Massacre du 7 octobre : «Un an après, il est nécessaire d'aller écouter directement les personnes qui ont réellement vécu le 7 octobre», estime la réalisatrice Anaële Maman

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Tous les vendredis, samedis et dimanches soirs, Pascale de La Tour du Pin reçoit deux invités pour des débats d'actualités. Avis tranchés et arguments incisifs sont aux programmes de 19h30 à 20h00.
Retrouvez "Ça fait débat" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-grandes-voix-du-weekend

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00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h, 21h, Pascal Bellator-Dupin.
00:05Les Charles Dorn, Hélas et Paul Mellin sont toujours dans ce studio, on va revenir sur
00:09les mots d'Emmanuel Macron et la réponse de Benjamin Netanyahou qui dit « Shame on
00:14you » à Emmanuel Macron.
00:15On va en parler dans un instant, mais d'abord je voulais entendre Anaëlle Mamane qui est
00:19journaliste, réalatrice du documentaire « Israël, de la mort à la vie », un documentaire
00:25que vous pouvez retrouver sur YouTube.
00:28Raphaël Mamane, on vient d'entendre le témoignage de Tamara Attaf, porte-parole de cet hôpital
00:34qui raconte ce jour du 7 octobre.
00:37Là où c'était très important de vous entendre, c'est que vous vous êtes rendu sur place
00:41trois semaines après les exactions et les attaques terroristes du 7 octobre.
00:46Est-ce que vous pouvez nous raconter, et c'est ce qu'on voit à travers votre documentaire,
00:50ce que vous avez vu trois semaines après ces attaques ?
00:53Tout d'abord, le 7 octobre, sa particularité c'est qu'il a été filmé directement par
00:59les assassins en temps réel sur les réseaux sociaux.
01:01C'est peut-être la première fois qu'on peut regarder à chaque minute ce qui se passe.
01:06Et justement, je pense qu'à ce moment-là, je réfléchis, je me dis « mais qu'est-ce
01:11qu'il faut faire quand on voit un massacre filmé par ses propres assassins ? » Et je
01:16me suis dit, quand je pense par exemple au documentaire « Shoah », qu'il fallait absolument
01:20aller filmer du point de vue des victimes pour pouvoir leur rendre hommage.
01:23Alors, trois semaines après, je me rends sur place et je filme.
01:27Et on a deux types de témoignages.
01:29On a les lieux, silencieux, mais qui racontent tout.
01:31Sur place, on voit des corps, on voit du sang par terre, on voit des traces de doigts,
01:38on voit des combats qui ont été menés, je vois des soutiens-gorge, peut-être encore
01:42la dernière preuve d'une victime qui aurait été violée.
01:46Et en fait, on devine au fur et à mesure, par les preuves qui sont laissées par terre,
01:51ce qui s'est passé.
01:52Et puis, il y a un deuxième type de témoignages, et c'est là, c'est ce que je voulais au
01:54départ, c'était d'aller récupérer les témoignages de ces victimes directs.
01:59Et là, on a entendu Tamara, mais on a aussi entendu Monet tout à l'heure.
02:05Et je pense que c'est ça ce qui est nécessaire, un an après, c'est d'écouter directement,
02:09d'aller venir au fait, à ces personnes qui ont réellement vécu le 7 octobre.
02:13Ces personnes qui ont vécu le 7 octobre.
02:16Vous avez vu quoi trois semaines après ? Beaucoup de résilience, de détermination, des envies
02:22de vengeance ?
02:23J'ai surtout entendu le silence de la plupart des témoignages des victimes, des survivants,
02:28et leur silence était un peu le bruit de ce qu'ils avaient vécu, des suppices qu'ils
02:32avaient vécu.
02:33Et j'ai aussi vu une forme de fragilité en eux, mais aussi une forme de résilience,
02:38une volonté absolue de ne jamais pleurer.
02:40Moi, j'avais une caméra, donc de ne jamais pleurer dans la caméra, et à chaque fois
02:43qu'une personne commençait à pleurer, me demander, non, tu effaces, et on recommence.
02:47Il y avait des enfants, et les enfants venaient vers moi, et j'ai une petite fille, moi,
02:51qui me demande, et qui commence à me parler, qui me raconte, et puis là, elle se tait
02:54parce qu'elle me raconte que ses parents ont été assassinés, et elle me dit, non,
02:57absolument pas, on va reprendre.
