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Isabelle Rauch, députée "Horizons et Indépendants" de Moselle

La violence en politique peut prendre différentes formes, que ce soit sur le terrain ou sur internet. Isabelle Rauch peut en témoigner. Ancienne présidente de la commission des Affaires culturelles, elle siège au sein du groupe Horizons à l'Assemblée.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00La violence en politique peut prendre différentes formes,
00:03que ce soit sur le terrain ou sur Internet.
00:06Mon invitée peut en témoigner,
00:08ancienne présidente de la commission des affaires culturelles.
00:11Elle siège au sein du groupe Horizon, à l'Assemblée.
00:14Musique intrigante
00:16...
00:27Bonjour, Isabelle Roche.
00:29Bonjour, Clément.
00:30On ne s'y attend pas forcément,
00:32mais quand on s'engage en politique,
00:34on est exposé à différentes formes de violences.
00:37On pense souvent à la violence physique.
00:39En ce qui vous concerne, les faits se sont déroulés sur Internet.
00:43Pendant le Covid, c'était en mars 2021,
00:45vous avez été victime d'une vague de cyberharcèlement
00:48particulièrement intense.
00:50La police a fini par identifier et interpeller les responsables.
00:53Ils faisaient partie d'un petit groupe anti-vax.
00:56Voici leur image.
00:57Leur logo,
00:582V dans un cercle,
01:00les VV, comme ils se surnomment, seraient une centaine en France.
01:04Leur mode d'action favori est le cyberharcèlement.
01:07Ils inondent les pages Facebook de grands médias
01:10ou de personnalités publiques de messages de haine.
01:13Cette députée a ainsi reçu 600 insultes
01:15pour avoir promu les tests salivaires à l'école.
01:18Des arrestations ont eu lieu hier dans cinq départements.
01:22Six femmes et deux hommes interpellés,
01:25animateurs présumés du réseau,
01:27ils sont artisans, enseignants ou fonctionnaires.
01:30Ils risquent jusqu'à deux ans d'emprisonnement
01:32et 30 000 euros d'amende.
01:34Ces personnes ont été jugées et condamnées
01:36à des peines d'amende, à de la prison avec sursis.
01:39C'est un simple post de votre part sur Facebook
01:42qui a tout déclenché, c'est ça ?
01:44Oui, oui.
01:45Un jour, je suis dans ma cuisine
01:47et une notification, deux notifications,
01:49trois notifications, et là, on se rend compte que...
01:52Parce que je dis on, avec mon équipe, je les alerte,
01:55que c'est un déferlement, et ça ne s'arrête pas.
01:58Il réagissait à quoi, exactement ?
02:00Au fait que j'avais mis...
02:02J'avais fait un compte-rendu d'une visite dans une école
02:05où il y avait des tests salivaires pour les enfants.
02:08Donc, je faisais le compte-rendu...
02:10En fait, j'étais dans ce qu'on fait en politique,
02:13de rendre compte de son action,
02:14et là, ça s'est vraiment déchaîné.
02:17Alors, plus de 600 messages
02:20avec des phrases-types qui revenaient à chaque fois.
02:23On les voit s'afficher sur l'écran.
02:25Complice d'un crime contre l'humanité,
02:27collabo d'un système nazi, psychopathe pro-nazi.
02:30Vous vous étiez préparée à vivre cela en devenant députée ?
02:34Non, non, on ne se prépare jamais à la haine.
02:36Je pense que c'est... On ne s'engage pas pour ça.
02:39On s'engage pour le bien des citoyens,
02:41parce qu'on veut faire bouger les choses.
02:44On ne s'engage pas pour servir de punching ball
02:46et pour être le réceptacle de toute la haine possible
02:49et inimaginable.
02:50Vous l'avez vécu comment ?
02:52Pas bien.
02:53Mais à quel point ?
02:55Au point, pendant très longtemps,
02:56de ne pas vouloir fréquenter les réseaux.
