Vendée Globe 2024 / Rencontre avec Yoann Richomme, Paprec Arkéa
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00:00Johan, est-ce que tu peux commencer cette discussion déjà en te présentant, tout simplement ?
00:07Moi je suis Johan Richaume, skipper du bateau Paprec Arkea.
00:12J'ai 41 ans et deux enfants. Pas de chien, pas de chat.
00:18Alors raconte-nous un peu ton parcours vers la voile de compétition,
00:23sans évidemment rentrer dans tous les détails, mais comment t'es arrivé dans cet univers de la course au large ?
00:30Je suis arrivé dans la course au large parce que j'ai fait des belles rencontres,
00:36notamment en école d'architecture navale, donc j'avais déjà une petite appétence pour la voile,
00:42où j'ai rencontré des gens qui m'ont donné envie de faire du bateau, de la compétition,
00:49et notamment le Tour de France à la voile, j'en ai fait 8 je crois,
00:54et ensuite j'ai été embauché par Nicolas Lunewen pour préparer son Figaro,
01:00et là j'ai fait la solitaire du Figaro de 2010 à 2019, j'ai fait 8 éditions aussi je crois.
01:07Et puis les choses se sont un peu enchaînées, parce qu'au début j'ai quand même fait de la voile juste pour
01:12découvrir un peu la compétition au large, et en fait ça m'a plu, j'ai eu des bons résultats,
01:17et donc j'ai continué jusqu'à aujourd'hui, après plusieurs routes du Rhum, Jacques Vabre,
01:23premier Vendée Globe à venir.
01:25Mais tu avais quand même découvert la voile en famille d'abord ?
01:28La voile c'était surtout les croisières familiales l'été, sur le bateau de mes grands-parents
01:40qui habitaient à Port Navalo, et puis plus tard sur le bateau de mes parents,
01:44parce que mes parents avaient acheté un bateau et on l'a envoyé aux Etats-Unis,
01:50parce qu'on a vécu 4 ans aux Etats-Unis, et quand on est revenu, on est revenu avec ce bateau-là,
01:55à la voile avec mon père, en traversant l'Atlantique ensemble.
01:59Donc là c'est les premières sensations de large, d'envie de voir plus grand que juste des régates
02:05autour de Trois Bouées ?
02:07À cette époque-là, il n'y avait pas d'histoire de régate, j'en faisais pas du tout,
02:11c'était vraiment que la voile croisière plaisir.
02:14Et puis c'est les premières expériences de large effectivement,
02:19notamment une traversée vers les Bermudes très tempétueuse,
02:22qui a failli me faire renoncer à la suite du voyage.
02:25Je m'étais quand même dit, c'est quand même une chance un peu inouïe de traverser l'Atlantique,
02:29donc tu vas te botter les fesses mon gars, et puis tu vas aller finir ce voyage.
02:33Et en fait la suite de la croisière était juste fantastique, très tranquille, très belle.
02:40Après je ne pense pas que je recherche que des traversées au large,
02:44c'est surtout la compétition ensuite qui m'a amené à vouloir continuer dans la voile.
02:48Est-ce que tu étais compétiteur ailleurs ?
02:50Avant tu avais fait plein d'autres sports et que là le goût de la compète s'était aiguisé.
02:54Oui j'ai toujours fait d'autres sports, je suis passé un petit peu comme tous les garçons par le foot.
02:59Aux Etats-Unis j'ai découvert plein d'autres sports, le lacrosse, de la lutte gréco-romaine.
03:05J'ai un peu touché à tout d'une certaine manière, et de retour en France j'ai joué au rugby aussi.
03:11Donc j'ai toujours eu cette appétence pour le sport, surtout les sporco.
03:22Mon appétence pour la compétition s'est surtout développée en équipage,
03:27sur les faces nets ou les tours de France ou des choses comme ça.
03:31Et c'est que plus tard que je suis passé au solitaire,
03:34parce que le solitaire c'est ce qui fonctionne en France comme type d'épreuve.
03:39C'est là où il y a les projets sportifs les plus intéressants aujourd'hui.
03:42Donc c'était un petit peu par obligation que je suis allé faire du solitaire.
03:47Est-ce que finalement tu n'as pas plus de goût que ça pour le solitaire ?
03:51Je pense que si je pouvais choisir je ne ferais pas ça en solitaire.
03:54Pour ça que c'est bien un an sur deux généralement on fait des épreuves en double.
03:58J'adore le double, j'adore l'équipage.
04:00Je me suis offert à mesure du temps, habitué au solitaire, je m'y suis fait.
04:05Mais clairement là aujourd'hui je ne vais pas faire le Vendée Globe
04:07pour passer 80 jours tout seul, ce n'est pas mon kiff.
04:10Ça te fait peur ?
04:12Non, ça ne me fait pas peur puisque ça fait 15 ans maintenant
04:16que je fais de la course au large en solitaire.
04:18Donc j'ai eu le temps quand même de m'habituer à tout ça.
04:21Et puis c'est un exercice qui au final est super intéressant
04:23que de savoir naviguer sur des bateaux de 18 mètres
04:26aussi rapide que ceux que l'on a entre les mains
04:29et de pouvoir le mener seul, c'est un défi hyper intéressant.
04:33C'est l'aspect longueur du Vendée Globe,
04:36c'est quand même la première fois que tu vas avoir cette épreuve-là à traverser.
04:40Oui, le Vendée Globe c'est entre 70 et 80 jours.
04:44Donc forcément ça sera au moins 4 fois plus long
04:48que ma transat la plus longue aujourd'hui.
04:51Donc c'est un challenge.
04:54Mais on sait aussi qu'après 10 jours, 12 jours,
04:58on commence à rentrer dans un rythme à bord
05:01et ça devient quelque chose d'agréable, une habitude.
05:05Après, c'est sûr que c'est un petit peu extrême, 80 jours.
05:09Surtout, on va passer la période des fêtes dans les mers du Sud.
05:12On sera forcément dans des contrées un peu mal pavées et pas très fréquentées.
