• il y a 2 mois
Ludovic Friat, magistrat parisien et président de l'USM est l'invité du quart d'heure toulousain à l'occasion du congrès du syndicat à Toulouse auquel est convié le nouveau ministre de la Justice, Didier Migaud.

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Amusant
Transcription
00:00Début de notre quart d'heure Toulousain à 8h moins le quart, est-ce que la justice est trop laxiste ?
00:04C'est la question de notre quart d'heure Toulousain à l'occasion de la venue du nouveau ministre de la justice à Toulouse.
00:08Aujourd'hui vous pouvez appeler Manon 05 34 43 31 31.
00:12Et réagir aussi pourquoi pas à ce que va nous dire notre invité, bonjour Ludovic Fria.
00:16Bonjour.
00:17Vous êtes le président national de l'union syndicale de la magistrature, le premier syndicat apolitique chez les juges
00:23qui organise donc son congrès annuel à Toulouse aujourd'hui au cinéma Wilson
00:27en présence donc du nouveau garde des sceaux Didier Migaud.
00:30Je vous fais évidemment et d'abord réagir aux annonces du premier ministre Michel Parnier hier
00:36qui comme prévu a présenté son budget, vous allez a priori gagner 600 postes
00:41mais le budget du ministère de la justice va perdre 500 millions d'euros, catastrophe ?
00:47Le compte clairement n'y est pas, le compte n'y est pas parce qu'en fait on sort d'une séance
00:52qui était la séance qui nous permettait de sortir de 30 ans d'abandon budgétaire.
00:58Il y a eu ce qu'on appelle la phase des états généraux de la justice en 2021-2022
01:03qui a posé ce constat là et qui a dit pour que la justice puisse fonctionner normalement
01:07pour qu'on puisse avoir une justice à la hauteur des ambitions de notre pays
01:10mais aussi une justice à la hauteur des moyens que nos voisins européens leur consacrent
01:15il faut qu'on puisse sur une période pérenne renforcer la justice.
01:19Alors c'est pas que des moyens budgétaires mais c'est aussi, on le sait tous, un budgétaire.
01:24Clairement la feuille de route c'était plus 1500 magistrats, plus 1800 greffiers,
01:30plus 1500 fonctionnaires attachés de justice.
01:33Sans ces fonctionnaires là, sans ces magistrats là, on ne fonctionne pas.
01:37Si je prends la métaphore militaire, les collègues actuellement tiennent la tranchée judiciaire
01:41mais ces renforts ils les attendent, ils les attendent désespérément.
01:45Les 70 postes obtenus par Eric Dupond-Moretti, précédent ministre pour Toulouse,
01:50il en reste encore ? Certains n'ont pas été effectifs pour l'instant ?
01:54Clairement, il faut sortir de l'idée que ça y est, la justice est réparée, que les renforts on les a eus.
01:59Les renforts vont arriver sur plusieurs années, former un juge ça prend du temps.
02:03Donc les renforts vont arriver sur 2026-2027.
02:06Sur Toulouse par exemple, on attend encore 4 postes à pourvoir
02:09et si ces postes là ne sont pas pourvus, ça sera compliqué.
02:14Toulouse a eu 7 postes supplémentaires l'année dernière je crois.
02:19Ça a été réellement une bouffée d'oxygène, ça a permis au tribunal de Toulouse de fonctionner enfin normalement
02:25sachant qu'il reste bien des services, bien des services en souffrance.
02:28Je pense notamment au tribunal pour enfants, je pense notamment à la correctionnelle,
02:32ces services là fonctionnent mais avec difficulté.
02:3505 34 43 31 31, la justice en en parle ce matin dans notre rendez-vous du quart d'heure Toulouse.
02:42Vous pouvez appeler Manon Démaintenant 05 34 43 31 31.
02:46Est-ce que la justice est trop laxiste Ludovic Fréa ?
02:49Écoutez, c'est un adjectif qu'on lui accole souvent de façon un petit peu facile, aisée.
02:55Il y a eu un récent sondage, 80% des sondés disent que oui.
02:58Oui, oui, je ne conteste pas ce sondage là.
03:00Ce que je veux vous dire c'est que la justice applique les textes qui sont votés par les parlementaires.
03:06Le juge ne crée pas la loi, le juge l'applique.
03:09Parfois le juge doit faire avec une loi, une disposition un peu complexe, doit l'apprécier.
03:15Mais ce n'est pas le juge qui fait la loi.
03:17Le juge il traite les dossiers en fonction du dossier,
03:21après un débat contradictoire avec les avocats, le procureur, les victimes.
03:26Et en fonction de ce débat, et en fonction des éléments qui sont apportés, il va appliquer la loi.
03:30Je prends un exemple tout simple.
03:31J'entends comme tout le monde, les gens qui disent c'est pas normal.
03:35Un tel a été condamné à 7 ans de prison, il n'a fait que 5 ans.
03:38Vous parlez de l'affaire philippine ?
03:40Par exemple l'affaire philippine.
03:42Mais il faut savoir que l'affaire philippine, c'est remise de peine, c'est strictement l'application de la loi.
