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Durant les années 30, la flambée du fascisme et du nazisme en Europe n'aura pas épargné les États-Unis. Entre 1933 et 1944, plusieurs mouvements extrémistes ont songé à renverser la démocratie américaine par les armes. Au même moment, l'Allemagne nazie lance une vaste opération de propagande, dans le pays, afin d'empêcher l'entrée en guerre des États-Unis.
Quelle était l'ampleur de cette tentation nazie outre-Atlantique, alors que l'Amérique traversait la plus grave dépression économique de son histoire ?

Pour en parler, Jean-Pierre Gratien reçoit l'historienne, spécialiste de l'Amérique du Nord, Hélène Harter.

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Transcription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:16Bienvenue à tous dans Débat doc.
00:00:18Durant les années 30, la flambée du fascisme
00:00:21et du nazisme en Europe n'aura pas épargné les Etats-Unis.
00:00:24En témoigne le documentaire qui va suivre,
00:00:26America First, 1933-1944,
00:00:30la tentation nazi-américaine, réalisée par Emmanuel Amara.
00:00:34Comment, pendant plus de dix ans,
00:00:36plusieurs mouvements extrémistes
00:00:38ont songé à renverser la démocratie américaine par les armes,
00:00:42tandis que l'Allemagne nazie lançait dans le pays
00:00:44une vaste opération de propagande
00:00:46visant à empêcher l'entrée en guerre des Etats-Unis ?
00:00:49Je vous laisse le découvrir,
00:00:51et je vous retrouverai juste après sur ce plateau,
00:00:53en compagnie de l'historienne Hélène Arter,
00:00:56avec elle, nous nous interrogerons
00:00:58sur l'ampleur de cette tentation nazi-outre-Atlantique
00:01:01au moment où l'Amérique traversait
00:01:03la plus grave dépression économique de son histoire.
00:01:07Bon doc.
00:01:08...
00:01:12L'Amérique des années 1930 et 1940
00:01:15connaît une flambée du nazisme.
00:01:18Haine du juif, haine du communisme,
00:01:21haine de la présidence Roosevelt.
00:01:24Pendant plus de dix ans,
00:01:26plusieurs mouvements extrémistes
00:01:28tentent de renverser par les armes la démocratie américaine.
00:01:34En parallèle, l'Allemagne nazie finance
00:01:36une vaste opération de propagande
00:01:38visant à empêcher les Etats-Unis d'entrer en guerre.
00:01:43Des dizaines d'élus du Congrès
00:01:46et des figures publiques y participent.
00:01:49Comment ces mouvements ont-ils pu naître
00:01:51et prospérer dans la plus grande démocratie du monde ?
00:01:54...
00:01:58...
00:02:13Octobre 1929.
00:02:16La Grande Dépression frappe les Etats-Unis de plein fouet,
00:02:19plongeant des millions d'Américains dans la pauvreté.
00:02:21...
00:02:25Les Etats-Unis sont plongés dans la dépression.
00:02:29Le pays est absorbé par ses propres malheurs.
00:02:32...
00:02:35Le taux de chômage avoisine les 25 %.
00:02:38...
00:02:42On estime à 6 millions le nombre de sans-abris.
00:02:45Des camps de fortune sont installés dans les parcs des villes.
00:02:49La situation était donc désespérée.
00:02:53On pouvait s'attendre à ce que l'ensemble
00:02:55du système bancaire américain s'effondre.
00:02:59La peur et le désespoir s'emparent de la population.
00:03:02...
00:03:09La plupart des Américains ne comprenaient pas
00:03:12les causes de la dépression économique.
00:03:14La question de l'origine de la dépression
00:03:16se posait donc avec acuité.
00:03:18...
00:03:21Et ce sont les Juifs qui sont désignés coupables.
00:03:23C'est l'explication qu'ils trouvent
00:03:26pour comprendre les malheurs qui touchent la nation.
00:03:29...
00:03:31Derrière ces accusations
00:03:33se profilent toutes les théories antisémites des années 30.
00:03:37Les Juifs seraient derrière la prise de pouvoir
00:03:39par les Bolcheviques en 1917
00:03:42et les véritables dirigeants de l'URSS.
00:03:45Fantasme d'un complot juif mondial.
00:03:48Aux Etats-Unis comme en Europe,
00:03:50ces idées trouvent un écho grandissant.
00:03:52...
00:03:54Le communisme et le judaïsme
00:03:56sont les deux faces d'une même pièce.
00:03:58...
00:04:00En fait, pour eux, la naissance du communisme en 1917
00:04:03et la révolution léniniste
00:04:04étaient aussi bien une construction juive
00:04:07qu'une construction politique.
