fonctions
36:24publiques aussi officielles que le gouverneur de la Banque de France
36:27et moi-même, nous vous disons, d'une certaine façon,
36:31c'est un crève-cœur pour lui comme pour moi,
36:33pour la Banque comme pour la Cour.
36:35Non, 3 % en 2027, ce n'est pas possible et ce n'est pas souhaitable,
36:41j'ajouterais, à ce stade.
36:44Non, je n'y crois pas.
36:45Bien, on commence sans plus tarder.
36:47Mathias Renaud, 2 minutes, Rassemblement national.
36:50Oui, merci, Monsieur le Premier président.
36:53Je vous remercie pour ce rapport, mais j'ai l'impression d'être
36:55dans un jour sans fin, c'est-à-dire que pendant des années,
36:59on a Bruno Le Maire qui est venu vendre son image de sérieux,
37:03faire des discours sérieux, donner une impression de sérieux,
37:09que tout était sous contrôle et en réalité,
37:11ce n'est absolument pas le cas.
37:12Et là, vous vous prenez, vous en prenez directement à la crédibilité,
37:16finalement, des annonces qui sont faites, qui ont été faites
37:19pendant ces temps, à tel point que certaines orientations
37:22pluriannuelles deviennent caduques, vous l'avez dit vous-même,
37:24au bout de quelques mois.
37:26Donc, la situation des finances publiques est catastrophique à l'instant.
37:32Et ce qui, on va dire, est saillant dans la situation actuelle,
37:36c'est que d'abord, on est sous la coupe de la Commission européenne.
37:41Ça, c'est tout à fait nouveau.
37:43Deuxièmement, on est sous la coupe aussi des marchés financiers
37:45et on n'est pas à l'abri d'une attaque sur la dette
37:48par les marchés financiers.
37:50Et troisièmement, on a un déficit public qui non seulement
37:53est important, mais devient hors de contrôle.
37:55C'est-à-dire que là, on est à 5,1 en 2023,
37:58c'est-à-dire très au-dessus de ce qui était prévu,
37:595,6 en 2024, et si rien n'est fait, 6,2% en 2025.
38:04Alors moi, j'ai trois questions à vous poser,
38:06Monsieur le Premier Président.
38:07C'est d'abord, pour 2024, je vais revenir là-dessus,
38:10mais sur les dépenses des collectivités locales.
38:13Le gouvernement a dit que les 16 milliards d'euros,
38:16c'était la contribution des collectivités locales
38:18au déficit public.
38:19C'est inexact et le tableau a bien montré que c'était un écart
38:23de dépenses.
38:23Est-ce que vous pouvez confirmer ce point ?
38:26Deuxième question, pour 2025, l'enveloppe qui nous est
38:30présentée dans les lettres plafond qui ne sont pas communiquées,
38:33c'est une enveloppe globale de 492 milliards d'euros.
38:38Par rapport à la trajectoire qui serait crédible,
38:41combien il manque ?
38:42Combien il faudrait raboter par rapport à ces 492 milliards
38:45d'euros pour rentrer dans les clous ?
38:47Troisième question, il y a une hypothèse quand même
38:50dans ce budget, c'est un échec du budget,
38:52c'est-à-dire un budget qui serait rejeté.
38:54Et dans ce cas, on entrerait dans une hypothèse en janvier 2025
38:58de décret d'ouverture de crédit mensuel.
39:01Et dans ce cas-là, ce serait très compliqué à contrôler
39:04pour les parlementaires.
39:05Quel sera le rôle de la Cour des comptes dans ce cadre-là ?
39:08Monsieur le député, merci.
39:10Je réponds d'un mot à ce que disait tout à l'heure
39:12le rapporteur général.
39:13Nous ne disons plus préoccupant, nous disons inquiétant
39:14pour la situation des finances publiques.
39:16C'est l'adjectif que je vais utiliser.
