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00:00Vous nous avez rejoint Dominique de Villepin, merci.
00:02Un mot d'abord sur ce moment,
00:03cette conférence de presse très intéressante.
00:05On entend l'émotion du président américain,
00:08mais aussi peut-être une évolution de son discours.
00:12Tout à fait, et on voit bien que le début de libération des otages
00:16est en train de modifier, quelque peu la donne.
00:18La question, c'est de savoir jusqu'à quel point
00:20cela introduit une lueur d'espoir.
00:23Le retour à une certaine forme d'humanité
00:27après la douleur, la barbarie, l'horreur
00:30des dernières semaines et du 7 octobre.
00:33Je crois donc que c'est un moment important.
00:35Quand il espère, il a l'air d'espérer
00:37que la trêve durera jusqu'à la libération du dernier otage.
00:41Ce n'est pas ce que disent les Israéliens,
00:43qui disent quatre jours et après, normalement, on reprend les combats.
00:45Est-ce qu'il y a une première dissension
00:48entre les Américains et les Israéliens ?
00:49Oui, et depuis maintenant plusieurs jours,
00:51on sent que Joe Biden vous regarde
00:54et apprécie différemment la situation.
00:58Il y a un glissement qui se fait.
01:00Il y a deux questions qui se posent.
01:02La première, c'est quels seront les objectifs
01:05au lendemain de la pause ?
01:06Durera-t-elle quatre jours ? Durera-t-elle davantage,
01:08une dizaine de jours ?
01:09Donc, quels seront les objectifs ?
01:11Est-ce que ce seront les mêmes que dans les dernières semaines ?
01:15Ça, c'est un premier élément important.
01:17Est-ce qu'ils peuvent aller jusqu'au cessez-le-feu ?
01:19C'est le mot tabou pour l'instant
01:21du point de vue des Américains et des Israéliens.
01:23Le président de la République, en France, l'a dit,
01:25un trait d'humanitaire qui mènerait à un cessez-le-feu.
01:27Est-ce que, selon vous, les Américains peuvent aller si loin ?
01:29Jusqu'à maintenant, les Israéliens ont répété sur tous les tons
01:33qu'ils souhaitaient le retour de la guerre,
01:35qu'ils voulaient le retour de la guerre,
01:37que la guerre aurait lieu
01:39au lendemain de ces libérations d'otages.
01:40Effectivement, si un mécanisme s'enclenche
01:43et si une perspective s'ouvre, les choses pourraient changer.
01:47Mais je pense qu'il est aujourd'hui très optimiste d'imaginer
01:51qu'il n'y ait pas de retour de la guerre.
01:52La question, c'est, est-ce que nous parlerons de la même guerre ?
01:56Est-ce que la pratique de bombardements massifs
02:00qui ont eu lieu au nord, est-ce que cela se reproduira au sud,
02:03sachant que la densité de la population,
02:051,6 million de Palestiniens qui sont là,
02:08amassés, donc une densité qui va jusqu'à 10 000, 12 000 habitants
02:13au kilomètre carré, est-ce que ce sera donc la même logique
02:16qui présidera ou est-ce qu'au contraire,
02:18il y aura davantage de retenues, des raids au sol,
02:21en ciblant beaucoup plus les cibles du Hamas ?
02:24Est-ce que l'objectif restera d'éradiquer tout le Hamas,
02:27qui paraît extrêmement difficile, voire impossible,
02:30ou au contraire, de casser les infrastructures
02:33et d'éliminer les dirigeants militaires du Hamas ?
02:36Dominique de Villepin, tout ce que vous entendez,
02:38on peut le comprendre rationnellement,
02:39on peut le comprendre aussi émotionnellement.
02:42Quand on voit ces images,
02:43tant mieux pour ces femmes et ces enfants libérés.
02:46Est-ce que ça n'est pas simultanément
02:47tomber dans le piège du Hamas qui arrive à tenir en haleine
02:51Israël et la communauté internationale ?
02:53Vous avez raison, cette question, il faut se la poser,
02:55et les dirigeants doivent se la poser,
02:57parce que c'est effectivement,
03:01quand on regarde la façon dont le jeu se dérouble,
03:04y compris quand c'est le Hamas qui pose les conditions,
03:07qui arrête les libérations,
03:10on voit bien que le Hamas reprend à la faveur
03:12de la libération des otages, reprend l'initiative.
03:16Et là, il faut toujours en revenir à la nature même du Hamas.
03:19C'est une organisation terroriste.
03:21Et en tant qu'organisation terroriste,
03:23elle joue sur deux éléments essentiels
03:26qui lui donnent une force particulière
03:29et une cruauté particulière.
03:31Le premier élément, c'est la surprise.
03:33On a vu le mode opératoire choisi par le Hamas,
03:37qui est très différent de tous les modes opératoires
03:39utilisés par les terroristes jusque-là.
03:42Porter la barbarie jusqu'à des sommets,
03:44cibler des vieillards, des enfants, des femmes,
03:47ça, ça fait partie de la surprise.
03:49Ça a choqué le monde,
03:51comme des avions dans les tours de Manhattan
03:55ont stupéfié le monde.
03:57C'est un mode opératoire important.
03:58Vous parlez de ce mode opératoire de manière très précise.
04:01Est-ce que ça n'amène pas à soutenir la logique israélienne
04:03qui est effectivement de tuer tous les islamistes du Hamas ?
04:06Eux, ils ne parlent pas, comme vous l'avez fait dans une interview,
04:09de quelques chefs ou d'opérations de commando.
04:11Ils disent tous 30 000.
04:13La question se pose.
04:14Mais à cette question, nous avons malheureusement déjà la réponse.
04:17C'est-à-dire ?
04:18Nous avons essayé une fois, deux fois, dix fois
04:21d'éradiquer des mouvements terroristes.
04:23Et la caractéristique même du terrorisme,
04:26c'est que cela repousse.
04:28On n'écrase pas une idée.
04:30Ce serait tellement facile s'il s'agissait d'un combat,
04:33comme dans la guerre conventionnelle entre États,
04:35qui permettait, à coup de bombe et de roquette,
04:38de liquider un mouvement.
04:39Est-ce que ça n'est pas du défaitisme, pardon, de 2017 ?
04:42Prenons l'exemple.
04:43C'est l'exemple que j'allais prendre.
04:45C'est l'exemple que j'allais prendre.
04:46C'est l'exemple qu'on peut prendre, effectivement,
04:50Raqqa, Moussoul,
04:51ce qui, aujourd'hui, nous apparaît comme l'éradication de Daesh.
04:56Le groupe d'État islamique n'est plus ce qu'il était.
04:58Oui, mais l'État islamique s'est transformé.
05:01Et malheureusement, le Hamas est l'héritier, aujourd'hui,
05:05de l'État islamique, ne nous y trompons pas.
05:07Le terrorisme, il change de nature, il change d'appellation,
05:11mais le mode opératoire devient toujours plus violent,
05:14toujours plus radical,
05:16et il fera toujours par un effet de surprise.
05:18C'est en ça qu'il faut que nous restions, nos pays, mobilisés.
05:21Demain, Paris peut être atteint par ce terrorisme.
05:24Est-ce que ça n'est pas du renoncement ?
05:26Une forme de défaitisme, pardon.
05:27Quand on a un ennemi,
05:29on a combattu le bolchevisme pendant des décennies,
05:31on ne se disait pas, ah, désolé, il faut qu'on arrête,
05:33parce qu'on crée de nouvelles vocations communistes.
05:36En réalité, le combat a continué.
05:38Les Américains, par exemple, bien sûr, ont fait de grandes erreurs,
05:40mais eux, continuent le combat.
05:42Ils ne se demandent pas,
05:43est-ce que ça vaut la peine de tuer Ben Laden ?
05:45On voit que les interrogations se multiplient,
05:48et surtout, on sait que si, à un moment donné,
05:53on ne se bat pas aussi sur le terrain politique,
05:55dans une conversion du militaire au politique,
05:58le militaire ne permet pas tout.
06:00Je soutiens avec vous l'idée...
06:01Ensuite.
06:02Non, pas ensuite.
06:04Le militaire est nécessaire pour essayer de couper les têtes,
06:08d'éradiquer ce qui peut être éradiqué.
06:10Mais vous n'éradiquerez pas les racines,
06:12vous n'éradiquerez pas l'idée qui, elle, continuera à prospérer
06:16de façon parfaitement opportuniste.
06:17Mais, Dominique, pardon, je permets de vous interrompre,
06:19parce que là, vous nous parlez de ce qui arrivera.
