• le mois dernier
Transcription
00:00:00Ceci est ma maison. Du moins ce qu'il en reste. C'est devenu un champ de bataille.
00:00:30Je ne peux pas entrer. Je ne peux pas entrer, mon Dieu, je ne peux pas entrer.
00:00:41Je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile.
00:00:58Je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer.
00:01:18Je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer,
00:01:38je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer,
00:01:58je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer,
00:02:08je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer,
00:02:18je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer,
00:02:38je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer,
00:02:58je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer,
00:03:18je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer,
00:03:38il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer,
00:03:58il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer,
00:04:18il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer,
00:04:38il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile,
00:05:08il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, c'est difficile, je ne peux pas entrer, il y a beaucoup de gens, ce n'est pas très loin, il y a plus de monde et moins de monde.
00:05:38dans un petit village qui s'appelle Oulaykat, pas loin d'Isdoud.
00:05:54Ma grand-mère m'a raconté qu'elle n'avait que 6 ans
00:05:56quand ils ont été chassés de leur village en 1948.
00:06:02Ils ont dû partir pour se construire une vie nouvelle ailleurs.
00:06:09Le père de ma grand-mère l'a emmené, ainsi que toute sa famille,
00:06:13au camp de Jabalia, à Gaza.
00:06:19Ensuite, il est retourné au village pour chercher quelques affaires
00:06:22et il n'est jamais revenu. Personne ne sait ce qui lui est arrivé.
00:06:27Les enfants de cette génération ont la vie dure.
00:06:29Ils se construisent avec l'idée qu'Israël est l'envahisseur, l'agresseur,
00:06:33car c'est effectivement ce que nous vivons ici.
00:06:38Neuvième année
00:07:02Le 6 octobre, la famille était au grand complet à la maison.
00:07:05il y avait du vin, de la musique, une soirée familiale par excellence.
00:07:10Mayan, notre aînée, était de passage.
00:07:18Une fille extraordinaire et tellement décontractée.
00:07:27Avec elle, tout était si simple.
00:07:34Chahar a 10 ans, il est très mignon, il a une faussette, c'est mon petit dernier.
00:07:45Yael a 12 ans, elle a fêté sa batte mitzvah en février, elle carbure au sushi.
00:07:55Yael nous a ensuite rejoints, c'était une soirée de rigolades familiales comme une
00:08:04autre, sous notre pergola, dans notre joli petit coin de Nahal Oz.
00:08:11On est allés se coucher tard, et je me souviens avoir dit à mon mari, quelle chance d'avoir
00:08:20une si belle famille.
00:08:21Et puis, tout a changé, le 7 octobre.
00:08:51J'ai été réveillé à 6h30 par le son des explosions, des roquettes, on aurait dit
00:09:05la fin du monde.
00:09:06Mon frère est entré dans ma chambre et m'a demandé, qu'est-ce qui se passe ? Je lui
00:09:12ai posé la même question, on ne comprenait pas ce qui se passait.
00:09:46C'est invraisemblable, c'est dingue.
00:10:11Vous êtes prêts ? J'ai encore le bracelet, on me dit sans arrêt, t'étais à une soirée.
00:10:21C'est un rappel permanent.
00:10:41Mon pote Yam avait un gros coup de déprime.
00:10:49Je me suis dit, achète un billet pour faire la fête avec lui, ça va être sympa.
00:10:54Je comptais le surprendre une fois là-bas.
00:10:58La fête a commencé, on dansait, on était bien.
00:11:07Jusqu'à 6h30 du matin, ça a commencé par des roquettes, ils ont tout de suite coupé
00:11:29la musique.
00:11:30On s'est accroupi et on a cherché un abri.
00:11:42On a vite commencé à entendre des coups de feu, donc on s'est précipité sous la
00:11:53scène.
00:11:54Mon compagnon s'appelle Oad, les enfants sont très attachés à lui, je suis la maman
00:12:21de trois enfants, Ethan, Yael et une petite fille de deux ans.
00:12:27Ça fait 11 ans qu'on vit à Niros.
00:12:40On avait été réveillés par les sirènes d'alerte, elles avaient quelque chose d'inhabituel,
00:12:49elles retentissaient les unes après les autres sans interruption.
00:12:52Je suis vite allée chercher la petite dans sa chambre et on est allé dans la pièce
00:12:59blindée comme on en a l'habitude, mais la porte ne fermait plus.
00:13:04On recevait des messages sur le groupe WhatsApp du kiboutz.
00:13:13L'un d'eux disait que des terroristes déguisés en soldats israéliens étaient
00:13:22dans le kiboutz.
00:13:23Oad a vu que la situation était grave, il est sorti de la pièce blindée pour nous
00:13:33protéger depuis l'extérieur, il envoyait des messages à ses amis tout en criant qu'il
00:13:39nous aimait.
00:13:40On a entendu des hurlements en arabe depuis l'extérieur, des cris, des discussions.
00:13:54Ils tiraient sur notre maison, puis ils ont forcé notre porte et ils ont tout saccagé
00:14:06à l'intérieur.
00:14:07Ensuite, ils ont tiré sur Oad, il hurlait de douleur.
00:14:16Quatre terroristes sont entrés dans la pièce blindée, ils hurlaient en arabe, l'un d'eux
00:14:25a dit « I shoot », on était obligés de sortir.
00:14:28En quittant la pièce blindée, on a retrouvé Oad à terre, en sang, je lui ai demandé
00:14:37ce qu'il nous voulait, il m'a répondu « ils nous emmènent à Gaza ».
