• l’année dernière
Flavie reçoit Dominique Garcia, président de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) pour parler de l'identification des sépultures après la découverte de celle du poète Joachim du Bellay.

Category

📺
TV
Transcription
00:00Bonjour Dominique Garcia, merci d'être là avec nous.
00:03Vous êtes le directeur de l'INRAP.
00:05L'INRAP, c'est l'Institut National de Recherches Archéologiques Préventives
00:10et vous avez organisé les fouilles à Notre-Dame.
00:12C'est vous aussi qui avez mandaté le généticien et archéologue Eric Rubézy
00:16pour tenter d'authentifier deux sépultures.
00:19Et l'une d'elles, que l'on va voir juste à côté de moi,
00:22serait celle du poète Joachim du Bélé.
00:26Alors, il faut le dire, Joachim, ce n'était pas un petit jeune.
00:28Figurez-vous qu'il est mort en 1560.
00:30Est-ce qu'on peut considérer là, aujourd'hui, ce « cold case » résolu ?
00:35Oui, quasiment tous les indices convergent vers une identification avec Joachim du Bélé.
00:41Le fait qu'il soit mort vers 35 ans, au XVIe siècle, qu'il était un bon cavalier.
00:46Et puis surtout, il avait les traces sur son squelette
00:51d'une méningite chronique tuberculeuse.
00:53À ce moment-là, le médecin a pu retrouver ces petits éléments,
00:58établir un portrait robot et ensuite le comparer aux personnes
01:02dont on savait qu'elles avaient été inhumées dans Notre-Dame de Paris
01:06et donc rapprocher cette sépulture de Joachim du Bélé,
01:11bon, le poète connu de tous.
01:14Ce n'est qu'une découverte parmi tant d'autres
01:17qu'on réalise à Notre-Dame et partout sur le territoire national.
01:21Ce que vous venez de nous dire et qui est super intéressant,
01:23c'est que ce ne sont pas seulement des ossements, en fait,
01:26qui disent des choses de la dépouille qui est là.
01:29C'est aussi tout l'environnement.
01:30Ce sont les pierres, ce sont les matériaux.
01:32Il y a plein d'indices, finalement, autour d'une sépulture.
01:35Bien entendu, dans le cas de Notre-Dame de Paris,
01:37dès le 15 avril 2019, lorsqu'il y a eu un incendie,
01:41les archéologues se sont mobilisés pour étudier les traces laissées
01:45après l'incendie, dans un double but.
01:48Un, avoir plus d'informations sur le bâtiment, mieux connaître la cathédrale,
01:52mais également permettre d'enrichir le cahier des charges
01:56pour reconstruire la cathédrale.
01:58On a dit, on veut une cathédrale à l'identique,
02:00l'identique pour Notre-Dame de Paris, c'était mieux la connaître.
02:03Et donc, les archéologues ont récupéré tous les indices dont effectivement…
02:08Et c'est jouissif, c'est excitant d'arriver sur un chantier
02:10comme celui de Notre-Dame.
02:12Vous étiez là à la découverte de ces tombeaux.
02:15Qu'est-ce que vous avez ressenti, vous ?
02:16Alors, l'émotion est très forte parce que c'est Notre-Dame de Paris.
02:19Et puis, quand on est archéologue, on est ému par l'ensemble de ces découvertes.
02:23Et à vrai dire, entre nous, l'archéologie se fait aussi
02:26pour provoquer de l'émotion au quotidien,
02:28que ce soit les vestiges les plus anciens de la préhistoire
02:31jusqu'aux vestiges les plus contemporains.
02:33Mais on est face, on a l'impression d'arriver sur un trésor,
02:35on fait « waouh » comme ça.
02:37Est-ce qu'on sent tout de suite, par exemple,
02:38qu'un squelette va nous livrer ses secrets ?
02:40Est-ce que ça dit quelque chose, ce squelette ?
02:42Ça et son environnement.
02:43Notre-Dame de Paris, par définition, est un lieu de culte,
02:46est un lieu qui était dédié aux touristes.
02:49Là, depuis l'incendie, les archéologues ont pu s'y pencher,