00:04:09...
00:04:13Aux Etats-Unis,
00:04:14un homme va bientôt cristalliser ses fantasmes,
00:04:16Franklin Delano Roosevelt.
00:04:18...
00:04:25Démocrate élu en 1932,
00:04:27il met en place un ambitieux programme de relance économique
00:04:30pour sortir le pays de la crise.
00:04:33Roosevelt n'est pas juif,
00:04:35mais pour ses détracteurs,
00:04:37il incarne le fameux judéo-bolchevisme.
00:04:40Roosevelt, on l'appelle Rosenfeld.
00:04:42Le New Deal, le mouvement politique et social de Roosevelt,
00:04:45on l'a appelé le Jew Deal,
00:04:47un Jew comme juif.
00:04:49C'est ce moment-là où il y a, tout à coup,
00:04:51toute cette longue histoire et ce moment particulier
00:04:55de l'arrivée au pouvoir de Roosevelt
00:04:57avec un nombre très important de complots
00:04:59qui visent à renverser Roosevelt.
00:05:00...
00:05:02L'un des plus grands détracteurs de Roosevelt
00:05:05est un prêtre canadien installé dans une paroisse de Détroit,
00:05:08dans le Michigan.
00:05:09Le père, Charles Coughlin,
00:05:11est le chanteur d'une Amérique blanche,
00:05:13nationaliste et chrétienne.
00:05:16Charismatique, il a fait de ses talents d'orateur
00:05:19un redoutable outil de propagande.
00:05:22Il y a un média tout jeune à l'époque, qui est la radio.
00:05:24Il va commencer à proposer des sermons à la radio
00:05:27avec un effet important.
00:05:29Il va être un peu pris dans son espèce de...
00:05:31une sorte d'ubris.
00:05:32Tout à coup, il a l'impression de pouvoir changer le monde.
00:05:35...
00:05:37Ces 30 millions d'auditeurs
00:05:39représentent une audience considérable,
00:05:42car les Etats-Unis ne comptent alors que 120 millions d'habitants.
00:05:48C'est sans doute le plus grand média américain
00:05:51entre 1930 et 1938.
00:05:57Il est intouchable.
00:06:02À partir du moment où un père,
00:06:03qui avait quand même 30 millions d'auditeurs chaque semaine,
00:06:06qui est considérable.
00:06:07Il n'y a pas tous les réseaux sociaux.
00:06:09On a quand même une uniformité de la source d'informations.
00:06:12La même information est délivrée à 30 millions de personnes.
00:06:16Et puis, les différents relais, les obliges, etc.,
00:06:19à Boston et compagnie.
00:06:20Je pense que l'impact était considérable.
00:06:24Tous les dimanches, il prend l'antenne
00:06:26pour vilipender ceux qu'il considère comme les ennemis de l'Amérique.
00:06:36...
00:06:51Les gens l'écoutent, les gens le suivent.
00:06:55Et il suscite un mouvement rempli de colère.
00:07:00Un mouvement rempli de haine
00:07:03qui blâme les Juifs, les banquiers et les communistes.
00:07:07...
00:07:11Coughlin, qui va effectivement commencer à avoir des propos antisémites,
00:07:15considérer que Roosevelt est en train de détruire l'Amérique,
00:07:18qu'il est l'anti-Amérique,
00:07:20qu'il a autour de lui des gens qui n'aiment pas le pays,
00:07:22qu'il ne représente pas la vérité du pays.
00:07:24Comment s'appelait Rosenfeld ?
00:07:25Il n'est pas juif, Roosevelt,
00:07:26mais il est considéré comme l'égal des Juifs.
00:07:29Et ça, c'est un discours qui va prendre énormément d'ampleur
00:07:33et Coughlin est une personnalité importante
00:07:35qui est vraiment suivie par des millions et des millions de personnes.
00:07:39D'autant que les discours de Coughlin
00:07:41résonnent avec une longue tradition américaine.
00:07:45Le grand mouvement nativiste du début du 18e siècle,
00:07:49avec l'idée que les descendants des Pilgrim Fathers,
00:07:52des pèlerins qui sont les premiers à être entrés sur le sol américain,
00:07:55comptent plus que tous les migrants qui arriveront ensuite,
00:07:58avec l'idée qu'ils sont des vrais Américains
00:08:00et que nous ne sommes pas des vrais Américains.
00:08:02L'Amérique avait un système de quotas pour freiner l'immigration.
00:08:06L'Amérique a toujours été en quelque sorte anti-immigration.