06:21Tout le monde convient qu'il faudra donner de l'espoir aux Palestiniens.
06:24Le président Biden, le premier.
06:26Deux États, dit-il, évidemment,
06:27mais là, dans les prochains jours, la question se pose.
06:29Est-ce que, oui ou non, vous êtes pour en cesser le feu
06:31ou pour qu'Israël reprenne ses opérations ?
06:33Reprenons les choses où nous les avons laissées.
06:36On a un Hamas qui, aujourd'hui, revient en position de force.
06:40On voit bien, à la libération des prisonniers palestiniens,
06:44qu'ils sont, aujourd'hui, portés, le drapeau vert est partout.
06:47C'est plutôt le Hamas qui tire les marrons du feu.
06:50Ils exercent un chantage, disons.
06:52Oui, mais dans la population palestinienne,
06:54le soutien au Hamas progresse, soyons lucides,
06:57voire dans un certain nombre de populations arabes.
07:00Il faut prendre en compte ce facteur,
07:02parce que, pour arriver à éradiquer le Hamas,
07:05il faudrait pouvoir pousser, substituer
07:10un mouvement palestinien qui puisse, lui, porter d'autres espoirs.
07:15Et c'est là où les Israéliens doivent sortir des griffes du Hamas,
07:20bien sûr militairement, mais aussi politiquement.
07:23Et c'est là où on a besoin d'un mouvement de substitution,
07:26un mouvement politique,
07:28à pousser, qui puisse servir d'interlocuteur à Israël.
07:30Mais tout ça est de la théorie, pour l'instant, il n'est pas là.
07:33Il n'existe pas, pour l'instant.
07:34Pour le moment, Israël n'a pas souhaité porter ce mouvement.
07:39Il n'a pas souhaité le pousser.
07:41Il a même joué le pire.
07:42Et il a même joué l'inverse.
07:44Et donc, on voit bien aujourd'hui qu'on a besoin d'un interlocuteur
07:46qui, à défaut, sera le Hamas et restera le Hamas.
07:51Donc, il est très important d'engager cette initiative politique.
07:56Mais il y a plusieurs autres éléments qui sont aujourd'hui...
07:59Avançons, comme vous dites, pas à pas.
08:00Tout ce que vous dites, même si on le prend, d'accord,
08:02mais maintenant, c'est-à-dire créer une nouvelle autorité palestinienne,
08:06revitaliser, comme dit une fois encore Joe Biden,
08:08c'est peut-être dans plusieurs années.
08:10On parle ici des prochains jours.
08:12Est-ce que ça n'est pas une compromission que vous proposez
08:14en disant, on ne va peut-être pas tuer tous les membres du Hamas,
08:18on va mener des opérations commando,
08:20on ne va pas reprendre les combats tels que les Israéliens les mènent ?
08:24Ce que je vous réponds, monsieur Rochbin,
08:27c'est qu'en menant une politique massive de destruction des Palestiniens,
08:31qui est la contrepartie inévitable de la proposition que vous imaginez,
08:36qui est de liquider 30 000 responsables palestiniens,
08:39ça équivaut à, de façon indiscriminée, bombarder les territoires.
08:43Ils assument.
08:43Le résultat, c'est que vous allez faire encore plus d'adeptes de ce mouvement,
08:47encore plus d'adeptes du terrorisme, qui nourriront le terrorisme.
08:50Et ce que je vous dis, moi, c'est que d'une façon ou d'une autre,
08:53comme on voit aujourd'hui le Hamas prospérer sur les débris
08:56de ce qui s'est passé à Raqqa et Mossoul,
08:58inventer une horreur qui n'existait pas précédemment,
09:00nous ne cesserons pas de rentrer dans l'engrenage des horreurs.
09:05Et l'engrenage des horreurs, ça crée cette espèce de spirale
09:10qui, de part et d'autre, ne connaît que la violence
09:14et qui ne permet pas la sécurité.
09:16Est-ce qu'ici, la France fait une différence, au moins par la parole ?
09:20On parlera tout à l'heure de votre événement de 2003,
09:23où, par la simple parole, la France, c'était vous, Chirac,
09:26en s'opposant à la guerre d'Irak, a réussi à faire la différence,
09:29avec peu de division, la parole.
09:31Est-ce qu'aujourd'hui, la France pourrait marquer
09:33cette espèce de différence à l'égard du monde arabe,
09:36à l'égard des Palestiniens ?
09:37Est-ce que déjà, Emmanuel Macron ne le fait pas ?
09:41La singularité d'une position diplomatique,
09:43elle peut s'exprimer aujourd'hui.
09:45On voit bien que Joe Biden commence à exprimer
09:47un certain nombre de différences.
09:48Il a, vis-à-vis des colons de Cisjordanie,
09:50commencé à lever le ton.
09:53Il a, sur la perspective éventuelle
09:57d'utiliser l'arme de l'aide à Israël,
10:00commencé à hausser le ton.
10:03Donc, la diplomatie peut se singulariser.
10:05Emmanuel Macron a posé une position française...
10:10Il a dit cesser le feu.
10:11...qui a été plus loin que la position
10:15qu'il avait prise initialement.
10:16C'est bien, selon vous ?
10:18Je crois que c'est une bonne chose.
10:19Nous devons en permanence,
10:20et c'est ça, une stratégie d'équilibre,
10:23essayer d'aller vers le point qui permet, à un moment donné,
10:27d'avancer, et d'avancer autrement que par la violence,
10:31qui, en l'occurrence, permettra temporairement à Israël
10:36de se retrouver en sécurité,
10:37mais qui n'augmentera pas à terme la menace,
10:41enfin, n'augmentera pas la capacité à lutter contre la menace.
10:43De fait, est-ce qu'on n'est pas déjà
10:44dans une forme de compromission ?
10:46Il faut rappeler cette situation inouïe.
10:48Agnier, le chef du Hamas,
10:50ce mouvement qui a sur les mains le sang de 40 Français,
10:54est tranquillement, à Doha, dans des palaces,
10:56protégé par le Qatar, avec lequel nous parlons.
10:59Est-ce que ça vous paraît normal ?
11:01Alors, on a posé comme premier point,
11:03puisque vous voulez aller progressivement
11:05dans ce qui pourrait être fait.
11:06Première chose, essayer de faire émerger
11:09une alternative au Hamas du côté palestinien.
11:12On a besoin d'un interlocuteur.
11:13Mais attendez, on a une vraie question.
11:15C'est normal ou c'est pas normal ?
11:16J'en viens au deuxième point.
11:18J'en viens au deuxième point.
11:19La question, aujourd'hui, du traitement du Hamas,
11:23sur le plan militaire et politique, est posée.
11:25Sur le point militaire, Israël y répond.
11:27Sur le plan politique, la question reste entière.
11:29Et c'est pas seulement une question pour le Qatar.
11:32C'est bien sûr une question pour le Qatar qui les accueille.
11:34C'est aussi une question pour toute la communauté internationale.
11:37La question, c'est est-ce que le Hamas politique
11:40doit être hébergé, aujourd'hui, au Qatar,
11:42ou en Iran, ou dans le Sud-Liban ?
11:45Bon.
11:46Pardon, soyons encore plus directs, soyons très francs.
11:49Est-ce qu'il faut accepter une forme de réelle politique ?
11:51On dit, c'est comme ça, oui, c'est un grand criminel,
11:54mais comme d'autres grands criminels sur la Terre,
11:56on joue un peu avec la situation parce qu'on en a besoin,
11:58y compris pour libérer les otages.
12:00Réelle politique, politique arabe.
12:02Ou est-ce qu'on est plus ferme en disant, ça n'est pas normal,
12:04on demande son extradition, on veut qu'il soit jugé ?
12:06Il n'y a pas d'autre solution, au fond.
12:08Mais à l'évidence, ce n'est pas normal.
12:09Alors ?
12:10Et à l'évidence...
12:11Vous êtes pour son extradition ?
12:13À l'évidence, la question se pose de savoir
12:15comment nous traitons le Hamas politique.
12:18Et nous avons vu des mouvements terroristes
12:21devenir des mouvements politiques, renonçant à la violence.
12:24Mais le choix doit être clair,
12:26on n'a pas à travailler et à reconnaître...
12:29Ils ont déjà choisi, eux.
12:31C'est clair, violence intégrale.
12:32Mais là, le processus de liquidation des dirigeants
12:36de la branche militaire est en cours.
12:38Est-ce que M. Agnier et tous ceux qui sont avec lui,
12:41comme on le dit souvent, dans de luxueuses villas au Qatar,
12:44souhaitent connaître le même sort ?