00:15:07Le garde nous a demandé de nous enfermer dans la pièce sécurisée et de ne faire
00:15:23aucun bruit.
00:15:24À partir de cet instant, nous étions dans un état d'effroi.
00:15:35De terreur absolue.
00:15:38On entendait des gens marcher sur du verre brisé, et là je me suis demandé ce que
00:16:03je devais faire, et j'ai attrapé Yael.
00:16:10Tzahri a saisi la poignée pour essayer de la bloquer, Mayan s'est jeté devant la
00:16:29porte pour aider Tzahri, mais des coups de feu ont retenti.
00:16:32Ils sont entrés et ont allumé la lumière, et là j'ai vu Tzahri à terre, les mains
00:16:50couvertes de sang, il m'a dit « non non non, Gali je t'en prie aide là ». J'ai examiné
00:17:04son corps pour voir où elle était touchée, je ne saisissais pas encore, et je me suis
00:17:12rendue compte, en regardant sa tête, que ses yeux étaient ouverts.
00:17:18J'ai posé ma main, et je me suis aperçue que sa blessure était mortelle.
00:17:24J'ai dit à Tzahri, elle est partie, c'est fini.
00:17:42On disait à tout le monde « ne faites pas de bruit, ne faites pas de bruit ». Soudain
00:18:09une personne, un véritable ange gardien, est arrivée en courant et a crié « sortez
00:18:14de là dessous ». On est parti en courant et en longeant la scène, je me suis retourné
00:18:20et je les ai vu alignés.
00:18:21On était des cibles faciles, comme dans un entraînement, ils ne bougeaient pas et
00:18:28se contentaient de nous canarder.
00:18:29Je me suis mis à courir tout en regardant en arrière.
00:18:35J'ai couru comme je n'ai jamais couru, le sol tremblait comme ça, les cailloux volaient.
00:18:45Je me suis dit, il faut se cacher.
00:18:51À l'armée, on nous a appris qu'il fallait bien se cacher dans les buissons pour ne pas
00:19:12être repérés.
00:19:13Je répétais sans arrêt aux autres « ne faites pas de bruit, venez par ici ». Mais
00:19:30les terroristes sont arrivés des deux côtés et se sont mis à mitrailler les buissons.
00:19:33Ils s'étaient aperçus que les gens venaient s'y cacher.
00:19:36Accepter l'idée qu'on va mourir, c'est une chose difficile à décrire.
00:19:46Ça y est, mon histoire se termine, l'écran va s'éteindre, comme au cinéma, c'est la
00:19:54fin.
00:19:55C'est insensé.
00:20:03Maïa n'était encore étendue dans la pièce sécurisée.
00:20:09L'un d'entre eux me demande « c'est votre portable ? » Je réponds « oui ». Il me
00:20:17dit « je vais diffuser ça en direct ».
00:20:19On était assis par terre, Tzachi et moi, Yaël et Chaghar.
00:20:49Avec des kalachnikovs pointés vers les enfants et vers moi.
00:20:53Les enfants demandent alors à Tzahri s'il est blessé parce que ses jambes et ses mains
00:21:01étaient couvertes de sang.
00:21:02Et il était extrêmement pâle.
00:21:04Je leur réponds « ce n'est pas le sang de papa, c'est celui de Maïa ».
00:21:15Les enfants pleuraient, ils ne comprenaient pas ce qui se passait.
00:21:39J'étais en train de me demander quand est-ce qu'ils allaient tirer ? Quand est-ce qu'ils
00:22:05nous tueraient ? Qu'est-ce qu'ils comptaient faire de nous ?
00:22:07J'étais en train de me demander quand est-ce qu'ils allaient tirer ? Quand est-ce qu'ils
00:22:37On se regarde et on se dit « c'est pas en train de nous arriver, c'est pas croyable,
00:22:43c'est pas possible ».
00:22:44Tzahri était sous le choc, l'homme le plus courageux que j'ai connu, anéanti.
00:22:59A un moment donné, il demanda à Tzahri de se lever, il le menotte.
00:23:27Je regarde Tzahri et il me dit « je t'aime ma chérie ».
00:23:34Je lui réponds « je t'aime très fort, ne tente rien d'insensé, on a besoin de toi mon cœur ».
00:23:57J'ai sorti mon portable et j'ai filmé tous ces gens en train de faire la fête.
00:24:17Au départ, le 7 octobre, tous les habitants de Gaza étaient heureux.
00:24:23A Gaza, on est assiégé en permanence.
00:24:28Les guerres et les offensives font partie de notre quotidien.
00:24:35On vit dans l'humiliation, tout est difficile.
00:24:38C'était donc naturel que les gens se réjouissent.
00:24:42Mais dans mon esprit, je savais qu'on courait droit vers l'abîme.
00:24:46Je suis contre la violence, que l'on soit israélien ou palestinien.
00:25:03Je suis contre les bains de sang.
00:25:14Le 7 octobre, j'avais 17 ans.
00:25:21Ils sont arrivés très discrètement.
00:25:24On a entendu des cris en arabe « les Juifs, les Juifs ».
00:25:32Ils sont entrés dans la pièce blindée, j'ai entendu mon père crier et ils lui ont tiré dessus.
00:25:41On s'arrête ?
00:25:42C'est bon, ça va.
00:25:47Je me souviens avoir poussé une sorte de soupir de soulagement en pensant que j'allais mourir.
00:25:57Je me suis dit, après cinq heures de terreur, c'est le moment.
00:26:03Je n'ai pas envisagé une seule seconde qu'ils nous enlèveraient.