05:16Donc il y a une notion un peu aventure, risque
05:19qui est quand même aussi intéressante dans ces projets-là.
05:22Mais pour l'instant, ce n'est pas trop l'aspect solitude qui me fait peur.
05:26Est-ce que c'est des choses que tu as discutées avec tes copains
05:29qui l'ont déjà fait, qui ont déjà vécu ce genre de choses,
05:32cette gestion de la solitude sur un long temps ?
05:35Et là, je pense plus à la gestion du bonhomme physiquement.
05:39Qu'est-ce qu'il faut faire, là où il faut s'économiser ?
05:43J'ai pas mal échangé avec certains qui ont déjà fait le Vendée Globe.
05:47Le problème, c'est qu'ils sont tous idiots.
05:50Ils y retournent tous et ils ont tous oublié à quel point c'est dur.
05:53Donc ils ne m'ont pas donné de conseils comme quoi il ne fallait pas que j'y aille.
05:58Et après, sur la gestion du bonhomme, c'est plus soit des distractions
06:04pour un peu s'évader ou un peu de méthodologie dans l'approche des discussions
06:12avec les copains, les proches, l'équipe ou des choses comme ça.
06:16Mais rien de trop spécifique.
06:19Et il n'y en a aucun qui a un mauvais souvenir de cette solitude-là.
06:25Et ce n'est pas ce qui est sur le dessus de la pile, en tout cas,
06:28quand on parle aux marins du Vendée Globe.
06:31Et là, toi, tu as prévu quoi, par exemple, pour tes distractions ?
06:34Ben, distractions... Alors moi, déjà, j'écoute beaucoup de podcasts de base.
06:38Donc j'en faisais déjà beaucoup en Figaro à une époque.
06:41Je ne sais pas, je pouvais avoir 15 heures de podcasts dans les oreilles par jour.
06:44J'aime bien, ça me tient compagnie.
06:47Et là, il y a ça. Je suis passé pas mal aux livres sur les petites tablettes Kobo.
06:54Donc ça permet de tourner les pages sans les abîmer et de ne pas perdre le fil de son livre.
07:00Et donc ça, j'ai commencé à pas mal lire de bouquins en mer.
07:05Et puis ça peut être une petite vidéo ou deux ou un petit film
07:11parce qu'il y a des grandes longueurs ou des choses comme ça.
07:13Mais pour l'instant, je n'ai pas eu vraiment l'occasion de me faire ça.
07:16Mais en tout cas, j'en aurai en réserve pour le Vendée Globe.
07:19Et sur la gestion du bonhomme, vraiment, puisqu'on y est, parlons-en,
07:22sur la gestion du sommeil, c'est vrai que tes expériences,
07:27elles sont sur des transats, sur des solitaires du Figaro,
07:30où on sait que là, vous êtes prêts à taper dedans, vraiment,
07:33et à vous mettre dans des situations assez extrêmes en termes de fatigue.
07:38Comment tu appréhendes ce Vendée et comment tu l'as préparé là-dessus ?
07:44Oui, la fatigue sur le Vendée, c'est quelque chose de pas évident.
07:49On peut estimer qu'on ne sera pas sur un rythme solitaire du Figaro
07:54où les étapes durent trois jours.
07:56On n'est pas sur un sprint transatlantique où ça dure une dizaine de jours.
08:00Mais d'un autre côté, il y a des phases super importantes,
08:03notamment toute la phase départ, les quatre, cinq premiers jours,
08:07un petit peu comme une route du Rhum ou une Jacques Vabre,
08:10ils sont critiques.
08:11Si tu rates l'engagement des premiers jours, tu peux te faire distancer,
08:14c'est terminé, peut-être que les premiers, tu ne les reverras jamais.
08:17Donc, c'est une sorte de mise en route qu'il ne faut pas rater.
08:21C'est la première ligne droite vers les Alizés ou quelque chose comme ça
08:25où il faut être présent.
08:27Donc là, direct d'entrée, tu sais que tu vas taper dans tes réserves,
08:31tu vas finir à quatre, cinq jours quasi oxy,
08:35et après, il va falloir récupérer parce que si tu sais qu'il y aura
08:38des moments plus calmes dans la descente de l'Atlantique,
08:41entre par exemple Madère et le Cap Vert,
08:45où tu sais que tu arriveras à avoir un rythme un peu plus coulé
08:48et obtenir un peu plus de sommeil.
08:50Donc, ce n'est pas parce que tu pars par 80 jours
08:53que tu vas avoir un rythme lent dès le début.
08:55En tout cas, pour ce qui est de l'avant de la flotte,
08:58les 10, 15 premiers, il y a un rythme hyper soutenu d'entrée
09:01et on l'a bien vu sur les transats aussi.
09:03Donc, tu as vraiment une phase départ
09:05et puis après, ça rentre dans un rythme un peu plus lent.
09:08Et puis aussi, il y a moins de proximité souvent ensuite entre les bateaux,
09:12donc tu es moins le couteau entre les dents.
09:16Et puis souvent, il y a les difficultés après d'entrer dans les mers du Sud
09:22où il y a un choc de température.
09:26On repasse de l'été, parce qu'on aura quitté l'hiver,
09:32européen, on sera passé dans l'été quasi permanent autour de l'équateur
09:37pour retomber dans l'hiver en bas, même si c'est l'été austral.
09:41Il fera froid, il fera gris.
09:43Et donc là, en termes de morale, c'est dur et c'est long
09:47parce que tu sais que tu en as pour un mois.
09:50Donc là, c'est pareil, il y a une espèce de réserve personnelle,
09:53d'énergie, de motivation qu'il faut préserver.
09:57Mais bon, à ce moment-là, la course est déjà lancée
10:00et ce n'est pas évident à gérer.
10:03L'épreuve peut se découper en plein de petites phases,
10:06mais ça dépendra toujours de l'écart avec les autres,
10:09la pression que l'on a, les qualités de notre bateau,
10:12les problématiques techniques que l'on a aussi.