12:46Ou est-ce qu'ils acceptent de prendre le risque
12:49d'être renvoyés dans des endroits moins confortables ?
12:51La question se pose,
12:53et je pense que la communauté internationale...
12:54Ce n'est pas à moi, ici, à prendre cette décision,
12:56mais je pense que la question doit être traitée.
12:58De la même façon.
13:00C'est très prudent, la question doit être traitée.
13:02Moi, ça aussi, je n'ai pas besoin...
13:03Même moi, je pourrais vous le dire.
13:04Pardon, la question doit être traitée, M. Rochebain.
13:06Mais la réponse...
13:07Non, mais la question, pour les États,
13:08je pense à la France, je pense aux États-Unis,
13:10je pense à tous les États de la communauté internationale,
13:12c'est est-ce qu'ils préfèrent avoir un interlocuteur,
13:15même si c'est un très méchant interlocuteur,
13:18à Doha,
13:19ou est-ce qu'ils préfèrent l'avoir à Téhéran ?
13:21C'est une question très simple.
13:23Voilà.
13:24Et alors ?
13:25Il faut plus. Moi, je ne suis pas en position.
13:27Moi, je pense qu'on devrait, à un moment donné,
13:30durcir le ton vis-à-vis du Hamas
13:34et faire savoir au Qatar que la situation actuelle
13:36ne paraît pas acceptable.
13:37Est-ce qu'on s'est aveuglés ?
13:38Vous savez combien ça vous a été reproché ?
13:40Cette petite phrase, c'était en 2015.
13:42Vous parlez du Qatar, c'est sur Europe 1, je crois,
13:45et vous dites que la France n'a aucune preuve
13:47de l'implication du Qatar dans le financement du terrorisme.
13:50Et je vous dis ça,
13:51ce n'est pas pour vous piéger, vous, très personnellement,
13:53c'est de façon générale.
13:54Alors que le Qatar, arrosé d'argent,
13:57arrosé d'argent à l'Occident...
13:58En 2015...
13:59Pardon, finie ma question. Achetez des gens.
14:02Achetez des gens et des situations.
14:03Il y a beaucoup de gens comme vous,
14:05vous n'étiez pas le seul, disant,
14:06où est le problème ?
14:07Non, ce n'est pas des gens comme moi,
14:09c'est la position du Quai d'Orsay en 2015.
14:11La position du Quai d'Orsay, monsieur Rochebin,
14:13je suis ancien diplomate,
14:15c'était, justement, de considérer
14:18qu'il n'y avait pas d'élément probant à cette époque pour.
14:21Ce qui est certain...
14:22On ne savait pas que le Hamas finançait,
14:24que le Qatar finançait le Hamas, vraiment ?
14:26Distinguons les choses.
14:27Le Hamas finance...
14:29Le Qatar finance le Hamas
14:31à la demande d'un certain nombre de pays
14:34qui ne souhaitent pas le faire directement eux-mêmes.
14:37À partir du moment où vous enfermez
14:392,4 millions de Palestiniens
14:41dans une prison à ciel ouvert,
14:42vous avez le choix entre vous en occuper vous-même,
14:44responsabilité d'Israël,
14:46ou de le faire faire par d'autres.
14:47M. Benjamin Netanyahou a considéré
14:50qu'il était meilleur que ça passe par le Qatar.
14:52Ne soyons pas hypocrites, ne soyons pas stupides.
14:55Il faut ouvrir les yeux.
14:56La responsabilité,
14:58elle est celle de ceux qui disent au Qatar,
15:01s'il vous plaît, rendez-nous service, faites cela.
15:04Est-ce que c'était une faute ?
15:05Est-ce que votre phrase de l'époque
15:07et celle du Quai d'Orsay,
15:08puisque vous rappelez que c'est une position,
15:10et je le fais aussi plus large,
15:11est-ce que c'était une faute ?
15:13Mais c'est une faute.
15:16C'est un défaut d'information, en l'occurrence.
15:18C'est un défaut d'information.
15:19Moi, je vous rappelle qu'en 2015...
15:20On n'a pas découvert que le Hamas,
15:22pardon, n'était pas un club de boullistes.
15:24Mais il fallait s'adresser,
15:25je crois que c'était Laurent Fabius à l'époque
15:26qui dirigeait la diplomatie française.
15:28En ce qui me concerne, je n'étais pas aux affaires.
15:31On ne parle pas en l'air.
15:32On peut toujours lancer des anathèmes,
15:34lancer des accusations.
15:36Un ancien diplomate n'a pas les éléments d'information
15:38que peut avoir un ministre en position.
15:42Dominique de Villepin, si vous permettez,
15:43liquidez-vous la question, parce que Dieu sait
15:44si vous avez, et vous l'avez dit, et vous l'exprimez.
15:46Et si je peux me permettre,
15:47vous l'exprimez même un peu physiquement.
15:48Vous avez été très attaqué sur le thème liens au Qatar.
15:52Vous savez ce que c'est, dès que vous parlez,
15:53on dit que c'est l'ambassadeur du Qatar.
15:55Droit de réponse, c'était sur notre antenne,
15:56Alain Minc qui s'en prend à vous,
15:58très directement en disant, en substance,
16:00moi, je ne vais pas autant au Qatar que va Villepin.
16:04Et cette insinuation, vous savez combien elle revient.
16:06Écoutons-le et vous lui répondrez directement.
16:09Je pense que Dominique de Villepin,
16:12proche comme il est du Qatar,
16:14devrait modérer l'extrême talent qu'est le sien
16:17dans l'énoncé actuel de ses positions.
16:19Proche en quel sens du Qatar ?
16:20Parce que là, vous portez une insinuation.
16:22Ce n'est pas une insinuation.
16:23Il le sait, il le dit, il s'est balayé.
16:25Qu'il est proche du Qatar, ce n'est pas une insinuation.
16:27Il a dit dans une émission concurrente, si j'ose dire,
16:29il a dit qu'il avait reçu un prix littéraire du Qatar.
16:32Ce n'est pas dire je suis proche du Qatar.
16:34Je n'ai rien dit d'autre que j'ai dit proche du Qatar.
16:37Ça a un sens, proche du Qatar.
16:39Ça veut dire quoi ?
16:40Ça ne veut rien dire. Il est plus proche du Qatar que moi.
16:42Ça, c'est clair.
16:43Mais quoi, par des idées, par des intérêts ?
16:45Non, les intérêts, je ne le dirai pas parce que je ne sais rien.
16:48Je ne peux pas le dire.
16:49Mais je pense qu'on le voit plus souvent à Doha que moi.
16:53Alors, vous voit-on plus souvent à Doha qu'à La Manche ?
16:55Je n'ai pas été à Doha, je crois, depuis sept ou huit ans.
16:58Donc, c'est absurde.
16:59Il n'est pas très loin, quand il dit, là, on comprend bien.
17:01Il a une insinuation.
17:02C'est tout l'art parisien de dire sans dire tout en disant.
17:07La vérité, je l'ai dit clairement, comme vous le dites,
17:10dans une chaîne concurrente, je n'ai jamais eu de contrat,
17:12ni comme cabinet d'avocat, ni comme société de conseil,
17:16financier, économique, avec le Qatar.
17:18Est-ce que vous avez touché directement ou indirectement
17:20de l'argent du Qatar ?
17:21Je vous redis, j'ai eu un prix,
17:24et ce prix, je l'ai reversé à des œuvres.
17:26Donc, la chose, elle est claire.
17:27Moi, je ne peux pas être plus transparent que je ne le suis.
17:30Vous n'avez pas, pour être très précis, parce que Dieu sait...
17:33Pardon, je ne suis pas juge d'instruction,
17:34mais on voit à quel point, sans arrêt, ça revient.
17:36Mais pourquoi ça revient ?
17:38Finissons là-dessus, puis après,
17:40est-ce que vous avez accepté des invitations du Qatar ?
17:42J'ai accepté des invitations.
17:43J'ai été pour l'inauguration d'un grand musée du Qatar,
17:47parce que je faisais partie du Conseil des musées.
17:49J'ai accepté un certain nombre de déplacements là-bas.
17:52Mais une fois de plus,
17:54je n'ai jamais fait de conférences rémunérées au Qatar.
17:56Vous savez, monsieur Rochebin,
17:59aller plus loin aujourd'hui,
18:02à partir d'une déclaration que j'ai faite
18:04sur le Petit Quotidien...
18:07Quotidien ?
18:08Au Quotidien, oui.
18:09Certains veulent considérer que,
18:12parce que j'ai dénoncé la domination financière de groupes
18:15aux États-Unis,
18:17dans ce qui est aujourd'hui
18:19la mise en cause d'un certain nombre d'intellectuels,
18:21de personnalités...
