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00:00Bonjour à tous. Merci d'être venu aussi nombreux à cette conférence
00:12de Benjamin Campion qui s'intitule le concept HBO élevé la télévision
00:16au rang d'art.
00:17C'est aussi le titre de son ouvrage normalement que vous pouvez trouver
00:21dans la librairie du Festival Autry Postal.
00:24Alors qu'est ce que c'est SeriMania ? SeriMania c'est 70 séries,
00:27150 projections, des rencontres, des débats, une compétition officielle
00:32dont le jury est présidé par Martin Oxon qui est à l'origine notamment
00:36de Buffy contre les vampires et de Sharp Objects que vous avez pu
00:40revoir au Festival.
00:41C'est aussi une compétition française, un panorama international des
00:46meilleures séries du moment du monde entier.
00:48Dans les prochains jours vous pourrez voir au Festival,
00:51donc en parlant d'HBO, la nuit Game of Thrones au Nouveau Siècle
00:56demain de 22 heures à 6 heures du matin.
01:00Pour continuer l'analyse du développement des séries comme
01:03art, vous pourrez voir la séance spéciale The Art of Television,
01:08projection de la série documentaire de Charlotte Blum vendredi 29 à
01:1314h30 au Majestic.
01:15Et aussi vous pourrez voir Warrior, une série qui vient de la chaîne
01:19Cinémax qui fait partie du groupe HBO, série d'art martiaux qui se
01:24passe aux Etats-Unis après la guerre de sécession avec la fille de
01:28Bruce Lee comme showrunner, vendredi 29 à 20h à l'UGC.
01:32Je vous invite aussi à faire un tour au village du Festival où vous
01:35pourrez voir des expositions, des animations.
01:38Vous avez un bar également là-bas, il y a des dédicaces, des choses
01:43le soir, également des soirées festives.
01:47Si la séance de votre choix n'est plus disponible en ligne, vous pouvez
01:52toujours vous rendre à la séance un quart d'heure avant et vous avez
01:55de fortes chances d'y accéder.
01:57Alors pour vous parler un peu de ce que vous allez voir, Benjamin
02:02Campion est chercheur pour l'université Paul-Valéry à Montpellier.
02:05Son sujet d'étude est Trigger Warning, la nudité frontale dans les
02:10séries HBO.
02:12Aujourd'hui, il y en aura un peu mais pas trop, ça devrait aller.
02:16Plus sérieusement, la chaîne HBO est connue pour ses parties-pris
02:19esthétiques fins et pointues et surtout, elle est connue pour avoir
02:24donné ses lettres de noblesse aux séries télévisées en les rendant
02:27exigeantes.
02:28Avec Oz et The Wire, puis Tremé, la chaîne a développé une esthétique
02:32particulière et particulièrement réaliste également.
02:35J'invite Benjamin Campion à nous rejoindre sur scène.
02:44Bonjour à tous.
02:45Oui, je travaille sur la nudité frontale et le sexe explicite,
02:48que n'a pas cité Philemon.
02:50Il y en aura un petit peu dans cette conférence.
02:53Merci beaucoup Philemon et merci Frédéric Lavigne, qui sont un peu
02:56les Chris Solbrecht et Caroline Strauss du Festival Cérimonia.
03:01Je suis ravi de vous retrouver dans cette salle.
03:03Moi, j'ai vu beaucoup, beaucoup de films.
03:05Je suis quelqu'un du coin et là, je viens vous parler de télévision.
03:09Voilà, tout arrive.
03:11Ce n'est pas antinomique.
03:13Cette conférence fait suite à un bouquin, effectivement, que je vous
03:16montre, qui s'appelle le concept HBO.
03:19Très rapidement, j'en profite pour remercier les presses
03:23universitaires François Rabelais, qui l'ont édité, qui font un gros
03:26travail.
03:27En fait, il y a une recherche en France qui est assez active, des
03:29gens vraiment passionnés et passionnants.
03:32Et donc, cet éditeur a notamment lancé une collection qui s'appelle
03:35Serial.
03:36Vous avez des travaux très poussés, très pointus sur ce qui se fait
03:39de mieux en France, mais de manière abordable.
03:43Ce ne sont pas des travaux de thèse qui sont publiés directement.
03:47Ce sont des textes qui sont rendus accessibles.
03:52Ce n'est pas des textes ennuyeux.
03:54C'est vraiment l'idée de pouvoir parler de séries de manière pointue,
03:58abouti, élaborée, mais sans être non plus trop pompeux.
04:03Et du coup, l'idée, c'est vraiment de vous parler de ce que j'ai appelé
04:09le concept HBO.
04:10Alors, je précise tout de suite, je ne veux pas vous faire une
04:15apologie ou une hagiographie de HBO pour vous dire que c'est formidable,
04:19qu'ils font les meilleures séries du monde et qu'ils ont inventé la
04:21télévision.
04:22Ce n'est pas du tout mon idée.
04:24C'est d'étudier un petit peu la démarche de la chaîne, la manière
04:29dont elle s'est construite et dont elle a progressé jusqu'à
04:34aujourd'hui à travers ses programmes, mais pas qu'à travers aussi
04:37les décisions, la ligne éditoriale.
04:40Comme on dit, la politique interne.
04:43Du coup, je ne vais pas forcément vous parler des séries des plus
04:47connues parce que je pense que les Sopranos, The Wire, Game of Thrones,
04:53je pense que je n'ai pas vraiment besoin de vous conseiller de les
04:56regarder.
04:58Faites le, à mon avis, si vous êtes curieux et si vous êtes un
05:01petit peu sériophile, si vous n'avez pas envie de les regarder
05:04pas, peu importe.
05:05Moi, je voudrais un petit peu regarder ce qui se passe aussi à côté.
05:10Je fais un petit pas de côté, justement, pour vous parler de la
05:13chaîne dans une vision un petit peu plus globale.
05:16Il y a aussi beaucoup de séries sur HBO qui sont moins connues,
05:19qui n'ont pas fonctionné.
05:21Donc, voilà, je voulais avoir cette approche là et elle sera
05:24assumée.
05:25Du coup, vous m'excuserez si je n'aborde pas votre série préférée.
05:27Et de toute façon, je ne voulais pas faire une histoire globale
05:33à la manière d'un biopic à l'américaine.
05:35C'était pas du tout.
05:36Le temps n'est pas disponible pour ça non plus.
05:38Donc, ce n'était pas l'objectif.
05:41Alors, j'ai sous-titré ça élevé la série télévisée au rang d'art.
05:45Alors, ça peut paraître un peu pompeux comme sous-titre.
05:49Voilà, moi, je suis là pour discuter aussi avec vous.
05:51Donc, ça sera une heure dix.
05:54Et puis, j'essaierai vraiment de m'arrêter pour vous laisser la
05:56parole, pour qu'on puisse échanger.
05:58Vous ne serez pas forcément d'accord avec moi.
06:00C'est aussi le but d'un festival comme Série Mania.
06:04Et la dernière chose en introduction, c'est qu'à côté du festival
06:08la Série Mania auquel vous pouvez assister, il y a un forum de
06:12coproduction et puis ce qu'on appelle les transatlantiques
06:16transatlantiques dialogues qui se passaient aujourd'hui.