10:15Par exemple, les problématiques techniques,
10:19c'est beaucoup d'énergie gâchée d'une certaine manière,
10:21même si on sait qu'on va tous en avoir,
10:23parce que c'est quasi impossible de maintenir ces bateaux
10:26en ordre de marche parfait au-delà d'une dizaine, quinzaine de jours.
10:30On sait qu'on aura des réparations à faire,
10:32donc ça va forcément nous coûter de l'énergie et de la vitesse à un moment
10:36parce qu'il faudra peut-être ralentir pour réparer.
10:39C'est une gestion un peu globale de tout ça,
10:41ce n'est pas que l'effort que l'on va mettre dans l'épreuve sportive en elle-même,
10:44c'est aussi l'épreuve de maintenir ce bateau
10:48au potentiel le plus élevé de performances.
10:52Et ça, c'est un enjeu qui n'est vraiment pas neutre aujourd'hui,
10:56qu'on a des machines semi-volantes qui sont fragiles.
11:02Ça reste des objets mécaniques,
11:04très beaux objets, passionnants,
11:07mais il faut en prendre soin.
11:09Sauf que c'est très difficile de ressentir les choses,
11:14ce n'est pas des choses très palpables,
11:16les chocs que prennent le bateau,
11:18les efforts dans les cordages, dans les poulies.
11:20C'est une espèce de vérification permanente du bateau
11:25que l'on doit faire pour essayer de devancer les problèmes,
11:28parce qu'on sait que les problèmes, ensuite, tu les empiles,
11:31et puis c'est ça qui te coûte de la performance,
11:34de la distance sur tes concurrents,
11:36et qui après te pompe le moral,
11:38et tu rentres dans des petits cercles vicieux assez néfastes.
11:41La gestion du moral, comment tu envisages les choses ?
11:45On sait que c'est un ascenseur émotionnel sur trois mois,
11:48comment on se prépare à ça ?
11:50Parce que ça fait partie du plaisir, j'imagine aussi,
11:52mais on sait bien qu'on peut y laisser des plumes,
11:55on peut perdre du temps, on peut perdre de la lucidité.
11:58La gestion mentale, elle est compliquée sur un Vendée Globe,
12:04parce que dès le départ, tu as un engagement émotionnel hyper fort,
12:11et une charge hyper forte au départ, on le sait.
12:16En partie dû au challenge, qui est de faire le tour du monde à la voile,
12:20en solitaire, mais aussi du monde qu'il y a là,
12:23des gens présents, et cette pression que l'on ressent.
12:27Donc déjà, cette phase-là à gérer, c'est plus ça qui me fait peur,
12:31mais c'est ce aussi à quoi je me prépare.
12:34Donc j'ai fait pas mal de préparation mentale sur cette phase-là,
12:37et ensuite, sur toutes les phases, effectivement,
12:40pendant la course, où ça pourrait mal se passer,
12:43je pourrais être décroché du paquet de tête,
12:46souffrir une avarie qui me coûterait en performance jusqu'au bout,
12:51peut-être à la fin de la première semaine, perdre un foil,
12:55et devoir faire tout le tour du monde avec un seul côté.
12:58Ça serait dommage, ça serait très loin du projet que l'on a en tête,
13:02mais ça reste une possibilité, ça reste un sport mécanique,
13:06et il y aura peut-être des problèmes qui vont faire que
13:09je ne pourrai pas utiliser mon bateau à 100% tout le temps.
13:12Donc ça, il faut s'y préparer mentalement, j'ai fait beaucoup de travail
13:15avec ma préparatrice mentale là-dessus.
13:18Il y a des phases aussi où on sait que ça va aller mieux ou moins bien,
13:24mais il faut arriver à se recentrer, à recentrer ses objectifs,
13:27pour toujours garder une motivation, même si on est 5ème, 6ème, 7ème, 10ème,
13:32je ne sais pas trop, essayer de se battre pour quand même avancer
13:35et se donner des petits objectifs atteignables,
13:38de la même manière qu'on ne regarde pas le Vendée Globe
13:41en parlant de l'arrivée, qu'on a d'abord à descendre l'Atlantique,
13:44puis faire les mers du Sud.
13:46On découpe tout ça en petits objectifs qui nous permettent
13:49d'envisager les journées les unes après les autres.
13:53Parce qu'on est dans la dimension psychologique, restons-y.
13:57Pareil sur l'adversité, évidemment tu vas arriver avec une pancarte de favoris,
14:02tout le monde va t'en parler, tu sais que sportivement,
14:05tu as toutes les cartes en main pour jouer devant,
14:08et dans ce qui imprime le rythme, que tu nous as montré
14:11sur toutes tes dernières courses, comment tu gères ça ?
14:14Un, la pancarte de favoris, deux, ensuite, le paysage autour de toi
14:21et ce que vont faire tous ceux qu'on attend en tête de flotte
14:25pour être toi dans ton rythme et pas forcément influencé
14:29tant en termes de stratégie que d'engagement par les autres.
14:33C'est sûr qu'on arrive au Vendée Globe en faisant partie des favoris,
14:38c'est sûr qu'en remportant deux des quatre dernières transats,
14:42on ne s'est pas facilité la tâche vis-à-vis de cet argument-là,
14:45ça ne me fait pas trop plaisir d'être dans les favoris,
14:48d'une certaine manière, mais d'une autre manière,
14:51c'est qu'on a fait du bon travail jusque-là,
14:54on a intégré la classe Imoca il y a deux ans,
14:57je n'avais jamais imaginé qu'on pourrait truster les premières places
15:01dès notre première saison.
15:03C'est un bilan qui est hyper positif, qui est génial
15:06et qui récompense le travail de toute l'équipe.
15:09Maintenant, on arrive au Vendée Globe avec une étiquette de favoris,
15:13je pense qu'on est globalement 5-6 pour la victoire,
15:185-6-7, il y a des bateaux qui ont un peu augmenté
15:22leur niveau de performance dernièrement.