00:26:27On est arrivés en voiture à Gaza.
00:26:30Il y avait ma mère et mes deux petits frères, Gal et Tal.
00:26:35Les terroristes étaient à l'avant.
00:26:37Je me tourne vers ma mère et je la vois observer une ambulance.
00:26:41Puis elle fait un geste pour implorer l'aide du conducteur.
00:26:45Mais il secoue la tête pour signifier que ce n'est pas possible.
00:26:51Je vois tous les gens dehors prendre des photos, sourire, faire la fête.
00:26:57Le terroriste ouvre la fenêtre, met de la musique et lance des cris de joie.
00:27:12J'ai reçu le tout dernier message de ma sœur à 11h41.
00:27:16À midi, nous étions déjà à Gaza.
00:27:19Durant ce laps de temps, ils ont tué ma sœur et mon père et nous ont emmenés dans un tunnel.
00:27:24Tout s'est passé si vite.
00:27:26On s'est retrouvés accroupis, collés au mur.
00:27:30C'était étouffant.
00:27:43Le kiboutz était en feu.
00:27:46On n'arrivait pas à comprendre ce qu'on voyait.
00:27:49Je ballais la rue du regard à la recherche d'un moyen de prendre la fuite,
00:27:53mais les terroristes étaient partout.
00:28:00Puis on a été emmenés sur des mobilettes.
00:28:02Etanne sur celle de devant et les deux filles et moi sur celle de derrière.
00:28:07Et on circulait à travers le kiboutz.
00:28:14Deux chars sont ensuite arrivés.
00:28:18C'était le chaos.
00:28:19Les gens couraient partout, prenaient la fuite.
00:28:24Notre mobilette tombe.
00:28:26Et à partir de là, celle avec Etanne disparaît de ma vue et je perds sa trace pour de bon.
00:28:33Sa mobilette poursuit son chemin.
00:28:35J'ai profité de ce nuage de poussière pour attraper Yaël.
00:28:39La petite dernière était déjà dans mes bras.
00:28:41Elle était toute petite.
00:28:43J'ai attrapé Yaël et on s'est enfuis.
00:28:48Tout au long de notre fuite, j'étais rongée par l'idée d'être séparée d'Etanne.
00:28:56J'ai perdu Etanne et je ne peux rien faire.
00:29:02C'est inconcevable.
00:29:05C'est ce qui peut arriver de même.
00:29:07Et je ne peux pas faire autrement.
00:29:09Je n'ai plus rien à faire.
00:29:11C'est inconcevable.
00:29:13C'est ce qui peut arriver de même.
00:29:15C'est ce qui peut arriver de pire à une mère.
00:29:45Lorsque votre pays est frappé par une attaque d'une telle férocité,
00:29:51la douleur profonde qui vous accable n'épargne qu'un foyer.
00:30:02A mon avis, il n'y a pas une seule personne en Israël
00:30:06qui ne connaît pas quelqu'un qui a été tué ou pris en otage.
00:30:15J'ai compris qu'ils ne reculeraient devant rien.
00:30:20Ils n'ont aucune estime pour la vie.
00:30:23Aucun égard pour l'être humain.
00:30:26Des enfants, des bébés, des femmes, des personnes âgées.
00:30:34Nous avons subi des blessures.
00:30:37Nous avons subi des blessures.
00:30:40Nous avons subi des blessures.
00:30:43Nous avons subi une tentative d'extermination du peuple juif.
00:31:02Le 7 octobre, j'ai pris conscience que personne n'était innocent à Gaza.
00:31:06On savait bien qu'ils nous haïssaient.
00:31:12Mais on croyait que leur cruauté avait ses limites.
00:31:16C'était une erreur.
00:31:19C'était inconcevable que l'État d'Israël tolère une telle chose sans réagir.
00:31:36Chez nous, on appelle Gaza le phénix.
00:31:42Quoi qu'il lui arrive, elle renaît toujours de ses cendres à travers la poussière et les débris.
00:31:52Elle se régénère à une vitesse incroyable.
00:31:55Mon père est de Gaza et ma mère est une réfugiée.
00:31:59Je suis né en 1966.
00:32:03Les Arabes ont une grande admiration pour les médecins.
00:32:07Ils sont tous des médecins.
00:32:10Ils sont tous des médecins.
00:32:13Ils sont tous des médecins.
00:32:16Ils sont tous des médecins.
00:32:19Ils sont tous des médecins.
00:32:22Les Arabes ont une grande admiration pour les médecins.
00:32:26Les médecins et les ingénieurs.
00:32:29À Gaza, en raison des offensives et des soulèvements, on manquait cruellement de chirurgiens.
00:32:35Ils étaient peu nombreux.
00:32:52Les Juifs contrôlaient chaque route, chaque large.
00:32:56Ils contrôlaient même l'air et l'eau.
00:33:02L'occupation israélienne était un poids sur nos poitrines.
00:33:06C'était une injustice pour nos vies, nos terres, nos familles, nos enfants, notre patrie.
00:33:22La guerre coloniale
00:33:24La première guerre que nous ayons connue à Gaza, après celle de 1967, est la guerre
00:33:53de 2008. Ensuite, il y a eu celle de 2012, puis 2014, puis 2021, puis cinq jours en
00:34:03mai 2023, et maintenant la guerre du 7 octobre.
00:34:23On n'a pas compris ce qui s'est passé le 7 octobre, et on ne comprend pas non plus ce
00:34:50qu'on vit ici depuis ce jour-là. On n'avait jamais connu de frappe d'une telle intensité.