06:19On a eu Ted Sarandos, par exemple, qui est venu parler aujourd'hui.
06:24En fait, moi, je voulais en faire un petit peu la passerelle entre
06:27ces rendez-vous de professionnels accrédités et puis ce festival
06:32grand public.
06:33Pour parler de télévision, dans un festival de télévision,
06:37mais où on projette les oeuvres, mais où on ne rentre pas forcément
06:42dans les détails industriels techniques d'une chaîne.
06:46Donc voilà, c'était un petit peu cette idée là de pouvoir échanger
06:48là dessus avec vous.
06:51Alors voilà, ça, c'est la page et l'image du bouquin.
06:56La première question, c'est vraiment la question de l'art et
07:00de l'art pour l'art.
07:01Alors, je ne vais pas vous définir ce qu'est l'art et est ce que
07:05la télé, la télévision, les séries télévisées sont de l'art
07:08ou pas?
07:09Bon, vaste débat.
07:11La question ne se pose plus forcément pour le cinéma.
07:13Elle se pose encore pour les séries télévisées.
07:17En tout cas, il y a une démarche.
07:18C'est vraiment ça qui m'intéresse.
07:19C'est le geste, ce geste d'élévation dont je parlais.
07:24Alors du coup, voilà, j'ai un petit PowerPoint.
07:25C'est un petit peu old school.
07:26Et puis, je vous montrerai évidemment des extraits.
07:29Mais je n'ai pas de grandes citations.
07:30Je ne vais pas vous faire quelque chose d'universitaire ou de trop
07:32intello.
07:34Juste une citation de laquelle je suis parti pour mon bouquin et je
07:38voulais repartir de ça pour cette conférence.
07:40C'est l'idée du mécénat, la politique du mécénat.
07:44Donc Chris Holbrecht, Chris Holbrecht a été le directeur
07:49des programmes et puis président ensuite de HBO pendant la période
07:54la plus glorieuse, la plus faste.
07:57Et donc, il a eu cette phrase qui m'intéressait beaucoup.
07:59Je voulais y partager avec vous.
08:01HBO est plus qu'une chaîne, c'est un concept.
08:03D'une certaine manière, nous sommes des mécènes tout comme
08:05les Médicis.
08:06Donc, il renvoie évidemment à la Renaissance, le fait de faire
08:10de l'art pour la beauté du geste.
08:12Alors, cette phrase, elle m'intéresse parce que je pense
08:15que vous serez d'accord avec moi qu'elle produit une réaction
08:18instantanée, épidermique et de dire bon, OK, politique du
08:23mécénat, mais quand même, la télévision, c'est aussi une
08:26industrie.
08:28Thierry Frémaux nous l'a rappelé l'année dernière quand il nous
08:31disait que les séries, c'est de l'industrie, le cinéma,
08:34c'est de la poésie.
08:35Bon, je vous laisse juger de ces jugements de valeurs,
08:38justement.
08:39Mais en tout cas, art et industrie, c'est un débat
08:42continu éternel.
08:45Dès qu'on parle de la télévision comme art, on en revient au fait
08:47que c'est une industrie commerciale où il faut générer
08:51de l'argent, drainer du public et que les séries ne peuvent pas
08:55se prolonger éternellement si elles ne rencontrent pas leur
08:57public.
08:59À côté de ça, dans ces propos là qui sont un peu prétentieux,
09:05on peut le dire, mais pas arrogants.
09:06À mon sens, je ferai une distinction entre l'arrogance
09:09qui est le fait d'annoncer des choses, mais finalement,
09:11de ne pas montrer, de ne pas tenir ses engagements et une
09:14prétention qui est une volonté de faire de grandes choses.
09:17Mais ensuite, d'aller d'assumer vraiment cette démarche et
09:21de ne pas être finalement des paroles en l'air.
09:26Alors après, on peut en juger ou pas, à vous de juger.
09:30Donc, cette idée de l'art pour l'art, elle m'intéressait beaucoup.
09:33Est-ce qu'on fait des séries pour faire de l'audience,
09:36pour vendre de la publicité et pour que les gens qui travaillent
09:41dans la chaîne continuent de travailler ?
09:45Donc, est-ce qu'on est vraiment dans un système qui s'autosuffit
09:49ou la série en tant que telle importe peu ?
09:52Est-ce qu'elle est appréciée par le public ou pas ?
09:54Tant que ça fait de l'audience, on continue et tout va bien.
09:57C'est la politique de certaines chaînes, je n'en citerai pas.
10:00Ou alors, est-ce qu'on fait des séries pour dépasser certaines
10:06frontières, pour aussi aller un peu dans la subversion ?
10:09Pour moi, je reciterai des gens comme Blié ou comme Catherine
10:13Bria ou comme Bruno Dumont qui vous disent voilà, l'art,
10:17c'est aussi choquer, c'est aussi dépasser les limites,
10:22c'est aussi aller chercher un petit peu au-delà du consensus
10:25mou qui fait beaucoup de mal à nos chaînes, j'allais dire à certaines
10:29chaînes en tout cas, qui est ce consensus de dire voilà,
10:33ça fonctionne, on continue, nous, on continue à faire du polar
10:37parce que les gens aiment ça, bon, mais est-ce qu'on n'irait pas
10:39chercher d'autres choses, des choses un petit peu plus audacieuses,
10:42un petit peu plus osées, quitte à ce que ça se casse la figure ?
10:47Donc, on est dans ce, là, c'est cette idée qui est mise en avant,
10:51évidemment, je ne vous ferai pas un discours qui serait de dire bon,
10:54HBO, c'est que cette idée-là et puis que ça fasse de l'argent ou pas,
10:57peu importe, non, on n'est pas dupe, HBO dure depuis très longtemps
11:03parce qu'aussi, ses séries ont du succès internationalement et les
11:07séries qui n'en ont pas sont rapidement annulées également.
11:10Donc, on a des logiques, une logique industrielle qui est
11:14inévitable, mais pour autant, le fait de lire ces propos-là,
11:19d'avoir cette communication-là, je trouve que c'est important.
11:23J'aimerais que nos dirigeants aient aussi un discours comme ça,
11:26prétentieux, comme je le disais, sans être arrogant.
11:30Évidemment, on parle toujours de HBO, quand on parle de HBO,
11:34on parle toujours de son slogan, ce n'est pas de la télévision,
11:36c'est HBO, qui, lui aussi, déclenche une réaction épidermique.
11:43Attends, mais bien sûr, c'est de la télévision.
11:46Pourquoi ils prétendent que ce n'est pas de la télévision ?
11:49Donc là, j'ai juste une petite phrase de chercheur qui me dit
11:51si ce n'est pas de la télévision, alors c'est quoi ?
11:53Évidemment, on s'est tous posé cette question-là.
11:56Alors, il y a deux choses.
11:57Le fait que ce soit un slogan, un slogan, c'est un outil
12:01promotionnel qui doit accrocher, qui doit déclencher quelque
12:05chose en vous, une réaction.