15:24Je ne me sens pas un peu seul non plus avec mon étiquette,
15:27je pense d'ailleurs qu'elle est plutôt assez bien répartie
15:30entre Charlie, Thomas, Jérémy, moi,
15:34et puis peut-être Boris, Sam,
15:37les deux Sam, les deux Anglais du coup.
15:40Je pense que personne ne ressent une pression plus grande
15:45que les autres, ce qui est bien,
15:48ça nous met après sur un pied d'égalité.
15:52Après, à gérer, je vais te dire,
15:56ce qui est devenu facile, c'est que depuis quelques années,
15:59j'ai cette étiquette-là, donc j'ai appris à la gérer avec le temps.
16:02D'ailleurs, je ne m'en préoccupe pas beaucoup,
16:04ce n'est vraiment pas quelque chose qui me travaille.
16:08Ensuite, on sait qu'il y a des phases dans le Vendée Globe
16:16qui nous seront plus ou moins favorables,
16:18notamment, normalement, les mers du Sud,
16:21et donc la phase avant, la descente de l'Atlantique,
16:24nous est peut-être un peu moins favorable.
16:26Donc il va falloir peut-être accepter de ne pas être au top
16:30dans certaines parties pour être plus à l'aise dans d'autres parties.
16:33L'enjeu est plus compliqué que de simplement dire
16:36je pars devant et j'allonge la foulée et je ne serai jamais rattrapé,
16:40ce qui serait très joli, je veux bien prendre ce scénario-là.
16:44Mais il faut se préparer, je pense, à une lutte un petit peu plus
16:48comme la dernière fois, où on a eu le droit à des redéparts,
16:52des nouveaux scénarios qui ont fait que les échappés
16:56se sont toujours fait rattraper, se sont toujours fait ramener,
16:59et du coup, même avec 500, 600, 800 000 d'avance,
17:03ce n'est pas suffisant pour estimer que le break est fait.
17:07Donc voilà, il faut aussi…
17:09Tous ces aspects-là font qu'on doit avoir une stabilité mentale irréprochable
17:15et ne pas s'enflammer au moindre pépin ou à la moindre avance
17:21parce que ça va être tellement long et tellement dur
17:24de maintenir un niveau élevé de performance homme et bateau
17:28sur les 80 jours que ce n'est pas fini avant la fin.
17:33On l'a vu sur d'autres éditions, d'ailleurs,
17:35où certains ont eu des dégâts aux assorts, aux retours,
17:38à 4 jours de l'arrivée, 5 jours de l'arrivée, même pas.
17:42Donc je pense que la méfiance est de mise.
17:45Alors dans cet ordre d'idées d'adversité,
17:48tu disais que dans ce que tu as appris là ces dernières années,
17:51dans ta progression, on peut qualifier de fulgurante quand même,
17:56il y a eu un déclic et puis après tu t'es mis à gagner
17:59un peu sur tous les supports où tu arrivais.
18:01C'est que tu étais devenu un attaquant qui savait gérer ses coups
18:05dans ta gestion de l'engagement que tu mets.
18:09Est-ce que là c'est un terrain de jeu parfait pour le tester sur 3 mois ?
18:14Oui, c'est un bon exercice sur le Vendée que de savoir gérer ses coups.
18:24C'est quelque chose que j'ai appris à faire avec les années
18:27parce qu'avant je lâchais un des coups un peu facilement,
18:30il y avait beaucoup d'erreurs.
18:31Donc j'ai appris avec le temps à mieux réfléchir,
18:35à mieux peser mes arguments dans mes décisions.
18:39Et du coup le Vendée ça va être des dizaines et des dizaines de coups à suivre.
18:45Donc ça c'est forcément intéressant.
18:48Il y a beaucoup de schémas météo différents.
18:50Je me suis vraiment passionné pour ces analyses météo
18:54que j'ai faites notamment lors du dernier Vendée Globe.
18:57Et du coup là c'est le terrain de jeu rêvé
19:00avec les mers du Sud qui sont grand ouvertes.
19:03Ça c'est quelque chose qui m'a toujours intéressé.
19:07Après il y a une notion de prise de risque qui est intéressante
19:15mais elle est à double tranchant dans les choix stratégiques.
19:20Ça peut vraiment se retourner contre nous
19:22si on a mal estimé nos gains et nos pertes potentielles.
19:26Et c'est ça qui fait un peu peur des fois quand tu es un peu un attaquant.
19:31C'est que tu sais que c'est une qualité
19:34mais qui peut être un défaut rapidement aussi
19:37parce que si tu prends les pieds dans le tapis
19:39et que tu te fais distancer et que tu ne revois jamais le paquet de devant
19:42alors que c'était le premier coup dans le Golfe de Gascogne,
19:46ça va être long le Vendée Globe.
19:50Du coup j'essaye de partir avec un état d'esprit
19:56assez focus sur une performance assez rectiligne on va dire
20:01et pas tout miser sur des prises de risques insensées dans cette épreuve.
20:09Une des clés ça sera sans doute aussi la capacité
20:12que vous aurez à gérer ces bateaux qui sont devenus très durs.
20:16Moi j'aimerais avoir un peu ton ressenti après ces quatre transats de l'année
20:21et ces premières navigations sur ce bateau.
20:25Tu as beaucoup travaillé sur l'ergonomie,
20:27tu sembles avoir trouvé plein de solutions qui te permettent d'absorber.
20:31Est-ce que ça t'inquiète cette notion de vie à bord tout simplement
20:35et de sécurité et de bien-être du bonhomme ?
20:40La notion de sécurité, de confort à bord et de performance
20:44je pense que ce bateau en est parfaitement la synthèse.
20:48Je pense qu'on a clairement le meilleur bateau sur ces arguments-là.
20:52Il est vraiment exceptionnel, on a un cockpit très ergonomique,
20:56très fermé, très étanche avec une vision extérieure super agréable
21:01ce qui nous permet d'emmagasiner un peu de lumière du jour
21:04alors que pour beaucoup un Vendée Globe va se passer à l'intérieur dans une boîte noire.