02:59On a dû faire quatre ou cinq fois, jusqu'à ce qu'il n'y ait pas une seule larme qui
03:03puisse être montrée dans la vidéo.
03:05C'est dur ?
03:06Oui, très dur.
03:07On met ça à une enfant, mais c'était important.
03:09C'est elle ?
03:10C'est elle.
03:11C'est eux ?
03:12C'est eux.
03:13C'est une forme de pudeur.
03:14Oui, une forme de pudeur, et de résilience, de résistance, peut-être, pour ne pas montrer
03:20ses larmes aux terroristes, c'est ça ?
03:22Je pense, en tout cas, dans cette résistance-là, en dehors des témoignages directs, alors
03:28on pouvait voir, évidemment, que la population était un petit peu fracturée.
03:31La question des otages était directement au cœur des débuts, mais malgré cette fracture,
03:37qu'on pourrait aussi exprimer comme une forme de démocratie, quand la société est
03:41divisée, c'est la démocratie, et bien malgré cette opposition, on pouvait voir
03:46une sorte d'ensemble sur l'entraide, les restaurants qui commençaient à faire des
03:52repas pour les familles, les hôtels qui commençaient à accueillir les rescapés du nord et du
03:57sud pendant la guerre, les gens qui commençaient à faire des dons de vêtements.
04:01Et en fait, c'est fou, parce que moi, j'ai vu des moments où les gens se disputaient
04:06par exemple sur la politique de Netanyahou, je suis pour ou je suis contre, et qui en
04:10même temps étaient en train de plier des vêtements pour pouvoir aider d'autres familles.
04:13Et c'est ça où je me suis dit, mais je ne pense pas qu'on pourrait avoir par exemple
04:17une personne d'extrême-droite et d'extrême-gauche en France en train de plier des vêtements
04:20et pouvoir discuter sur la politique.
04:22Je l'espère, si on se trouvait face à une telle horreur, face à l'horreur, parfois
04:32et heureusement, on oublie nos...
04:34Une dernière chose sur le traumatisme, et on va parler effectivement de la réaction
04:38de Benjamin Netanyahou ce soir.
04:39Les traumatismes de cette journée-là, vous l'avez vu, comment il se traduit ?
04:44On le voit, mais en fait, surtout en y restant, on a aussi, on commence à en avoir, mais
04:49très peu.
04:50C'est-à-dire que même une personne qui n'a pas vécu le 7 octobre ce jour-là, rien que
04:53les bruits sont des réflexes.
04:56Il y a des horaires aussi à l'époque, je ne sais pas si c'est toujours le cas, mais
05:00quand une requête était envoyée, en fait, des études avaient été menées pour montrer
05:03que c'était à 20h pile.
05:04Alors moi, j'ai des moments parfois un peu drôles, mais c'est un peu de l'humour noir.
05:08J'ai envie de vous dire, à 19h50, on mettait nos chaussures, alors qu'on commençait peut-être
05:12à s'endormir.
05:13Allez, mettez vos chaussures, ça va sonner ! Et puis on attendait de savoir si ou non
05:16ça allait sonner pour aller s'abriter.
05:17Donc, il y a des traumatismes de bruit, il y a des traumatismes de vision aussi, et puis
05:24au fur et à mesure, on se rend compte en fait que, et je pense que même aujourd'hui, c'est
05:30une société qui est encore fracturée, par plein de choses.
05:32Une société qui est encore fracturée, son premier ministre qui a pris la parole ce soir,
05:36je voudrais qu'on écoute les mots de Benjamin Netanyahou qui a répondu à Emmanuel Macron.
05:40Le président Macron et d'autres dirigeants occidentaux appellent désormais à un embargo
05:45sur les armes contre Israël.
05:47Honte à eux ! L'Iran impose-t-il un embargo sur les armes au Hezbollah, au Houthi, au
05:53Hamas et à d'autres groupes par procuration ? Bien sûr que non !
05:57Benjamin Netanyahou, Paul Mellin, qui est dans son rôle, c'est exactement ce que j'allais vous dire.
06:03Il est dans son rôle de dire à Emmanuel Macron, mais quand même il réagit aux mots d'Emmanuel Macron.
06:07Oui, parce qu'Emmanuel Macron n'est pas n'importe qui, parce que la France n'est pas n'importe qui.
