François Ozon parle de la vraie histoire derrière son nouveau film.

  • il y a 16 heures
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Transcription
00:00Pour les interviews de FAUVOIR, on m'a invité,
00:02ils m'ont parfois donné rendez-vous dans des lieux improbables,
00:04je sais pas, des hôpitaux, des crèmeries, des quincailleries, des casernes de pompiers.
00:08Et là, aujourd'hui, c'est dans un restaurant,
00:10et dans un restaurant pour y goûter des champignons.
00:13Le bolet, c'est un peu votre Madeleine ou il faut que je me méfie ?
00:16Oui, c'est vrai que j'ai des souvenirs avec les champignons
00:18parce que j'ai une tante qui avait fait un repas de famille
00:22où elle avait ramassé elle-même des champignons.
00:26Elle avait invité toute la famille et toute la famille est tombée malade.
00:28Certains sont même allés à l'hôpital et on s'est rendu compte qu'elle n'en avait pas mangé.
00:33Voilà, donc c'est la seule qui s'en est bien sortie.
00:36Et moi, je n'étais pas là à ce repas, mais ça me plaisait d'imaginer,
00:39j'étais enfant, que ma tante ait essayé de zigouiller toute la famille.
00:43Ce qui n'était pas le cas, bien entendu.
00:45Je ne sais, on ne saura jamais.
00:46Elle est morte maintenant, c'est resté un des mystères de la famille.
00:48De toute façon, on sait qu'il suffit d'un champignon contagieux
00:51pour contaminer toute une poêlée, donc voilà.
00:54Donc c'est une histoire qui vous a travaillé
00:55parce qu'il vous aura fallu attendre 23 films pour revenir à ce sujet fondateur, si je puis dire.
01:01Oui, c'est un souvenir d'enfance comme on a plein.
01:04Mais tout d'un coup, j'ai eu envie d'y revenir parce qu'après mon crime,
01:09qui était un film qui se passait à Paris, qui était dans l'artifice,
01:12en reconstitution d'après une pièce théâtrale, j'avais envie de revenir à la nature.
01:16J'avais envie de filmer la nature, à la campagne, en Bourgogne,
01:19une région que j'aime beaucoup, où j'ai passé beaucoup de temps dans mon enfance.
01:22Et là, retourner à la campagne, filmer la vie de retraité qui vaut aux champignons,
01:28et puis cette histoire qui revient.
01:30Oui, c'est ça, sa légume de saison pour un film,
01:33qui l'est tout autant, qui s'appelle « Quand vient l'automne ? ».
01:35Je serais curieux de savoir s'il y a des champignons qui viennent autrement qu'à l'automne.
01:38Est-ce que ça existe ? Ce serait intéressant.
01:40Je ne sais pas, je suis incapable de répondre à cette question.
01:41On demandera un spécialiste.
01:42Au Mexique, je pense, mais c'est les champignons d'une autre nature.
01:46Faire un thriller psychologique dans cette ambiance bien familiale,
01:51c'était ça que vous aviez en tête ?
01:53La référence que j'avais par rapport au film, c'est les romans de Simenon.
01:56Où il y a une ambiance, petite ville de province, tout à l'air parfait en apparence,
02:03tout est paisible, et puis derrière les rideaux, derrière les fenêtres,
02:06il se passe des choses plus ou moins complexes, un peu tordues.
02:10Et derrière les apparences de cette grand-mère qui en donnerait le bon Dieu sans confession,
02:15il y a une femme plus complexe, qui a un passé, qui a une amie aussi,
02:19Josiane Balasco, qui joue avec Hélène Vincent.
02:22Et toutes les deux, elles ont des enfants, et toutes les deux, elles ont des problèmes avec leurs gosses.
02:26Je voudrais rester un instant sur ce personnage de grand-mère,
02:28parce que dans le cinéma français, en tous les cas, c'est soit une grand-mère merveilleuse,
02:32c'est la pompette de la boum, ou c'est la méchante tatie Daniel.
02:36Absolument.
02:37Mais il y a rarement de l'entre-deux.
02:39J'avais envie de travailler avec des femmes âgées, avec des actrices âgées aussi,
02:42et des actrices qui assument leur âge.
02:44J'avais envie de filmer les rides, j'avais envie de filmer qu'est-ce que c'est que la vieillesse,
02:48le rythme de la vieillesse.
02:50Et donc, j'ai trouvé deux actrices qui sont géniales, parce qu'elles acceptent.
02:53Je trouve que les femmes âgées sont assez invisibilisées dans le cinéma.
02:57Dans le cinéma français, peut-être un peu moins que dans les autres,
02:59mais c'est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de rôles centraux pour les femmes âgées,
03:04alors que les hommes, il y en a plus souvent.