21:10On a un siège très confortable, amorti,
21:14on a des distances pour faire les manœuvres de l'ordinateur
21:19à un winch ou quoi que ce soit qui sont toutes très réduites.
21:23On a un espace sommeil qui est dans le noir complet, dans un cocon.
21:27Donc même si le bateau se met à faire des roulées ou quoi que ce soit
21:30on a 30 cm de mouvement de chaque côté
21:34tout en pouvant piloter le bateau en gros depuis la bannette.
21:38Donc je pense qu'on est arrivé à un résultat assez exceptionnel.
21:41En plus on est sur un bateau qui est silencieux,
21:44il ne siffle pas comme beaucoup d'autres bateaux.
21:48Du coup ça fait du bien, on n'est pas avec un casque anti-bruit en permanence.
21:56Et en plus le design de sa carène est vraiment fait pour passer dans la mer forte et formée
22:02ce qui du coup crée un petit handicap quand la mer est plate
22:06parce qu'on n'est pas le bateau le plus performant.
22:08Et par contre là un confort et un passage dans la mer incroyable
22:12avec notamment un des défauts des anciens bateaux
22:16c'était les planter dans les vagues.
22:18Donc quand le bateau va plus vite que les vagues
22:20au portant on les rattrape et met le nez dedans et plante
22:23et il faisait des arrêts buffet.
22:24Et là on a plutôt un bateau qui ressort naturellement
22:27et c'est assez génial à voir.
22:30Et surtout ça améliore la sécurité et puis le confort.
22:34Forcément tout ça étant lié généralement
22:36si moi je suis plus en sécurité, je me sens mieux
22:39et j'arrive à mieux dormir, j'ai un meilleur niveau d'énergie
22:42je suis aussi plus d'attaque derrière.
22:44Donc tout ça c'est lié à la performance.
22:46Mais tu vas quand même emmener un casque
22:48là j'entends un casque de protection, pas un casque anti-bruit
22:51mais un casque de protection.
22:53Tu as des genouillères, il y a des choses comme ça
22:55qui t'ont dans les quatre transats que vous avez disputé
22:58sauter aux yeux en me disant
23:00il faut que je prévoie quand même un petit coin en mousse
23:02parce que ça va mal finir.
23:04Non, dans le bateau on n'a que quelques protections en mousse
23:08sur des endroits qui peuvent être un petit peu agressifs.
23:11On a un casque mais qui n'est utilisé que pour la montée au mât.
23:16Le reste du temps je n'en ressens pas le besoin.
23:20Et puis les genouillères je les utilise surtout
23:24pour les départs de course quand les manœuvres s'enchaînent
23:27ou que la mer est très très dure
23:29et qu'on met un gros rythme dans la navigation.
23:31Là je viens à Rouen, je passe mes trois ou quatre premiers jours
23:33avec les genouillères.
23:35Mais globalement on n'en ressent vraiment pas le besoin
23:38dans ce bateau de se surprotéger
23:40et c'est assez génial, c'est assez rassurant.
23:43Ça veut dire aussi que tu auras moins froid dans ce bateau.
23:47Le froid je ne sais pas trop comment l'estimer.
23:50Alors on a déjà eu froid sur The Transat CIC
23:54où on a pris 0° vers Terre-Neuve
23:57et ça s'est plutôt bien passé.
24:00C'est vrai que du coup comme j'ai un espace de vie
24:03qui est unique de manœuvre et de vie
24:06ça fait une cellule assez fermée
24:10que je suis obligé de ventiler un peu pour ne pas avoir de buée
24:14mais par contre il y a beaucoup de vitrages
24:16donc ça fait un petit effet de serre aussi assez intéressant.
24:19Donc je me suis plutôt senti très très bien.
24:22Et le seul défaut de nos bateaux aujourd'hui
24:25dans la façon dont ils sont construits
24:28c'est qu'il y a beaucoup de condensation dans les bateaux
24:32donc on se retrouve très vite avec de l'eau en permanence
24:35dans les fonds du bateau qu'on est obligé d'éplonger
24:38mais surtout on ne peut rien laisser traîner
24:40et tout est un petit peu humide.
24:42Donc ça c'est le seul côté un peu délicat à gérer.
24:45Après dans le Vendée Globe historiquement
24:48ça descend rarement vers 0, plutôt vers 5°
24:51et les jours de froid on peut en avoir 2, 3, 4
24:54mais ce n'est pas non plus un mois dans le grand froid
24:57surtout qu'aujourd'hui il y a le réchauffement climatique
25:00la zone des glaces elle est plutôt nord
25:02donc on a plutôt des éléments qui nous éloignent
25:06du grand froid de l'Antarctique.
25:09Toi tu n'inquiètes pas, surtout toi le marin
25:12de vivre ces deux mois dans cette machine à laver
25:15qui secoue fort.
25:20Les bateaux ils secouent fort, ils sont vraiment usants
25:23ça c'est sûr, ces bateaux ils sont éreintants
25:26ils sont violents.
25:28Malgré tout je pense que je suis dans une catégorie
25:31de bateaux plutôt favorable
25:34mais on est habitué, on a fait beaucoup de milles
25:37on a quasiment l'équivalent d'un tour du monde
25:40sur ces bateaux déjà.
25:42Malgré tout oui, on va les détester à l'arrivée
25:45c'est sûr, on va en avoir marre
25:48et puis l'endroit est quand même petit
25:52globalement tu n'as pas envie de vivre 80 jours là-dedans
25:55c'est clair.
25:57C'est là où il va falloir trouver des moments de plaisir
26:00où on va pouvoir sortir, s'aérer
26:03pouvoir se changer, se doucher
26:06il y a plein de petits plaisirs qu'il va falloir
26:09accumuler tous les jours pour qu'on ait
26:12une sorte de bien-être à bord
26:15parce que ça reste des petites boîtes fermées
26:18et on va vivre pendant 3 mois.
26:21Plus généralement sur le Vendée Globe, quelle image
26:24tu as du Vendée dans ta vie d'amateur de voile
26:27comment tu l'as rencontré
26:30qu'est-ce que ça a suscité chez toi
26:33quels souvenirs tu gardes ?