18:24On peut lire la citation, comme ça, vous pourrez tout à fait réagir.
18:28Vous dites la domination financière.
18:30Il est question, juste avant, il y a un reportage
18:31sur Suzanne Sarandon, l'actrice,
18:33qui a fait une comparaison entre les Juifs et les musulmans,
18:36en disant que les Juifs ont peur aux États-Unis,
18:38ils voient ce que c'est que d'être musulmans.
18:39Et vous poursuivez.
18:40On voit à quel point la domination...
18:42Ces agents l'ont suspendue, ont suspendu leur aide.
18:44On voit à quel point la domination...
18:46Voilà, on s'interrompt parce qu'on voit en direct
18:48l'arrivée, on reviendra à notre discussion,
18:50mais l'arrivée des otages en Israël.
18:53On rappelle que ce sont 17 otages.
18:55En l'occurrence, c'est à Rafah que l'événement a lieu,
18:59et nous le vivons ici, en direct.
19:01Pardon, c'est un peu décousu,
19:02mais c'est le lot de l'information,
19:03vous êtes habitués, M. le Premier ministre.
19:04Un mot là-dessus, n'est-ce pas ?
19:06On est au troisième jour de Trèves,
19:08et on voit qu'il y a cette espèce de suspense
19:11qui peut durer, mais on ne sait pas combien,
19:12parce que théoriquement, c'est chaque jour 10 otages.
19:15C'est à peu près le rythme qui est donné.
19:19N'est-ce pas ?
19:20Vous me posez la question ou vous êtes sur les images ?
19:22C'est difficile de suivre les deux à la fois.
19:24Oui, j'ai même pas entendu la question,
19:27j'ai regardé les images.
19:28L'arrivée des otages, maintenant, on est dans ce rythme.
19:31Un jour de Trèves, on est au troisième jour de Trèves,
19:33et chaque fois, 10 otages libérés,
19:34ça peut durer assez longtemps,
19:36c'est la grande inconnue dans laquelle nous sommes.
19:37C'est la règle qui a été posée, qui est d'accepter
19:40que si de nouveaux otages sont libérés,
19:42cela pourrait durer plus longtemps,
19:43et on ne peut que s'en féliciter pour toutes les familles
19:46et toute la population israélienne
19:49qui attend ces libérations.
19:51C'est le devoir d'humanité qu'on a vis-à-vis de ceux
19:53qui ont vécu cette horreur du 7 octobre.
19:57On poursuit notre conversation.
19:58Quand, effectivement, vous déclarez,
20:00et je finis donc ma citation,
20:02la domination financière sur les médias
20:04et sur le monde de l'art et de la musique pèse lourd
20:06parce qu'ils ne peuvent pas dire ce qu'ils pensent,
20:08tout simplement parce que les contrats s'arrêtent immédiatement,
20:11donc on voit bien que la règle financière
20:13qui est imposée aujourd'hui aux Etats-Unis
20:14dans la vie culturelle, elle pèse lourd.
20:16Malheureusement, nous le voyons aussi en France.
20:19De qui parlez-vous ?
20:20Vous dites « ils », la pression de qui ?
20:23D'entreprises culturelles ou d'entreprises médiatiques
20:26qui tiennent une partie des leviers
20:28qui permettraient, normalement, une certaine liberté d'expression.
20:31La pression de qui ? Vous pensez à la pression de qui ?
20:33Je pense à la pression qui est faite sur Suzanne Sarandon,
20:36sur Bella Hadid, qui sont obligées de renier leurs convictions
20:39pour garder le contrat qui est le leur.
20:41Une pression sociale liée à une dépendance financière.
20:46Vous savez très bien qu'une grande partie des gens,
20:49Jacques Attali vous a accusé très précisément d'antisémitisme.
20:51Permettez-moi d'y répondre.
20:53Tous les chemins mènent à Rome,
20:55mais tous les chemins de la critique ne mènent pas à l'antisémitisme.
20:59On peut critiquer les États-Unis sur votre plateau.
21:02Il n'y a pas très longtemps, certains s'en sont pris au fait
21:05que critiquer les États-Unis, c'était le début de l'antisémitisme.
21:08On peut critiquer les États-Unis sans être forcément antisémite.
21:11On peut critiquer Israël.
21:12On peut critiquer le sionisme messianique
21:15d'une partie du gouvernement israélien sans être antisémite.
21:19On peut soutenir l'idée de justice pour le peuple palestinien
21:24sans être antisémite.
21:25On peut mettre en cause un système économique, culturel, financier.
21:30Que je sache, un ancien président de la République a fait campagne
21:33en dénonçant le pouvoir de la finance.
21:35Il n'était pas antisémite.
21:37C'est très différent de dire la finance en général
21:39et de dire que si on en vient à être suspendu pour cette déclaration...
21:43Non, mais ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.
21:46Vous dites la règle financière qui s'est imposée.
21:48Elle pèse lourd, malheureusement, nous voyons en France.
21:50La règle financière qui fait que quand on pense quelque chose,
21:52on est obligé de changer d'avis sur Israël.
21:54Mais là, Adide, qu'est-ce qui s'est passé ?
21:56M. Rochbain, il faut regarder les choses de près.
21:59Le diable est dans les détails.
22:01Et c'est bien cela, moi, dans le fond,
22:05et toutes ces questions que vous me posez,
22:06quel est le but ?
22:07Quel est le but derrière vous et derrière ceux
22:09qui préparent ce genre de questionnement ?
22:12C'est de faire en sorte que je me taise.
22:13Vous savez très bien que déclarer ça
22:15allait provoquer ce genre de réaction.
22:17Mais M. Rochbain, je déclare ça
22:19sur un reportage culturel aux Etats-Unis.
22:24Bon. D'ailleurs...
22:25Soyons très clairs, pardon. Allons au bout de la question,
22:27parce qu'il faut rappeler, Jean Dormesan, par exemple,
22:29était allé voir François Mitterrand, dernier entretien,
22:32et Mitterrand avait eu cette phrase terrible,
22:34il lui avait dit, on voit ici l'influence du lobby juif en France.
22:37Et il faut être très clair, il y a une partie des opinions
22:40à l'extrême droite ou à l'extrême gauche en France
22:42qui pensent cela. Est-ce que vous le pensez ?
22:44Mais certainement pas. Je prends un exemple,
22:48parce qu'il faut se référer aux choses concrètes.
22:51Pendant toutes les années passées,
22:55nous avons vécu des drames dans notre pays.
22:57Chacun se souvient de ce qu'a vécu,
22:59le calvaire qu'a vécu Ilian Alimi,
23:02avec le gang des barbares, Fofana et quelques autres.
23:05Tout le monde se souvient du drame vécu par Sarah Alimi.
23:08Tout le monde se souvient de ce qu'a vécu Mireille Knoll.
23:12Le lien d'équivalence entre argent et communauté juive
23:18a été dénoncé très fortement par les mêmes
23:20qui aujourd'hui parfois me reprochent ce que j'ai pu dire.
23:24Vouloir établir un lien entre domination financière
23:27et antisémitisme, c'est renier ce qu'ils ont dit à l'époque.
23:31Il faut être cohérent.
23:33Et vous savez, à force de vouloir limiter
23:36la capacité qu'on a à s'exprimer,
23:38à force de ne plus pouvoir rien dire sur les plateaux
23:41sous prétexte que ça pourrait signifier ou gêner,
23:44à force de traquer toutes les formes de pensée
23:47qui peuvent évidemment porter ombrage à une stratégie ou à une politique,
23:52on devient ce qu'on est en train de devenir,
23:55c'est-à-dire un très petit pays.
23:57Regardez les États-Unis.
23:58Laissez-moi terminer, monsieur Rochebin.
24:00Qu'est-ce qui se passe aux États-Unis ?
24:02Aux États-Unis, vous avez au Parti démocrate,
24:04qui n'est pas connu pour son antisémitisme,
24:07une fronde majeure qui est en train de se produire par rapport à Israël.
24:11Une fronde générationnelle, une fronde politique.
24:14Et vous avez au sein même de la communauté juive,
24:16liée au lien établi entre Donald Trump et Benjamin Netanyahou,
24:21également une fronde qui s'organise.
24:23Vous savez, moi, je pense d'abord en vous disant cela,
24:28et en ce que je dis sur beaucoup de plateaux,
24:31à l'intérêt d'Israël, à l'intérêt de la communauté juive.
24:34Il faut savoir céder soi-même,
24:36c'est-à-dire ne pas se mettre dans la situation
24:39où on risque d'alimenter des critiques.