12:06C'est un petit peu comme ce que faisait Godard quand il avait
12:09des déclarations fracassantes.
12:10Moi, quand j'ai fait mes études de cinéma, il était très déprécié
12:14parce que tout de suite, ça énervait quand il avait des grandes
12:17phrases comme ça, sentencieuses.
12:18Et en même temps, plus on y réfléchissait, plus on se disait
12:22que bon, effectivement, il y a peut-être des choses, il y a
12:24peut-être un fond qui est vrai.
12:26Mais en tout cas, il faut qu'un slogan, ça vous accroche et que
12:29ça vous fasse réfléchir.
12:30Alors, si ce n'est pas de la télévision, c'est quoi ?
12:34L'idée, évidemment, c'est que c'est de la télévision,
12:38contrairement à ce qu'on peut trouver aujourd'hui sur certaines
12:41plateformes de SVOD.
12:42On se demande si ce sont des séries télévisées ou pas,
12:45s'il faut encore employer cet adjectif ou pas.
12:48Donc HBO, c'est totalement de la télévision.
12:51Mais il y a une volonté de faire une télévision différente.
12:53C'est ça, en fait, c'est une télévision qui se construit
12:56vraiment en réaction par rapport à ce qui s'est passé, par rapport
12:59au passé.
13:00Il y a un héritage qui est assumé, mais en même temps, on vient
13:03en réaction par rapport à ça, par rapport à des frustrations,
13:06par rapport à ce que par rapport à une certaine censure aussi
13:09ou auto-censure.
13:11On veut aller au-delà.
13:13Donc, ce que je veux vous dire, c'est que la télévision,
13:15selon HBO, elle s'est vraiment construite par rapport à quasiment
13:19un demi-siècle d'histoire télévisuelle.
13:21Donc, l'idée, ce n'est pas une rupture, mais c'est une continuité,
13:25une variation dans la continuité.
13:26C'est ça qui est important.
13:28Donc, pour moi, ce n'est pas un discours de fracture,
13:31de rupture.
13:32Alors, avant d'entrer dans le détail et dans certains extraits,
13:37très rapidement, un historique.
13:39J'ai choisi juste quelques dates clés de l'histoire de la chaîne.
13:45HBO, c'est une chaîne qui est née en 1972.
13:48Donc, au départ, c'est une toute petite chaîne avec quelques
13:51centaines de spectateurs qui s'est construite sur le sport et le
13:55cinéma essentiellement.
13:57Donc, des matchs de hockey sur glace, des matchs de hockey sur
14:00glace, par exemple, ou de basket, mais de ligue mineure,
14:03parce qu'évidemment, les droits sportifs, ça coûte très,
14:05très cher.
14:06Et puis, le cinéma, plutôt du cinéma classique hollywoodien,
14:10donc HBO Home Box Office, avec cette idée d'amener le cinéma
14:15à la maison et plutôt les cinémas qui ont bien fonctionné au
14:17Box Office.
14:19Donc, au départ, on ne parle pas de séries télévisées.
14:22Ça va venir plus tard.
14:25Alors, il y a un premier événement dans l'histoire de la chaîne,
14:27qui est ce qu'on va appeler le Three Line Manila, le combat de
14:31Mohamed Ali contre Joe Frazier, qui était diffusé aux Philippines
14:34et qui va être transmis en direct par satellite sur HBO.
14:38Donc, c'était une première, une expérimentation qui a eu un écho
14:42très fort, qui a permis à la chaîne déjà d'avoir une certaine
14:45renommée, même si elle était limitée à cette époque.
14:50Et puis ensuite, on va avoir la première série que vous
14:53ne connaissez sans doute pas, qui s'appelle Philippe Marleau
14:56Private Eye en 1983.
15:00Et on va avoir quelques séries comme ça dans les premiers temps
15:03de HBO.
15:04Mais ce sont vraiment des séries anecdotiques qui ne sont pas du
15:08tout pensées dans une politique globale et du coup, qui ne nous
15:13disent pas grand chose sur la chaîne.
15:17Mais il y a quelques prémices de ce qu'on va retrouver par la
15:19suite.
15:20Par exemple, une comédie qui s'appelle First and Ten, que vous
15:22ne connaissez sans doute pas, qui est dans le milieu du sport
15:26et qui joue d'une certaine nudité un peu gratuite.
15:30Pour le coup, c'est ce qui va être souvent reproché à la chaîne
15:32par la suite.
15:33Là, on était effectivement dans ces effets un peu d'appel,
15:37sachant que c'est une chaîne qui s'adresse en premier lieu à un
15:40public plutôt masculin, CSP+, donc blanc, voilà,
15:45ça, c'est un peu le public de départ de la chaîne, des gens qui
15:49ont des certains moyens aussi, qui ont certains moyens aussi
15:51financiers, parce que ça coûte un petit peu cher.
15:54Donc, quelques séries qui vont venir peu à peu.
15:58Et en fait, il y a le tournant, c'est vraiment 1996, ce que j'ai
16:03appelé la phase 2.
16:06Et c'est là qu'il va y avoir une vraie intention de faire des
16:09séries télévisées en tant qu'artiste, en tant qu'artiste
16:12en tant qu'artiste.
16:13Donc, à ce moment-là, on a Jeff Bux qui va remplacer Michael
16:18Fuchs à la direction de HBO et Jeff Bux, qui sera ensuite le
16:22président de Time Warner, qui est donc le groupe qui possède
16:26HBO à l'époque, il va décider de mettre les moyens financiers et
16:32donc lancer une campagne promotionnelle très importante
16:36pour promouvoir cette nouvelle politique de HBO, ce qu'on appelle
16:38du rebranding.
16:39Il y a des chaînes comme ça qui changent d'identité, qui se
16:43recréent une certaine virginité, qui repartent sur de nouvelles
16:47bases.
16:48Donc, il y a ces moyens là qui sont mis et puis ils nomment
16:50donc Chris Albrecht à la direction des programmes.
16:53Chris Albrecht, c'est lui qui va superviser toutes les grandes
16:57séries de la première époque de HBO avec Caroline Strauss.
17:02Ce ne sont pas forcément des noms très connus en France,
17:04mais c'est un peu ce qu'il va faire.
17:05Ce sont des gens qui sont fondamentaux quand on étudie
17:08l'histoire de la télévision parce qu'ils ont une vision de la
17:13série.
17:14En tant qu'art.
17:16Et puis, on va avoir une première série sur laquelle je vais
17:18revenir qui s'appelle OZ en 97, première série originale aux
17:23épisodes d'une heure sur la chaîne, même s'il y a eu des
17:26séries avant, celle que je vous ai cité, par exemple,
17:30une série qui s'appelle OZ.
17:31Même s'il y a eu des séries avant, celles que je vous ai
17:34citées, par exemple, une série qui s'appelle Dream On par les
17:38créateurs de Friends, qui créeront Friends par la suite.
17:42Voilà, on a quelques quelques tentatives, mais il y a un vrai
17:45tournant à partir de 96.
17:50Alors, il faut que je vous expose très brièvement.