26:36Le premier Vendée Globe dont je me souviens vraiment
26:39c'est 2004, Roland Jourbin avait fait construire
26:42un bateau chez JMV à Cherbourg
26:45et j'étais allé le voir en construction
26:48et j'allais voir le départ avec mon père
26:51donc j'ai un peu ce premier souvenir
26:54ensuite un peu tous les faits de course
26:57qu'on a tous vu
27:00les chavirages de Jean Le Cam, les dématages
27:03les casses de quilles de Jean-Pierre Dick
27:06malgré tout, par dessus tout ça
27:09j'ai plutôt des souvenirs de bagarres
27:12de régates notamment d'Armel et François
27:15et d'Armel avec Alex Thompson
27:18où on sent qu'il y a une vraie sélection
27:21qui se fait dans le Vendée Globe
27:24où certains n'arrivent pas à tenir le rythme
27:27en tout cas le marin ou le bateau
27:30et donc il en reste plus que 2 ou 3 à un moment
27:33et puis là il y a une bagarre intense
27:36qui se lance pendant plusieurs semaines
27:39et l'autre souvenir que j'ai
27:42c'est en 2011 je crois
27:45si je ne me trompe pas ça doit être ça
27:48en fait François Gabart il fait du Figaro
27:51il fait 3 solitaires jusqu'à 2011
27:54et après il décide de se lancer
27:57le Vendée Globe avec Massif
28:00et je me rappelle me dire
28:03mais je ne comprends pas très bien
28:06donc nous il nous a fallu 10 ans de plus
28:09avec certains genre Nico ou d'autres
28:12pour atteindre le Vendée Globe
28:15et donc au début je n'avais pas du tout envie
28:18de faire cette épreuve là
28:21j'ai envie de te dire d'un autre côté
28:24je pense que je n'en avais pas le niveau
28:27et avec le temps les choses ayant évolué
28:30j'ai fait de l'IMOCA, j'ai fait du classe 40
28:33et j'ai fait un Vendée Globe
28:36puisque c'était un autre accomplissement
28:39par rapport à une solitaire du Figaro
28:42ça demande d'autres qualités
28:45ça permet de construire des bateaux
28:48dédiés à ce projet là
28:51qui sont super intéressants technologiquement
28:54d'embarquer toute une équipe avec nous
28:57alors pas à bord mais dans l'aventure
29:00parce que je pense que ça demande quand même
29:03un sacré lot d'expérience
29:06et du coup je trouve que ça tombe au bon moment pour moi
29:09alors j'ai attendu soit mais maintenant j'y suis
29:12une question rapide là-dessus
29:15comment tu regardes une Violette qui arrive à 23 ans ?
29:18en soi le Violette arrive à 23 ans
29:21mais elle fait le Vendée Globe quand elle veut
29:24elle a le niveau sportif pour le faire
29:27c'est une fille totalement étonnante
29:30qui a progressé hyper vite, qui est passée assez vite à travers la classe Figaro
29:33bien sûr elle va avoir beaucoup plus que moi
29:36à apprendre sur un IMOCA
29:39puisque j'ai engrangé toute une autre expérience
29:42entre mes débuts en Figaro
29:45et maintenant le Vendée Globe
29:48malgré tout ça n'empêchera peut-être pas de me battre
29:51on verra bien
29:54en tout cas, tout ce que je sais
29:57c'est qu'elle a l'agnac, elle a monté un super projet
30:00elle sait faire de l'IMOCA aujourd'hui
30:03elle sait manier un bateau de 20 mètres toute seule
30:06et ça déjà c'est assez génial à voir
30:09et j'ai absolument aucune crainte pour elle
30:12vis-à-vis de son Vendée Globe, elle va y arriver sans problème
30:15dans le même ordre d'idées, dans cette édition là
30:18il y a quand même toute une génération
30:21C'est vrai qu'on est très potes dans toute la flotte
30:24on se connait tous très bien, il y a beaucoup de respect
30:27il y a beaucoup d'entraide
30:30et donc c'est une catégorie assez géniale là-dessus
30:33et j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de gens
30:36qui sont d'accord avec ce que tu dis
30:39c'est vrai qu'on est très potes dans toute la flotte
30:42on se connait tous très bien
30:45il y a beaucoup de respect, il y a beaucoup d'entraide
30:48et donc c'est une catégorie assez géniale là-dessus
30:51avec des profils très hétéroclites
30:54des gens qui viennent de plein d'univers différents
30:57et donc c'est très riche, c'est très intéressant
31:00et donc certains avec qui j'ai plus ou moins passé du temps
31:03notamment Nico Lunewen
31:06je le connais depuis que j'ai 5 ou 6 ans
31:09on suivait nos pères en régate quand on était jeune
31:12et moi je les regardais loin
31:15parce que pour moi lui c'était déjà un niveau largement au-dessus
31:18il faisait toutes les régates de la Trinité-sur-Mer
31:21il allait faire le Fastnet, l'Admiral's Cup
31:24des choses que moi je ne faisais pas, je n'avais même pas commencé à faire la régate
31:27et puis ça a été le premier skipper pour qui j'ai travaillé
31:30sur une solitaire du Figaro
31:33donc moi je l'ai vraiment suivi
31:36et je pense qu'il m'a en partie donné envie
31:39de vivre moi-même ces courses-là en tant que skipper
31:42on se connait très bien, on s'est beaucoup côtoyés
31:45on a beaucoup de respect l'un envers l'autre
31:48on se voit de temps en temps
31:51hélas on a tous peu de temps pour se voir
31:54mais on s'apprécie beaucoup
31:57il y a Charlie Dalin, on a fait nos études
32:00pas ensemble parce qu'il s'est trompé d'université
32:03donc il est allé dans la mauvaise, il a fait son cursus dans l'autre université
32:06à 10 minutes de moi à Southampton
32:09et on a fait des tours de France à la voile ensemble
