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Lors de sa réponse au Premier ministre, ce 2 octobre 2024, Michel Barnier, le président du groupe PS Patrick Kanner a relayé la « colère » des électeurs de gauche et s'est adressé à ses collègues de droite.

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Transcription
00:00Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mes chers collègues,
00:05Qui aurait pu croire, au soir du 7 juillet dernier, que vous seriez aujourd'hui dans cet hémicycle, Monsieur le Premier Ministre ?
00:13Qui aurait pu croire que vous seriez copieusement applaudi par la droite sénatoriale, jusqu'alors si prompte à critiquer la politique d'Emmanuel Macron ?
00:21Depuis votre nomination, j'ai l'impression étrange que nous sommes entrés dans un monde parallèle, totalement déconnecté des réalités et des aspirations des Français.
00:38Quand je vous regarde, Mesdames et Messieurs les Ministres, ce que je vois, c'est la combinaison des perdants.
00:46Non, pas une seconde, je n'aurais cru m'adresser à vous dans ces conditions.
00:52Ce n'est pas de la naïveté de ma part, cela s'appelle la droiture et le respect de la démocratie.
00:57Oui, j'ai sincèrement espéré que le Président de la République entendrait les trois principaux messages que nos concitoyens ont clairement exprimés lors des élections législatives.
01:11L'aspiration à une politique de gauche avec le nouveau populaire en tête des suffrages.
01:16Le refus massif de la politique d'Emmanuel Macron.
01:21Le rejet de l'extrême droite avec un front républicain solide.
01:25Pourtant, nous voilà gouvernés par un exécutif de droite sommé de poursuivre la politique menée depuis sept ans par Emmanuel Macron et adoubé par l'extrême droite.
01:36Oui, je suis en colère. Pas à votre encontre, monsieur le Premier ministre, vous ferez ce que vous pourrez.
01:43Pas contre vos ministres, s'ils ne sont plus des missionnaires, ils sont déjà probablement intérimaires.
01:49Ma colère, elle est celle de ces millions de Françaises et de Français qui voient leur vote balayé d'un revers de main par un Président de la République qui, même lourdement sanctionné par les urnes, ne doute jamais de rien et surtout pas de lui-même.
02:04Je suis en colère parce que l'on ne mesure pas le ressentiment que cette impunité peut provoquer chez nos concitoyens, un ressentiment profond et durable envers ceux qui les gouvernent, le sentiment que leur voix ne compte plus.
02:19Ma colère porte enfin sur l'état de la France qui subit les conséquences d'un septennat d'incurie, de déni, de mépris.
02:28Je me permets de m'adresser plus particulièrement à mes collègues de droite dans cet hémicycle.
02:34Mes chers collègues, lorsque vous quittez les murs du Sénat et que vous vous rendez dans vos départements, comment parvenez-vous à assumer sincèrement votre participation à cette mascarade devant les Français qui vous interpellent ?
02:46Vous qui avez bruyamment combattu pendant sept ans la politique menée par le Président de la République, comment pouvez-vous aujourd'hui justifier ce choix en regardant les Français droit dans les yeux ?
03:00Quand, comme Monsieur Rotaillot, on estime, je cite, que la droite n'est pas soluble dans le macronisme, comment se fondre ainsi dans l'union des droites de Macron au rassemblement national ?
03:21Quand on se dit gaulliste, comment accepte-t-on de prêter main-forte à un Président de la République qui restera celui qui a le plus affaibli nos institutions ?
03:33Quand on doit l'élection de 24 de ses députés sur 47 au Front républicain, comment consent-on à diriger un gouvernement sous surveillance du Rassemblement national, et même pire, sous son influence ?
03:46Aujourd'hui, vous vous inscrivez dans le bilan d'Emmanuel Macron, et vous devez l'assumer à l'avenir. Oui, ce bilan sera votre fardeau, Monsieur le Premier ministre.
04:01Je pense d'abord et bien sûr aux finances publiques, qui connaissent une trajectoire cataclysmique. Je pense aux choix budgétaires qui affaiblissent nos services publics et frappent les revenus des ménages les plus modestes, qui mettent à mal notre protection sociale et notre modèle républicain.
04:17Le Mozart de la finance, accompagné du Beethoven du ruissellement, se sont révélés n'être que des joueurs de piano mécanique mal accordés, des maestros en chambre qui ont dégradé lourdement la signature de la France et le niveau de vie des Français.