17:52Ce n'est pas scientifique, ce n'est pas chiffré précisément.
17:56Donc voilà, c'est juste pour avoir un aperçu, un rapide
18:00aperçu du découpage des chaînes américaines.
18:04Là, je me concentre évidemment sur la télévision américaine
18:06aujourd'hui.
18:08C'est le paysage en 96, donc à cette époque, à ce tournant
18:11dont je vous parle, qui précède OZ et puis toutes ces grandes
18:13séries que vous allez connaître par la suite.
18:16La partie la plus importante en bleu, ce sont ce qu'on appelle
18:20les networks et leurs chaînes affiliées, donc ABC, NBC, CBS,
18:24puis ensuite Fox, CW et puis toutes leurs chaînes affiliées,
18:29toutes leurs chaînes locales.
18:30Donc, ça constitue un ensemble très important de chaînes et un
18:33maillage du paysage audiovisuel américain qui est très important,
18:37très important et du territoire américain qui est important.
18:42Et puis ensuite, vous avez le câble qui se décompose entre
18:45le câble basique, ce qu'on appelle le câble basique,
18:48c'est à dire du câble qui diffuse de la publicité, qui est
18:51donc astreint à certaines responsabilités par rapport
18:55à ses annonceurs.
18:56Ils ne peuvent pas diffuser n'importe quoi.
18:58Et puis, le câble premium qui, lui, fonctionne sur un modèle
19:01d'abonnement, donc des chaînes à péage, comme on dit, un petit
19:04peu comme Canal Plus ou OCS chez nous, c'est à dire que ce sont
19:07des chaînes où vous payez un abonnement supplémentaire et à
19:12ce moment là, vous avez un bouquet de chaînes.
19:13Donc là, vous avez les bouquets HBO avec les différentes chaînes
19:16qui composent ce bouquet et puis d'autres chaînes, Showtime,
19:21Stars, les chaînes premium comme on dit.
19:24Et puis enfin, vous avez le satellite qui constitue une
19:26petite partie, le service public qui est tout petit là et qui est
19:29encore plus réduit depuis que Donald Trump lui a coupé les
19:33vivres.
19:34C'est essentiellement PBS, un petit peu de très loin notre
19:36notre arté avec une volonté plus documentaire, des programmes
19:41plus érudits.
19:42Alors, pourquoi je vous parle de tout ça?
19:43Parce que le fait que HBO soit dans cette zone grise qui est
19:47le câble premium, ça a une influence fondamentale sur la
19:51liberté dont bénéficie la chaîne et sur ses obligations.
19:54La liberté, elle est que HBO ne diffuse pas de publicité.
19:59Donc, c'est différent du câble basique et donc n'a pas d'impératif
20:03par rapport à ses annonceurs.
20:04Vous savez typiquement avoir un annonceur qui vous achète un
20:09espace pour diffuser une pub pour sa marque de voiture.
20:12Si vous dites du mal de sa voix, de cette marque dans un de vos
20:16programmes, vous allez entendre parler d'eux.
20:18C'est un exemple tout bête, mais qui dit publicité dit
20:21obligation par rapport à ses annonceurs.
20:23Et alors, le fait d'être premium, ça veut dire que les gens
20:26s'abonnent et donc ils attendent quelque chose de plus.
20:30Ils vous font confiance.
20:32Ça vaut pour Canal Plus chez nous.
20:33Et d'ailleurs, la période de Bolloré, je pense à une influence
20:37très forte sur la perception qu'ont eu les spectateurs de cette
20:40chaîne, parce que quand vous abonnez, vous payez, vous pouvez
20:43très rapidement vous désabonner.
20:45Donc, il y a un risque de voir ces gens partir.
20:48D'ailleurs, c'est un peu ce qui est en train de se passer.
20:49Malheureusement, j'allais dire heureusement en ce moment.
20:52Donc, il faut leur prouver qu'ils ont raison d'avoir confiance en
20:58vous et que les programmes que vous allez diffuser ne sont pas
21:00les mêmes qu'ailleurs.
21:01Donc, c'est ça, cette idée de ce n'est pas de la télévision.
21:03C'est vraiment qu'il faut aller plus loin.
21:07Et j'en ai un premier exemple à vous montrer.
21:09Je vais vous proposer un premier extrait.
21:11Donc, c'est la première série vraiment de cette nouvelle période
21:16pour HBO qui s'appelle Oz, qui est une série qui sorti en qui
21:19a été lancée en 97.
21:22Et là, je vous propose tout simplement le générique et l'introduction
21:26de cette série.
21:29Donc, ça pose un petit peu l'ambiance.
21:33Alors, ce qui m'intéressait dans cet extrait, il y aurait beaucoup
21:36de choses à dire sur le style assez âpre, documentaire, parce qu'on
21:40pourrait dire, mais c'est toujours discutable.
21:43Donc, une entrée en matière très, très dure, très, très rugueuse,
21:46qui vous prend un petit peu à la gorge et vous montre que voilà,
21:50on va être dans une prison et on va rien laisser hors champ,
21:56même s'il y a toujours une partie de hors champ.
22:00Alors, moi, ce qui m'intéressait dans cet extrait, c'est quand,
22:03par exemple, Augustus, qui est donc ce détenu, qui est à la fois
22:07détenu et en même temps, une sorte de coriphée de tragédie
22:10grecque qui narre aussi la série et qui tient un discours aussi
22:14sociologique sur les conditions de détention dans les prisons.
22:18Donc, il nous donne aussi des chiffres statistiques qui ont un vrai
22:21discours engagé à gauche, évidemment, de Tom Fontana dans cette série.
22:29Donc, ce côté, quand il dit « Oz is retro », je voulais mettre
22:34l'accent là-dessus parce que c'est une série qui va marquer,
22:39je pense, un tournant et en même temps, elle se tourne vraiment
22:41vers le passé de la télévision.
22:45Donc là, la capture d'écran que vous pouvez voir, c'est donc
22:48le créateur de la série, Tom Fontana, qui se fait tatouer
22:51« Oz » sur le bras dans le générique.
22:53Donc, l'idée vraiment qu'il a cette série dans la peau, c'était
22:57un projet qu'il avait en lui depuis longtemps et qu'il voulait
23:00exprimer sur cette chaîne.
23:03Tom Fontana se fait partie de ces gens qui ont fait beaucoup
23:05de télévisions de network sur de grandes chaînes américaines
23:10et qui étaient un peu frustrés de cette télévision.
23:13Ils ne pouvaient pas exprimer tout ce qu'ils avaient en eux.
23:15Ce sont des gens qui ont la rage, en quelque sorte, et qui ont envie
23:18de sortir de ces sentiers battus.
23:21Fontana avait travaillé sur, par exemple, « Saint Elsewhere »,
23:25une très bonne série des années 80.
23:28Ça sera la même chose pour Darren Starr, qui va créer
23:31« Sex and the City », qui lui travaillait sur « Melrose Place »,
23:35par exemple, ou « Beverly Hills », ou encore David Chase,
23:40qui va créer « Les Sopranos », qui a travaillé avant sur
23:43des séries comme « I Fly Away » ou « Northern Exposure »,
23:46des séries plutôt des bonnes séries.