00:35:20La guerre du 7 octobre, c'est la guerre du 7 octobre, c'est la guerre du 7 octobre.
00:35:41Mon métier, à la base, c'est de photographier de belles choses. Mais j'avais le devoir de
00:36:07filmer et documenter ce qui se passait ici, car à ce moment-là, j'étais le seul à pouvoir le faire.
00:36:37J'ai vu de la fumée s'élever près de la maison de ma sœur. Je me suis mis à courir dans la direction
00:37:01de la frappe. La maison de ma sœur n'avait pas été touchée. Le missile avait frappé quelques
00:37:13maisons plus loin. Je me suis retrouvé à participer au sauvetage des victimes. J'avais un portable et
00:37:25une lampe-torche.
00:37:55Mon ami m'a pris dans ses bras. C'était le frère de la femme coincée sous les décombres. Il m'a
00:38:15appris qu'elle était enceinte et que son mari était mort en martyr. Le bébé n'a pas survécu non
00:38:31plus. Environ 18 personnes sont mortes et plus de 50 personnes ont été blessées dans l'immeuble
00:38:47et les environs.
00:39:01J'étais responsable du service des urgences de l'hôpital. Les victimes ont commencé à arriver
00:39:27par centaines. Certaines étaient déjà mortes, d'autres blessées. Ils arrivaient de tous les
00:39:42côtés. Nous avions 140 lits pour environ 900 blessés. Durant les guerres précédentes,
00:39:57ils étaient plus rationnels et visaient des cibles militaires. Mais cette fois,
00:40:04ils ont montré leur vrai visage. Ils sont guidés par la haine et la soif de vengeance.
00:40:08Ce jour-là, j'ai reçu un appel de la fille de Mahmoud. Elle m'a dit « Tonton,
00:40:31notre maison a été bombardée. Papa et tous les autres sont morts. » Ali, Mahmoud, les enfants.
00:40:43Mon cousin Mahmoud Elran, 55 ans. Haïta, 50 ans. Ahlam, 35 ans. Ahmad, 35 ans. Kifaya,
00:41:0362 ans. Ramin, 42 ans. Saddam, 40 ans. Voilà les noms de nos martyrs.
00:41:18Ceux qui arrivent à retrouver leurs proches pour pouvoir les enterrer peuvent s'estimer
00:41:31heureux. On espère pouvoir honorer les siens en les enterrant pour que leur corps ne soit pas
00:41:38dévoré par les chiens ou ne pourrissent pas. C'est étrange d'en arriver à ressentir de la joie
00:41:52parce qu'on a retrouvé le corps des êtres qu'on aime pour pouvoir les enterrer dignement. On se
00:42:01dit « grâce à Dieu j'ai pu les enterrer ». Il n'y a plus de logique, plus de normalité.
00:42:31Cinq minutes
00:42:55ça tourne
00:43:01le micro ici et l'appareil là ? D'accord, je me lève. Je me souviens même plus qui était
00:43:12Larada d'avant ou ma vie d'avant. Quand j'ai envie de me remémorer le passé, je regarde les
00:43:22photos dans mon téléphone. Je rêvais de créer mon entreprise dans le domaine de l'énergie solaire.
00:43:48Aujourd'hui mon seul rêve c'est que ma famille et moi sortions vivants de cette guerre. J'ai six
00:43:59sœurs et deux frères. Eline a très peur, elle n'a que trois ans. Elle devrait être à l'école,
00:44:13apprendre à lire. Elle a appris des choses qu'elle ne devrait pas connaître à son âge.
00:44:25Elle sait qu'on peut mourir à tout moment. Mon frère Mohamed passait beaucoup de temps
00:44:37avec papa. Il était sourd et muet. Mohamed était vraiment une belle personne. Je pense
00:44:50que les personnes handicapées sont souvent exceptionnelles. L'attaque du Hamas a surpris
00:44:58tout le monde. J'avais très peur. J'ai dit à ma famille, cette guerre ne sera pas simple. Avec
00:45:09le Hamas au pouvoir, on n'a pas notre mot à dire. Ils font ce que bon leur semble.
00:45:21On a vu des points brillants dans le ciel. On était inquiets.
00:45:28Pendant qu'on était en train de réfléchir au chemin le plus sûr pour notre itinéraire,
00:45:53ils ont bombardé juste à côté de nous. On a paniqué. On ne savait plus quoi faire.
00:46:01Maman a dit qu'on reste groupés, quoi qu'il arrive. Alors on est restés ensemble.
00:46:06Après la première semaine, j'ai pris conscience qu'afin de survivre, il me fallait établir un
00:46:26contact avec eux, parler leur langage. Avec ma mère, nous les avons interpellés en leur demandant
00:46:32si quelqu'un rentrait chez vous et enlevait votre femme et vos enfants pour les emmener en Israël,
00:46:40que feriez-vous ? Ils nous ont répondu, vous resterez ici jusqu'à ce que votre Premier ministre
00:46:49accepte de libérer nos prisonniers. J'ai dit, vous voulez donc échanger vos meurtriers contre
00:46:59mes petits frères de 9 et 11 ans ? Ma mère et moi ? Des femmes et des enfants contre des assassins ?
00:47:08Ils ne seront jamais d'accord, forcément. Plusieurs fois, ils nous ont ordonné en
00:47:27hurlant de mettre un hijab et d'enfiler des robes parce qu'il fallait partir à toute vitesse.
00:47:32On entendait des coups de feu dans les rues. Il y avait des détonations et des explosions
00:47:48partout autour de nous. On était au cœur des combats. Un mur nous est même tombé dessus.