24:43Donc je crois qu'il faut beaucoup de lucidité, beaucoup d'exigence,
24:46un petit peu de courage, pour essayer d'affirmer ses convictions.
24:49Élargissant, au-delà de vous,
24:50est-ce qu'il y a une tradition non pas antisémite,
24:53pesons bien les mots, mais allons,
24:55anti-israélienne dans le gaullisme en France ?
24:57Je me permets de rappeler la citation du général de Gaulle en 1967.
25:02Quand il parle de la fondation d'Israël,
25:03il a ce geste étonnant quand on le regarde aujourd'hui.
25:05Il dit, une condition plus ou moins justifiable,
25:07sous-entendu la fondation de l'État en 48.
25:10C'est des conditions un peu discutables.
25:13Vous savez très bien que, vu d'aujourd'hui,
25:15c'est vu comme quelque chose d'anti-sioniste, voire antisémite.
25:18Est-ce qu'il y a une tradition anti-israélienne
25:21dans la droite gaullienne en France ?
25:22Ce que je sais, monsieur Rochebin,
25:24c'est qu'il y a une dérive du gouvernement israélien
25:27depuis plusieurs années,
25:28qui a été notée en particulier en 2018
25:31avec le vote d'une loi sur l'état-nation juif
25:35qui est en train de changer la nature d'Israël.
25:37Et des gens comme moi,
25:39qui ont travaillé pour servir les relations
25:41entre Israël et la France.
25:42Je vous rappelle que j'ai été le premier ministre
25:46des Affaires étrangères à essayer de remettre sur la table
25:49les relations entre nos deux pays.
25:51Israël est en danger, selon vous, aujourd'hui ?
25:53Mais Israël se met en danger
25:55quand Israël quitte la vocation d'État démocratique,
25:59qui est la sienne,
26:00et rentre dans une logique d'extrémisme,
26:03voire parfois de fanatisme,
26:05que l'on voit aujourd'hui en Cisjordanie,
26:06que l'on voit vis-à-vis de la politique de colonisation
26:09et d'occupation, c'est se mettre en danger.
26:11Et ce ne pas être antisémite ou anti-israélien.
26:15Faisons bien le distinguo.
26:16Faisons bien le distinguo.
26:17On l'a rappelé sur ce plateau,
26:19les colonies illégales en Cisjordanie,
26:21colonies illégales,
26:22avec en plus des colons qui commettent des exactions.
26:24Tout cela, ce sont des faits.
26:25Mais on ne peut pas sous-estimer le fait
26:27que simultanément, Israël est une démocratie.
26:29Franchement, dans la région,
26:30quand vous regardez la carte de la région,
26:32répondez à cet énigme-là.
26:34Je vous laisse finir ma question.
26:35On est en 2023.
26:37On rappelle, grand courage, vous avez eu en 2003,
26:38mais ça fait 20 ans.
26:39Aujourd'hui, s'il y a si peu démocratie
26:41dans le monde arabe,
26:42ce n'est pas la faute de George Bush,
26:44des Israéliens, de Dick Cheney, d'Ally Burton.
26:46Il y a quand même autre chose.
26:48Qu'est-ce qui fait que cette carte est comme ça,
26:50où tout ça, à peu près tout ça,
26:52ce sont des régimes autoritaires ?
26:55Qu'est-ce qui fait d'abord, dans beaucoup de cas,
26:58ce sont des États presque sans peuple ?
27:01C'est le cas du monarchie du Golfe, notamment.
27:03L'Égypte, Turquie, l'Iran, l'Irak,
27:06on ne peut pas dire que ce soit sans peuple.
27:07Ce sont des grandes nations.
27:08Grandes nations, grandes histoires.
27:09Le deuxième paradoxe, M. Rochemin,
27:11nous n'avons pas forcément la même exigence
27:13vis-à-vis de ces pays.
27:14Nous, les démocraties,
27:15puisque là, on ne fait pas les difficiles,
27:17si je puis dire, vis-à-vis d'un certain nombre
27:20de ces États ou de ces dirigeants.
27:22On les soutient à pleine main.
27:24Et le pari d'ailleurs d'Israël a été le pari
27:27de la normalisation avec les accords d'Abraham
27:29pour, sans poser sur la table la question palestinienne,
27:33régler cette question.
27:33Mais je veux aller plus loin.
27:34Donc, ils étaient prêts à faire du chemin.
27:35Regardez, pardon, cette carte.
27:36Permettez-moi, pardon.
27:37Permettez-moi d'aller plus loin, M. Rochemin.
27:42On peut me reprocher d'être un esprit critique.
27:45On ne peut pas reprocher à certains Israéliens
27:47d'être courageux.
27:49Quand le commandant israélien,
27:52l'un des commandants israéliens en Cisjordanie,
27:55dit, au début de l'année, en février,
27:58au moment des massacres d'Ouara,
28:02c'est dans le Times of Israel,
28:05qu'il y a eu un pogrom,
28:07pas fait par des Arabes contre des Juifs,
28:11mais l'inverse.
28:12Quand l'ancien commandant
28:14des services de renseignement israélien
28:16dit que dans les territoires,
28:17je ne dis pas en Israël,
28:19il y a une situation de quasi-apartheid,
28:21il y en a des voix, mais qu'il faut aussi...
28:23Soyons francs, elles sont marginales
28:25dans la politique israélienne aujourd'hui, de fait.
28:27Mais marginales dans la politique israélienne,
28:29mais demandées à tous les juristes,
28:31la plupart des grands juristes du monde entier,
28:33il y a une logique qui n'est pas, aujourd'hui,
28:37favorable à Israël dans le concert des nations.
28:40Dominique de Villepinte.
28:41Si on reste un instant sur cette carte,
28:43et je finis ma question,
28:44si on se met à la place d'Israéliens,
28:46est-ce que, franchement, ils peuvent penser autre chose
28:48que seule la force les défend ?
28:51Ça ne sert à rien de faire des concessions à l'Iran,
28:54à des régimes comme ça,
28:55de toute façon, à la série de Bachar el-Assad,
28:56de les faire des concessions.
28:58En réalité, la plupart de ces nations
28:59veulent la destruction d'Israël.
29:01Est-ce qu'on peut comprendre la logique,
29:03même jusqu'au boutiste,
29:04même celle du pire dont vous parliez de Netanyahou ?
29:06On ne peut pas dire ce que vous dites,
29:07puisque le mouvement de normalisation
29:09des accords d'Abraham montre que certains de ces pays,
29:11je dirais même aujourd'hui la plupart,
29:13étaient prêts à normaliser, y compris...
29:15L'Arabie, en tout cas.
29:16Y compris. Il reste le cas d'un État,
29:18et donc j'en reviens au point
29:19que je voulais aborder tout à l'heure
29:20et j'ai été interrompu dans mon raisonnement,
29:22dans les stratégies qu'il faut développer
29:25pour essayer de changer le cycle des choses,
29:27sachant que la logique militaire et sécuritaire
29:30n'apportera jamais une sécurité complète
29:32à Israël.
29:33Il faut bien évidemment, dans un processus politique,
29:36investir les pays arabes de cette région,
29:38qui aujourd'hui regardent ce qui se passe
29:41sans prendre leurs responsabilités.
29:42Est-ce qu'il faut une conférence internationale
29:45des pays arabes ?
29:46Est-ce qu'il faut une force d'interposition
29:48des pays arabes qui puisse jouer sa part
29:50de responsabilité à Gaza ?
29:52De la même façon,
29:53on l'a posé la question tout à l'heure,
29:55on ne peut pas accepter la dérive dangereuse
29:59de l'Iran dans cette région,
30:00qui est la grande gagnante.
30:02Tout près d'avoir la bombe.
30:03Mais, M. Rojba, ce n'est pas moi,
30:06à travers mes positions,
30:08qui peut faire oublier
30:13deux choses.
30:14C'est qu'après l'intervention américaine en 2003,
30:17le grand gagnant, c'était l'Iran.
30:19Et aujourd'hui, après le 7 octobre,
30:22le grand gagnant à nouveau, c'est l'Iran.
30:24Donc, il faut avoir le courage
30:26de la communauté internationale,
30:27sachant que ce sont les Américains
30:28qui ont enrayé la mécanique d'accord avec l'Iran,
30:33de reprendre les choses.
30:34Dominique de Villepin,
30:35est-ce que ce sont les nouveaux pouvoirs ?
30:37Vous citiez l'Arabie saoudite.
30:38On a parlé tout à l'heure du Qatar.
