• il y a 2 mois
Invité dans L'Equipe du Soir ce vendredi, Didier Drogba, qui présentera la cérémonie du Ballon d'Or lundi avec Sandy Héribert, est longuement revenu sur l'unique saison qu'il a disputée sous le maillot de l'OM, en 2003-2004. Ses débuts poussifs, les premiers buts, son échange de maillot avec Zinédine Zidane, son fameux but contre Newcastle, son départ contre son gré pour Chelsea... Découvrez les anecdotes de l'ancien buteur ivoirien de l'Olympique de Marseille, deux jours avant le Classique.

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Transcription
00:00Hervé, les débuts de Didier à l'OM,
00:04il y a un truc physique qui se passe, vous avez noté ça ?
00:07Oui, il y a un petit surnom, parce que tu parlais de la difficulté que tu avais.
00:12Oui, je crois qu'il est au courant.
00:13Alors racontez, c'est quoi le surnom ?
00:15Drogba Kayoko.
00:17Drogba Kayoko.
00:19En fait, j'avais du mal,
00:24j'étais tellement ému de jouer pour Marseille et de jouer au Vélodrome
00:28que j'avais du mal à finir les matchs.
00:33La charge émotionnelle, pour moi, était tellement forte
00:36parce que j'étais sur le terrain,
00:38concentré, mais en même temps à l'écoute de tout ce qui se passait.
00:41Donc, au bout de 60 minutes, je suis allé au coach,
00:44rincé, je lui ai demandé de sortir parce que je n'y pouvais plus.
00:49Et il y a eu ce match contre le Rapid de Vienne, je crois,
00:52ou l'Austria de Vienne, taux préliminaire de Champions League,
00:56on fait 1-0 là-bas, et 0-0, je suis titulaire au Vélodrome,
01:00ma première titularisation au Vélodrome,
01:02et je rate un nombre incalculable d'actions, d'occasions.
01:10Et ma sœur était venue me voir jouer ce match,
01:12et en rentrant, je conduis, elle ne parle plus.
01:15Je dis, mais qu'est-ce qui se passe ?
01:16« T'as signé combien de temps, là ? »
01:17« J'ai joué à 4 ans. »
01:19Elle me dit, « Ah, fais, tu vas partir. »
01:21Je dis, « Pourquoi ? »
01:21Elle me dit, « Ah, j'étais derrière, ils ne m'ont pas reconnu,
01:24j'entendais les gens converser, et il y en a un qui dit,
01:27« Mais c'est qui, lui, là ? »
01:28« Il vient d'où ? »
01:29« Ah, des gangangs, un paysan. »
01:34« C'est un Ivoirien, comme Bakayoko. »
01:37« Deux pour le prix d'un, ils en donnaient trois Bakayoko. »
01:43Et je pense que ça a été le déclic, parce qu'à partir de là,
01:46je me suis dit, « Ah bon, c'est comme ça que ces supporters que j'aime,
01:52ce club que j'aime, me perçoivent.
01:54Ok, il faut que je change ça. »
01:55Et là, j'ai enchaîné.
01:58Là, on est au mois d'août, face à ce tour préliminaire de Ligue des Champions,
02:01mais le moment où tout bascule, pour vous,
02:03alors ce n'est pas sur un match, c'est sur une série de trois matchs.
02:06Racontez-nous, on est le 27 septembre, le premier match, il me semble,
02:10c'est Nice, un doublé, triplé le mercredi suivant
02:14contre le Partisan Belgrade en Ligue des Champions,
02:16plus un but à Bastia.
02:18Et là, c'est le basculement.
02:19Là, c'est le moment où…
02:21Mais c'est un vrai basculement.
02:22C'est un vrai basculement, parce que dans le vestiaire,
02:28moi qui suis arrivé sur la pointe des pieds,
02:31je suis mis sur le devant de la scène par mes coéquipiers,
02:36Philippe Christanval, Fabio Celestini, Manu Dos Santos,
02:40tous les gars me disent, mais Didier en fait,
02:43« Si t'es bon, si t'es bien, on est bien. »
02:47Et je leur dis, « Non, non, attendez, moi je viens de Guingamp.