00:08:09Le pays a adopté des lois dès la fin du 19e siècle
00:08:13et les Américains ne voulaient pas laisser entrer dans leur pays
00:08:15les réfugiés d'Europe de l'Est ou les réfugiés juifs allemands.
00:08:18Je pense que cela a créé une énorme tension.
00:08:23Dans une Amérique en crise, marquée par l'antisémitisme,
00:08:27l'anticommunisme et le rejet de Roosevelt,
00:08:30les nazis trouvent un terreau fertile pour répandre leurs idées.
00:08:36À cette époque, les Américains regardent à l'étranger
00:08:40et voient d'autres pays qui semblent aller mieux,
00:08:42en particulier des pays dirigés par des dictateurs.
00:08:47La question qui se pose est alors de savoir
00:08:50quelle est la meilleure forme de gouvernement.
00:08:53Aux yeux de certains Américains,
00:08:55l'Italie de Mussolini a déjà amplement fait ses preuves.
00:08:59Il a relancé l'économie en éliminant communistes,
00:09:01parlements et partis politiques.
00:09:04Mais c'est la prise du pouvoir en Allemagne par Adolf Hitler en janvier 1933
00:09:08qui a un impact le plus puissant aux Etats-Unis.
00:09:11Les nazis l'ont bien compris.
00:09:13Alors que la tension monte en Europe, ils rêvent de gagner un puissant allié.
00:09:18Ils activent un réseau d'agents d'influence aux Etats-Unis.
00:09:21Georges Sylvester Viereck est l'un d'entre eux.
00:09:24C'est un nazi convaincu
00:09:25qui a rencontré Hitler à de nombreuses reprises.
00:09:28Il est doté de moyens considérables pour diffuser les idées nazies.
00:09:35Georges Sylvester Viereck travaille comme une sorte d'agent de liaison
00:09:38au consulat allemand à Washington,
00:09:41où Hans Thomson est le chargé d'affaires.
00:09:48Viereck rencontre des hommes d'affaires américains à qui il explique.
00:09:53Vous savez, Hitler va gagner.
00:09:56Et il sera reconnaissant envers les entreprises
00:10:00qui ont contribué à entretenir de bonnes relations avec l'Allemagne nazie.
00:10:05Il prononce des discours devant des Américains pro-allemands
00:10:08dans lesquels il affirme qu'il est un Américain loyal,
00:10:11qui ne voit aucun conflit idéologique avec Hitler,
00:10:14bien qu'il prenne soin de préciser qu'il n'est pas non plus partisan d'Hitler.
00:10:17Il essaie de démontrer que l'Allemagne et les Etats-Unis
00:10:20ne sont pas en conflit l'un avec l'autre.
00:10:22Les nazis financent également la création aux Etats-Unis d'un groupe pro-nazis,
00:10:27l'Organisation des Amis de la Nouvelle-Allemagne.
00:10:32Son objectif, propager les idées nazies sur le sol américain.
00:10:42Ce mouvement est très massivement financé par l'Allemagne nazie
00:10:45et il est lié à un antisémitisme profondément enraciné
00:10:49dans une nation anti-immigrée,
00:10:51faisant partie de notre histoire nationale.
00:10:53Et il est devenu un vaste réseau invisible
00:10:56de sympathisants pro-allemands et pro-nazis.
00:11:03L'organisation est dissoute en 1934
00:11:05en raison de ses liens trop visibles avec le Reich.
00:11:08Elle renaît sous une nouvelle forme en 1936,
00:11:11le Bund germano-américain,
00:11:14qui s'implante et se développe grâce à l'importante communauté germano-américaine.
00:11:20À sa tête, sur ordre secret d'Hitler,
00:11:23Fritz Kuhn, un vétéran de la Première Guerre mondiale,
00:11:26installé aux Etats-Unis depuis dix ans.
00:11:28Il établit son quartier général dans le nord-est de Manhattan,
00:11:32à New York.
00:11:33Une véritable petite Allemagne.
00:11:40L'idée du Bund, au départ,
00:11:42est de créer un lieu où les immigrés allemands aux Etats-Unis
00:11:45peuvent se réunir, parler allemand,
00:11:47boire de la bière et se souvenir de leur héritage culturel commun.
00:11:54C'est ainsi que le Bund se présente, du moins au grand public.
00:11:58Le Bund s'est aussi lancé dans les affaires.
00:12:01À New York, il possède un important réseau de brasseries
00:12:04où ses membres se réunissent.
00:12:18Le Bund est soucieux d'offrir un visage folklorique aux Américains.
00:12:22Mais derrière cette façade de gentilles associations germaniques,
00:12:26il ne cache pas son ancrage idéologique.