06:11La France est un grand pays, encore aujourd'hui, n'en déplaise à ceux qui voudraient nous
06:16voir nous effacer sur la scène internationale, la France a encore des choses à dire au monde,
06:20et la parole du président de la République française est scrutée.
06:24Maintenant, oui, l'idée de dire que Benjamin Netanyahou est dans son rôle est importante,
06:29parce qu'il est vrai qu'il essaie de rameuter tout ce que la communauté internationale
06:34et tout ce que l'Occident peut avoir de moyens, que ce soit militaire, ou surtout, on sait
06:39très bien que dans une guerre, c'est la communication qui compte, donc tous les mouvements
06:43de solidarité vis-à-vis d'Israël qui peuvent être exprimés par l'Occident sont bien sûr
06:48scrutés par Benjamin Netanyahou et souhaités par Benjamin Netanyahou, donc là-dessus,
06:52il ne faut pas être ambigu. Par contre, effectivement, je pense que le rôle de la France n'est pas
06:57d'entrer dans une forme de jusqu'au-boutisme ou de bellicisme, mais plutôt de dire qu'Israël
07:02a été victime d'une atrocité, d'une barbarie, d'une monstruosité qui s'appelle Hamas le 7 octobre,
07:09de se tenir aux côtés d'Israël, de dire qu'Israël avait une riposte légitime à mener,
07:13mais que cette riposte légitime ne doit pas emmener la zone vers un conflit régional
07:19qui serait autrement plus violent pour tous les pays et qui pourrait même, d'ailleurs,
07:23engendrer des catastrophes aussi pour Israël. Donc, moi, je pense que la position de la France,
07:29et d'ailleurs, de ce point de vue-là, elle est assez conforme à ce qu'on observe pour d'autres pays
07:33des Nations Unies, d'autres pays d'Occident, doit être à favoriser la désescalade.
07:37Ça ne veut pas dire laisser les Israéliens en race campagne face à leurs ennemis, bien sûr que non,
07:41mais ça veut dire penser la désescalade, penser la paix, réfléchir en responsabilité
07:46qui peut être menée dans la zone avec d'autres pays, des pays qui peuvent être aussi des alliés,
07:50je pense à l'Arabie Saoudite, je pense à la Jordanie, je pense à l'Égypte et au Maréchal El-Sissi,
07:55de se dire comment on fait pour travailler collectivement à la paix.
07:59La guerre absolue n'est pas une issue.
08:01Charlotte d'Ornelas, est-ce que vous partagez le point de vue de Paul Melun ?
08:05En fait, ce que dit Paul, c'est qu'Emmanuel Macron, il est dans son rôle.
08:09C'est ça. Moi, je trouve que sur le tempo, il aurait peut-être pu attendre quand même.
08:13Non mais, pardon, mais on est à la veille d'un grand rassemblement demain à Paris.
08:18C'est déjà très compliqué pour la communauté juive de France.
08:22C'est un rassemblement qui ne concerne pas que la communauté juive, demain à 15h devant l'Unesco.
08:28D'accord ? Donc ça, je le précise.
08:30Mais sur le tempo, Charlotte d'Ornelas, franchement,
08:33est-ce que ça ne va pas, je ne sais pas, jeter de l'huile sur le feu et faire monter en France
08:39des manifestations pro-palestiniennes, par exemple, ceux qui agit des drapeaux palestiniens,
08:44se sentent peut-être un peu confortés dans leur position, ce soir, avec les mots d'Emmanuel Macron ?
08:49Ils ne lui ont jamais accordé le moindre point, puisqu'ils l'accusent d'être en permanence
08:53et depuis un an complice d'un gouvernement qu'ils qualifient de génocidaire.
08:56Donc ça, ils ne font absolument pas attention à ce que disent d'autres personnes qu'eux-mêmes
09:00dans une lecture complètement lunaire et très paranoïaque de la situation.
09:05Donc là, franchement, je ne lui ferai pas ce procès-là.
09:08Et vous avez raison, c'est le timing.
09:10Je vous disais tout à l'heure, le discours depuis un an de la France insoumise
09:14rend tout discours un tout petit peu nuancé absolument impossible sur ce conflit,
09:19ce qui est absolument dramatique quand vous êtes en France,
09:22qu'il y a des Français qui sont morts, des Français qui sont pris en otage.
09:26C'est quand même dramatique de ne pas pouvoir en parler avec un peu plus de calme que ça.
09:30La question du timing, vous avez raison.