02:59Donc, mon équipe me disant qu'il faut publier,
03:01il faut y aller,
03:03et moi, en étant extrêmement réticente par rapport à cela,
03:06sachant bien que c'est une minorité qui va réagir.
03:09Mais voilà, c'est vraiment pas agréable.
03:12J'ai lu, dans un article de presse,
03:14que vous aviez eu dix jours d'arrêt de travail,
03:17que le juge a évoqué un stress post-traumatique,
03:20des troubles du sommeil, c'est allé jusque-là ?
03:22Oui, tout à fait, parce qu'on se demande pourquoi.
03:25Quand ça va s'arrêter, il n'y a pas de prise.
03:27En fait, on ne peut pas dire stop, on peut...
03:30Ca déferle, et en fait, moi, j'ai voulu témoigner
03:34et j'ai voulu porter vraiment cette affaire
03:37sur le devant de la scène et aller jusqu'à la plainte,
03:40le procès, pour aussi mettre en évidence
03:43et aider ceux qui en sont victimes,
03:45parce que, malheureusement, je suis une parmi des centaines
03:49et des milliers de personnes qui sont victimes de cela,
03:52que ce soit des forces de l'ordre, des enseignants,
03:55des adolescents, en fait, il y a plusieurs centaines
03:58de milliers de personnes en France qui peuvent être victimes
04:01à un moment ou un autre, et c'est pas acceptable,
04:04c'est pas supportable, donc c'est pour ça que j'ai voulu
04:07vraiment faire en sorte que le procès aille à son terme,
04:10pour montrer aux victimes que c'est pas une fatalité,
04:15et qu'on doit réagir, et qu'aux agresseurs,
04:18on n'a pas le droit de le faire.
04:19Pendant votre premier mandat, la violence a aussi
04:22d'autres formes, contre votre permanence,
04:25qui a été ciblée par des agriculteurs,
04:27par des opposants à la réforme de retraite,
04:29par un inconnu qui a jeté une pierre
04:32contre la vitrine de votre permanence.
04:34C'est cette pierre-là qui a déclenché
04:36quand même beaucoup de choses,
04:38parce qu'en fait, c'est un acte, a priori, gratuit.
04:41On sait que c'est quelqu'un qui vient en train
04:43donc on a remonté les caméras de vidéosurveillance,
04:47qui jette la pierre et qui repart.
04:49Et c'est très désagréable,
04:51et surtout angoissant par rapport aux équipes.
04:54Là, c'est pas que moi qui suis visée,
04:56c'est ma permanence et les gens qui travaillent avec moi.
04:59Ca vous a posé des problèmes très concrets,
05:01car vous n'aviez plus de compagnie d'assurance,
05:04vous avez dû changer de permanence.
05:06J'ai lu que dans votre nouvelle permanence,
05:09vous n'en donniez pas l'adresse publiquement.
05:11Oui, tout à fait. C'est pas mentionné.
05:13Vous êtes obligée de vous cacher ?
05:15C'est pas mentionné sur Internet.
05:17Il y a le numéro de téléphone, l'adresse,
05:19les gens prennent, nous envoient des emails,
05:22on rappelle, à ce moment-là, on communique l'adresse,
05:25on donne le rendez-vous, il n'y a aucun problème par rapport à cela,
05:29mais je souhaite protéger mes équipes
05:31de toute agression.
05:33Quand on se revendique députée de terrain, comme vous,
05:36c'est quand même problématique.
05:38Moi, je suis sur le terrain, moi,
05:40mais je ne souhaite pas exposer mes équipes.
05:42C'est une protection vis-à-vis des gens qui travaillent avec moi.
05:46Ils n'ont pas à subir, ils ne travaillent pas pour moi,
05:49pour être exposés à de la violence.
05:51On va remonter aux sources de votre engagement,
05:54le déclic, si l'on peut dire, pour vous.
05:56Il date de 1997, vous décidez de rejoindre le Parti socialiste.
