• il y a 2 mois
Au lendemain d'une opération intitulée "les Vieux méritent mieux" qui s'est déroulée dans plusieurs EHPAD du Nord-Pas-de-Calais, Arnaud Rousseaux, le représentant régional de Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), répond aux questions de France Bleu Nord.

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00:00Bonjour Arnaud Rousseau. Bonjour, merci de votre invitation. Les derniers chiffres que l'on a retrouvés remontent à 2022, mais cette année-là, il y a deux ans,
00:06donc 60% des EHPAD partout en France étaient en déficit.
00:10La situation est la même dans notre région, Nord-Etat de Calais, c'est à peu près pareil ?
00:13Absolument, elle est même un petit peu aggravée par rapport au national. Donc effectivement, hier avait lieu notre journée de mobilisation
00:20interfédérale, donc toutes les fédérations
00:23confondues qui représentent les 1,2 millions de personnes accompagnées en établissement et à domicile,
00:28les 700 000 professionnels, pour dire, les vieux méritent mieux, les professionnels méritent mieux. Sur la situation financière,
00:36non seulement elle ne s'est pas améliorée, mais elle s'est même aggravée,
00:39vu que vous avez la même proportion en France d'établissements de tout statut juridique, public ou privé,
00:44qui sont en déficit, mais avec un déficit moyen qui s'est même aggravé, qui a été multiplié par trois en deux ans.
00:49Comment expliquez-vous ces difficultés financières, le fait que ça s'aggrave ? On rappelle le financement des EHPAD aujourd'hui, ce sont les résidents d'une part,
00:56mais aussi les départements, ainsi que l'assurance maladie, donc c'est-à-dire l'État. Comment vous expliquez que ces budgets,
01:01la situation financière, soit aggravée ces dernières années ? Alors d'une part, vous avez du côté des recettes
01:07partout en France, eu un petit fléchissement de l'occupation des établissements, ce qui apporte donc un petit peu moins de résidents,
01:14donc vous avez un petit peu moins de revenus, et puis surtout,
01:17c'est ce fléchissement qui a été dû au Covid, et puis après à des crises de confiance liées au scandale qu'on connaît bien.
01:24Et puis du côté des charges, là, c'est la partie la plus importante, l'inflation, qui a touché les établissements,
01:30particulièrement sur les charges les plus importantes, le loyer,
01:33les consommations de fluides, l'alimentation, ce qui fait que, pour schématiser, un petit EHPAD associatif qui,
01:40avant le Covid, faisait 50 000 euros d'excédent, ce qui permettait de voir l'avenir, d'investir, etc,
01:47ces recettes ont été diminuées de 50, 100 000 euros, et ces charges ont été augmentées de 200 000 euros,
01:52donc ça ne marche plus.
01:53Et le fait que cette situation s'aggrave, cela aggrave également le manque dont vous parliez à l'instant avec cette opération hier,
02:01les vieux méritent mieux, le manque de moyens, le manque de personnel, tout cela est aggravé par la situation actuelle ?
02:06Alors forcément, ça complique les choses, maintenant les directeurs d'établissements n'ont pas envie de dégrader la qualité d'accompagnement des résidents,
02:12d'où le fait de maintenir un niveau de dépense et de faire des déficits, mais ça aura forcément une limite.
02:18Concernant le manque de personnel, il y a aussi, Arnaud Rousseau, la question de l'attractivité.
02:22Quelqu'un qui termine ses études aujourd'hui, les aides-soignants, les infirmières, les médecins du service à la personne,
02:26allait travailler en EHPAD, est-ce que c'est une voie aujourd'hui qui est attractive ?
02:29Alors il faut que ça le devienne plus, je vous l'ai dit, la mobilisation s'appelle les vieux méritent mieux,
02:37on pourra peut-être dire ce que ça veut dire, mérite, parce que
02:41l'intervention précédente que vous avez eue de l'auditrice, je la trouvais formidable parce qu'elle se basait sur la question du temps,
02:48mais nous on le lit vraiment avec, les professionnels méritent mieux, ça reste maintenant, il faut le dire à tout le monde, ça reste des métiers
02:53qui sont absolument
02:56formidables,
02:57puisque basés essentiellement sur l'humain, aujourd'hui il n'y a pas que les soignants, certes un aide-soignant, un infirmière, mais aussi un animateur, un agent d'accueil,
03:05tous les professionnels qui travaillent dans les établissements ou à domicile font un métier qui est extrêmement humain, qui est formidable, qu'ils aiment faire,
03:12d'ailleurs venez sur le terrain, je sais que vous venez de temps en temps, les professionnels aiment leur métier,
03:16maintenant certes, oui, ils veulent
03:18plus de reconnaissance,
03:20sûrement plus de rémunération, mais aussi un travail qui se fait dans des conditions améliorées, c'est-à-dire avec plus de professionnels.