00:47:57Les ondes de choc à elles seules étaient déjà douloureuses. À ce stade-là, je devais accepter
00:48:06le fait que ma vie dépendait d'un groupe terroriste. Je devais maintenant me fier au Hamas.
00:48:11Je ne leur faisais aucune confiance, évidemment. J'étais terrorisée,
00:48:17mais j'étais totalement à leur merci.
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00:48:5529
00:48:55Le 27 octobre, tous les réseaux de communication ont été coupés.
00:49:11Plus d'internet, plus de téléphone, ils nous ont isolés du monde.
00:49:21Les vidéos ne montrent pas ce qu'il peut se passer, ni le son en réalité, mais peut-être.
00:49:32Je ne sais pas, peut-être que le matin, nous vivons et nous descendons.
00:49:47Je discutais avec mon frère, quand soudain, tout est devenu flou.
00:50:08Tout s'est obscurci, j'étais totalement désorienté.
00:50:16Lorsque j'ai repris connaissance, la moitié de mon corps était hors de la maison et l'autre
00:50:22moitié était enfouie sous les décombres.
00:50:24Tout était anéanti, tout ce qu'on possédait et notre vie, c'était anéantie.
00:50:54Notre vie toute entière, notre maison, ce foyer qu'on croyait sûr, dans lequel on
00:50:57avait grandi, tous nos souvenirs.
00:50:59C'est mon père, Riad Nofal, grâce à Dieu, il a survécu.
00:51:11A l'hôpital, je suis tombé sur Islam, c'est le fils de Resk, il tremblait, il m'a demandé
00:51:39où est mon père, je lui ai répondu, ton père va bien, en réalité, je venais de le
00:51:43voir mort.
00:51:44Il était déjà en état de choc, je ne voulais pas en rajouter, ce n'est qu'un enfant, je
00:51:59ne pouvais pas lui avouer que je venais de voir le corps de son père.
00:52:01Au petit matin, je suis retourné à la maison.
00:52:30On creusait de minuit à huit heures du matin, à la recherche des corps enfouis sous les
00:52:52décombres.
00:52:53Je leur avais dit qu'on les trouverait à cet endroit précis, effectivement, on les
00:52:58a retrouvés, mais ils avaient tous brûlés.
00:53:28C'était une enfant merveilleuse, elle était belle de l'intérieur et de l'extérieur,
00:53:42elle était intelligente, gentille, tout le monde l'aimait, je lui disais, Mila, donne-moi
00:53:48mon fromage, alors elle me tendait sa joue et je lui faisais un bisou.
00:53:58Maintenant, on va les traquer.
00:54:21J'ai dû fuir comme un animal sans défense, à présent, je suis la bête sauvage, j'ai
00:54:33du mal à me l'expliquer.
00:54:34Je m'apprête à rentrer dans Gaza.
00:54:43Difficile de croire qu'on est à 30 minutes de chez soi.
00:54:48Il n'y a ni eau, ni électricité, ni nourriture, des corps gisent au sol, c'est un autre monde,
00:55:00c'est plus la même dimension, plus le même univers.
00:55:02Tout est détruit, sans vie, c'est un lieu irréel.
00:55:08J'ai une longue mitrailleuse qui date des années 80, c'est l'arme la plus puissante
00:55:31de mon unité par sa portée et le nombre de munitions.
00:55:35Si je l'avais eu dans les buissons, ça aurait été une toute autre histoire.
00:55:44Avec 700 ou 800 munitions, tout devient possible.
00:55:48On a découvert beaucoup de choses.
00:56:03Des armes à feu, des couteaux, des munitions, des accès à des tunnels en plein salon.
00:56:13Dans des maisons privées ? Oui.
00:56:17Le moment le plus dur qu'on a vécu, c'est quand on était dans une maison, un sniper
00:56:39nous tirait dessus et une des balles a touché un mur qui, en explosant, a frappé le visage
00:56:45d'un de mes amis.
00:56:46Le gars à côté de lui est mort sur le coup.
00:56:48Tout est une question de chance, ou de hasard si vous préférez.
00:56:58Ça a été le seul moment presque aussi stressant que lors du festival Nova.
00:57:07Ce ne sont pas deux armées qui s'affrontent.
00:57:14L'ennemi se déploie dans des hôpitaux et dans des écoles pour tirer depuis ses lieux.
00:57:18Ils se font dans la population au point qu'on ne peut plus les distinguer.
00:57:26Mais on fait vraiment de notre mieux pour limiter les victimes civiles.
00:57:30C'est une question de compassion, on est des êtres humains, pas des monstres.
00:57:39Pourquoi les Arabes nous détestent-ils ? Que leur a-t-on inculqué ? On voit bien en rentrant
00:57:52chez eux comment ils ont grandi.
00:57:53Vous constatez alors que dès leur plus jeune âge, dès l'enfance, on leur transmet la
00:58:06haine d'Israël et l'idée que cet état se trouve sur des terres qui ne lui appartiennent
00:58:10pas.
00:58:11C'est comme avec le cancer, vous pouvez les éliminer jusqu'au dernier, ça n'arrêtera
00:58:26rien.
00:58:27C'est quelque chose qui est profondément enraciné et qui refera surface chez d'autres.
00:58:41Les gens pensaient que les hôpitaux étaient des lieux sûrs, beaucoup de civils venaient
00:58:54s'y réfugier.
00:58:55Ils n'avaient plus de maison ni nulle part où aller.
00:58:57Tous les jours, des tapis de bombes embrasaient les abords de l'hôpital indonésien.