06:00Pourquoi ? Qu'est-ce qui a déclenché ça ?
06:02Ma fille.
06:03J'ai ma fille dans les bras, elle a neuf mois,
06:06et j'écoute la radio,
06:08et j'ai envie de dire, comme d'habitude,
06:11je râle.
06:12Je me dis que j'ai ce bébé dans les bras,
06:14il faut que j'arrête de râler, que je m'engage.
06:17C'est vraiment ça qui déclenche
06:20ma volonté d'engagement en politique.
06:22À ce moment-là, je me dirige vers le Parti socialiste,
06:25qui, à cette époque-là,
06:27correspond le mieux au moment de ma vie,
06:30où j'en suis, je suis une profondément centriste,
06:33mais en 97, il me semble que Lionel Jospin
06:37répond en grande partie à mes aspirations.
06:40C'est ça qui vous fait aller vers la gauche
06:42plutôt que vers un parti du centre ?
06:45Les partis centristes...
06:46Il n'y a pas vraiment de parti centriste
06:49qui me semble correspondre, au moment où j'en suis,
06:52de ma vie à cela.
06:54En 2001, vous êtes devenue
06:56conseillère municipale d'opposition à Thionville,
06:59puis adjointe au maire en 2008,
07:01ensuite, vous avez été élue conseillère générale,
07:04et puis en 2014, surprise, vous quittez le PS
07:06et vous rejoignez l'UDI,
07:08parti centriste. Pourquoi ?
07:09Parce qu'en fait, je suis au Conseil général depuis 2008,
07:13je suis aussi adjointe au maire.
07:15Je peux faire des choses en tant qu'adjointe au maire,
07:19mais les relations sont un peu compliquées.
07:21La politique qui est menée au Conseil départemental de La Moselle,
07:25ça me va bien, je m'y retrouve.
07:28Et c'est vrai qu'en 2014,
07:30je décide de franchir le pas et je dis à Patrick Veyten
07:34que je souhaite rejoindre sa majorité,
07:36parce que je travaille avec lui, je trouve que ce qui est fait est bien.
07:40C'est le président du parti en Moselle,
07:42le président de l'UDI,
07:44donc voilà comment j'entre à l'UDI en 2014.
07:48En 2017, vous quittez l'UDI pour rejoindre En Marche.
07:52Par la suite, vous avez suivi Edouard Philippe
07:54quand il a créé Horizon.
07:56Certains vous reprochent de changer de parti
07:59en fonction de vos intérêts, d'avoir un opportunisme politique.
08:02Vous leur répondez quoi ?
08:04Je ne sais pas qui sont ces certains.
08:06Vos adversaires localement ?
08:07Oui, mais pas les électeurs.
08:09Donc, pas les personnes que je rencontre sur le terrain,
08:12pas ceux qui me connaissent,
08:14pas ceux qui connaissent mes convictions.
08:16Et alors, justement, vos convictions,
08:18quelles sont-elles ?
08:20Quel est le moteur de votre engagement,
08:22ce qui vous motive depuis le début,
08:24qui n'a pas bougé malgré vos changements de parti ?
08:27C'est les partis qui ont souvent changé,
08:29qui n'ont pas répondu aux engagements que j'avais.
08:33Quand j'écoute Edouard Philippe,
08:35je suis totalement en phase avec sa ligne et ce qu'il dit.
08:40C'est vraiment un engagement au service des citoyens,
08:44au service de tous les concitoyens,
08:46et que le projet d'émancipation,
08:50qui est normalement le moteur de l'engagement
08:52de chacun et chacune,
08:54puisse réellement être mis en oeuvre
08:56par un projet politique.
08:58Et c'est quand on ne répond pas à ses aspirations,
09:02quand on fait croire aux citoyens
09:04que tout va s'améliorer d'un coup de baguette magique,
09:07que ça, pour moi, c'est pas supportable.
09:09On se doit d'un devoir de vérité et de réalisme.