32:12on a été concurrent en Figaro
32:15on a été, je ne sais pas comment on dit
32:18co-skipper avec la Massif
32:21en Figaro ensemble
32:24notamment en 2016
32:27où on fait une année exceptionnelle
32:30où on rafle toutes les victoires à tous les deux
32:33il y en a plein comme ça que je connais bien
32:36Damien Seguin avec qui j'ai fait 3 Transat Jacques Vabre
32:39et que j'ai aidé un petit peu sur le dernier Vendée Globe
32:42donc beaucoup de gens comme ça
32:45que j'ai vu dans les magazines initialement
32:48genre un Jérémy Beyou
32:51ou Jean Le Cam
32:54ou quelqu'un comme ça
32:57des gens avec qui j'ai grandi en régate ou à l'université
33:00et puis après les jeunes que j'ai vu progresser
33:03Tanguy Le Turquet, Clarisse
33:06je suis un petit peu plus grand frère
33:09même si je ne suis pas de beaucoup
33:12mais on les a vu arriver dans nos catégories
33:15et donc c'est assez génial
33:18et en plus on est beaucoup à être au centre d'entraînement à Port-la-Forêt
33:21et donc on partage des séances de formation
33:24des séances d'entraînement tous ensemble
33:27donc on se côtoie toute l'année
33:30Tu nous racontes un peu ton analyse de la flotte
33:33justement en termes sportifs
33:36comment tu la séries, comment tu la ventiles
33:39Oui alors à 40 bateaux
33:42je ne sais pas si je suis capable de te refaire le listing entier de la flotte
33:45mais globalement dans ma tête
33:48ça se passe de la façon suivante
33:51il y en a 7 pour le podium
33:54donc je les ai cités mais Charlie Dalin, Jérémy Beyou
33:57Thomas Ruyant, Sam Gutschal, Sam Davis
34:00Boris Sermann et puis nous
34:03mais bon je ne me compte pas
34:06et après il y a une flotte très proche derrière
34:09je ne sais pas jusqu'à combien ça va, quasiment jusqu'au 15ème
34:12avec des Damien Seguin
34:15Maxime Sorel
34:18Bestaven
34:21il y en a plein qui sont un peu dans cette division 2
34:24même si je n'aime pas trop l'appeler comme ça
34:27parce qu'il n'y a pas de division et c'est l'avantage chez nous
34:30et après le reste je ne saurais pas trop juger leur catégorie
34:33mais c'est sûr qu'il y a des gens qui ensuite ont des bateaux beaucoup moins performants
34:36donc on ne parle même pas de se battre aux avant-postes
34:39des gens qui y vont avec des niveaux de voile
34:42où vraiment il y a plus une découverte
34:45de l'aventure, de la régate au large
34:48qui accumule moins d'expérience
34:51il y a une flotte intéressante aux avant-postes
34:54d'une quinzaine de bateaux
34:57qui pour moi vont finir par se battre pour les 5 premières places
35:00parce qu'une fois qu'il y aura les abandons
35:03il y aura un peu de ménage là-dedans
35:06et donc je pense que les 15 favoris
35:09vont se battre pour les 5 premières places
35:12ça peut se jouer dans plein d'endroits différents
35:15avec plein de scénarios possibles
35:18Quelles sont les 2-3 clés essentielles
35:21pour bien faire ?
35:24Pour bien faire c'est dur
35:27parce que ça peut lourdement dépendre
35:30du scénario météo, ça c'est sûr
35:33En scénario météo pour moi
35:36il y a un peu deux phases
35:39une très classique où en fait
35:42il faut descendre l'Atlantique le plus rapidement possible
35:45et après c'est parti
35:48et là le retour ne se fera jamais par derrière
35:51ça c'est les scénarios 2012, François Gabart
35:542016, Armel Leclerc
35:57par contre 2020 était complètement différent
36:00avec des retours par derrière permanents
36:03ce que l'on a commencé à voir de plus en plus dans les tours du monde
36:06il y a peut-être un effet du changement climatique
36:09ou des choses comme ça
36:12je pense qu'une des grosses difficultés
36:15pour l'avant de la flotte
36:18c'est de ne pas s'autodétruire
36:21c'est que le problème
36:24c'est que là on sait très bien qu'on a mené nos bateaux
36:27sur des transats de 10-12 jours
36:30et qu'à chaque fois ils sont tous quasiment arrivés
36:33avec des problèmes de structure
36:36ou des problèmes sur les foils ou des problèmes sur les safrans
36:39du coup on sait très bien
36:42qu'au rythme où on est capable de les mener
36:45peut-être que le bateau ne tiendra pas
36:48donc il faut trouver le compromis
36:51qui nous permet de maintenir en vie le couple homme bateau
36:54ce qui est très facile à dire
36:57et franchement impossible à faire
37:00parce qu'on ne sait pas où sont les fragilités de nos bateaux exactement
37:03on sait juste qu'on a acquérit de l'expérience
37:06mais ça c'est super dur à dire
37:09donc il va falloir être hyper vigilant avec nos bateaux
37:12peut-être que dans un moment où les autres vont mettre la poignée dans le coin
37:15il ne va peut-être pas falloir suivre
37:18mais peut-être que c'est le moment qu'il ne fallait pas lâcher
37:21parce qu'après ça partait par devant comme ça
37:24donc c'est super dur à gérer
37:27sur le parcours, on reste sur cette idée là
37:30évidemment ce sont les mers du sud qui font rêver tout le monde
37:33et qui donnent le sel à ce tour du monde
37:36toi tu ne les connais pas
37:39il y en a d'autres qui les connaissent dans ces groupes de favoris
37:42est-ce que d'abord ça c'est un point en plus pour eux
37:45ou c'est quelque chose qui est finalement assez anecdotique
37:48et puis qu'est-ce que ça évoque pour toi les mers du sud ?