03:277h49, vous êtes dans ICI Matin et nous sommes en direct avec Arnaud Rousseau,
03:31correspondant régional de l'association des directeurs au service des personnes âgées. Arnaud Rousseau,
03:36vous et les personnels des EHPAD réclament donc plus de rémunération, plus de reconnaissance pour les métiers qu'ils font, plus de moyens, mais qui va
03:42les fournir ces moyens aujourd'hui, si on reprend ce qu'on disait tout à l'heure,
03:46ce sont les résidents, les familles des résidents qui vont payer plus, ce sont les départements ou est-ce que c'est l'assurance maladie, l'état,
03:51doit payer davantage aujourd'hui ? Alors, assurément, ça ne peut pas être les familles, puisque aujourd'hui
03:58les prix de journée en établissement
04:01sont déjà importants, alors ils sont appelés à évoluer parce qu'il faut faire face à l'inflation des frais liés à l'hébergement,
04:08mais pour ce qui est de l'accompagnement des professionnels, ça ne peut être que les pouvoirs publics,
04:12et nous on appelle
04:15au débat sur une loi grand âge dans le pays, qui est repoussée maintenant depuis plus de quinze ans,
04:22déjà à l'époque de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande
04:25et Emmanuel Macron, chaque président a eu une parole très très forte, disant qu'il allait s'atteler au sujet, et puis faire une
04:32loi sur le grand âge, elle n'a jamais eu lieu,
04:35maintenant il est plus que temps qu'un débat national soit fait pour
04:41mettre sur la table les enjeux de l'accompagnement des personnes
04:45âgées à domicile en établissement, et le financement, parce qu'il est
04:49largement insuffisant, les rapports, il y en a sur le bureau de tous les ministres, il y a eu 30 rapports
04:54en quelques années.
04:55C'est-à-dire que finalement on a anticipé tout de même ces questions,
04:58le fait que l'espérance de vie augmente, que la pyramide des âges est telle aujourd'hui qu'il va falloir prendre en charge davantage de personnes,
05:06bien les prendre en charge également, tout ça a été anticipé, et si vous dites qu'il y a des rapports qui ont été faits depuis 30 ans, pourquoi on en est là aujourd'hui ?
05:10Les rapports sont de très grande qualité, je vais en citer deux, le rapport LIBO, le rapport El Khomri, qui sont d'excellents rapports, qui ont été salués
05:18par les professionnels, par les fédérations, qui ont été remis en grande pompe à l'époque
05:23Agnès Buzyn, qui était ministre de la Santé, maintenant ce qui manque c'est l'action, c'est la décision.
05:27Il y a eu une toute petite loi qui s'appelle Bienveillir, qui a été
05:31votée l'année passée à l'Assemblée, dont on attend encore les décrets d'application,
05:35et peut-être une des mesures les plus importantes de cette petite loi, c'était le fait de devoir présenter, avant la fin de cette année,
05:42alors ça n'aura pas lieu a priori, une loi de programmation sur le grand âge, qui était déjà
05:47une loi qui se projetait dans l'avenir et dans les besoins, mais on a vraiment besoin que
05:53politiquement, au niveau national,
05:54ce débat ait lieu et aboutisse.
05:56Mais est-ce que vous y croyez avec les débats actuels sur l'état des finances publiques, le budget
06:012025, qui s'annoncerait avec des économies qui vont être faites un peu partout, est-ce que vous pensez que l'état
06:06va débloquer davantage de crédit ? Est-ce que le risque ce n'est pas demain d'avoir des EHPAD
06:10entre guillemets pour les riches, où les familles pourront payer pour un service, pour avoir davantage de personnel, et des EHPAD entre guillemets toujours pour les pauvres,
06:18où finalement on aura ce qu'on
06:20mérite, entre guillemets, pour reprendre le titre de l'opération, mais ce dont on est capable de payer ?
06:25Alors,
06:27il y a ce risque-là, mais il faut bien voir qu'il ne faut pas opposer le domicile et l'EHPAD, parce que
06:32sinon on pourrait dire que si les gens n'ont pas les moyens d'aller à l'EHPAD,
06:36c'est pas grave, ils resteront à domicile. Mais le domicile,
06:39quand vous avez des besoins qui sont très importants, ça coûte très cher, et ça va même probablement coûter plus cher que d'aller en EHPAD.
06:46Donc la vraie solution, c'est qu'il faut être accompagné de façon qualitative à domicile, et qu'il faut être accompagné de façon qualitative en établissement,
06:53après qu'il y ait des tarifs différenciés en fonction des moyens des uns et des autres.
06:56Voilà, la société est faite comme ça, mais l'accompagnement, il devrait être de qualité partout, à domicile et en établissement.
07:02Et cette qualité, quand on parlait de mérite, qu'est-ce que méritent les personnes âgées ? Qu'est-ce que méritent les professionnels ?
07:09C'est du temps, et je reviens vraiment sur l'intervention de cette dame juste avant, parce que
07:14les résidents, ce qu'ils veulent, c'est avoir plus de temps
07:16dans l'accompagnement des professionnels, pour sortir uniquement de l'accompagnement technique, mais avoir aussi du temps relationnel.
07:22Si on avance en âge, c'est une excellente nouvelle, et on devient de plus en plus
07:25vieux en France, c'est vraiment une très très bonne nouvelle,
07:28mais on veut en faire quelques jours, il faut que ce temps de vie soit utile et soit heureux.

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