00:59:24Soudain, on a entendu une grosse explosion, un obus de char venait de frapper le deuxième
00:59:43étage de l'hôpital.
00:59:44J'ai vu une vingtaine de corps déchiquetés, tous morts.
00:59:49J'ai filmé un instant, puis je me suis effondré, je n'y arrivais plus.
01:00:19Les Juifs nous ont demandé d'évacuer l'hôpital.
01:00:29On ne comprenait pas ce qui se passait, on voyait que ça tirait d'en haut, d'en bas,
01:00:48de tous les côtés.
01:00:49Puis on a vu des chars s'avancer vers l'hôpital et se mettre à défoncer les barrières
01:00:55et les véhicules.
01:00:56Au début de la guerre, on réagissait à ce genre de situation avec compassion, affection,
01:01:15sensibilité.
01:01:16Mais croyez-moi, à la longue, on s'endurcit.
01:01:20Vous ne pouvez pas imaginer ce qu'on éprouve dans ces moments-là, mais voilà, c'était
01:01:30comme ça.
01:01:31On marchait depuis près de 40 minutes dans le tunnel, lorsqu'on tombe sur six jeunes
01:01:44Israéliennes, portant tout un hijab.
01:01:48Je ne peux pas décrire l'émotion à ce moment-là.
01:01:53Le fait de voir d'autres personnes en vie, dans ce lieu si atroce, si cruel.
01:02:00On était vraiment déchirés de voir que ces filles avaient dû être si longtemps
01:02:06seules avec ces terroristes, avec leurs ravisseurs.
01:02:09Nous, au moins, on était tout le temps en famille.
01:02:12Mais ces filles ont dû survivre seules dans la peur.
01:02:18Je n'en dirai pas plus, par respect pour elles, et leur récit n'est pas le mien.
01:02:24Mais je peux vous dire qu'elles étaient à bout.
01:02:28Ils s'en sont pris à elles physiquement, sexuellement.
01:02:34Ils nous ont fait sortir du tunnel.
01:02:53Tout le monde prenait des photos, comme à notre premier jour là-bas.
01:02:58Ils hurlaient en arabe, les Juifs, les Juifs.
01:03:01Et là, j'ai vu les véhicules de la Croix-Rouge.
01:03:12C'était à la fois triste et émouvant.
01:03:17J'allais retourner dans le pays où la vie de mes proches avait été fauchée.
01:03:22C'est un simple trajet de dix minutes, mais il y a un véritable fossé entre ce monde
01:03:33et celui de derrière la barrière.
01:03:35Là-bas, c'est l'obscurité et le désespoir.
01:03:38C'est un fossé si profond.
01:03:43Sans parler des différences culturelles.
01:03:47Je croyais que dans un autre univers, on aurait pu vivre ensemble.
01:03:53Mais ça n'est plus possible.
01:03:56Je continue ?
01:04:07C'était au début de la famine.
01:04:23Imaginez-vous, les enfants mangeaient de la nourriture avariée.
01:04:37Alors qu'il n'y avait ni médicaments ni hôpitaux pour les soigner.
01:04:43J'étais profondément attachée à moi, Amad.
01:04:45Plus qu'à n'importe qui d'autre de ma famille.
01:04:52Ils nous aidaient beaucoup.
01:04:53On était des filles et mes autres frères étaient plus jeunes.
01:04:56On était heureux quand ils nous apportaient un sac de farine.
01:04:59Et on lui témoignait encore plus d'attention.
01:05:02La farine était devenue une denrée rare.
01:05:33Les gens risquaient leur vie pour un sac de farine.
01:05:46La situation empirait de jour en jour.
01:05:50Ils se menaçaient avec des couteaux.
01:05:51Donne-moi la moitié du sac ou je te tue.
01:05:55Vous imaginez la gravité de la situation ?
01:06:02Un sac de farine valait plus qu'une vie humaine.
01:06:15Moi, Amad avait filmé cette scène.
01:06:18Un homme qui portait un sac de provision s'est pris une balle dans la tête.
01:06:25La scène était atroce.
01:06:27Mon cerveau gisait sur le sol et les boîtes de conserve étaient tout autour.
01:06:33La vie ne valait plus rien.
01:06:36Seule comptait la nourriture.
01:06:57On mangeait ce qu'on trouvait, y compris la nourriture pour animaux.
01:07:26La faim et la faim de la farine ont diminué.
01:07:29Malheureusement, on a reçu des alternatives, comme la faim des oiseaux.
01:07:34Comme vous pouvez le voir, la situation est devenue de plus en plus grave.
01:07:41Je n'ai jamais imaginé qu'un jour, la faim de l'animaux
01:07:45ou même de la faim de l'homme arriverait à nous.
01:07:47Qu'est-ce qu'on a fait de mal aux enfants ?
01:07:50Si on n'a pas tué les animaux par la bombe,
01:07:52on va les tuer par la faim, car c'est la situation du nord de la Gazzee.
01:07:57Il faut qu'on fasse quelque chose.
01:08:20Dès qu'ils sont arrivés, ils nous ont bandé les yeux.
01:08:24Ils ont mis des blouses en nylon, ont ligoté nos mains et nos pieds
01:08:28et nous ont balancé dans un camion.
01:08:30J'ai assisté à des scènes que je n'imaginais pas possibles.
01:08:46Ils ont amené quelqu'un en bonne santé et leur ont amené totalement brisé,
01:08:51anéanti, incapable de voir.
01:08:53Heure après heure, dans ces centres de torture et de détention,
01:08:58nous restions là, les yeux bandés, les mains et les pieds ligotés,
01:09:02à genoux pendant 18 heures d'affilée.