30:40Al-Thani, l'émir du Qatar.
30:42MBS, l'Arabie saoudite.
30:43MBZ, l'Émirat arabe uni.
30:45Abdel-Fissi, tout à l'heure,
30:47dans l'allocution de Joe Biden,
30:48on voit à quel point il les remercie
30:49à deux fois, trois fois, quatre fois.
30:51Vraiment, il faut les soigner, en particulier,
30:52certains d'entre eux.
30:53Est-ce que nous avons là,
30:54quand on parle du Nouveau Monde,
30:56un des centres de pouvoirs,
30:57en partie à notre détriment ?
31:00Mais nous avons, dans cette région,
31:03à peu près l'exemple de ce qui se passe
31:06à l'échelle internationale.
31:07Et c'est une autre des raisons
31:08pour lesquelles je pense que la logique pure
31:13d'intervention militaire n'est pas efficace
31:16en ce qui concerne Israël aujourd'hui.
31:17C'est qu'il faut prendre en compte
31:20cette évolution du monde,
31:21ce rapport de force entre les nations
31:24qui fait que les pays occidentaux
31:26sont aujourd'hui mis en difficulté
31:28par une grande partie
31:30de cette communauté internationale,
31:31des pays du Sud global,
31:32qui ne partagent pas nos idées.
31:33Est-ce que c'est le fameux choc,
31:35on peut tourner autour du pot,
31:36sur les définitions et les nuances,
31:37mais de fait, un choc de civilisation
31:41avec ces régimes-là,
31:42qui sont fréquentables à certains égards,
31:44qui sont utiles à certains égards,
31:45mais autoritaires, animés
31:48par une idéologie obscurantiste
31:50et qui pratiquent chez eux
31:51une pratique de la démocratie,
31:52évidemment, très loin de la nôtre ?
31:54Ça fait partie des risques
31:56de fragmentation de la société internationale.
31:59Le risque d'opposition
32:00entre les autocraties et les démocraties,
32:02le risque d'un durcissement
32:04des rapports entre l'Occident
32:05et le reste du monde,
32:06qui peut prendre ce que peut rappeler
32:08une forme de choc des civilisations...
32:10Vous prenez cette expression ?
32:11Mais de façon très différente
32:12de ce qu'avait en tête Samuel Huntington.
32:15La cartographie des civilisations
32:18qu'avait Samuel Huntington
32:19est complètement dépassée
32:20par rapport à la réalité d'aujourd'hui.
32:21Mais ce qui est vrai,
32:22c'est que le ressentiment
32:25vis-à-vis des pays occidentaux,
32:26aujourd'hui, dans la plupart
32:27des pays du Sud global,
32:29et y compris dans d'autres pays
32:30comme la Russie ou comme la Chine,
32:32est aujourd'hui extrêmement puissant
32:33et qu'on ne peut pas espérer
32:36rechercher notre sécurité seul
32:38si on n'est pas capable de travailler
32:40avec ces États,
32:41ce qui implique pour nos pays
32:43d'être capables de participer
32:44à la refondation de l'ordre international.
32:46Et de ce point de vue-là,
32:47des pays comme la Chine ou la Russie,
32:48pays révisionnistes
32:49qui veulent revoir l'ordre international,
32:52ont évidemment une écoute particulière
32:54de la part des pays du Sud global,
32:56puisque ça rejoint la préoccupation
32:57de ces autres États.
32:58Pensez qu'aux Nations unies,
32:59au Conseil de sécurité,
33:00l'Afrique n'est pas représentée.
33:02Pensez que l'Amérique latine
33:03n'est pas représentée.
33:05Comment travailler ensemble
33:07alors que nous n'avons pas
33:09une représentativité du monde ?
33:11Donc, c'est tous ces éléments
33:12qu'il faut mettre bout à bout.
33:13Et arrêter de tout voir
33:15à travers notre propre expérience.
33:17On a commis la même erreur
33:18et on commet aujourd'hui
33:19la même erreur en Ukraine.
33:21En Ukraine, nous avons mené
33:23la bataille militaire,
33:24trop peu, trop tard,
33:26et on le paye aujourd'hui.
33:27Surtout trop peu et trop tard.
33:28Et toujours pas d'avion.
33:29Et on le paye aujourd'hui,
33:31alors que depuis le départ,
33:31il était clair qu'il y avait un calendrier
33:33et qu'il fallait essayer de se battre
33:35sur la période la plus courte possible.
33:37Qu'est-ce que ça révèle ?
33:38Et nous n'avons pas mené
33:39la bataille diplomatique internationale.
33:41Est-ce que ça révèle que nous avons
33:42plus de gueule que de courage, en réalité ?
33:44Mais on a moins d'expérience, surtout.
33:48Il est évident que la bataille
33:49diplomatique internationale,
33:51elle est essentielle dans le cas du Proche-Orient.
33:52Regardez l'isolement
33:54dans lequel se retrouve aujourd'hui Israël,
33:56sur la scène internationale.
33:57Et de la même façon pour l'Ukraine,
34:00si l'on veut éviter cet isolement
34:02extrêmement dommageable dans la durée,
34:04ça implique de convaincre les États
34:06et ça implique que les pays européens,
34:07que les États-Unis...
34:09Et de ce point de vue-là, nous n'avons pas forcément
34:10les mêmes intérêts que les États-Unis.
34:13Et c'est en cela que j'aspire à une Europe
34:15capable de prendre ses responsabilités.
34:17Notre président espère la souveraineté européenne,
34:20l'autonomie stratégique.
34:22En vérité, nous en sommes extrêmement loin.
34:24Or, nous sommes dans une année
34:26qui va être décisive. Pourquoi ?
34:28Nous allons avoir des élections américaines.
34:30Nous allons avoir des élections au Royaume-Uni.
34:33Nous allons avoir des élections en Russie.
34:35Avec un suspense limité, mêlons Dieu.
34:37Mais oui. Nous allons avoir des élections à Taïwan.
34:40Nous allons avoir des élections en Inde.
34:42C'est dire qu'un certain nombre de cartes
34:44peuvent se redistribuer
34:45et que nous ne pouvons pas ne pas être
34:47dans le monde.
34:48Et regarder avec les seules lunettes
34:52de nos intérêts
34:54ou des intérêts de l'Occident
34:57nous coupe de cette réalité d'un monde qui change.
34:59Est-ce qu'il y a une fatalité
35:00dans le panorama que vous dressez
35:02à ce que l'Occident réduise ?
35:04Poutine est toujours là, affaibli à bien des égards,
35:07mais il est là. Xi Jinping, si puissant.
35:09Le monde arabe, on vient d'en parler, si puissant.
35:11Les briques, si puissants.
35:12Est-ce que, de fait, mécaniquement,
35:14nous sommes en train de réduire ?
35:17Nous, nous rétrécissons.
35:18Nous n'avons pas le monopole de la puissance,
35:20mais c'est une donnée acquise depuis maintenant longtemps.
35:23Mais en plus, oui, notre voix est moins écoutée.
35:25La voix de l'Europe, de quel poids pèse-t-elle
35:27aujourd'hui au Proche-Orient ?
35:30Quelle est notre capacité diplomatique
35:32à essayer de proposer
35:34un certain nombre de pistes et de solutions ?
35:36Je crois que oui, c'est un élément de très forte inquiétude.
35:38Et pourquoi ?
35:39Parce que pour arriver à peser,
35:42en tout cas pour un pays comme la France,
35:44il y a un triple objectif qui est nécessaire.
35:46Il y a une politique d'équilibre,
35:48et équilibre, ce n'est pas l'équilibrisme
35:50et ce n'est pas l'équidistance.
35:53Une politique d'initiative
35:55qui vise en permanence à essayer de faire des propositions
35:58et une politique d'indépendance.
36:00Et de ce point de vue-là,
36:01permettez-moi de le dire très franchement,
36:03le retour de la France de l'organisation intégrée de l'OTAN
36:06a nuit à la singularité française.
36:08C'était une erreur décisive, cela,
36:10d'entrer dans le commandement intégré de l'OTAN ?
36:12Ce fut un élément de banalisation
36:15de la voix de la France,
36:17qui s'est traduit par ailleurs, dans la même période,
36:19par un alignement assez systématique sur les États-Unis.
36:22Je pense qu'il faut être solidaire des États-Unis,
36:24et en particulier, comme l'a été le général De Gaulle,
36:27comme l'a été Jacques Chirac, dans les grands moments difficiles,
36:30mais quand des erreurs sont commises
36:33ou en voient d'être commises,
36:35il faut savoir marquer sa différence.