02:49Si vous êtes bien, je suis bien. »
02:51Ils me disent, « Non, c'est pas comme ça, regarde ce qui se passe. »
02:53Et je pense que mes performances m'ont permis d'avoir une place
03:02et d'avoir mon mot à dire dans le vestiaire.
03:05Et là, en fait, tu gagnes au respect par tes performances
03:09et pas par tout ce qui sera.
03:12Il y a quelque chose d'inconséquent, parce qu'il y a un basculement aussi.
03:14Il y a un basculement, alors les gens disaient « Drogba qui est le coach »,
03:17chose comme ça.
03:18Mais après, il y a une sorte de Drogba mania qui monte assez rapidement
03:23et qui vous a parfois embarrassé.
03:25Racontez-nous là encore.
03:27Oui, c'est ce rapport à la célébrité.
03:33En fait, on veut tous être connus, on veut tous être les meilleurs,
03:36on veut tous être les plus forts.
03:37Mais le jour où ça arrive, il faut être capable de le vivre,
03:41de l'encaisser et de le digérer.
03:45Et j'ai eu du mal à comprendre pourquoi des gens pleuraient en me voyant.
03:51Je me disais « Mais attendez, vous savez de qui vous parlez ? »
03:54Ou alors qu'il y a des accidents de la route.
04:00Oui, c'est fou, mais ça n'arrive qu'à Marseille.
04:06OK, pire en Côte d'Ivoire encore.
04:10Premier match en Ligue des Champions, c'est avant le parti en Belgrade.
04:15Vous vous retrouvez au Bernabéau, vous aurez le score.
04:18Et je crois qu'il y a un truc avec Zizou, un maillot.
04:20J'ai entendu ça, quelque chose.
04:22Oui, j'en parle l'année dernière.
04:23Oui, c'est quoi ça ?
04:24Je change de maillot, j'ai changé de maillot avec Bravo,
04:31qui était en défense.
04:34Et en rentrant au vestiaire, il y a quelqu'un qui me tape à l'épaule,
04:39je me retourne, c'est Zidane, il me demande « J'espère que tu peux me passer ton maillot ? »
04:43Je lui dis « Pardon ? »
04:45Donc, le responsable des équipements, je lui crie dessus,
04:50je dis « Michou, où est mon maillot ? Mon deuxième maillot ? »
04:52Il me dit « Ah, il est rangé, mais tu es malade. »
04:55Et il me dit « Non, t'inquiète, au match retour, ne m'oublie pas. »
04:57Et deux mois plus tard, dans le couloir, on est concentrés,
05:02puisque le coach nous a mis une pression pas possible pour remporter ce match.
05:06Et pareil, on me tape à l'épaule comme ça,
05:09et je me retourne « J'espère que tu ne m'auras pas oublié cette fois-ci. »
05:11Et tellement pris par la discussion, et puis bien sûr, l'aura de Zidane,
05:18je commence à enlever mon maillot après le match.
05:21« Ah, j'ai un maillot, je te le remets dans le trou. »
05:24C'était Zidane, je veux dire.
05:27Il y a un moment également dans cette saison marseillaise qui me renvoie comme ça,
05:30quand je dis « Drogba, Marseille, il y a un but, c'est contre Newcastle,
05:34on est en mi-finale allée, je vous ai croisés hier,
05:36le plus important, le moment de basculement, c'est les trois matchs qu'on a évoqués.
05:40Mais sur ce but-là…
05:43– Le drift derrière le pied d'Ophir.
05:44– Oui, voilà, ce truc-là, pour moi, sur la situation de jeu,
05:48ça demandait la spéciale Drogba, c'est-à-dire, le plus direct, on tire.
05:53Là, finalement, ça marche, c'est génial, ce petit pas où vous effacez Aaron Hughes
05:57pour battre après du gauche, je ne me souviens plus le gardien de Newcastle.
06:01– Che Guevane, ça vient d'où, une inspiration, un truc, vous êtes dans une zone…
06:08– En fait, j'ai vu, pendant toute la saison, j'ai vu Roberto Carlos faire ça,
06:14lorsqu'il monte comme ça, il passe le ballon derrière sa jambe gauche,
06:17et je me dis « tiens, c'est un contre-pied mais extraordinaire ».