01:09:04Au moindre geste, au moindre souffle, on nous tabassait.
01:09:13Lors des interrogatoires, les Juifs nous disaient
01:09:23« Nous le savons, tu as soigné des otages, tu as vu les otages ».
01:09:28Ils lançaient des accusations et il fallait s'en défendre.
01:09:31Ou alors « tu es un leader du Hamas », etc.
01:09:37Ma réponse aujourd'hui est la même que celle que je leur ai donnée.
01:09:41Je ne sais rien sur les otages, je ne les ai jamais vus ni soignés.
01:09:46Et c'est pareil pour mes confrères.
01:09:48Je leur ai expliqué que chez nous, comme ailleurs, il y a des bons et des méchants.
01:09:54Ils m'ont répondu « Non, le 7 octobre nous a forcés à considérer
01:09:57les habitants de la bande de Gaza différemment ».
01:09:59Vous êtes tous pro-Hamas, vous avez cautionné les attentats,
01:10:04vous les avez célébrés, vous avez applaudi.
01:10:07Votre objectif à tous est d'éradiquer l'État d'Israël.
01:10:09On a appris qu'il ne faut pas rester dans une zone dangereuse.
01:10:26Quand on nous ordonne de partir, on part.
01:10:29Nous avons été déplacés environ 15 fois cette année.
01:10:42C'est épuisant d'être constamment en mouvement.
01:10:45Dès qu'on commençait à être enfin installés quelque part,
01:10:47ils nous ordonnaient d'évacuer.
01:10:59On est restés plantés à l'angle de notre rue.
01:11:15Le quartier a été méconnaissable.
01:11:18Je n'arrivais même pas à identifier notre immeuble.
01:11:20L'ampleur de la destruction était inimaginable.
01:11:25Il y avait une mosquée appelée « Mosquée de Palestine » avec un parc à côté.
01:11:29Et puis l'école de Mohamed plus loin.
01:11:31Il ne restait plus rien de tout ça.
01:11:32Notre étage, le cinquième, était toujours là.
01:11:41Mais il n'y avait plus d'escalier pour y accéder.
01:11:44Je me suis retournée.
01:11:47Mohamed arrivait.
01:11:50Alors je lui ai dit qu'on devait trouver un moyen pour monter chercher quelques affaires.
01:11:53Il a réfléchi et est parti chercher une échelle.
01:11:56Il est monté et il m'a fait le signe par la fenêtre.
01:12:00Je croyais qu'il me disait que tout allait bien, mais pas du tout.
01:12:03Il voulait dire que tout avait brûlé, qu'il ne restait plus rien.
01:12:07Maman a fondu en larmes.
01:12:15Je ne l'avais jamais vue dans cet état.
01:12:19J'ai dit à papa, il faut accepter, on ne peut rien y faire, on est comme tous les autres.
01:12:24Il s'est mis à pleurer lui aussi.
01:12:27Il m'a répondu, j'ai travaillé dur toute ma vie pour construire tout ça, vous êtes
01:12:33des filles.
01:12:34Où allez-vous dormir ? On est resté là à pleurer pendant une heure environ.
01:12:40Nous sommes arrivés dans la zone centrale, il est sorti de l'hôpital de Najdounissi, du nord de l'escalier.
01:13:00Il a perdu son visage, il a traversé des points de contrôle pour l'armée israélienne.
01:13:04Sur la route, j'ai vu des scènes insupportables.
01:13:28J'ai décidé de partir car ma soeur voulait partir avec ses enfants, elle avait perdu
01:13:46son mari et sa maison.
01:13:47Je ne voulais pas la laisser voyager seule.
01:13:51Mon père m'a dit, va avec eux, on vous rejoindra.
01:13:59Mais ils ne sont jamais venus.
01:14:21Je veux quitter Gaza, je ne supporte plus de voir le sang couler, ni les bombes tomber.
01:14:26Je ne supporte plus l'odeur des bombes.
01:14:30Ça vous tourmente au plus profond de votre âme.
01:14:39Comment vas-tu maman ?
01:14:47Tu me manques, tout est dévasté ici, la ville est en ruine.
01:14:54Notre pays est mort maman, tout est anéanti.
01:14:58C'est la première fois qu'on voit une telle destruction.
01:15:03Je veux partir, quitter ce pays.
01:15:06Pour aller où ?
01:15:08Quelque part où je ne risquerai pas de mourir sous une bombe ou par une balle dans la tête.
01:15:12Si tu penses que c'est bon pour toi, fais-le.
01:15:17Prie pour que j'arrive à partir, ou au moins que je puisse vous rejoindre.
01:15:21Tu m'entends ?
01:15:26Allo ?
01:15:29Ça a coupé.
01:15:46Je suis persuadée que chaque être humain est investi d'une mission.
01:15:58Saddam Mohamed était occupé de nous pendant la famine.
01:16:07Dieu nous l'a envoyé.
01:16:11Les bombardements étaient intenses ce jour-là.
01:16:23Maman pleurait, elle m'a dit « Mohamed est mort ».
01:16:27Je lui ai dit « Non, tu mens ».
01:16:36Je me suis effondrée en plein milieu de la rue.
01:16:41Puis j'ai couru, sans m'arrêter, jusqu'à l'hôpital.
01:16:49Cousin était là, je lui ai demandé « Ce n'est pas Mohamed, n'est-ce pas ? »
01:16:56Il a dit « Si, c'est lui ».
01:16:59Je lui ai dit « S'il te plaît, je veux le voir ».
