• il y a 2 mois
AVENIR - 40 ans après le discours de Véronique Oruba au pape JHea-Paul II
Transcription
00:00Bonjour, je m'appelle Véronique Aruba, j'étais étudiante présidente de l'Assemblée Générale des étudiants à Louvain-la-Neuve en 1985.
00:19Vous êtes connue en Belgique pour avoir fait un coup d'éclat lors de la visite du pape Jean-Paul II.
00:27Est-ce que vous pouvez me le raconter complètement ?
00:29Oui, le 25 mai, le pape Jean-Paul II vient à Louvain-la-Neuve et comme présidente de l'AGL, j'ai l'occasion de pouvoir lui adresser un discours.
00:39Un discours qui a dû être préparé bien à l'avance puisqu'il fallait respecter un protocole.
00:45Il fallait que ce discours soit avalisé par le recteur, M. Massot, et puis envoyé au Vatican pour après le valider.
00:56Donc, nous sommes le 25 mai, le 24 mai au soir, vous quittez le Café Les Halles dans la rue de Louvain-la-Neuve et vous avez une idée en tête.
01:04Oui, cette nuit-là, j'ai vraiment réfléchi et je me suis dit, si j'ai l'occasion de prendre cette parole, il faut que ce soit des paroles qui soient fortes,
01:14des paroles qui correspondent à mes valeurs, à mes engagements, des paroles qui reflètent aussi ce que les jeunes vivent dans la société aujourd'hui.
01:23Est-ce que vous pouvez me décrire, quand Jean-Paul II est arrivé, comment ça se passait ? Il y avait beaucoup de gens ?
01:27Oui, il y avait 30 000 personnes, donc c'était quand même impressionnant. J'avais peur, j'avais des émotions parce que je me disais, mais qu'est-ce qui va se passer dans cette foule ?
01:39Alors, je ne savais pas encore quel genre de foule était la présente, mais il y avait du monde.
01:45Qu'est-ce que vous lui avez dit à Jean-Paul II ce jour-là ?
01:49À Jean-Paul II, je lui ai dit vraiment des choses qui me semblaient importantes, c'est-à-dire qu'il fallait qu'il soit vraiment à l'écoute des personnes qui souffrent,
02:00des personnes qui sont racisées, des personnes qui sont abandonnées par l'Église et notamment les femmes.
02:07C'est vrai que l'Église a toujours discriminé, donc la place des femmes n'a jamais été reconnue.
02:15J'ai dit aussi qu'il ne fallait absolument pas en marge de l'Église des jeunes qui utilisaient les moyens de contraception.
02:23Il faut se rappeler que la contraception avait été condamnée par Jean-Paul II, que l'avortement était aussi condamné par Jean-Paul II
02:31et qu'il n'y avait aucune place pour des jeunes ou des personnes qui vivaient une vie affective et sexuelle librement.
02:42Comment a-t-il réagi Jean-Paul II ?
02:44Alors Jean-Paul II, c'était très surprenant. Dès que j'ai terminé mon discours, il s'est levé et il m'a embrassé, donc il m'a embrassé sur le front.
02:54Là, j'étais vraiment très étonnée. La réaction était inattendue, je pensais qu'il allait me gifler, mais non, il m'a embrassé,
03:04donc j'ai quand même été rassurée et je lui ai demandé « Est-ce que vous avez vraiment compris ce que j'ai dit ? » Il m'a répondu oui.
03:11L'utilisation de moyens de contraception peut mettre des couples en marge de l'église.
03:17La foule, elle, par contre, n'était pas contente ?
03:20Non, la foule était vraiment hostile, c'était un climat terrifiant. J'arrivais pas à prononcer deux phrases et directement j'étais huée.
03:29Donc là, j'étais surprise parce que je ne m'attendais pas à une folie, à une hystérie comme ça organisée.
03:37Aujourd'hui, les paroles que vous avez prononcées devant Jean-Paul II sont encore terriblement d'actualité, non ?
03:43Oui, parce qu'aujourd'hui, on voit que les mêmes questions se posent. Il n'y a toujours pas de place pour les femmes dans l'église,
03:51il n'y a toujours pas de possibilité pour les prêtres de se marier, on condamne toujours l'avortement, on met en marge de l'église
04:01les personnes qui sont homosexuelles, qui ne sont pas comme tout le monde. Et donc là, on doit arrêter, mettre fin à ce système de discrimination.
04:13L'UCL vous a puni ?
04:15L'UCL m'a puni, oui. Donc à l'époque, quand j'ai voulu me réinscrire, j'étais réélu des listes d'inscription.
04:24Donc j'ai dû attendre la nomination d'un nouveau recteur pour pouvoir terminer mon mémoire.
04:30Le pape revient ce jeudi soir en Belgique. Si vous pouviez lui dire deux mots, qu'est-ce que vous lui diriez ?
04:39Je lui dirais qu'il faut passer aux actes. C'est très bien, vous avez écouté, vous avez entendu.
04:46Maintenant, il faut agir, il faut bousculer les portes, il faut vraiment les casser, il faut changer, faire la révolution institutionnelle
04:56pour que l'église soit ouverte à côté des plus démunis et continuer à se battre pour la justice sociale.
05:05Après ce coup d'éclat, entre guillemets, face à Jean-Paul II, vous avez encore été dans une église ?
05:11Non, je n'ai plus été dans une église. J'ai toujours dit que je remettrai les pieds dans une église le jour où une femme sera prêtre.

Recommandations