03:06Et là, c'était important de donner deux rôles principaux à des femmes,
03:10en plus des rôles complexes, parce qu'effectivement, elles ne sont pas que des saintes.
03:14Ah non, elle est loin de là.
03:17On ne va pas manger à un moment ?
03:18Si, bien sûr, goûtez, goûtez, bien sûr, je papote, je papote, je bois vos paroles.
03:23C'est bon, c'est bon, j'adore les champignons.
03:25C'est vrai ?
03:26Oui.
03:29Mal ?
03:30Pas mal.
03:31On s'en rend compte assez vite, s'il y a un problème ?
03:33Non, on ne s'en rend pas compte.
03:34Non, non.
03:35Bon.
03:36Un petit lavage d'estomac et ça va, normalement.
03:38C'est bon.
03:38C'est la combien de fois, la quatrième fois que vous travaillez ?
03:43Attendez, je fais mon décompte avec Ludivine Sagné.
03:46C'est la quatrième fois, je crois, oui.
03:48Est-ce qu'il y a, quand vous composez vos castings,
03:51il y a quelque chose qui se dessine, qui pourrait être comme un sentiment de tribu,
03:55d'avoir envie de réassembler des gens dont...
04:00Ludivine, on n'avait pas travaillé depuis 20 ans ensemble.
04:02Je l'avais laissée au bord d'une piscine en bikini.
04:06Voilà, et depuis, ce n'est plus une bimbo, c'est une femme de 40 ans qui est devenue mère,
04:11voilà, qui a dû vécu...
04:13Qu'est-ce qu'il y a ?
04:14Qu'est-ce qu'il y a ?
04:16Ah non, merde.
04:19Ah, merde, continuez.
04:22Donc...
04:26Pardon, excusez-moi.
04:27Non, mais c'est une blague, j'espère ?
04:28Oui, non.
04:29Oui, bon, ça va, ça va, alors.
04:31Ils sont vraiment frais, ces champignons.
04:33Oui.
04:34Donc, oui, pardon, c'est donc votre...
04:37J'ai compté, hein, 23e long métrage en 26 ans d'exercice.
04:42Ça veut dire, d'une certaine manière, mon cher François Ozon, que vous ne faites que ça.
04:46Ah, ben non.
04:47Qu'est-ce que vous faites d'autre ?
04:48Plein de choses.
04:49Quoi ?
04:50Ben, vous racontez ma vie privée, mais...
04:53Non, mais c'est vrai, c'est votre vie privée, mais 23 films en 26 ans.
04:56On sait le temps que ça prend, un film, à écrire, à monter la production, à tourner, à monter, à...
05:01Il y a beaucoup de plaisir.
05:02Moi, j'ai l'impression, et puis, quand on fait un film, on continue à vivre, on n'arrête pas de vivre, au contraire, on vit intensément.
05:07C'est comme une drogue, tout est plus intense, les rapports sont plus forts...
05:10C'est ce que je venais de vous entendre dire, d'être totalement drogué.
05:14J'ai la chance d'avoir trouvé un métier que j'aime, je m'exprime dans quelque chose que j'aime.
05:20À la limite, le vrai boulot, c'est la promo, c'est de devoir manger des champignons, voilà, ça, c'est du boulot.
05:25Est-ce que c'est un boulot, là, ce qu'on fait ?
05:26Ben là, c'est un plaisir, parce que j'adore les champignons, et puis, je vous aime bien.
05:30En fait, comment va Marie-Claude ?
05:33Ça dépend des gens, mais plutôt mieux.
05:35Et son abruti de fils, toujours en prison ?
05:39Arrête, Valérie.
05:40Tout le monde a le droit à une seconde chance.
05:43Parce qu'on a.
05:44Dans ce film-là en particulier, mais j'ai remarqué ça dans d'autres films précédents, il y a une forme d'amoralité chez vous.
05:50Vous ne jugez pas les personnages.
05:54Est-ce que c'est un sillon que vous travaillez, ça, dont vous êtes conscient ?
06:00Oui, c'est-à-dire que souvent, dans la vie, je trouve que les choses sont tellement complexes qu'on a du mal à les juger.
06:06On est dans une époque où on nous demande tout le temps de dire qu'est-ce que tu penses, c'est bien, c'est mal.
06:10Et dès qu'on creuse un peu en sujet, on a du mal à...
06:14On se rend compte que les choses sont complexes, ne sont pas blanches et noires.
06:18Et puis, moi, je crois à l'intelligence du spectateur et je ne suis pas là pour lui dire ce qu'il faut penser ou pas.
06:24Moi, je pense beaucoup au spectateur quand je fais un film.
06:26Je ne le fais pas que pour moi.
06:28Je le fais aussi pour les gens qui se l'approprient.

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