01:17:02Il l'a montré.
01:17:11Je lui ai demandé comment c'était arrivé.
01:17:17Il m'a répondu que l'explosion qu'on avait entendue avant venait du magasin de papa.
01:17:26Je cherchais à trouver quelque chose pour mon père.
01:17:36Je cherchais à trouver quelque chose pour lui.
01:17:39J'ai cherché partout.
01:17:41Je ne pouvais trouver rien.
01:17:45Je ne pouvais rien entretenir.
01:17:49Je ne sais pas où il est, je ne vais pas le voir, je ne vais pas le voir, je ne vais pas le voir.
01:18:09Je revois souvent papa dans mes rêves.
01:18:12Il va bien, mais il est blessé.
01:18:15Alors je m'imagine qu'il va rentrer un jour.
01:18:20Parfois, je rêve qu'il est heureux avec Mohamed.
01:18:25Il rit.
01:18:36Eline n'a que 3 ans et elle est orpheline.
01:18:40Elle me demande parfois où est son papa.
01:18:43J'évite de répondre et j'essaie de la distraire.
01:18:46Parce que je n'ai pas de réponse simple à lui donner.
01:19:04Les 16 premiers jours, j'étais tout seul.
01:19:10J'avais personne à qui parler.
01:19:12J'entendais des explosions.
01:19:18J'avais peur.
01:19:43Avant sa captivité, Etan était le fils dont rêve toute mère.
01:19:52Un garçon affirmé et charismatique.
01:20:01A son retour, c'était la même personne.
01:20:06Mais il avait profondément changé.
01:20:13Il t'arrive de repenser à cette période ?
01:20:16Oui. Enfin, pas vraiment.
01:20:20J'essaie d'oublier cette période.
01:20:27Il a perdu son innocence.
01:20:32Malheureusement, il ne voit plus le monde comme un endroit où il fait bon vivre.
01:20:42Il est parti.
01:20:52Il a perdu sa vie.
01:20:54Il a perdu sa vie.
01:20:56Il a perdu sa vie.
01:20:59Il y a eu un moment où les deux peuples cohabitaient.
01:21:03Les palestiniens et israéliens.
01:21:08Les palestiniens et israéliens.
01:21:10Mais dans cette guerre, nous n'avons pas affaire aux juifs qu'on a connus dans le passé, ni
01:21:20l'armée ni le peuple.
01:21:21La résistance n'est pas réservée aux Hamas.
01:21:36Chaque Palestinien a le droit de résister pour défendre ses droits, son peuple, ses
01:21:40biens, son honneur, sa terre.
01:21:43Avec l'aide de Dieu, nous obtiendrons la reconnaissance de l'État de Palestine et ce
01:21:48sera vraiment une épine dans le pied de l'agresseur.
01:22:06J'étais très favorable à une solution à deux États et à ce qu'on donne aux
01:22:22Palestiniens de Gaza leur plein droit.
01:22:25Mais le 7 octobre, j'ai pris conscience que la haine envers les Israéliens et les
01:22:34Juifs traversait les générations.
01:22:42Je ne crois plus que deux États puissent vivre côte à côte lorsque l'un de ces États est
01:22:47déterminé à vous anéantir.
01:22:48Je n'y crois plus.
01:22:55Vous avez rencontré des Palestiniens de Gaza ?
01:23:17Non, à part le 7 octobre.
01:23:23Mais j'aurais beaucoup aimé en rencontrer, même ceux qui sont entrés dans ma maison.
01:23:28Je dois avouer que j'essaie vraiment de ne pas penser à ce que Oad peut subir là-bas.
01:23:51J'espère de tout cœur qu'il reviendra auprès de nous.
01:24:14Et j'espère que les Palestiniens aussi pourront mener une vie paisible.
01:24:21Personne ne s'en ira, que ce soit eux ou nous.
01:24:28J'ignore quelle est la solution, mais elle sera forcément douloureuse pour tout le monde.
01:24:33Si on souhaite une existence sans guerre, il faudra en trouver une.
01:24:41Mais si le Hamas garde le pouvoir, rien ne changera.
01:24:44Ce cercle vicieux de massacres continuera.
01:24:46Le Hamas répète sans arrêt qu'il y aura d'autres 7 octobre.
01:25:16Pour parvenir à la paix, il faut déjà rendre l'ordre à l'armée.
01:25:47On ne veut pas tout leur territoire, mais seulement rétablir les frontières d'avant 1967.
01:25:54La solution a deux États, Israël et la Palestine.
01:26:06Ce sont leurs actions qui ont façonné notre opinion sur eux.
01:26:11Ils ne veulent pas d'une paix durable.
01:26:17Je doute fort qu'avec le gouvernement actuel, la paix soit possible entre Israël et la Palestine.
01:26:28Voilà ce que l'armée israélienne appelle victoire.
01:26:33C'est une victoire, ça ?
01:26:38Quelle victoire ?
01:26:41Je pense que le Hamas va continuer à gouverner politiquement.
01:26:45Et bien qu'Israël s'y oppose et conditionne la fin de la guerre à l'éradication du Hamas,
01:26:50je ne crois pas à la fin du Hamas.
01:27:15Nous sommes toujours assiégés, toujours en guerre.
01:27:18Ma famille et moi pouvons mourir à tout moment.
01:27:45Je vis au jour le jour, sans penser au lendemain.
01:27:50Je ne sais pas ce qui va m'arriver demain. Je me contente d'être vivante, c'est tout.
01:27:54De toute façon, il n'y a pas d'avenir.

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