06:21Et toute la saison, je m'entraîne à le faire, pied droit, pied gauche.
06:27D'abord pied droit, je continue mon dribble,
06:29ensuite je fais pied droit, pied gauche, et je reprends mon dribble.
06:33Et là, le matin du match, j'étais blessé, en fait.
06:41Je suis blessé, et je fais une séance avec Albert Aymond, en mise au vert,
06:47et là, je fais la même chose, je mets trois plots, inter, exter,
06:53passe le ballon derrière le pied gauche, et je frappe.
06:57Et ça rentre, je le fais deux ou trois fois pied gauche,
07:01deux ou trois fois pied droit, et je me dis « tiens, allez, ce soir, j'essaye ».
07:06Voilà, et donc, quand on regarde bien le ralenti, j'ai passé à Onyoux,
07:13mais je l'attends pour pouvoir tenter ce geste.
07:16– Oui, c'est pour ça, je trouve que c'est pas mal.
07:19– Parce que j'ai envie de faire mon geste, et en fait, j'avais tout calculé,
07:22c'est-à-dire que je vais faire le geste, mais après le geste,
07:26je sais que Che Guevane est plus à l'aise lorsqu'il plonge sur son côté droit,
07:32donc il faut mettre le ballon forcément côté gauche.
07:34Donc, j'avais étudié toutes ces situations pour me faciliter la tâche, justement.
07:40– Facile, ça demande du travail, quand même.
07:42Autre question de nos téléspectateurs, Léna.
07:45– Didier, les internautes veulent connaître tous vos secrets.
07:48Hello Didier, quelle est l'anecdote la plus intéressante
07:50que tu as à nous raconter sur un classico que tu as vécu ?
07:54Du croustillant, cette fois.
07:56– Alors, c'est toujours face à M. Édouard Assise, qui était au PSG,
08:04et valide, puisqu'on les reçoit…
08:10– Non, mais l'année où… Non, t'étais pas là, moi, j'étais à Monaco.
08:152003-2004.
08:16– C'est Fio qui marque.
08:18– Ah oui, la dernière minute, là ?
08:19– La dernière minute.
08:21Alors, toute la semaine, un des kinés, Muso, je le cite,
08:27qui me masse tous les jours, mais on ne m'a jamais autant massé.
08:31Je lui disais, mais pourquoi tu…
08:32Il me dit, non, le classico, il faut que tu sois bon, il faut que tu marques.
08:35Il me masse tous les jours.
08:35Je lui dis, j'ai pas besoin de masser.
08:36Il me dit, non, vas-y, vas-y, vas-y.
08:38Et par contre, vous avez intérêt de gagner,
08:40parce que si tu ne gagnes pas, je ne te parle plus.
08:42Bon, je le prends, je lui dis, bon, c'est un classico, OK.
08:46On perd 1-0.
08:49Le soir, le lendemain, j'arrive à l'entraînement.
08:51Il me boude, il me masse tous les jours.
08:53Là, je me dis, ah ouais, non, ça dépasse l'entendement, c'est…
09:01– OK. On vient juste à la fin, à la fin de cette saison, où finalement,
09:08c'est assez rare, il y a une conférence de presse pour annoncer votre départ.
09:12Généralement, on fait une conférence de presse pour dire coucou, machin,
09:15– Je suis content, bye bye tout le monde.
09:16– Ben non, je suis content, je suis content, je suis content.
09:19– Je suis en train de chercher la date, on est le 19 juillet 2004.
09:21Vous annoncez, donc, que vous quittez l'OM.
09:24Écoutez, on y va, parce que je trouve qu'il y a des zones de non-dit,
09:29puis il y a notre fin inspecteur Penault qui va nous expliquer tout ça.
09:33Didier Drogba, on est en juillet 2004.
09:36– Si j'écoutais mon cœur, je serais resté à Marseille,
09:38parce que vraiment, j'ai vécu d'énormes moments ici.
09:44Et c'est des moments, comme je dis, inoubliables.
09:50J'ai vraiment ce club dans le cœur.
09:55Et c'est comme quand on aime une femme et qu'on doit s'en séparer pour X raisons.
10:02Ça fait toujours mal.