39:19Pour ce qui est des collectivités locales, oui, c'est exact
39:21qu'il s'agit des cartes de dépense.
39:23Le tableau présenté par le rapporteur général qui vient,
39:25je crois, du ministère des Comptes publics,
39:27le dit de manière assez précise, je confirme.
39:29Je ne peux pas me prononcer sur les lettres plafond,
39:31je ne les connais pas plus que vous.
39:34Ce que je dis simplement, c'est qu'il faudra qu'il y ait
39:35d'une part une trajectoire qui soit crédible et sérieuse,
39:38et d'autre part, des économies en dépenses et des mesures fiscales
39:42qui permettent de faire l'équilibre qui sera retenu
39:46par la trajectoire.
39:47Je ne peux pas en dire beaucoup plus,
39:49mais je vous redis que pour ma part,
39:51je préférerais nettement un budget un peu plus détaillé
39:54qu'un simple squelette, ce qui permettra d'avoir
39:56justement une meilleure qualité du débat public,
39:58car sinon, ça devient assez difficile.
40:02Et c'est d'ailleurs en lien avec la troisième question.
40:04Je ne peux pas envisager facilement un échec de la
40:07discussion budgétaire.
40:09Avoue de la faire aboutir à bon port,
40:12mais disons qu'il faut avoir un PLF de la meilleure qualité
40:17au départ pour avoir une arrivée qui soit satisfaisante.
40:19Si je peux faire ce jugement normand que je ne suis pas.
40:23Malheureusement, une partie des conclusions de la Cour
40:25ne nous surprennent pas.
40:27Nous alertons depuis longtemps sur les risques des baisses
40:30massives d'impôts pour les plus riches et celles aussi des baisses
40:32de cotisations sociales qui ont été imposées par Emmanuel Macron
40:35depuis ces sept dernières années.
40:37Malheureusement, ces alertes n'ont pas été entendues,
40:39et nous voilà dans le rouge.
40:40Le déficit s'est gravement creusé et la France est sous le coup
40:43d'une procédure de l'Union européenne pour déficit excessif.
40:47C'est un bilan tout à fait catastrophique,
40:49et j'espère que tous les membres de notre commission ont bien noté
40:51votre chiffrage du coût des baisses d'impôts et de cotisations.
40:5562 milliards d'euros depuis 2018.
40:58Sans ces coupes, nous ne serions pas en déficit
41:00excessif aujourd'hui, et nous serions même
41:03presque en dessous de ces fameux 3%.
41:07Cela le donne à réfléchir à quelques semaines du début
41:09de l'examen du budget, si le Premier ministre
41:11deigne enfin nous en présenter un, et encore dans les temps.
41:14Un autre constat qu'on partage, ce concerne la crédibilité
41:17des prévisions économiques du précédent gouvernement.
41:20Ce n'est pas la première fois, d'ailleurs, que ces prévisions
41:22ne sont pas sincères, et ça, c'est un véritable problème démocratique.
41:26De la même manière, votre alerte sur le fait de couper
41:2810 milliards d'euros de dépenses pour tenir l'objectif
41:31des 3% en 2027 nous amène tout droit dans une spirale de récession.
41:36J'espère vraiment que les collègues présents aujourd'hui
41:38prennent autant au sérieux que nous ces alertes.
41:41J'aimerais maintenant que vous précisiez,
41:42et non à titre personnel comme vous l'avez fait,
41:44mais en tant que Premier Président de la Cour des Comptes,
41:47et ça, c'est ma première question, quels sont les impôts
41:49que vous recommandez d'augmenter ou de créer pour remédier
41:51à cette crise des recettes que vous pointez ?
41:54Et il y a un dernier point sur lequel je souhaiterais
41:56vous interpeller, c'est les finances des collectivités locales.
41:59Je ne comprends vraiment pas cet acharnement
42:00à vouloir imposer des coupes budgétaires.