36:37Dominique de Villepin, est-ce que De Gaulle, dans votre esprit,
36:39on invoquait Seymane tout à l'heure,
36:41est toujours vivant ?
36:42Le De Gaulle qui va à Moscou en 1966,
36:45de façon évidemment très proche des Russes,
36:47ça lui a été beaucoup reproché.
36:49Le débat existe aujourd'hui.
36:51Le De Gaulle qui mène une politique arabe,
36:53comme on l'a rappelé aussi,
36:54est-ce que vous êtes nostalgique de cela ?
36:56Le De Gaulle qui, en 1964, renoue avec la Chine.
37:03Cette capacité à penser le monde,
37:06à le connaître, à le comprendre,
37:09à anticiper ses évolutions,
37:11à en connaître les douleurs, c'est un élément essentiel.
37:14Et c'est pour cela qu'il y a toujours eu deux grands principes
37:16au cœur de la diplomatie française,
37:18la paix et la justice.
37:20Et le Moyen-Orient, le Proche-Orient,
37:23nous rappelle aujourd'hui que dans les années 47-48,
37:27il y a une injustice qui a été commise
37:28à l'endroit du peuple palestinien.
37:30Et certains ont du mal à l'accepter.
37:33C'est vrai qu'Israël, après la guerre de 48,
37:36s'est autoproclamé à la suite de sa victoire
37:39et a créé son État.
37:41Mais cet État a d'abord été créé par vote,
37:44et c'est un des rares exemples de la communauté internationale,
37:46par vote des Nations unies, la résolution 181.
37:50Et à partir de là, nous avons tous, en tant qu'État,
37:54constitué une responsabilité vis-à-vis de la situation
37:57dans cette région.
37:58Est-ce que vous comprenez, cependant,
37:59qu'il puisse y avoir de stabilité
38:02sans justice rendue aux Palestiniens ?
38:04Certains Israéliens et certains Palestiniens
38:05pensent que seule une guerre définitive
38:08réglera le problème.
38:09C'est une terre pour deux peuples.
38:12Nous en sommes à la cinquième guerre de Gaza.
38:15Est-ce que les choses sont différentes ?
38:18Est-ce que, alors que la moitié de Gaza
38:21a été bombardée de façon massive,
38:24est-ce qu'on a vu des éléments de preuve
38:26montrant de façon décisive
38:30des éléments qui puissent convaincre
38:33la communauté internationale ?
38:34Je ne parle pas de nous,
38:35je parle de la communauté internationale.
38:37Si vous êtes brésilien, sud-africain, chinois.
38:40Est-ce qu'aujourd'hui,
38:44on peut considérer qu'en poussant plus avant,
38:47avec encore des dizaines ou des milliers de morts
38:50du côté palestinien dans les populations civiles,
38:53on va faire progresser l'idée de sécurité ?
38:55À l'arrivée, Dominique de Villepin,
38:57est-ce que nous entrons dans un monde
38:59où les grands empires sont en train de reprendre la main,
39:02à commencer par Poutine ?
39:04Poutine qui est toujours là,
39:06avec beaucoup d'affaiblissement,
39:07mais qui est toujours là.
39:08On présageait sa mort.
39:10Politique, il est là.
39:12Oui, il est là, parce qu'il y a des réalités géopolitiques
39:14qui ne changent pas.
39:16Vous savez, on ne peut pas déplacer la place des États
39:19de la même façon.
39:21Ces États sont conduits par certains dirigeants
39:23qui ont une relation particulière avec leur population,
39:28et cela fait partie des choses.
39:29On ne choisit pas pour les autres peuples.
39:32Nous avons déjà beaucoup de mal à faire chez nous,
39:36du mal à mener notre barque démocratique.
39:39Reconnaissons le monde tel qu'il est,
39:41mais par contre, essayons de le réparer,
39:43essayons de l'améliorer, essayons de le changer.
39:46Ça veut dire quoi ? Il n'y a rien de plus à faire,
39:48selon vous, contre Poutine, aujourd'hui ?
39:50Que nous poussions l'effort de guerre,
39:56je regrette qu'on ne l'ait pas fait
39:57dans un calendrier plus serré, avec l'Ukraine.
40:01J'étais favorable à ce que nous puissions donner
40:04les moyens à l'Ukraine d'atteindre leurs objectifs.
40:07Mais forcément, à un moment donné, ça conduit l'Ukraine à...
40:09Y compris les avions ?
40:10Y compris les avions, y compris les missiles de longue portée,
40:13évidemment dans le cadre seul de l'Ukraine,
40:19mais à un moment donné,
40:20ça conduit à la table de la négociation.
40:22Et la grande question aujourd'hui, c'est de savoir
40:25quel coût l'Ukraine est prête à payer
40:27et quel coût nous sommes prêts à payer avec les Ukrainiens
40:31pour faire durer de façon indéfinie ou pas cette guerre.
40:35Ça signifiera parler à Poutine à nouveau ?
40:37Mais dans le passé, c'est ce qui s'est passé dans bien des cas.
40:40Regardez Bachar el-Assad, qui revient dans le concert arabe
40:44comme si de rien n'était.
40:45On n'y parle plus. On n'en va pas jusque-là, quand même.
40:47J'allais dire pas encore, mais à l'évidence,
40:51ça fait partie des processus qui se produisent.
40:53Et que je sache, Vladimir Poutine participait
40:57au dernier G20 en visioconférence.
40:59Donc, vous savez, la réalité, elle est têtue.
41:03Ça peut nous être extrêmement désagréable.
41:06Notre objectif, c'est certainement en tout cas
41:09d'éviter la politique du pire.
41:10Est-ce qu'ici, je fais partie de ceux qui veulent en permanence
41:14mêler l'idéalisme et le réalisme ?
41:16Je ne fais pas partie de ceux qui sont assoiffés de réalisme
41:19et qui considèrent que l'idéal ne fait pas partie de la diplomatie.
41:22Il y a un équilibre à trouver, mais il faut le faire
41:25en essayant de faire progresser les choses
41:27et pas en se tirant une balle dans le pied.
41:29Dans cet univers de carnivores,
41:31l'expression est devenue un lieu commun,
41:32elle est beaucoup utilisée aujourd'hui.
41:34Est-ce que nous sommes les derniers herbivores ?
41:36On voit ces grands empires dont vous parlez, en force,
41:39les États-Unis, qui savent faire usage de la force.
41:41Vous avez été un de ceux qui sont opposés à cela.
41:43Mais est-ce que la raison ne va pas de leur côté
41:45alors que nous sommes des herbivores ?
41:47Je veux bien être un herbivore quand je vois
41:50que les carnivores aussi puissants que les États-Unis
41:52ne sont pas capables de remporter une guerre en Afghanistan,
41:54pas capables de remporter une guerre en Irak,
41:56certes capables d'éradiquer temporairement
41:59une organisation terroriste de très haut dans le ciel,
42:02mais ça, ça ne fait pas un monde meilleur.
42:04Et ça ne fait pas un monde sans terrorisme,
42:06quand on voit que le terrorisme qu'on annihile quelque part,
42:08il repousse ailleurs.
42:10On ne voit pas la fluidité,
42:12on ne voit pas les vases communiquants,
42:14on ne voit pas la façon dont l'horreur se répand.
42:17Dominique de Villepin, bien sûr, tout ça,
42:18mais est-ce que ça n'est pas, pour reprendre l'expression de 2003,
42:20la pensée de la vieille Europe ?
42:22Pendant ce temps, les États-Unis progressent.
42:25Leur PIB, vous avez vu les derniers chiffres,
42:2780 % de plus que le PIB européen.
42:29Leur influence, bien sûr, ils ont semé le désordre au Proche-Orient,
42:33mais dans leur logique, ils gagnent sans arrêt des parts de marché.
42:3560 millions dans la région.
42:37Et ils se divisent de plus en plus,
42:38et il y a une véritable guerre civile.
42:40Et leur influence grandit toujours plus.
42:42Et Donald Trump est aujourd'hui le mieux placé
42:44pour remporter les élections l'année prochaine.
42:45Donc, M. Rochebin, la réalité est très, très complexe.
42:49C'est un tout qu'il faut évaluer.
42:51Et c'est sur l'ensemble de ces fronts
42:53qu'il faut être capable de se mobiliser,
42:54quand on voit ce qui se passe aux Pays-Bas,
42:56quand on voit ce qui se passe en Slovaquie.
42:58Ne soyons pas aveugles.
43:00Et quand vous dites que je mène la guerre d'hier,
43:04je prétends, au contraire, vouloir mener la guerre de demain.