09:12À l'Assemblée, de 2022 à 2024,
09:15vous avez présidé la Commission des affaires culturelles.
09:19C'est une commission assez vaste,
09:20ça couvrait la culture, les médias, la jeunesse,
09:23l'éducation, le sport...
09:24C'est un élément supérieur.
09:26Qu'est-ce que cette expérience vous a apporté
09:29dans votre vie de députée ?
09:31De très belles rencontres,
09:33et surtout, moi,
09:35est-ce que ça m'a amenée,
09:38enfin, pas qu'à moi, mais démontré,
09:40c'est cette capacité d'aller chercher
09:42les points de consensus chez les uns et les autres.
09:45Si vous avez regardé comment ça s'est passé
09:48entre 2022 et 2024,
09:50énormément de projets ou de propositions de loi
09:53sont passés,
09:54certains à l'unanimité,
09:56d'autres avec une large majorité.
09:58Donc, en fait, on va dire que j'ai encore plus développé
10:01cette culture du consensus
10:03que j'ai depuis toujours et qui m'anime en politique.
10:06Ce qui fait peut-être aussi qu'à certains moments,
10:09je suis toujours fidèle à des convictions,
10:13mais que je peux changer de parti.
10:16On va conclure l'émission avec notre petit quiz.
10:19Pour commencer, on va changer un petit peu
10:22ce qu'on fait d'habitude.
10:23J'ai vu que vous souhaitiez réécrire la Constitution
10:26en écriture inclusive.
10:28J'ai lu ça. On vous propose d'essayer de le faire
10:30à voix haute avec le début de l'article 8
10:33qui va apparaître à l'écran.
10:35Je vous propose de lire en écriture inclusive.
10:37-"Le président ou la présidente de la République
10:40nomme le Premier ou la Première ministre,
10:43il ou elle met fin à ses fonctions sur la présentation
10:46par celui-ci ou celle-ci de la démission du gouvernement."
10:49Il n'y a pas de yel ?
10:50Non.
10:52Je pense que l'écriture inclusive
10:55souffre d'une mauvaise presse
10:58parce que, généralement,
10:59on voit immédiatement le point médian.
11:02L'écriture inclusive, ça veut dire mettre les femmes
11:05dans l'espace public.
11:06Ca peut prendre différentes formes.
11:08C'est pour ça que quand je dis...
11:11L'écriture inclusive n'est pas le point médian.
11:14-"Avoir été coach, visiteuse médicale
11:17ou prospectrice téléphonique ?"
11:19Alors, oui, j'ai surtout fait de la formation
11:22pour les personnes qui faisaient de la prospection,
11:25qui travaillent sur les centres d'appel
11:28et notamment sur les services après-vente.
11:30C'est beaucoup de rencontres humaines
11:33et de comprendre, de vivre,
11:35parce que, pour différentes raisons,
11:38le quotidien d'un grand nombre de citoyens.
11:41-"Quand je vois un viaduc."
11:44Je rêve.
11:45C'est...
11:46C'est pour moi...
11:47C'est étonnant, ça, pour qui ne vous connaît pas.
11:50Vous rêviez de construire des viaducs
11:52quand vous étiez plus jeune ?
11:54Oui, et moi, le viaduc de Garabit
11:57est tout simplement extraordinaire,
11:59construit par...
12:01Oui, je sais, c'est pas forcément quelque chose
12:03qu'on voit spontanément,
12:05mais moi, je rêvais d'être architecte,
12:07mais poncer-chausser et de chausser des bottes et un casque
12:10pour être sur des chantiers et construire des grands ouvrages,
12:14et notamment des ponts.
12:15Peut-être que, finalement, la politique répond en grande partie
12:19à cette aspiration de construire des ponts
12:21entre les femmes et les hommes.
12:23Ce sera le mot de la fin.
12:24Merci, Isabelle Roche, d'être venu dans La Politique et moi.

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