42:02Leur dette est stable depuis 30 ans, leurs dépenses pèsent moins
42:05dans le PIB que partout ailleurs en Europe, et par ailleurs,
42:08certaines augmentations de leurs dépenses découlent directement
42:11des décisions nationales qui s'imposent à elles.
42:13Concrètement, quels sont les arguments qui motivent
42:15votre demande pour, je cite, un mécanisme de régulation
42:18de leurs dépenses ? De quelles dépenses parlez-vous précisément ?
42:21Est-ce que c'est celle qui se permet de faire fonctionner
42:23des services publics de qualité dont ont tant besoin nos concitoyens ?
42:27Merci Madame la députée, merci d'abord pour l'appréciation
42:30positive que vous portez sur les travaux de la Cour des Comptes,
42:33qui vise à informer la représentation nationale
42:35et les citoyens dans leur ensemble.
42:38Ensuite, ma réponse sera assez brève à vos questions,
42:41sur les impôts, ni à titre personnel,
42:43ni à titre de président de la Cour des Comptes,
42:44je ne fais de préconisation sur des augmentations.
42:47La seule chose que j'ai dite, c'est que je pensais en effet,
42:49j'ai essayé d'expliquer pourquoi la marge manœuvre n'était quand même
42:51pas infinie, mais dans le même temps,
42:54le débat ne peut pas être tabou, j'ai évoqué deux sujets,
42:57la justice fiscale et le financement de la transition écologique,
42:59qui mérite au moins quelques réflexions sur ce sujet-là.
43:02Je suis persuadé que vous n'aurez en l'occurrence pas besoin de moi
43:06pour faire preuve d'imagination.
43:07Pour ce qui est du financement des collectivités locales,
43:11je crois en effet qu'il serait tout à fait injuste et injustifié
43:15de mettre tout sur le dos des collectivités locales.
43:17Ce n'est pas le cas.
43:17En revanche, il y a effectivement des évolutions en dépenses
43:20qui contribuent à la montée de cette dépense publique.
43:25Et je crois que dans le prochain projet de loi de finance,
43:28il est important, j'ai indiqué, une trajectoire,
43:30que si cette trajectoire fixe un objectif pour les collectivités
43:32locales, cette fois, ce soit documenté et qu'on se donne
43:35les moyens de le respecter.
43:36Autrement dit, il faudra bien que les collectivités locales
43:38contribuent à leur place, à leur part, à cet effort collectif.
43:43J'ai dit tout à l'heure une chose, j'ai, c'est vrai,
43:45trois revues de dépenses publiques qui sont prêtes.
43:48Il y en a une sur le financement des collectivités locales
43:50qui sera intégrée au rapport sur la situation des finances
43:53publiques locales que je rendrai publiques dans quelques jours.
43:56Un premier point pour réagir sur 2023, où vous indiquez,
43:59d'ailleurs vous en faites un chapitre entier,
44:01une très mauvaise année pour les finances publiques,
44:03avec une dégradation par rapport à 2022,
44:06un dérapage par rapport aux prévisions.
44:10Je voudrais savoir si, quand vous dites une très mauvaise année,
44:13est-ce que, pour vous, c'est la plus mauvaise des années,
44:15hormis les années de crise sanitaire ?
44:18Vous ajoutez, par ailleurs, vous avez indiqué qu'il nous
44:21fallait reprendre le contrôle de nos comptes publics.
44:24Donc, moi, je vous pose une question.
44:26Est-ce que notre pays a perdu, à ce stade,
44:29le contrôle de nos comptes publics ?
44:32Vous indiquez ensuite, en évoquant 2023,
44:36en page 21 de votre rapport, et vous l'avez redit,
44:39qu'aucun effort significatif d'économie en dépenses n'a été fait.
44:42Effectivement, je rappelle, pour quelques chiffres qu'a indiqué
44:46le Président il y a quelques instants,
44:48que nos dépenses publiques, en 2019,
44:50qui représentaient 55,3 points du PIB,
44:53représentent maintenant 57 % en 2023.