37:51Moi je ne suis jamais allé dans les mers du sud
37:54donc on pourrait dire un petit désavantage
37:57par rapport à certains de mes concurrents forcément
38:00j'ai eu de l'expérience supplémentaire dans ces zones là
38:03malgré tout je crois qu'on a eu deux transats en Atlantique Nord
38:06où on a eu des conditions assez corsées
38:09peut-être pas comparable aux grosses tempêtes du sud
38:12mais c'est toujours des conditions dans lesquelles je me suis senti à l'aise
38:15j'ai un bateau qui est plutôt adapté à ces conditions là
38:18donc ça ne me fait pas plus peur que ça
38:21par contre je sais qu'il y aura un élément de gestion
38:24de connaissances locales on va dire
38:27que je ne peux pas inventer
38:30j'ai suivi beaucoup de cours météo, j'ai beaucoup parlé avec eux
38:33j'espère avoir emmagasiné un paquet de connaissances supplémentaires
38:36mais ça ne peut pas remplacer l'expérience du sud
38:39Et toi ça évoque quoi pour toi le sud ?
38:42Le sud c'est surtout l'enchaînement des tempêtes
38:45très régulier pendant un mois
38:48tous les deux trois jours
38:51front chaud, front froid, empannage, grosse mer, grosse houle
38:54c'est très long, très gris, très monotone
38:57forcément ça ne peut pas être quelque chose qu'on va chercher
39:00en tout cas ce n'est pas ce que moi je vais chercher
39:03malgré tout le challenge
39:06de battre les mers du sud
39:09est quand même hyper intéressant
39:12ça reste une navigation compliquée
39:15à réaliser
39:18et je pense que de repasser de l'autre côté
39:21de ressortir, de revenir en Atlantique Sud
39:24ça sera une petite victoire en soi
39:27et un accomplissement en soi
39:30d'avoir réussi ça
39:33j'ai beaucoup de respect pour les mers du sud
39:36j'espère m'y être préparé le mieux possible
39:39en tout cas j'espère aller au bout
39:42jusqu'au cap Horn
39:45Sur le plaisir
39:48La joie, le plaisir, le kiff
39:51que toi tu prends, il va être où dans ces trois mois ?
39:54Le kiff pour moi c'est la régate
39:57le résultat
40:00forcément les bons choix
40:03la bonne vitesse du bateau
40:06ça c'est hyper important
40:09après il y a quand même une notion d'accomplissement
40:12d'un challenge hors normes
40:15faire le tour du monde en solitaire
40:18sur un bateau de 18 mètres semi-volant
40:21ça reste un challenge incroyable
40:24on peut le terminer premier, on peut le terminer cinquième
40:27on peut aussi bien le vivre en terminant cinquième
40:30c'est aussi ce que j'essaie de garder à l'esprit
40:33si ça ne se passe pas aussi bien que je le souhaite
40:36en termes de résultat
40:39que j'arrive à apprécier le moment
40:42et ça c'est normal
40:45mais j'essaie de me préparer un peu à tous les scénarios
40:48et puis il arrivera ce qu'il arrivera
40:51Et on peut terminer alors avec
40:54ton assos
40:57les assos que tu soutiens
41:00le projet que tu portes
41:03sur ce Vendée Globe et dont tu vas faire bénéficier
41:06ces assos d'une résonance médiatique
41:09assez rare finalement
41:12Oui, je porte les couleurs d'Habitat et Humanisme
41:15qui est une association qui se charge essentiellement
41:18de fournir des logements aux plus démunis
41:21et que j'ai pu rencontrer localement
41:24qui nous suivent assidûment
41:27donc c'est intéressant parce que dans plein de maisons de vie
41:30qu'ils ont un peu partout en France
41:33ils vont suivre l'aventure Vendée Globe
41:36ça leur fera un petit échappatoire
41:39une petite fenêtre sur l'extérieur
41:42et en tout cas je suis très fier de porter leurs couleurs
41:45parce qu'ils font vraiment un boulot admirable
41:48pour des gens qui ont vraiment besoin d'aide aujourd'hui
41:51et voilà, vraiment une grande fierté de porter leurs couleurs
41:54et je soutiens une deuxième association
41:57qui s'appelle Humanité et Biodiversité
42:00qui s'engage à protéger le vivant
42:03et faire en sorte qu'on vive un peu dans un monde meilleur
42:06dans les années à venir
42:09et voilà, donc j'aurais une pensée pour eux
42:12quand je croiserai Edlafaune
42:15très belle, en vie, dans les mers un peu autour du monde
42:18et à la fois toute la pollution aussi que je pourrais croiser
42:21qui est quand même une image assez déplorable de l'humanité
42:24mais que l'on peut en avoir
42:27et que l'on peut facilement trouver
42:30donc des filets, des sacs plastiques ou des choses comme ça
42:33que je ramasse régulièrement dans mes appendices
42:36et là ça sera souvent
42:39un petit souvenir
42:42de l'impact de l'humain
42:45dans les mers
42:48tout autour du globe
42:51D'ailleurs, je rebondis sur ce que tu dis
42:54il y a une norme qui est en train de s'imposer
42:57chez les organisateurs
43:00c'est ces zones de protection
43:03on l'a vécu là sur les transats
43:06notamment sur l'arrivée à New York
43:09est-ce que tu peux nous raconter ça un peu
43:12ce que ça change pour vous
43:15ce que tu en penses d'abord
43:18ces zones de protection des cétacés
43:21puisque sur le Vendée Globe
43:24depuis quelques transats
43:27on a de plus en plus de zones interdites
43:30à la navigation pour nous
43:33pour protéger les cétacés
43:36en fait ça va de pair avec la connaissance
43:39des lieux de vie et de migration des cétacés
43:42et donc on s'est forcément rendu compte
43:45qu'il était quand même préférable
43:48d'éviter ces zones-là
43:51et on développe aussi des outils
43:54pour mieux détecter les cétacés
43:57les objets flottants, les autres bateaux
44:00naviguant autour de nous sur la mer
44:03et donc tout ça fait partie d'une vigilance commune
44:06qu'on essaye de mettre à profit
44:09pour éviter d'avoir un impact un peu néfaste
44:12sur notre environnement
44:15donc les zones de cétacés nous éloigneront
44:18des grands cétacés.
44:21Merci.