04:32Vous avez annoncé hier que vous souhaitiez ramener le déficit à 5% du PIB d'ici l'année prochaine. Pour mémoire, sur les 30 dernières années, il n'y a que la gauche au pouvoir qui ait réduit le déficit, et notamment sous le quinquennat de François Hollande.
04:48A contrario, vous êtes comptable de la destruction de 58 milliards d'euros de recettes fiscales par an. Vous avez fait le choix de réduire les dépenses, ce qui est la doxa habituelle de l'idéologie libérale que vous partagez avec Emmanuel Macron.
05:09Mais, fait nouveau, vous avez aussi évoqué la possibilité d'augmenter certaines recettes, en faisant particulièrement contribuer les plus riches entreprises comme particuliers. Je me réjouis de votre adhésion à ce que nous défendons depuis des années.
05:26Parlez-nous de contributions pérennes et non pas exceptionnelles. Parlez-nous d'ISF, d'exit tax, de niches fiscales inutiles. Vous verrez que la richesse sera encore mieux répartie dans notre pays.
05:40C'est là que vous retrouverez des marges financières, mais certainement pas en amputant 50 millions d'euros aux crédits alloués à la Poste. Les mauvais choix opérés ont également conduit à l'affaiblissement de la France sur la scène internationale.
05:59Comment allez-vous gérer les influences du RN à l'heure des choix européens ? Êtes-vous en mesure de nous confirmer votre soutien à l'Ukraine avec de tels alliés ?
06:26Êtes-vous toujours convaincu qu'il faille remettre en cause la supériorité du droit européen sur le droit national en matière d'immigration ? Nous n'avons pas la même vision. La nôtre, qui est majoritairement partagée par nos concitoyens, est celle d'un espoir. L'espoir d'amélioration des conditions de vie. C'est la raison d'être du socialisme réformiste.
06:48Ce qui est également dans notre ADN, c'est de nous appuyer sur les collectivités territoriales. Non, les collectivités ne sont pas responsables de la situation catastrophique de nos finances publiques. Parmi les 880 milliards d'euros supplémentaires de la dette publique entre 2017 et 2023, les collectivités ne représentent que 10 milliards d'euros, soit 1,3%.
07:16Seulement quand elles portent, par ailleurs, 70% de l'investissement public. Elles n'ont aucune leçon de gestion à recevoir de la part de gouvernements qui n'ont cessé de creuser les déficits de l'Etat. Au nom de l'ensemble de mes collègues socialistes, je tenais ici à les saluer et à saluer nos élus locaux, sans qui la vie démocratique de notre pays ne pourrait exister.
07:42Parmi ces élus, je pense d'ailleurs à ceux en charge du logement qui s'inquiètent du manque d'ambition de votre discours après des années d'inaction. Une inaction coupable tant les chiffres de la construction sont historiquement bas et tant la tension est extrême sur les marchés locatifs avec des niveaux de loyers intenables pour les ménages.
08:042,7 millions de ménages sont en attente en France d'un logement social. Un triste record avec des conséquences économiques et sociales qui touchent tous nos territoires. Autre angle mort de votre discours, la lutte contre les désirs médicaux. Il y a urgence à agir, monsieur le Premier ministre. La difficulté d'accès aux soins est l'un des ressorts les plus puissants du sentiment d'abandon dans nos territoires. Lorsque vous patientez des mois avant d'obtenir un rendez-vous, cela a été dit par mon collègue Darnault chez un spécialiste, et que vous devez faire plusieurs dizaines de kilomètres pour
08:34vous y rendre, vous ressentez cette relégation au plus profond de votre chair. Le programme d'Hippocrate que vous avez annoncé hier ne changera rien. En ce qui concerne l'hôpital public, votre discours ne nous rassure pas davantage.
08:48Quand il s'effondre, vous vous contentez de vouloir limiter la paperasse sans évoquer l'urgence de lui donner les moyens financiers de se redresser. Cette réponse n'est pas à la hauteur des attentes ni des patients ni des soignants.
09:00Quant à l'école de la République, qui pour l'instant reste encore le premier budget de l'Etat, ce budget a occupé hier à l'Assemblée nationale 2 minutes 30 exactement de votre déclaration de politique générale, avec comme seule proposition concrète le recours à des enseignants retraités.