44:56Il y a eu beaucoup de promesses, la main sur le cœur,
44:59en termes de dépenses publiques, beaucoup de communications,
45:02mais effectivement, ça n'a jamais été documenté.
45:04Vous l'avez dit à plusieurs reprises, d'ailleurs.
45:07Et vous dites, il faut arrêter d'inscrire des chiffres
45:09que l'on ne pourra pas atteindre.
45:11Est-ce que, pour vous, il y a eu une part,
45:13je dirais, d'incrédulité, d'insincérité,
45:16dans ce qui avait été préparé ?
45:19Un troisième point que j'aimerais aborder,
45:20c'est la crédibilité de notre pays au niveau européen.
45:23Ça, c'est une véritable inquiétude.
45:25Je dirais que c'est un cataclysme, quasiment.
45:28Est-ce que, pour vous, parce que vous indiquez que la France
45:31a globalement moins bien récupéré que ses partenaires européens,
45:34page 23, est-ce que nous sommes moins protégés aujourd'hui
45:38qu'il y a quelques années, compte tenu de notre singularité
45:41au niveau européen ?
45:42Et une dernière question, est-ce que les politiques
45:44conduites en supprimant des impôts aux taxes d'habitation CVAE
45:48sans les financer par des économies substantielles
45:50ont été une erreur ?
45:52Je vous remercie.
45:54Merci, Monsieur le Président.
45:55Madame la députée, il y a une question
45:56à laquelle je vais répondre très rapidement.
45:59Est-ce que c'est la plus mauvaise année ?
46:00En tout cas, 0,6 points de dérapage sur une année
46:02par rapport aux prévisions.
46:04Je n'ai pas la mémoire d'un tel dérapage,
46:07donc c'est sûrement une très, très mauvaise année,
46:09sans aucun doute.
46:10Mais ça ne pourrait pas être terrible cette année non plus.
46:13Je disais que ça risquait de se reproduire.
46:15Là, on est plutôt sur un train de 0,4, 0,5 points de dérapage
46:18qui n'est pas non plus négligeable.
46:19Et sur deux ans, ça écarte encore davantage les 3 %.
46:21C'est la raison pour laquelle je dis que si vous n'arrêtez pas
46:24de monter et que vous voulez toujours avoir le même objectif
46:26à l'arrivée, ça, de la pente, devient, comme disait quelqu'un,
46:28extrêmement raide, extrêmement raide, très forte.
46:32Sur le deuxième point, sur l'insincérité,
46:36je le redis ici, c'est un sujet sur lequel je me suis
46:38déjà exprimé plusieurs fois devant vous et plusieurs fois à l'extérieur.
46:40Je suis très vigilant à ne pas évoquer l'insincérité
46:43à tout bout de champ.
46:44Le Haut conseil ne l'a jamais fait,
46:46si ce n'est rétroactivement sur une loi de finances en 2017,
46:49et d'ailleurs, à mon avis, pas à raison.
46:50Mais enfin, ça, c'est un autre sujet.
46:51Pourquoi ? Parce que ça met en doute la volonté du gouvernement
46:55de dire la vérité, ça suppose une intention de tromper.
46:57J'ai parlé aussi de clarité et de sincérité du débat.
47:01Ça, c'est une autre chose qui découle de la jurisprudence
47:04du Conseil national, mais s'il arrivait,
47:07effectivement, qu'un budget nous paraisse insincère,
47:10nous le dirions.
47:11C'est une question que nous nous posons à chaque fois.
47:13Vous aurez noté que, la dernière fois,
47:14dans notre avis sur le PESTAB, nous avions prononcé,
47:15pour la première fois, un mot nouveau, incohérence.
47:19Voilà, il ne faut pas aller plus loin, tout de même.
47:20Ça, je veux mettre...
