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AmusantTranscription
00:00Je me rappelle du jour où tout a commencé comme si c'était hier.
00:04Le ciel, d'ordinaire dégagé et paisible, était soudainement assombri par des nuages
00:09épais, presque oppressants, comme s'il pressentait le drame qui allait s'abattre
00:13sur nous.
00:14L'air lui-même était différent ce jour-là.
00:17Il portait une odeur lourde, une odeur de brûlé et de métal qui irritait mes narines
00:22sensibles de chat.
00:23C'était inhabituel, et je sentais déjà quelque chose de mauvais rôder autour de
00:28nous.
00:29Moi je m'appelle Minuit, un chat noir, agile et discret, qui vivait jusqu'à ce jour
00:35une existence paisible auprès de ma maîtresse, dans une petite maison douillette, entourée
00:40de verdure.
00:41Comme chaque matin, je m'étais installé sur le rebord de la fenêtre du salon pour
00:46observer les oiseaux.
00:47C'était mon passe-temps préféré, voir ces créatures légères virevolter de branche
00:52en branche.
00:53Mais ce jour-là, il y avait une agitation inhabituelle parmi eux.
00:57Ils prenaient leur envol en panique, sans raison apparente, comme si quelque chose d'invisible
01:02les effrayait.
01:03À cet instant, un bruit sourd, lointain mais terrifiant, résonna à travers la maison.
01:09C'était un grondement si profond qu'il faisait vibrer les murs et trembler mes pattes.
01:13Pris de panique, je sautais de la fenêtre et courus me réfugier sous le canapé, mes
01:19poils hérissés par la peur.
01:21Ma maîtresse, elle, accourut vers la fenêtre, l'inquiétude marquée sur son visage.
01:28Je ne comprenais pas ce qui se passait, mais une chose était certaine, le monde venait
01:32de changer.
01:33Et ce changement allait nous entraîner, ma maîtresse et moi, dans une tempête de bruit
01:38et de terreur.
01:39Les jours suivants furent un véritable tourbillon de bruit étrange et d'angoisse grandissante.
01:46Dès l'aube, de nouvelles détonations retentissaient, et chaque explosion semblait se rapprocher
01:51un peu plus de nous.
01:53J'observais ma maîtresse, elle qui d'habitude était si calme et sereine, courir de pièce
01:58en pièce, rassembler des affaires, remplir des sacs de provisions et de vêtements.
02:03Elle parlait parfois toute seule, des mots que je ne comprenais pas, mais je pouvais
02:08sentir la peur dans sa voix, dans chacun de ses gestes précipités.
02:12De mon côté, je restais caché sous les meubles ou blotti dans des coins sombres,
02:18mes sens en alerte permanente, chaque bruit me faisant sursauter.
02:23Dehors, le monde semblait s'être figé dans une atmosphère inquiétante.
02:28La rue, autrefois vivante et remplie de rires et de voix humaines, était désormais déserte,
02:34comme abandonnée.
02:35À travers la fenêtre, je ne voyais plus que le vent soulever la poussière, emportant
02:40avec lui les restes de cette vie que nous avions connue.
02:42Les rares personnes que je distinguais passaient en courant, la tête baissée, comme si elle
02:48fuyait un danger invisible.
02:50Le bruit des explosions, au départ lointain, devenait plus fréquent, plus proche.
02:55Chaque nouveau grondement me faisait bondir, mes oreilles s'aplatissaient contre ma tête,
03:01et je sentais mes griffes s'enfoncer dans le sol, cherchant un ancrage contre cette
03:05terreur grandissante.
03:06Même si je ne comprenais pas les raisons de cette agitation, je percevais clairement
03:11que le danger nous encerclait, et que ma maîtresse et moi étions pris au piège dans quelque
03:18chose de bien plus grand que nous.
03:19La nuit, qui avait toujours été mon moment de tranquillité, s'était transformée
03:25en un cauchemar.
03:26Avant, je passais mes nuits à flâner dans la maison ou à guetter le moindre bruit pour
03:31m'élancer sur une proie imaginaire, mais maintenant l'obscurité était devenue menaçante,
03:37remplie de lueurs inattendues et de bruits terrifiants qui me glaçaient le sang.
03:41Des éclairs lumineux passaient par les fenêtres, illuminant brièvement la pièce avant de
03:47replonger tout dans une obscurité encore plus angoissante.
03:50Ah ! Parfois, la maison tremblait légèrement sous l'impact des explosions qui résonnaient
03:57comme des coups de tonnerre, et je pouvais sentir le sol vibrer sous mes coussinets,
04:02me laissant à chaque fois figé, pétrifié par la peur.