09:23Ce n'est pas à la hauteur des enjeux. Il est temps d'accorder enfin à notre école publique les moyens nécessaires pour fonctionner dans de bonnes conditions, baisser le nombre d'élèves par classe, améliorer l'accueil des élèves en situation de handicap, revaloriser le salaire des enseignants et de l'ensemble des personnels qui oeuvrent au quotidien dans les établissements, améliorer la mixité sociale et scolaire.
09:44L'école de la République, mes chers collègues, est à bout de souffle, malmenée par des réformes successives depuis 2017, qui s'inscrivent toutes dans un sillon libéral et inégalitaire. Le choc des savoirs et des groupes de niveau en sont les derniers exemples criants.
09:59L'école a un coût, mais elle n'a pas de prix. Elle représente un investissement d'avenir pour notre pays. C'est la même logique qui guide nos propositions concrètes et efficaces pour la transition écologique, tout en préservant le pouvoir de vivre des Français, votre feuille de route.
10:18En la matière tient plus le discours de la méthode que d'un programme d'action. Vous ne réduirez la dette écologique qu'en mettant en place des outils sérieux pour le faire. Planifiez la suppression de l'ensemble des mises fiscales polluantes en les remplaçant par des aides à la transition. Agissez en priorité sur les causes du réchauffement sans vous contenter de vous adapter à ses effets, et vous nous trouverez à vos côtés.
10:39Pour les jeunes, il nous faut combattre la précarité qui les frappe, favoriser leur émancipation, leur garantir les meilleures conditions d'études et de recherches. Pour les actifs, augmentons les salaires au travers d'une grande conférence sociale et salariale. Pour les agriculteurs, assurons-leur des revenus justes et décents. Pour les retraités, sanctuarisons la revalorisation des pensions, qui semblent déjà menacées, monsieur le Premier ministre. Est-il vrai que vous comptez décaler la revalorisation du 1er janvier au 31 juillet prochain ?
11:09J'attendrai votre réponse tout à l'heure. Et abrogeons bien sûr la réforme des retraites, injuste et inutile. Pour tous ces sujets, monsieur le Premier ministre, nous avons des propositions à vous faire.
11:19Et sur un dernier dossier sensible et symbolique d'une gouvernance de l'échec, la Nouvelle-Calédonie. Par tous les moyens, nous vous avons alerté, les gouvernements de l'époque et la droite sénatoriale, qui composent aujourd'hui votre exécutif, sur les dangers d'un passage en force.
11:39Le dégel du corps électoral ne pouvait pas s'imposer comme le souhaitait Gérald Darmanin, soutenu à l'époque par monsieur Retailleau ou monsieur Buffet. Face à la crise et à l'impossibilité d'organiser un scrutin dans le chaos, le groupe socialiste, écologiste et républicain a proposé un texte prévoyant le report des élections. Il faut vous en emparer, monsieur le Premier ministre.
11:59Ce report doit servir à la reconstruction et à renouer avec la méthode du dialogue, celle des accords de Matignon et de Nouméa. J'ai entendu le virage à 90 degrés que vous avez opéré, et je me félicite de cette lucidité, mais j'ai une pensée pour les 13 morts et leur famille. Je regrette les 3 milliards d'euros de dégâts, les destructions d'emplois. Emmanuel Macron porte la responsabilité de la crise institutionnelle et existentielle dans laquelle est plongé le caillou.
12:28Elle restera lacmée de son obstination et de son entêtement. A travers tous ces choix, Emmanuel Macron nous aura montré les limites de notre système. Il nous aura convaincu de la nécessité de démocratiser nos institutions, les mêmes qu'il aura tant malmenées.
12:43Monsieur le Premier ministre, je vous l'affirme, plus que jamais la gauche veut entendre sa voix au Parlement. Nous porterons dans les prochaines semaines et les prochains mois des propositions qui permettront notamment de garantir l'égalité territoriale, particulièrement dans les Outre-mer, de vivre dignement de son travail, d'accéder à un logement abordable, de porter l'ambition de la politique de la ville, d'agir en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, de redonner des moyens à nos collectivités, de renforcer nos services publics, de garantir la sécurité de nos concitoyens,
13:12de mettre en oeuvre une réelle politique sur le grand âge, de développer une transition écologique ambitieuse, et bien sûr, mes chers collègues, bien sûr, de défendre l'état de droit.
13:22J'y arrive, monsieur le Président. Vous le voyez, monsieur le Premier ministre, une autre voie est possible, celle de l'égalité réelle sur tout le territoire, celle de la justice sociale, fiscale comme environnementale,
13:40celle de l'apaisement de la société et du renforcement de la République.

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