00:12:48Il est très clair qu'après 1936,
00:12:50lorsque le Bund commence vraiment à s'appuyer sur des bases formelles,
00:12:54il a un fondement idéologique.
00:12:56Ses rassemblements sont ponctués de salut nazi,
00:12:58son symbolisme inclut la croix gammée.
00:13:01Son chef commence à porter des uniformes
00:13:03et à les imposer à ses partisans.
00:13:05Il rêve de devenir le chef absolu de cette organisation
00:13:08qui entend prendre le contrôle des Etats-Unis.
00:13:17...
00:13:33Sous couvert de patriotisme,
00:13:35Kuhn présente les idées nazies
00:13:37comme la solution pour sauver l'Amérique.
00:13:42Il y a le modèle allemand, on va suivre le modèle allemand.
00:13:45Parce que c'est un modèle qui protège la race,
00:13:48c'est un modèle militariste qui soude un peuple
00:13:52et qui exclut des corps étrangers
00:13:54qui peuvent affaiblir ce propre corps.
00:13:57Le nazisme, en somme.
00:13:59Il est certain que les Etats-Unis, en raison de leur diversité,
00:14:03de leur héritage et de leur histoire,
00:14:05devaient l'appliquer différemment de ce qui se passe en Europe.
00:14:09Mais en fin de compte,
00:14:11l'objectif était de créer un nouvel ordre mondial,
00:14:14un ordre mondial fasciste.
00:14:19Pour ancrer ces idées dans le paysage politique,
00:14:22le Bound multiplie les parades publiques dans les grandes villes.
00:14:26Encadré par la police,
00:14:27le mouvement défile dans les avenues de Manhattan.
00:14:32Pour l'heure, les autorités américaines restent de marbre.
00:14:36Le 1er amendement de la Constitution des Etats-Unis
00:14:39accorde aux citoyens une liberté d'expression totale.
00:14:42Rien ne leur interdit de brandir le drapeau nazi.
00:14:50C'est une organisation qui n'a pas peur de s'afficher publiquement
00:14:53comme imitant les nazis,
00:14:55ce que beaucoup d'autres groupes extrémistes de cette mouvance
00:14:58n'étaient pas prêts à faire.
00:15:02Très vite, l'organisation prend de l'ampleur.
00:15:06Le Bound établit des antennes à travers tout le pays,
00:15:10divisées en trois administrations,
00:15:13strictement hiérarchisées.
00:15:20Nous pensons que le nombre de membres était de quelques dizaines de milliers.
00:15:24Même si Kuhn affirmait qu'ils étaient plus de 100 000,
00:15:27cela semble peu probable,
00:15:29compte tenu du fait qu'il fallait être d'origine allemande
00:15:32et avoir envie de participer à ce type d'événements pour devenir membre.
00:15:37Mais il s'agit vraiment d'un groupe qui avait beaucoup d'adeptes
00:15:40dans ses bastions de New York et du Midwest,
00:15:42où il était principalement basé.
00:15:49Pour essaimer plus largement,
00:15:52le Bound s'appuie sur les communautés allemandes
00:15:54implantées sur tout le territoire.
00:15:57Il organise de grandes manifestations populaires
00:16:00sous forme de camps d'été, qui remportent un immense succès.
00:16:05Le 18 juillet 1937,
00:16:07il inaugure en grande pompe le camp Nordland.
00:16:11Les nazis germano-américains prennent même la peine de se filmer en couleur.
00:16:16L'événement rassemble 10 000 personnes
00:16:19et se déroule dans l'état du New Jersey,
00:16:21à une centaine de kilomètres de Manhattan.
00:16:25Fritz Kuhn y fait un discours retentissant.
00:16:38L'indépendance financière
00:16:41et le droit à l'Amérique.
00:16:46Le Bound développe un important portefeuille immobilier dans tout le pays.
00:16:50Fritz Kuhn collecte les cotisations et utilise cet argent pour acheter des terrains
00:16:54qui deviennent des camps où les membres peuvent se réunir,
00:16:57boire de la bière et célébrer ensemble les fêtes américaines et allemandes.
00:17:01Les enfants sont essentiels pour l'avenir du mouvement.
00:17:04Ils doivent être préparés physiquement à devenir les leaders de ce Reich nazi.
00:17:09Il y avait donc des camps dans le nord de l'État de New York,
00:17:12à Milwaukee, à Chicago, à Los Angeles, à San Francisco,
00:17:15dans le nord-ouest du Pacifique, il y en avait dans tout le pays.