03:48Et on ne va pas se mentir, ce n'est pas par altruisme qu'on fait des remises de peine à ces gens là.
03:54C'est simplement une façon aussi de gérer les détentions, les détentions qui débordent.
03:59Mais justement après cette affaire, le ministre de l'Intérieur Bruno Bretailleau a dit que l'état de droit n'était pas figé,
04:03qu'il fallait faire évoluer notre arsenal juridique.
04:06Comment vous avez vécu ces déclarations ?
04:09Je tiens à rappeler une chose, l'état de droit, oui, il est figé.
04:13On rappelle ce que c'est en fait, l'état de droit, c'est quand on se réfère aux lois et rien qu'aux lois, c'est ça ?
04:19C'est tout un ensemble de règles qui fait qu'il y a en France une séparation des pouvoirs entre l'exécutif législatif et le judiciaire.
04:28C'est qu'il y a aussi une hiérarchie des normes, la constitution, les traités,
04:32et c'est que tout le monde est égal devant la loi.
04:36Ça, c'est un cadre intangible.
04:38Après, il ne faut pas confondre l'état de droit et l'état du droit.
04:44Bien évidemment, le droit, lui, est amené à changer.
04:47Les députés votent des lois, à mon sens, beaucoup trop.
04:51On a quasiment un fait divers, une loi.
04:53Mais ça, c'est encore autre chose.
04:55L'état de droit, lui, il est intangible.
04:57Sinon, on risque de tomber dans des régimes illibéraux.
05:00On l'a vu il n'y a pas si longtemps en Pologne.
05:02Les juges polonais étaient poursuivis par leur propre gouvernement sous un angle disciplinaire,
05:07tout simplement parce qu'ils osaient appliquer les textes européens que pourtant la Pologne avait signés.
05:12J'aimerais vous entendre sur la surpopulation des prisons.
05:14C'est le cas chez nous, à la maison d'arrêt d'Aussel.
05:16Est-ce que vous connaissez forcément ?
05:18Il y a un projet de construction d'une troisième prison qui est contestée.
05:21Est-ce que c'est ça la solution ?
05:22Est-ce qu'il faut construire encore plus de prisons parce qu'on a encore plus de détenus ?
05:26Je pense que c'est une pièce du puzzle, mais pas la seule.
05:30Il est évident que quand on voit l'état de nos prisons et la surpopulation carcérale,
05:34on se dit qu'il faut des prisons en nombre sans doute plus important,
05:39mais surtout des prisons qui accueillent mieux le public qui y reçoit.
05:42Actuellement, dans bien des prisons, on empile les gens les uns sur les autres.
05:46Et après, quel travail peut-on faire sur ces gens-là ?
05:48La prison, évidemment, a un but de sanctionner,
05:51a le but aussi de protéger la population de personnes qui sont dangereuses dehors,
05:55mais aussi doit pouvoir réinsérer quelque part, excusez-moi le mot, rééduquer les gens.
05:59Et pour ça, il faut prendre du temps.
06:01Il faut qu'en prison, interviennent des psychologues, des éducateurs.
06:04Actuellement, la prison a bien du mal à remplir...
06:07Et il faut quoi les psychologues en prison actuellement
06:09si ce n'est à prendre aux détenus, à supporter justement la prison ?
06:12Malheureusement, trop souvent, ils distribuent des cachets
06:16pour effectivement pouvoir supporter cette réalité.
06:19Il faut savoir qu'en prison, actuellement,
06:20et c'est aussi un des drames de la psychiatrie française,
06:24il y a à peu près 20 à 30% des détenus
06:27qui ont des troubles psychiatriques lourds ou des troubles comportementaux lourds.
06:31Je suis désolé, sont-ils mieux en prison qu'à l'hôpital ?
06:36J'en suis pas persuadé.
06:38Donc plus d'alternatives peut-être à la prison aussi ?
06:40Ce que je pense aussi, à côté de places de prison nécessaires en plus,
06:43il faut aussi développer des peines de probation,
06:45notamment une peine de probation autonome,
06:47c'est-à-dire une vraie peine, à l'extérieur, en milieu ouvert,
06:50où les gens sont suivis, mais un vrai suivi,
06:53un suivi coercitif par des conseillers financiers d'instructions de probation.
06:56Mais ça aussi, ça a un coût.
06:58Ça veut dire qu'il faut avoir des conseillers financiers d'instructions de probation
07:01formés et en nombre suffisant.
07:03Ils font déjà un travail fantastique,
07:05mais la difficulté, c'est qu'ils ne sont pas assez nombreux.
07:07Mais il faut bien avoir aussi à l'idée,
07:09dans ces temps de vaches maigres budgétaires,
07:11que quelqu'un qui est suivi en milieu ouvert, milieu extérieur,
07:15coûte 2 à 3 fois moins cher que quelqu'un qui est en prison.
07:19– Merci beaucoup Ludovic Fria,
07:20président national de l'Union syndicale de la magistrature,
07:23qui tient donc son congrès aujourd'hui à Toulouse,
07:27avec la venue du ministre Didier Migaud cet après-midi.
07:30– Je vous remercie.

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