02:52en explorer près de 10% pour accompagner les travaux de réaménagement.
02:56Donc, mieux connaître la cathédrale pour mieux la reconstruire.
02:59Et du coup, tous ces mystères qui sont révélés avec Notre-Dame de Paris,
03:02des vestiges mis au jour par mon équipe de la période antique,
03:07à l'île de la Cité, le Lutèce romain jusqu'aux périodes les plus récentes.
03:12Il y a quelque chose, moi, qui me sidère, c'est qu'on vit dans un monde,
03:14vous l'aurez peut-être remarqué, où il est difficile parfois
03:17de noter l'âge d'un être vivant, d'une femme ou d'un homme qu'on peut croiser.
03:21Grâce à la chirurgie esthétique, on ne sait plus quel âge ils ont.
03:23Et bien pourtant, là, sur des dépouilles comme celle-ci,
03:27on arrive à dater des squelettes. Comment on fait ?
03:30Alors, la datation pour la période, le XVIe siècle,
03:33là, c'est le carbone XIV qui nous l'a donné.
03:35Mais c'est quoi le carbone XIV ?
03:37C'est la décomposition du carbone à travers le temps qu'on arrive à mesurer.
03:41Et plus les éléments stratigraphiques,
03:44on sait le niveau de sol dans lequel il était,
03:46l'immobilier, notamment les céramiques avec lesquelles il était associé.
03:50Donc ça, ça donne l'élément, la période dans laquelle il a pu décéder.
03:54Ce n'est pas l'os en lui-même qui va le dire.
03:56Et après, l'os donne l'âge du défunt.
03:58Parce qu'effectivement, si la chirurgie esthétique arrive à faire parfois des miracles,
04:03en revanche, les ossements, eux, gardent les éléments de l'âge, le vieillissement, etc.
04:07Donc là, on sait que ce personnage avait moins de 40 ans.
04:10C'est ce qu'ont vu les médecins.
04:12L'archéologue est Christophe Bénier, le médecin qui a étudié, c'est Éric Rubézy.
04:16Et donc, grâce à ces éléments, on dresse un portrait robot.
04:19L'ADN, il est encore détectable ?
04:21Combien de temps ?
04:22L'ADN est détectable.
04:23Aujourd'hui, on arrive à le détecter, y compris sur des fossiles.
04:28En revanche, il faut pouvoir le comparer.
04:29Et là, dans le cas de Dubélé, il n'y a pas de banque de données, évidemment, de l'ADN du XVIème.
04:33Il n'a pas de descendant direct.
04:35Donc, du coup, on pourra avoir son ADN,
04:37mais on ne pourra pas avoir, le comparer avec un élément qui permettrait de le rapprocher.
04:41Votre quotidien, ce n'est pas juste de jouer, pardonnez-moi,
04:43n'en prenez pas en brage, mais aux petits archéologues,
04:46comme moi, je le faisais avec une boîte de fouilles quand j'étais gamine.
04:49En fait, votre métier, c'est aussi de l'histoire, c'est aussi de l'archivage, c'est aussi de l'enquête.
04:53C'est pour ça que je parle de Cold Case.
04:54C'est les deux.
04:54C'est peut-être parce que vous avez joué avec une petite boîte quand vous étiez petite
04:57qu'aujourd'hui, nous, on fait de l'archéologie en grand
05:00pour toujours essayer d'émerveiller les gens,
05:02pour leur montrer qu'ils vivent dans un environnement
05:04qui a été modifié à travers le temps et qu'il est important de le reconnaître.
05:07Et en fin de compte, c'est raconter une histoire longue dans notre territoire.
05:14qui sont modifiées.
05:15Donc, c'est 700 kilomètres carrés d'archives qui sont détruites.
05:18Et les archéologues essaient de retrouver ces archives
05:22pour concilier deux actions fortes, l'aménagement du territoire
05:25et une meilleure reconnaissance de notre histoire.
05:27Eh bien, merci infiniment d'avoir été notre invité ce matin.
05:31Merci, Dominique Garcia.
05:32Et je conseille pour ceux que ça intéresserait votre livre
05:34Les Gaulois à l'œil nu, c'est publié chez CNRS Éditions.
05:39Merci.
05:40Merci beaucoup.

Recommandations