47:22Alors, sur le contexte de l'Union européenne,
47:25ce n'est pas inédit, je ne sais plus lequel de vous l'a dit,
47:27ce n'est pas la première fois qu'on a un processus
47:28pour déficit excessif, mais là, nous sommes parmi
47:30un petit nombre de pays, et ce n'est pas la place
47:33que doit avoir la France dans l'Union européenne,
47:34pays fondateurs, pays moteurs.
47:37Elle ne peut pas être dans le peloton de que,
47:40et encore une fois, ça suppose que nous leur disions
47:41à la Commission vraiment ce que nous allions faire.
47:44Enfin, dernière chose sur les impôts,
47:46je me suis prononcé à plusieurs reprises ici et ailleurs
47:49en disant qu'il fallait arrêter des baisses d'impôts non financées,
47:53parce que là, pour le coup, ça contribue à creuser le déficit.
47:56Et alors, j'y reviens plus sérieusement,
47:58baisser la dette, c'est un impératif catégorique
47:59pour nous tous.
48:00Je ne sais pas comment vous allez mener des politiques écologiques
48:04avec une telle dette, je ne sais pas comment on peut
48:06mener des politiques d'une autre nature,
48:08et encore une fois, ce n'est pas un sujet de droite
48:10ou un sujet de gauche.
48:11Un gouvernement qui a une charge de la dette
48:13de plus de 80 milliards d'euros à rembourser par an
48:16est un gouvernement qui, en matière d'action publique,
48:18est tout de même très, très, très, très contraint,
48:21pour ne pas dire impuissant.
48:23Et un État surrendetté est un État paralysé.
48:26Et personne, ici, ne doit l'ignorer.
48:29Alors, je vais revenir sur un sujet.
48:30Vous avez évoqué la dette écologique et la dette financière.
48:33Permettez-moi d'en rajouter une troisième.
48:35Je sais que ça fait beaucoup, mais c'est celle du vieillissement.
48:38Si nous voulons, bien sûr, que notre société prenne en charge
48:42dignement nos aînés.
48:44Le mur de la transition démographique, il est devant nous
48:47et nous regardons ailleurs, si vous me le permettez.
48:51Et cette politique du grand âge, elle relève, bien sûr, de l'État,
48:54mais elle relève aussi des départements.
48:56Et si je dis ça, c'est que les départements,
48:59et vous l'avez aussi souligné, c'est qu'en 2022,
49:01la situation des collectivités était globalement satisfaisante
49:04pour toutes les catégories.
49:05Et en 2023, elle s'est fortement dégradée,
49:09notamment pour les départements.
49:11Alors, comment faire quand on a des injonctions contradictoires,
49:15notamment quand ils doivent financer les AIS et,
49:18en même temps, répondre aux injonctions ?
49:22Merci.
49:23Nous avons moins traité cette question cette année parce que
49:25chaque année, nous avons une sorte de chapitre thématique,
49:27et cette année, il était sur la transition écologique.
49:28Mais vous avez entièrement raison sur la dette liée au vieillissement.
49:32Je vous renverrai notamment à un rapport que la Cour des comptes
49:34avait publié il y a deux ans sur les EHPAD et qui montrait,
49:37mais oui, que nous avions une insuffisance de financement de
49:40l'ordre de près de 2 milliards d'euros par an sur ce sujet.
49:43Donc, c'est un sujet que nous devons collectivement traiter,
49:44bien sûr.
49:45Et dès lors, la situation des départements, je me déplace,
49:48j'étais à Marseille la semaine dernière,
49:50j'étais dans le Pas-de-Calais, j'ai discuté avec le président
49:52du conseil général du Pas-de-Calais de la situation compliquée
49:54d'un tel département.
49:55Ça fait aussi partie des sujets qui doivent être traités bien
49:57entendu.
49:59Face à la situation que vous avez parfaitement décrite et qui est
50:02évidemment objective, ça nécessite évidemment un
50:05projet de loi de finances qui commence à réétablir une
50:08trajectoire crédible, vous le dites,
50:10et je suis d'accord avec ça, de redressement des finances
50:12publiques, mais également d'investissement.