23:48Mais voilà, ce sont des gens qui avaient envie d'autre chose et
23:51donc qui arrivent avec cette frustration, cette rage dont je
23:55vous parlais, et qui, du coup, ont envie d'exprimer et de sortir
24:00ces projets qu'ils ont en eux.
24:01Donc HBO arrive à ce moment-là et leur donne cette liberté de
24:05s'exprimer assez librement.
24:07Alors, je ne veux pas trop en faire là-dessus, parce que c'est
24:08très souvent mis en avant.
24:09Ce n'est pas une liberté totale non plus, mais c'est vrai qu'ils
24:12ont une certaine carte blanche.
24:14Ils peuvent faire beaucoup de choses qu'ils ne peuvent pas
24:16faire sur d'autres chaînes, parce que la politique de la chaîne
24:18est celle-là, de leur faire confiance, et parce que, en tant
24:22que chaîne premium, HBO est beaucoup moins restreinte par
24:28la censure.
24:30Voilà.
24:32Et « Oz », c'est une série qui est souvent un peu délaissée
24:38quand on lit les histoires de télévision qui sont faites.
24:42On part souvent des « Sopranos », de « Sex and the City »,
24:44de « The Wire », parce que ce sont des séries qui ont eu plus
24:47de succès, qui ont plus marqué peut-être un public international.
24:51Mais voilà, je voulais vraiment partir de ce point de départ-là,
24:53parce que c'est cette série-là qui a marqué les esprits.
24:56Et donc, dans l'extrait que vous avez vu, on nous dit aussi
24:59dans « Oz », on en voit toutes les couleurs.
25:01Alors, je pointe ici un petit passage.
25:04Il y aurait beaucoup de choses à dire, mais à un moment donné,
25:08on est dans une prison expérimentale et Tim McManus,
25:10qui est en quelque sorte le maître d'œuvre de ces expérimentations,
25:15décide de vraiment avoir un discours communautaire très,
25:18très, très marqué en rétablissant des groupes qui sont cités ici,
25:23musulmans, gangsters, latinos, donc d'avoir comme ça une vraie
25:26ségrégation dans l'organisation des détenus.
25:32L'épisode s'appelle « Ancient Tribes ».
25:34Donc, je trouve que ce sont des approches assez osées,
25:42qui ne passeraient pas forcément aujourd'hui dans une série française.
25:45Une approche un peu communautaire.
25:47Et d'ailleurs, ça ne va pas forcément avoir un franc succès,
25:50cette initiative.
25:53Voilà, sur « Oz », j'aurais beaucoup de choses à dire,
25:56mais je voudrais vous montrer d'autres extraits, donc je continue.
26:01Une autre série qui vient un petit peu après.
26:03Alors, mes extraits, ils sont chronologiques,
26:05donc je vais remonter le temps jusqu'à récemment.
26:09Donc là, on est dans quelque sorte une deuxième période de l'histoire
26:13de HBO.
26:14Il y a eu trois séries comme ça, quasiment coup sur coup,
26:17qui s'appellent Carnival, Rome, Deadwood, qui chacune vont prendre
26:22un genre bien défini, que ce soit de la télévision ou du cinéma,
26:27et qui ne vont pas se contenter de le rejouer, mais qui vont le salir.
26:30C'est ça qui est important pour moi.
26:32C'est cette idée de ne pas de casser le mythe, mais de le salir,
26:36de l'entacher, d'aller plus loin d'une manière ou d'une autre.
26:41Dans « Oz », ça va être par la violence des actes qui sont montrés,
26:46dans une violence psychologique aussi.
26:48Dans Deadwood, je voulais mettre l'accent sur le langage.
26:54Et donc, je vous montre ce deuxième extrait et je vous en parle
26:56tout de suite après.
26:58Alors, moi, ce que j'appelle le concept d'HBO, j'y vois deux aspects.
27:02Il y a le premier dont je vous ai parlé, ce désir d'élévation de la série
27:07en tant qu'art.
27:09Il est avant tout intéressé par le fait que, je vous ai dit,
27:13une chaîne premium travaille beaucoup l'image et donc, si on vous dit
27:17que nos séries sont artistiques, il y a une légitimité qui vient
27:23par rapport à cette approche-là.
27:24Après, je ne discute pas ici de « est-ce que ces séries ont une vraie
27:28valeur artistique ou pas ? », c'est à vous d'en décider.
27:30Mais le fait de le prétendre, ça nourrit aussi cette idée que la chaîne,
27:35du coup, c'est là que c'est un peu prétentieux, que la chaîne vaut
27:38le coup d'être vue et de s'y abonner parce que les programmes qui y sont
27:42diffusés ont une vraie valeur artistique.
27:46Et le deuxième pendant de ça, c'est que, pour parler de l'art,
27:50le deuxième pendant de ça, c'est que, pour parler en deux mots
27:55de la censure, en fait, HBO n'est pas surveillée par la Commission
28:01de censure américaine, la FCC, qui est en quelque sorte la police
28:05de l'audiovisuel américain.
28:07Les chaînes du câble, elles ne sont pas soumises à cette surveillance.
28:10Déjà, elles ont beaucoup plus de liberté par rapport à ça,
28:14notamment en termes d'indécence, de termes profanes, etc.
28:17Mais il y a quand même une limite légale qui est celle de l'obscénité.
28:21C'est-à-dire que vous ne pouvez pas tenir des propos ou diffuser
28:24des contenus obscènes dans l'audiovisuel de manière générale.
28:29Et alors, quand vous lisez les textes de définition de l'obscénité,
28:34il y a plusieurs choses, mais il y a un point particulier,
28:37c'est que n'est pas jugé obscène un contenu qui a une valeur artistique
28:41sérieuse, je cite.
28:43Donc, si vous démontrez que vos programmes ont une valeur artistique
28:47sérieuse, aussi discutables soient ces termes, parce que c'est très
28:50subjectif, ils ne seront pas jugés obscènes et donc vous échappez
28:55aussi à cette censure-là.
28:58Donc, vous voyez, c'est vraiment intéressé de ce point de vue-là,
29:01mais c'est aussi intelligent, je pense, cette approche calculée
29:04de dire voilà, nous, on va avoir cette démarche-là, on va légitimer
29:08nos programmes et par cette légitimation, ils vont de même
29:11mieux passer et être moins contrôlés.
29:17Du coup, on peut avoir une scène comme celle que je vous ai montrée
29:19où on utilise à foison un terme qui fait partie des, historiquement,
29:24des sept mots qu'on ne peut pas utiliser à la télévision américaine.
29:27Donc, cocksucker.
29:28Alors, la magie d'Internet fait que j'ai trouvé cette petite page
29:32où on compte, quelqu'un a compté le nombre de fucks dans Deadwood.
29:36Donc, il est arrivé à un total de 2980, ce qui fait une moyenne
29:39de 1,56 par minute.
29:40Voilà.
29:41Mais si vous voulez, je vais vous montrer cet extrait parce que pour moi,
29:45ce n'est pas de la vulgarité pour du langage indécent, gratuit pour...