04:07Ma maîtresse me prenait souvent dans ses bras durant ces moments, son corps tremblant
04:11de peur contre le mien.
04:13Ses caresses, autrefois apaisantes, étaient maintenant nerveuses, comme si elle cherchait
04:18désespérément à s'accrocher à quelque chose de tangible dans ce chaos.
04:22Je me pelotonnais contre elle, ronronnant faiblement dans une tentative de la réconforter,
04:29mais même mes ronronnements étaient marqués par l'incertitude.
04:32Je voulais la protéger, mais comment un chat peut-il lutter contre des choses qu'il
04:38ne voit pas, qu'il ne comprend pas ?
04:40Chaque bruit, chaque éclat de lumière devenait une nouvelle source de terreur.
04:45J'étais tiraillé entre mon instinct de fuir, de me cacher loin de ce tumulte, et
04:51mon besoin de rester près d'elle, ma seule source de réconfort dans ce monde devenu
04:56si dangereux.
04:57Les jours passaient, et avec eux, tout ce qui constituait notre vie d'avant semblait
05:02disparaître petit à petit.
05:03Le jardin, autrefois ma cour de récréation, était devenu un champ de ruines.
05:08Je me souvenais des jours où je bondissais d'un arbre à l'autre, où je chassais
05:12des papillons dans l'herbe haute.
05:13Mais maintenant, ce n'était plus qu'un paysage désolé.
05:17Les fleurs étaient fanées, les arbres tordus ou brisés, et un silence pesant régnait
05:23là où résonnaient autrefois les gazouillis des oiseaux.
05:26Même le vent avait changé.
05:29Il soufflait fort, emportant avec lui des débris, des papiers, des morceaux de toits
05:33arrachés.
05:34À travers les fenêtres, je voyais des ombres passer, des hommes en uniforme, parfois armés,
05:40se déplaçant rapidement dans les rues désertes.
05:43Ces silhouettes m'inspiraient une peur instinctive, et chaque fois que je les apercevais, je me
05:49glissais plus profondément dans la maison, loin de leurs regards.
05:52Ma maîtresse, elle, passait de plus en plus de temps à fixer le vide, ses mains tremblantes
05:59serrant des objets sans même s'en rendre compte.
06:02Je tentais de la distraire, de retrouver un semblant de normalité, mais rien ne semblait
06:07pouvoir l'attirer de cette torpeur.
06:09Les jours se succédaient, et je me rendais compte que notre vie d'avant s'effaçait
06:13progressivement.
06:14Le monde extérieur, autrefois si familier et accueillant, était devenu méconnaissable,
06:20hostile, un endroit où je ne reconnaissais plus rien.
06:23Mon territoire, mon royaume, était devenu une zone de guerre.
06:28Puis, un matin, après ce qui m'avait semblé une éternité de bruit et de chaos, tout
06:34s'arrêta.
06:35Le silence épais et presque palpable s'installa.
06:38Au début, ce silence était effrayant.
06:41Il contrastait tellement avec les jours précédents que je restais immobile, guettant le moindre
06:46signe de danger, mais rien ne vint.
06:48Lentement, je m'aventurais hors de ma cachette, mes pattes effleurant le sol avec prudence,
06:55La maison, si souvent secouée par les explosions et les éclats lumineux, était étrangement
06:59calme.
07:00Ma maîtresse était assise dans un coin, le regard fixé sur un point invisible, mais
07:05cette fois, elle semblait plus détendue, comme si un poids énorme avait été enlevé
07:09de ses épaules.
07:10J'approchais doucement, me frottant contre elle, et elle me caressa avec une lenteur
07:15nouvelle, presque absente.
07:16Ce geste simple, qui autrefois était quotidien, prenait maintenant une signification différente.
07:24Le danger semblait s'être éloigné, mais tout autour de nous portait les marques de
07:28ce que nous venions de traverser.
07:30Le jardin, la maison et même nous étions changés à jamais.
07:35Je sentais que, même si le calme était revenu, une part de moi resterait marquée par cette
07:41guerre.
07:42Pourtant, malgré la peur qui avait habité chaque instant de ces derniers jours, je savais
07:47qu'il y avait de l'espoir.
07:48Tant que ma maîtresse était là, tant que nous étions ensemble, nous pourrions reconstruire.
07:53Pas à pas, un jour après l'autre, nous retrouverions un semblant de paix.