50:15Vous l'avez évoqué et c'est un sujet qui est absolument
50:18fondamental.
50:20J'ai deux questions.
50:22Quel calendrier vous définiriez pour
50:26équilibrer le solde primaire, puisque les intérêts
50:30de la dette commencent à prendre une part extrêmement
50:32importante de la dépense ?
50:33Quel serait le bon calendrier sans erroner la croissance ?
50:37La deuxième question, c'est auriez-vous une définition
50:39de la soutenabilité d'une dette ?
50:41Au fond, tout cela n'est pas si arithmétique ou mathématique
50:44que cela.
50:46Quelle est la bonne définition de la soutenabilité d'une dette,
50:48sinon de la confiance des investisseurs ?
50:50Enfin, dernier point, évidemment, il faut
50:53travailler sur la dépense, la qualité de la dépense et le rôle
50:56du Parlement est fondamental et le rôle de cette commission
50:59dans le Parlement est fondamental pour l'évaluation de
51:01l'efficacité de la dépense publique et la décentralisation
51:04responsabilisante, évidemment, c'est-à-dire faire en sorte
51:08que plus de décisions puissent être prises par les collectivités
51:10locales.
51:11Monsieur le Président, le calendrier que vous évoquez
51:15est naturellement lié au calendrier et à la trajectoire
51:17de finances publiques qui sera soumise.
51:18Vous avez vu, comme moi, une note du Conseil d'analyse économique
51:21qui est tout à fait excellente, de plusieurs économistes,
51:24qui montrent bien qu'il s'agit bien de ça,
51:26c'est-à-dire de réduire notre déficit primaire.
51:29L'Italie, par exemple, a une situation de dette plus
51:31grave que la nôtre, mais bien meilleure en réalité
51:32parce qu'elle a un excédent primaire.
51:34Et donc, ils préconisent 20 milliards sur 10 ans,
51:39un rythme qui commence par 20 milliards,
51:40qui aille sur 10 ans, qui décroissent ensuite.
51:43Je crois qu'il faut vraiment que nous réfléchissions à ça.
51:44Et c'est dans ce sens-là qu'il faut réfléchir à la soutenabilité
51:47de la dette et à la soutenabilité financière.
51:48Mais il y a en effet des facteurs de confiance qui sont plus larges.
51:51C'est une réflexion collective que nous devons pouvoir
51:53mener ensemble et je souhaite que la Cour y prenne sa part
51:56et qu'elle y prenne sa part devant vous.
51:58Enfin, sur le rôle du Parlement, je ne peux qu'acquiescer
52:01complètement avec vous.
52:02Et je rappelle que la Cour des comptes, à cet égard,
52:04est un de vos auxiliaires, en tout cas qu'elle est à votre
52:07disposition à travers les rapports que vous pouvez nous demander,
52:09ainsi que la mission d'évaluation et de contrôle du Parlement
52:11et la commission des affaires sociales des deux assemblées.
52:14Je voulais vous entendre sur le bilan des années Le Maire,
52:18à l'heure qu'on va avoir un nouveau locataire à Bercy.
52:21Ça me semble important d'avoir cet inventaire de ces sept ans
52:26et aussi pour éviter les erreurs du passé, sur la méthode.
52:30Vous l'avez dit, on a vu qu'il y a eu l'illusion de croire
52:35que la croissance allait éviter de faire des efforts.
52:37Et aussi des comptes parfois insincères et des résultats,
52:40malheureusement, qui ont accentué le dérapage.
52:42Et cet inventaire me semble d'autant plus indispensable
52:46pour éclairer le futur gouvernement qu'on n'a pas de remise
52:49en question actuelle de l'actuel ministre et même une attitude
52:54un peu inélégante vis-à-vis des collectivités qui sont souvent
52:56pointées du doigt à sa place.