29:50Voilà, nous, on est le câble, on peut utiliser ces mots-là,
29:53donc on y va.
29:54C'est souvent cette gratuité qui est reprochée à la chaîne.
29:57Je trouve, en tout cas, que dans cette scène et dans d'autres séries,
30:01il y a une...
30:02Parce que moi, j'appelle une piste, c'est une piste qui est
30:05Je trouve, en tout cas, que dans cette scène et dans d'autres séries,
30:08il y a une...
30:09Parce que moi, j'appelle une poétique de l'invective,
30:13c'est-à-dire que le mot est utilisé n'est plus injurieux en tant que tel,
30:16c'est-à-dire que son sens est détourné.
30:18C'est presque un signe d'affection, j'ai envie de dire,
30:21entre ces deux personnages, qui sont donc deux durs à cuire,
30:24qui sont en pleine négociation.
30:27Et par ce mot-là, c'est ce qui les relie l'un à l'autre,
30:30qui leur permet d'avoir un but commun.
30:32Donc en fait, vous savez, on parle de...
30:35Evelyne Larguet, j'ai écrit un très beau texte sur l'effet injure.
30:38L'injure, elle est injurieuse à proprement parler
30:41quand elle nous touche
30:45parce que la personne qui la prononce, la prononce d'une certaine manière
30:48ou parce que c'est quelqu'un auquel on est attaché, etc.
30:51Là, le mot, en tant que tel, il n'est pas injurieux.
30:54Alors, je vous ai juste rapidement mis d'autres exemples.
30:57Pour moi, c'est une des caractéristiques de la séquence.
31:00C'est une des caractéristiques de la série HBO,
31:03sans vouloir globaliser, car c'est difficile à définir.
31:06Il y a peut-être quelque chose qui permet d'identifier,
31:09c'est cet amour de la langue et la manière de l'utiliser,
31:12et notamment la langue indécente,
31:14parce que c'est un jeu pour ces auteurs, ces scénaristes,
31:18de jouer avec la langue.
31:20En haut, vous avez un exemple de Sex and the City,
31:23qui utilise assez librement le langage cru et sexuel.
31:26Et en fait, là, dans cette scène-là,
31:29vous avez Charlotte qui ne veut pas prononcer le mot cunt,
31:32et qui donc le mime à ses copines.
31:35Ses copines hallucinent et du coup, elles ne comprennent pas,
31:38et la scène dure comme ça plusieurs minutes.
31:40En fait, le mot clignote pendant toute la scène,
31:43alors qu'elle ne veut pas le prononcer.
31:45Vous voyez, c'est toujours une manière d'utiliser le langage
31:49en contrepoint ou de manière détournée.
31:52À côté, vous avez le fameux shit de The Wire,
31:55qui est quelque chose... Voilà, un gimmick qui est resté.
31:58Moins connu, mais Is Bounded Down ou Hung.
32:02Dans Hung, c'est une scène où Tania,
32:05qui est donc une poétesse en herbe,
32:08déclare, récite un poème à l'intention du phallus.
32:13Donc elle s'adresse au phallus comme si c'était l'homme de sa vie.
32:19Et puis dans VIP, qui va se terminer cette année,
32:22là aussi, la manière d'insulter est un art, presque.
32:29Donc là, c'est entre Danny Gan et Jonah Ryan.
32:32Jonah Ryan, qui est ce grand dadé qui s'en prend plein la tête,
32:35mais qui lui aussi a du répondant.
32:37Et vraiment, on a des tirades comme ça, très longues,
32:41sur la manière d'utiliser ce vocabulaire,
32:43qui, du coup, donne des saillies très drôles.
32:46Parce qu'il y a un trop-plein, comme ça, il faut que ça sorte.
32:49Dernier exemple, c'est Ballers, qui est une série avec Dwayne Johnson,
32:53dans le milieu des agents de foot américain.
32:56Et là, on a son associé, agent, qui, à un moment,
33:02dans une soirée avec les effets de l'alcool, utilise le mot nigger.
33:06Et là, il est blanc, et ça crée un effet de stupéfaction,
33:12et donc il se fait jeter dehors.
33:14Donc là, c'est vraiment qui prononce le mot,
33:16de quelle manière est-ce qu'on peut prononcer ce mot-là,
33:20à l'époque dans laquelle il vit, etc.
33:24Alors, je vous ai parlé un peu de...
33:27C'est mon tropisme de chercheur, mais de violence,
33:30de langage ordurier.
33:32Je vous ai parlé un peu de Sexe,
33:34qui est un peu les trois volets de cette question de l'obscénité,
33:41mais en tout cas de la subversion, plus ou moins.
33:45Une série qui n'est pas du tout connue,
33:48qui est souvent pas très appréciée, quand j'en parle autour de moi.
33:52C'est froid, c'est clinique, ça manque de chair,
33:55de chaleur, enfin pas de chair, mais de sentiments.
33:58Et donc, je voudrais vous montrer un extrait de cette série,
34:01qui là, pour le coup, est plutôt de l'ordre du Sexe explicite.
34:09J'ai refroidi l'ambiance, là, du coup.
34:14En fait, cette scène-là,
34:16typiquement, vous ne pouvez la voir pas que sur HBO,
34:19mais que sur le câble premium.
34:24Sur un network, ce ne sera pas possible, ça sera jugé indécent.
34:27Sur le câble basique,
34:29chaîne qui diffuse de la publicité, ça serait complexe.
34:32Maintenant, il y a la question des plateformes de SVOD,
34:35mais qui sont aussi accessibles à des publics de tous âges,
34:39sans forcément beaucoup d'outils de contrôle parental.
34:42Du coup, c'est une scène qui sera compliquée aussi
34:45à diffuser dans une série de Netflix ou d'Amazon ou autre.
34:49J'attends des contre-exemples, évidemment.
34:54Et en fait, c'est vraiment la question...
34:57C'est une prothèse, c'est pas une scène non-simulée.
35:05Tell Me, Love Me, c'est une série surnommée par la presse américaine
35:09la série porno, par des journalistes,
35:11qui vont avoir un discours, je trouve, un peu caricatural,
35:14puisqu'ils vont retenir que le caractère explicite des images,
35:17mais sans vraiment chercher à les analyser,
35:19à avoir une approche un peu plus filmique.
35:22Là, en l'occurrence, la scène qu'on vient de voir,
35:25c'est un couple qui veut avoir un enfant.
35:28Elle, Caroline, veut avoir un enfant,
35:31et lui est plutôt réticent.
35:34En tout cas, il ne sait pas trop, il se cherche.
35:37Et du coup, là, il y a vraiment un travail
35:41sur la prise de contrôle.
35:44C'est elle qui mène l'acte,
35:46même si lui, évidemment, est consentant, largement.
35:49Et vous voyez, à la fin de cette scène,
35:52elle malaxe comme ça le sperme qu'elle a entre les doigts.
35:55C'est une scène qui travaille
35:58la question de la parentalité, de la natalité,
36:00cette frustration qu'elle a de ne pas pouvoir devenir mère.
36:03Donc, c'est pas du tout, d'après moi,
36:06une scène classique de film porno.