09:32Le déclarer à la veille du 7 octobre, c'est compliqué.
09:35Et d'un autre côté, je ne vais pas me faire l'avocat d'Emmanuel Macron par principe,
09:39mais la situation est celle qu'elle est aussi aujourd'hui.
09:42Il évoque la question du Liban, la question à Gaza et ça, il n'y peut rien.
09:46Ce que je veux dire, c'est ce qui s'est passé la semaine dernière.
09:49Mais cela dit, là, je suis absolument d'accord que Benjamin Netanyahou répond
09:53en défendant sa stratégie qui est la sienne.
09:56Ce que vous disiez tout à l'heure, qui alimente même des débats en Israël
10:00au sein d'une population qui est évidemment, par ailleurs, extrêmement unie
10:04par rapport à ce qui lui est arrivé et aux horreurs qui lui ont été imposées.
10:07Donc le débat lui-même sur la politique engendrée par Benjamin Netanyahou
10:11n'est pas un scandale en soi.
10:13En revanche, j'entends dans la réponse de Benjamin Netanyahou
10:16ce qu'on peut entendre aussi chez des Libanais par rapport aux promesses
10:19qu'Emmanuel Macron avait faites, notamment vis-à-vis de la corruption
10:23des élites libanaises, il y a de ça 3-4 ans, reprenez-moi si je me trompe,
10:28juste après l'explosion du port.
10:30Donc Emmanuel Macron, le problème c'est quand vous dites
10:33on ne peut plus faire ça, on ne peut plus supporter ça, il faut un cessez-le-feu,
10:36il faut aussi avoir derrière des solutions à proposer.
10:39Et là c'est ça qui est aussi très compliqué dans la déclaration
10:42et c'est ce qui provoque je pense aussi la colère de Benjamin Netanyahou.
10:46Ce qui est sûr c'est que je ne veux pas avoir des jugements à l'emporte-pied
10:50sur la déclaration d'Emmanuel Macron ou sur la déclaration d'un autre.
10:53La situation est extrêmement compliquée
10:56et quand le président de la République française, comme depuis un an,
10:59se préoccupe des populations civiles et des conséquences de cette guerre
11:04dans le ressentiment qui pourrait naître dans des populations
11:07qui n'en ont pas aujourd'hui, je pense qu'il a aussi raison de le faire
11:10et à des milliers de kilomètres, c'est même parfois sans doute un devoir
11:13que de le faire dans une situation de guerre.
11:16Vous voyez, je ne suis pas très tranchée dans ma déclaration.
11:20C'est difficile de l'être dans un contexte pareil.
11:22Le problème c'est qu'il y a une injonction à être très tranchée
11:25depuis le début de ces drames, où effectivement les positions nuancées
11:30et c'est un peu le cas de la diplomatie française, sont souvent mal comprises.
11:33On vous demande de prendre parti.
11:34Ou vous êtes un jusqu'au-boutiste, fervent défenseur de Netanyahou
11:38et il n'y a pas de problème.
11:39Ou alors vous êtes effectivement des côtés de la France insoumise
11:42ou des antisémites et vous avez un blocage de l'empathie
11:45pour les victimes du 7 octobre.
11:46Non, moi je pense qu'il faut essayer de trouver une autre voie,
11:49de dire par exemple qu'on peut soutenir...
11:51Et surtout de la sympathiser pour leur beau...
11:52Oui, évidemment, eux, ils vont très très loin là-dedans.
11:54Mais de dire que le soutien est total
11:57et sans aucune discussion possible pour le peuple israélien
12:00qui a été frappé dans sa chair le 7 octobre, surtout en ces jours de commémoration
12:03et dans le même temps, comme dirait le Président de la République,
12:05réfléchir aux solutions des escalades
12:07et ne pas partir billes en tête derrière Benyamin Netanyahou.
12:10Eh bien, merci beaucoup.
12:11Merci Paul Mollin.
12:12Merci Charlotte Dornelas.
12:13Merci beaucoup à Naël Maman d'être venue dans ce studio
12:16et d'avoir aidé pour recueillir les témoignages
12:19et de Monette et de Tamara que nous avons entendus.
12:22Demain, vous entendrez le témoignage très fort également de Doron
12:26qui est un papa qui a perdu sa fille,
12:29qui était au Festival Nova dans des conditions extrêmement difficiles.
12:33Il est 20h58 sur Europe 1.

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