52:58Merci.
52:59Monsieur le Président.
53:00Vous vous doutez bien que je ne vais pas faire un tel bilan.
53:03Ce serait totalement déplacé.
53:04Bruno Le Maire a fait un très bon travail sur ce sujet.
53:07Bruno Le Maire a été mon successeur fusse-lointain à Bercy.
53:10La Cour des comptes et moi-même, nous avons travaillé
53:13dans de très bonnes conditions avec lui.
53:15J'ai beaucoup de respect pour sa personne et je lui souhaite
53:18beaucoup de réussite dans ce qui l'attend maintenant.
53:20Après, il y a les constats objectifs que nous faisons.
53:22Et sur les deux dernières années, je pense en effet que la fin
53:27du quinquennat de coûte a été un peu trop facilement annoncée
53:30et que les exercices successifs de trajectoire et de loi de finance
53:34n'ont pas été aussi documentés, précis et prévisibles
53:38que nous le souhaitions.
53:39Mais ce n'est pas...
53:40Arrêtons de tout personnaliser.
53:42Merci.
53:43Jean-René Cazeneuve.
53:43Il faut vraiment que je file, monsieur le Président.
53:45Oui, mais ce sera le dernier.
53:46Je suis désolé, je ne pourrai pas aller plus loin.
53:47Jean-René Cazeneuve.
53:51Oui, merci, Monsieur le Président.
53:54Pour nos collèges, j'aurais quand même dit que c'est un peu facile
53:57de se réjouir des conclusions de la Cour des comptes sur la gravité
54:00de la situation financière et contester la recommandation
54:04en matière de réduction intelligente des dépenses.
54:06Monsieur le Premier Président, j'ai une question sur l'inflation
54:09qui est inférieure significativement cette année
54:11à ce qui était prévu, 1,9 contre 2,6.
54:14Est-ce que ça a un impact à priori négatif sur les recettes publiques ?
54:21Est-ce que ça pourrait avoir un impact positif
54:24dans les prochaines années, ne serait-ce qu'en raison
54:26des dépenses qui sont indexées sur l'inflation ?
54:29Je vous remercie.
54:30Merci, Monsieur le Député.
54:32La victoire qui s'annonce sur l'inflation,
54:34je pense que c'est une bonne nouvelle que d'être en dessous de 2 %,
54:37a toute une série d'effets contrastés.
54:39Il y aura sans doute des effets positifs,
54:40notamment à travers les baisses de taux qui vont en découler
54:43de la part de la Banque centrale européenne qui,
54:45je n'en sais rien, mais pourraient être successives et constantes.
54:48C'est vrai qu'à court terme, ça a un effet plutôt négatif
54:50sur la TVA, mais personne ne doit se réjouir
54:52d'un trop haut niveau de taux d'intérêt.
54:54Et n'oublions pas quand même qu'une politique monétaire
54:56accommodante a été une condition de nos succès
54:58pendant les dix années qui ont précédé 2022.
55:01Bien, merci.
55:02Monsieur le Président doit partir,
55:03donc je suis désolé pour les trois derniers inscrits.
55:05Je ne pourrai pas.
55:06Je vous incite à me donner vos questions écrites.
55:09Je les transférerai.
55:09De toute façon, il va revenir bientôt.
55:11J'espère le plus rapidement possible.
55:13C'est terminé pour cette audition de Pierre Moscovici
55:16devant la Commission des finances de l'Assemblée nationale.
55:18Deux points importants à retenir.
55:21La situation de la France est intenable et très préoccupante.
55:25Et deuxièmement, revenir sous la barre des 3 % du PIB
55:30d'ici 2027 est un objectif tout simplement intenable,
55:34estime le premier président de la Cour des comptes.
55:37La séance est levée.
55:39On se retrouve très bientôt pour d'autres moments
55:41au cœur du travail parlementaire.
55:43Ciao ciao.