36:09Vous auriez la musique languoureuse
36:13ou alors le déplacement de la caméra sur le feu de bois
36:16ou sur les bougies,
36:19et puis quelque chose avec un filtre sur l'image
36:23pour enjoliver tout ça.
36:26C'est une scène qui est assez crue, mais qui, à mon avis,
36:29travaille quelque chose d'assez foncier, d'assez fondamental
36:32dans l'approche, dans ce que veut dire la série.
36:35C'est quelque chose qui va être travaillé dans les 10 épisodes
36:39qui va compter cette série, qui sera annulée,
36:43qui se rapproche vraiment du cinéma d'auteurs,
36:46notamment européens ou américains.
36:51J'ai juste pris deux citations par rapport à l'approche.
36:54Cynthia Mort, c'est aussi...
36:57Je parlais des gens qui avaient travaillé pour les Networks
37:00et qui étaient un peu frustrés. Elle a travaillé sur Rosanne,
37:04par exemple, sur des séries à grand public.
37:07Elle est arrivée avec ce projet complètement radical.
37:11J'ai dit au dirigeant de HBO que c'est le quotidien de ces gens-là.
37:14Certains ont une vie sexuelle très active, d'autres n'en ont plus du tout.
37:17Je ne veux pas d'une série où, dans les moments les plus intimes,
37:20on coupe bêtement sur une lampe de chevet.
37:24Ça parle de couples qui veulent rester ensemble.
37:27Il n'y aura pas d'adultère. Elle voulait éviter de tomber
37:30dans des effets faciles, classiques de ce genre d'histoire.
37:33C'était une approche assez frontale, mais en même temps,
37:36pour elle, assez naturelle d'explorer le quotidien,
37:39l'intimité d'un couple blanc, hétérosexuel, en l'occurrence.
37:43Mais il y a différentes tranches d'âge.
37:46C'est des couples à différents âges dans cette série.
37:49Il y a une sorte de portrait un peu plus global.
37:52Et Caroline Strauss, qui était la lieutenant de Chris Albrecht,
37:55le directeur des programmes, dit que notre but n'était pas
37:59de dépasser les limites, push the envelope,
38:02mais de livrer un regard honnête sur l'intimité.
38:05Or, vous ne pouvez pas raconter une histoire sur l'intimité
38:08d'un couple blanc. C'est une approche assez directe,
38:11mais qui me paraît assez... qui justifie ces scènes
38:14parce qu'elles sont inscrites dans un contexte narratif
38:18qui est relié par l'approche formelle,
38:21qui, à mon avis, fait sens.
38:24Au-delà de l'appréciation de goût de ce qu'on peut penser
38:27de la série, évidemment.
38:30Je voulais aborder aussi une autre question,
38:34qui est celle de la mesure du succès.
38:37Pourquoi les séries fonctionnent, pourquoi elles sont renouvelées, etc.
38:40Je vais juste mettre l'accent sur quelques points particuliers.
38:43En fait, très souvent,
38:46on a des discours un peu caricaturaux
38:49sur le fait que sur HBO, l'audience ne compte pas.
38:53Peu importe que les séries soient vues ou pas,
38:56ce qui compte, c'est l'art.
38:59Alors évidemment, je ne vais pas vous tenir ce propos-là
39:02parce que ça serait un peu simpliste.
39:05Maintenant, je voulais pointer du doigt quelques cas particuliers
39:08où la série n'a pas été renouvelée
39:12pour des conditions x ou y.
39:15J'avais un exemple à vous montrer,
39:18qui est une série de David Milch qui a fait Deadwood,
39:21entre autres.
39:24Une série à gros budget avec Michael Mann, Denis Farina,
39:28Nick Nolte. C'était un projet très important
39:31et c'est une série qui a une vie éphémère, finalement.
39:35Je vais y revenir, je vous montre un extrait qui se passe
39:38dans le milieu des cours hippiques.
39:41C'est une scène comme on n'en verra peut-être plus de sitôt
39:44dans la manière dont elle est tournée au plus près des chevaux.
39:47Sachant que la série va être annulée
39:51au début de sa deuxième saison
39:54suite au décès de plusieurs chevaux sur le tournage,
39:57un tournage assez intensif sur lequel étaient présents
40:00des membres de la PETA,
40:04une association de défense des animaux aux Etats-Unis
40:07qui a été créée en 80,
40:10qui fait partie des lobbies américains,
40:13qui ont un rôle à jouer dans le contrôle,
40:17voire parfois dans la censure des programmes.
40:20C'est une autre forme de surveillance,
40:23avec à mon sens un changement de paradigme
40:26entre une association qui s'appelle
40:29Viewers for Quality Television, créée en 84,
40:32qui déprimait les séries qu'ils voulaient défendre
40:36et qui étaient proches de l'annulation,
40:39avec l'idée d'être porteurs de séries, de les soutenir.
40:42Avec le Parents Television Council,
40:45créé en 95, l'idée, au contraire,
40:48c'est plutôt de mettre des signaux d'alerte
40:52sur les programmes problématiques, notamment pour les enfants.
40:55Donc on est dans un mode de pensée différent,
40:58qui est plutôt de restreindre que de saluer,
41:02de soutenir.
41:05Le Parents Television Council a un seau d'approbation
41:08qu'ils remettent sur les séries propres.
41:11Et vous voyez la petite famille
41:15qui est devant la télévision sur cette image.
41:18Ce qui est paradoxal, parce que maintenant,
41:21cette image d'Epinal est un peu volée en éclats.
41:24Les gamins sont sur la tablette dans la chambre,
41:27donc ils peuvent regarder un peu ce qu'ils veulent.
41:30C'est une petite parenthèse qui peut paraître anecdotique,
41:34mais ça fait partie des choses
41:37qui vont avoir une vraie influence sur une chaîne
41:40soi-disant libre de tout contrôle comme HBO,
41:43puisque cette série Luck, qui avait un gros budget,
41:46qui était en production avancée de la 2e saison,
41:50a dû s'interrompre du jour au lendemain,
41:53et donc on ne verra jamais de saison 2, ni de suivante,
41:56ni les épisodes qui avaient été tournés.
42:00Donc il faut faire attention à tous ces aspects-là.
42:03J'en profite pour vous citer quelques autres exemples
42:06de séries qui ne sont pas forcément très connues,
42:09mais qui ont une vie éphémère sur HBO.
42:13K-Street, par exemple, était une série politique
42:16produite par Clunet, notamment S. Oderberg,
42:19également unscripted.
42:22Lucky Louie, une série de Louis C.K.,
42:25qui a eu quelques problèmes dernièrement.
42:28Cincinnati, qui était la série de David Milch.
42:32Suite à l'arrêt d'Ed Wood, ils lui ont proposé
42:35de faire cette série-là, qui était censée être
42:38le successeur des Sopranos. Je ne pense pas que
42:41John from Cincinnati ait beaucoup de spectateurs
42:44dans la salle, donc ça n'a pas très bien marché.
42:48Tell Me You Love Me, Luck, et d'autres séries plus récentes.