10:03Et c'est vrai que je suis triste.
10:07J'aurais beaucoup de chagrin.
10:09Mais sportivement, je dois me relancer vers le projet.
10:14Et j'espère un jour, pourquoi pas.
10:18Et je reviendrai.
10:22Je reviendrai.
10:24– C'est chargeur d'émotions.
10:25En plus, il y a les images, c'est très affectif.
10:28Vous quittez l'OM, vous quittez votre femme.
10:29Enfin voilà, tout est extrêmement...
10:32Et Hervé ?
10:32– Parce qu'en fait, ce qu'il faut savoir, c'est ce qui s'est passé après.
10:34Tu vas le raconter, c'est pas moi qui vais le raconter.
10:36Qu'est-ce qui s'est passé après ?
10:37Quand tu étais au Vélodrome, parce que la conférence de presse
10:39allait au Réseau Vélodrome, et après, tu vas seul au milieu du terrain
10:41pour regarder et tu restes à peu près une heure.
10:43– Oui, en fait, après cette conférence de presse,
10:46j'étais en dépression, c'est-à-dire que je ne voulais même plus rentrer chez moi.
10:51J'étais là, je tournais en voiture.
10:53En fait, je ne comprenais pas, ça allait trop vite pour moi.
10:55Ça allait vraiment trop vite.
10:59Et c'est là que j'ai compris qu'en fait, le football, c'est un business, en fait.
11:04C'est un business.
11:06– C'est-à-dire ?
11:07– C'est-à-dire que...
11:08– Vous n'étiez pas maître de votre choix, c'est ça ?
11:09– Oui, je n'étais pas maître de mon choix, puisque je le dis,
11:12j'aurais aimé rester, je voulais rester.
11:14Je leur ai dit, je veux rester.
11:17Je ne veux même pas avoir un salaire...
11:20– Vous voulez rester à l'OM ?
11:21– Je veux rester à l'OM, ce n'est pas une question de salaire.
11:23Je veux rester à l'OM.
11:26Maintenant, quand on me dit que oui,
11:28mais ça nous permettra d'acheter Didier Drogba,
11:32et que l'équipe sera moins dépendante de toi,
11:38et puis on n'est pas sûr que tu nous refasses la même saison que l'année dernière,
11:40et ça, ça a été le déclic.
11:42Là, ils ont su appuyer là où il fallait.
11:46Là, j'ai dit, ah bon ?
11:48Vous pensez que ce que j'ai fait est le fruit du hasard ?
11:51D'accord, c'est que vous ne savez pas,
11:52vous n'avez pas compris comment je fonctionnais et qui j'étais.
11:55Donc, ok, là, ça me fait mal, mais je suis parti.
11:58– Mais Didier, il a tout dit ou pas ?
12:00– Pas complètement, parce que déjà, quand tu es au milieu du stade,
12:03tu restes à peu près une heure, après, seul, et tu pleures.
12:05On regarde le stade, tu pleures, parce que vraiment, la douleur est là.
12:09– Mais déjà, même avant la conférence de presse.
12:12– Et le surlendemain, tu attends Tcherno, Cédy, qui est son agent toujours.
12:16– C'est horrible.
12:18– Et tu ne dors pas de la nuit, évidemment, et tu vas le voir,
12:20lui, il doit être dans le salon en train de dormir sur le canapé.
12:22– C'est à 6 heures du mat, on prend l'avion à 9 heures,
12:26et je descends, je le vois, je dis, Tcherno, explique-moi une chose.
12:30Là, vraiment, je ne suis plus joueur de Marseille,
12:33puisque j'ai résigné mon contrat.
12:34Il me dit, ah oui, donc ça veut dire que je peux faire ce que je veux.
12:38Je peux signer où je veux.
12:39Il me dit, ne me fais pas ça.
12:43Je dis, non, parce qu'en fait, là, je n'ai pas envie d'aller là-bas.
12:46Donc, je ne peux pas aller où je veux.
12:49Et là, il a eu chaud.
12:50– Et donc, vous aviez envie de revenir à Marseille.
12:52– Voilà, il a eu chaud, et il m'a dit, non, on ne peut pas.
12:55La machine est lancée, et puis voilà.

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