43:06Et je crains qu'aujourd'hui, en Israël,
43:09ce soit la guerre d'hier qu'on mène.
43:11Parce que, justement, on fait comme avant,
43:13sans avoir tiré les leçons du fait que la guerre contre le terrorisme
43:16ne peut pas passer par les armes seules.
43:18Donc, ne nous trompons pas de lecture.
43:20C'est trop facile de s'enfermer
43:22dans une vision politico-militaire du monde
43:25en oubliant l'importance d'autres variables, d'autres facteurs,
43:29les facteurs culturels, les facteurs civilisationnels,
43:32qui pèsent si lourd dans nos sociétés.
43:34Quand vous voyez la photo de 2003, la fameuse photo de 2003,
43:37c'est le moment où vous êtes entré dans l'histoire,
43:39qu'on vous aime ou qu'on ne vous aime pas.
43:40Non, mais c'est pas le sujet aujourd'hui.
43:43Vous n'allez pas me repasser les images.
43:44C'est exactement le sujet.
43:45Là, 2003, mensonge du côté américain, voilà, la fiole.
43:49Et vous vous opposez.
43:50Quelle est la formule-là, la phrase complète sur le vieux pays ?
43:54Non, mais c'est à vous de le dire.
43:56Vous vous rappelez mieux que moi.
43:57C'est vous qui avez prononcé le discours.
43:58J'ai le sens du ridicule un tout petit peu, M. Rochebin.
44:01Vingt ans plus tard.
44:02Quelle est la morale, précisément, que vous tirez de cela ?
44:07C'est qu'il faut beaucoup de courage
44:09pour dire à un pays ami des choses très désagréables
44:11et qu'il faut les dire quand même.
44:13Et que, parfois, et il a fallu 20 ans pour que Joe Biden reconnaisse
44:18que ce qui, à l'époque, lui avait été dit, c'était la vérité,
44:21même s'il n'est pas capable d'adresser des remerciements personnels.
44:24Et ceux qui ont, à l'époque, menti devant la communauté internationale
44:28n'en ont jamais payé le prix.
44:30Alors, aujourd'hui, on peut souhaiter
44:31qu'effectivement, dans l'autre monde,
44:33on puisse traduire devant les tribunaux toutes sortes de personnes.
44:35Mais soyons capables aussi de reconnaître nos erreurs.
44:39Soyons capables aussi de tirer les leçons de l'expérience.
44:43Il faut beaucoup d'humilité sur la scène internationale.
44:45Et, une fois de plus, c'est plus facile de faire comme tout le monde,
44:50de dire comme tout le monde, d'éviter les sujets qui fâchent.
44:53Ça ne fait pas avancer la société internationale.
44:56Question quasi philosophique, sans être prétentieux,
44:58mais est-ce qu'il y a une troisième voie
45:00entre le déclin et l'agression ?
45:03Nos vieilles nations, elles ont été aussi des nations d'agression
45:05il n'y a pas si longtemps, coloniales, la France, le Royaume-Uni.
45:09Maintenant, l'Europe ne veut plus faire de guerre d'agression.
45:11Votre ami Napoléon, Dieu sait si ça a été des guerres d'agression.
45:14Les autres continuent à faire des guerres d'agression.
45:16Les États-Unis l'ont fait, soutenu par le peuple très longtemps.
45:19Avec quel succès ?
45:20Les Russes sont en train de le faire.
45:22Est-ce qu'il y a un tiers possible entre le déclin,
45:26vous dites vous-même, on serait précis, ou l'agression ?
45:28C'est tout l'enjeu de la construction d'une société internationale.
45:31C'est pour ça qu'il faut remettre sur la table l'ordre de 45
45:34qui, aujourd'hui, a fait faillite.
45:36Il faut accepter de redistribuer les cartes
45:39en prenant en compte la nouvelle hiérarchie des puissances.
45:41Et ça, c'est une nécessité
45:43auxquelles la France pourrait largement contribuer.
45:46On pourrait être le pays pilote
45:48pour pousser tous ces États comme l'Inde et comme beaucoup d'autres,
45:53le Brésil, qui souhaitent à nouveau renouveler le logiciel
45:56et renouveler la façon que l'on a de traiter les grands problèmes.
46:00Est-ce qu'un ressort est cassé ?
46:02Il y avait sur notre antenne des gens comme, par exemple, Védrine,
46:05qui racontait comment il va se confronter aux Chinois.
46:07Et les Chinois lui montrent le poème de Victor Hugo
46:09sur le pillage du palais d'été.
46:11C'est pas un poème, c'est une lettre.
46:13La lettre, vous avez raison.
46:14Et on voit combien les Chinois,
46:16comme les Américains qui ont encore cette force, cette rage,
46:18disent parfois, en la soulignant et l'admirant, les Ukrainiens,
46:20est-ce que ça, nous l'avons perdu ?
46:22Nous l'avons perdu par rapport à des États qui ont la mémoire longue.
46:25Les Chinois n'ont pas oublié les traités inégaux,
46:27les guerres de l'opium.
46:29Et l'Afrique n'a pas oublié non plus
46:32un certain nombre d'événements tragiques
46:34auxquels ils ont été confrontés.
46:35C'est la roue qui tourne ? C'est à eux le monde ?
46:38Mais rien ne nous interdit, nous aussi,
46:40d'être capables d'avancer avec eux,
46:42avec un tout petit peu de mémoire,
46:44et avec la capacité à traiter autrement.
46:47C'est tout l'enjeu qu'il nous faut relever,
46:49le défi qu'il nous faut relever au Sahel.
46:51Au Sahel, depuis l'intervention de 2013,
46:54on a été incapables de renouer le logiciel.
46:57Et ce qui s'est passé, s'est passé.
46:59Je l'avais dit en Libye, je l'ai dit au Sahel,
47:03je le dis sur un certain nombre d'autres crises,
47:06je crois qu'il faut savoir écouter les voix différentes
47:08et entendre les signaux d'alerte comme des signaux d'amitié,
47:12et pas des signaux d'inimitié ou de conspiration.
47:17Un dernier mot personnel, Dominique Zippin.
47:18Je vous ai senti, pardon,
47:19je ne veux pas faire de la psychologie de bistrot,
47:20mais blessé, vous avez pris des coups.
47:22Vous avez pris, on rappelait les accusations tout à l'heure,
47:24vous avez répondu, chacun jugera, sur antisémitisme,
47:27acheté par le Qatar, enfin, la liste, voilà.
47:29Vous avez donné des coups aussi.
47:30Est-ce que vous y retrouvez goût ?
47:32Vous aviez l'air, depuis quelques années,
47:34un peu à l'écart, un peu retiré sur l'avantain.
47:37Je n'ai jamais donné des coups personnellement.
47:40Je ne me suis jamais attaqué à une personne.
47:42La seule fois, je crois, que je m'en suis pris à quelqu'un,
47:43c'est à l'Assemblée nationale,
47:45ce pauvre François Hollande, à travers la lâcheté.
47:49Je n'ai jamais individuellement...
47:50Vous avez eu des périodes où ce n'était pas le grand amour,
47:51avec Sarkozy, par exemple, on ne peut pas dire...
47:53Mais je n'ai jamais donné de coups, ni attaqué personnellement,
47:58ou en tout cas, si je l'ai fait, je le regrette.
48:00Mais ce qui me paraît important aujourd'hui,
48:02parce que nos personnes sont peu de choses,
48:03vous savez, le fait qu'on s'en prenne à moi,
48:05ce n'est pas ça qui va régler le problème de la Palestine
48:08ou le problème d'Israël.
48:09Donc, c'est peu de choses.
48:10Et je fais ce sacrifice bien volontiers.
48:12Ça m'est complètement égal, je n'ai pas d'ambition
48:14dans le jeu politique français.
48:15Ce que je crois, c'est qu'il est important
48:17qu'il y ait au moins quelqu'un, je ne suis pas seul,
48:20mais qu'il y ait quelques-uns qui soient capables
48:22de porter une voix différente et d'assumer leur conviction.
48:26Ça, c'est indispensable pour beaucoup de nos compatriotes
48:30qui n'entendent souvent qu'un son de cloche,
48:32la même répétition du chant de la meute.
48:35Et ça, qu'est-ce que vous voulez ?
48:36C'est désespérant quand on veut croire dans des principes,
48:39quand on veut croire dans l'avenir.
48:41Alors aujourd'hui, on cible le bonhomme.
48:43Ça veut dire peut-être que ma voix porte
48:45un peu plus que certains autres.
48:47Eh bien, je l'assume avec beaucoup d'optimisme.
48:52Merci, Dominique de Vilsen.