42:51Vinyl, dont le pilote était tourné par Oscar Cézé,
42:54mais qui n'a duré qu'une saison également.
42:57Six Feet Under de True Blood.
43:00On est sur HBO, on a de l'argent,
43:03on peut dire ce qu'on veut, on a du talent,
43:07mais beaucoup de séries ont une vie courte
43:10si elles ne rencontrent pas leur public.
43:13J'en viens à une série plus récente,
43:16Westworld,
43:19qui a eu le rôle de successeur
43:23de Game of Thrones, avec une période de chevauchement,
43:26un rôle difficile à assumer. Je vous ai parlé de
43:29John from Cincinnati, vous avez vu le résultat.
43:32C'est une série qui a eu une production très longue,
43:35qui a été sélectionnée parmi beaucoup de projets.
43:38HBO, c'est vraiment cette idée de la curation,
43:42du choix, un processus de décision très abouti
43:45pour choisir la série dont on considère
43:48qu'elle va réussir, ce qui ne marche pas à tous les coups.
43:51C'est une série qui a eu une production assez houleuse,
43:55des retards, l'écriture a pris beaucoup de temps,
43:58ils ont dû s'arrêter pour réécrire avant de tourner.
44:01Récemment, il y a eu des incendies en Californie,
44:05une partie des décors a été détruite,
44:08donc il y a une sorte de malédiction sur cette série.
44:11Pourtant, les avis sont partagés sur cette série,
44:14mais elle a eu un gros succès à son lancement
44:17et son approche est assez audacieuse,
44:21assez osée, parce que ce n'est pas une série facile
44:24mode blockbuster, on va refaire Game of Thrones version 2
44:27et puis ça va marcher parce que les gens veulent ça
44:30et donc on leur donne ce qu'ils ont envie.
44:33Il y a une idée de faire ce décalage,
44:36d'aller explorer d'autres genres
44:40et d'autres modes de représentation.
44:43Je vous montre cet extrait de Westworld.
44:46Juste un aspect de cette série,
44:49sa complexité, donc une série
44:53que vous avez vue avec plusieurs couches
44:56musicales, référentielles en termes de cinéma,
44:59de genre, de télévision.
45:03On est entre le western, la SF
45:06et puis là, on passe dans le shogun,
45:09donc on passe dans un autre monde encore.
45:12Est-ce que c'est une série trop complexe
45:15et que certains lui reprochent pour sa deuxième saison ?
45:19J'ai ici une citation, on se demande si la chaîne
45:22va pouvoir continuer à dépenser des millions de dollars
45:25pour une production aussi luxueuse dans les années à venir.
45:28Moi, ce qui m'intéresse, c'est la démarche,
45:31c'est d'aller vers des choses très complexes,
45:34parfois à la limite de l'incompréhensible.
45:38C'est aussi la limite de cette approche-là,
45:41mais en tout cas, qui n'est pas de dire
45:44on fait une ressucée de ce qui a déjà fonctionné,
45:47on essaye d'aller voir d'autres choses.
45:50J'ai une petite question-quiz.
45:53Je vous demande si vous avez la réponse.
45:57Vous levez la main, je viens avec vous vers le micro,
46:00vous me la donnez, vous gagnerez un exemplaire de mon bouquin.
46:03Vous ne la dites pas à voix haute, vous la gardez pour vous.
46:06Les premières mains que je vois se lever, vous venez me voir.
46:09Ce sont tous des artistes qui ont eu un projet avec HBO
46:13et qui n'ont pas été retenus,
46:16et donc qui ont été rejetés,
46:20certaines fois, il y a eu un pilote, pas dans tous les cas,
46:23mais vous étiez pas loin, donc vous viendrez me voir pour le bouquin.
46:26Il y a quand même des noms, j'en ai sélectionné quelques-uns,
46:29Fincher, Catherine Biglot, Gus Van Sant, Spike Lee, etc.
46:32C'est juste pour dire que ce qui compte,
46:36je trouve, quand on parle d'une chaîne comme HBO,
46:39c'est l'institution,
46:42qui, à mon avis, doit primer sur le reste.
46:45Je trouve assez fort de pouvoir dire à David Fincher,
46:48tout ce que tu nous proposes, ça ne convient pas,
46:51donc on s'arrête là, peut-être qu'on retravaillera ensemble,
46:55mais en tout cas, on ne pourra pas diffuser ta série.
46:58Ça peut se retourner contre soi, mais ça veut dire que vraiment,
47:01l'institution HBO prime sur la notoriété des artistes.
47:04Ce n'est pas toujours le cas.
47:07Il y a eu Scorsese, il y a eu Spielberg, etc.
47:11C'est une approche.
47:14J'ai une deuxième question, pareil.
47:17C'est trop facile.
47:24Je n'avais pas mis David Simon, parce que c'était trop facile.
47:27Mais voilà.
47:30Ce sont des gens qui ont créé plusieurs séries,
47:33donc il y a une vraie fidélité de la chaîne pour ces gens-là,
47:37même si ça peut se retourner contre elle.
47:40Par exemple, Alan Ball a créé Here and Now,
47:43qui était un vrai échec.
47:46C'est un autre exemple.
47:49Et justement, j'ai un autre exemple à vous montrer.
47:52Et c'est aussi pour ça que je ne voulais pas vous montrer
47:56que des extraits qui soient à la gloire de l'HBO.
47:59C'est la série Camping de Lena Dunham et Jenny Connor.
48:02Vous me dites ce que vous en pensez.
48:05C'est une série qui n'a pas eu du tout de succès.
48:08Elle n'est pas annulée officiellement,
48:12mais je vous en ai cité quelques autres de séries
48:15qui ont connu un grand retentissement.
48:18Insecure, quand même.
48:21Divorce, avec Sarah Decipa-Parker.
48:24Elle est toujours en production.
48:27Je termine très vite, parce que je vais vous laisser la parole,
48:31donc ce n'est pas grave. Sur ma dernière partie, je vais abréger.
48:34Juste sur la politique étrangère, l'idée de HBO,
48:37c'était vraiment de faire des séries étrangères très locales,
48:40que ce soit en Europe.
48:43Ils sont plutôt allés vers l'Europe de l'Est,
48:47sachant que les pays d'Europe de l'Ouest
48:50avaient déjà des chaînes APH de ce type-là.
48:53Il y a deux autres pôles qui sont HBO Latin America
48:56et HBO AIGA. Donc ils ont vraiment laissé les gens,
48:59les équipes techniques locales, faire des séries
49:03au lieu de faire de la série HBO à l'américaine
49:06et de la série mondialisée, comme on pourrait dire.
49:09J'ai un dernier extrait à vous montrer,
49:12une étape plus récente, une autre étape dans l'histoire de la chaîne.
49:15C'est une série italienne, mon amie prodigieuse,
49:18qui a été diffusée sur Canal+, qui a été diffusée,
49:22c'est vraiment une série HBO, parce qu'elle a été diffusée
49:25en version originale, en italien, sur HBO,
49:28coproduite par la RAI. Donc aussi, voilà une manière
49:31d'approcher de nouvelles langues.
49:34Merci Benjamin.