00:17:19Un camp d'élection pour l'Amérique
00:17:22Un camp d'élection pour l'Amérique
00:17:25Un camp d'élection pour l'Amérique
00:17:28Un camp d'élection pour l'Amérique
00:17:32Un camp d'élection pour l'Amérique
00:17:35Un camp d'élection pour l'Amérique
00:17:38Un camp d'élection pour l'Amérique
00:17:42Un camp d'élection pour l'Amérique
00:17:45Un camp d'élection pour l'Amérique
00:17:48Près de Manhattan, à Long Island, le Bound voit les choses en grand.
00:17:53Tous les vendredis, le Siegfried Spécial est affrété
00:17:57pour transporter les sympathisants pro-nazis
00:18:00vers un camp du même nom qui connaît un succès fulgurant.
00:18:04Fort de cette popularité, le Bound acquiert des terres sur Long Island
00:18:09et transforme le camp en une colonie germano-américaine.
00:18:14Une véritable ville nazie baptisée German Gardens,
00:18:18les jardins allemands.
00:18:23Les maisons y sont décorées de la croix gammée
00:18:26et les rues portent les noms de Göring, Goebbels ou Adolf Hitler.
00:18:34Le Bound devient donc, et tous les historiens sont d'accord là-dessus,
00:18:38le groupe pro-nazi le plus important et le plus connu de cette période.
00:18:44Le nazisme reste minoritaire aux États-Unis,
00:18:47mais il trouve un vaste écho dans une société en crise.
00:18:51À l'instar du Bound, de nombreux groupes d'extrême droite se forment,
00:18:55s'organisent et se radicalisent.
00:18:58Derrière les camps d'été et les parades,
00:19:01une autre réalité plus inquiétante se dessine.
00:19:04Des groupes paramilitaires grandissent dans l'ombre.
00:19:09Au sein du Bound, il existe une division appelée Ordnanzdienst,
00:19:13littéralement division de l'ordre calquée sur le modèle des SS.
00:19:17Pour devenir membre de l'OD, il fallait respecter
00:19:20une certaine période d'attente, être membre du Bound
00:19:23et faire une demande spéciale.
00:19:30Ce système permettait de montrer son engagement idéologique
00:19:34envers l'organisation.
00:19:36Ainsi, pour les hommes, et ce sont seulement les hommes
00:19:39qui étaient admis au sein de l'Ordnanzdienst,
00:19:42il s'agissait d'un groupe qui portait des armes non létales.
00:19:46Nous pensons qu'ils ne portaient pas d'armes à feu,
00:19:49mais ils portaient certainement des gourdins.
00:19:52Ils portaient des uniformes très distincts.
00:19:55Il y a un aspect paramilitaire au sein du Bound
00:19:58et de l'OD en particulier.
00:20:00D'autres groupes entendent implanter le nazisme
00:20:03aux Etats-Unis par les armes.
00:20:07Aux Etats-Unis, de nombreuses organisations différentes
00:20:11défendent ce que nous appelons l'idéologie nazie.
00:20:17Elles partagent tous le même objectif,
00:20:20à savoir tenter d'introduire cette idéologie
00:20:23sur la scène américaine.
00:20:27L'une de ces organisations est fondée
00:20:29par un ancien scénariste d'Hollywood,
00:20:31profondément antisémite et anticommuniste,
00:20:34William Dudley Pelley.
00:20:39Dès son plus jeune âge, Pelley est un anticommuniste convaincu.
00:20:43Il part en Sibérie pendant la Première Guerre mondiale
00:20:46et là-bas, pendant la guerre civile russe,
00:20:49il est témoin des atrocités commises contre la population
00:20:52par les communistes qui se battent aux côtés de l'armée rouge.
00:20:57Pelley revient donc aux Etats-Unis
00:20:59avec un anticommunisme et un antisémitisme farouches.
00:21:02Il associe les Juifs au communisme
00:21:04et à la propagation du communisme.
00:21:10L'arrivée d'Hitler au pouvoir
00:21:12a été une révélation quasi divine pour William Pelley.
00:21:16Il affirme qu'à travers ses contacts spirituels
00:21:19et politiques, ce qu'il est devenu après sa période de scénariste à Hollywood,
00:21:23certains prophètes de l'au-delà lui ont dit qu'il devait fonder
00:21:26aux Etats-Unis un mouvement similaire à celui qu'il voit dans l'Allemagne nazie.
00:21:32Dès 1933, Pelley fonde les Silver Shirts,
00:21:36les chemises d'argent.
00:21:38Il recrute des hommes qui l'équipent d'uniformes semblables
00:21:41à ceux d'immilices nazies.
00:21:43Leurs chemises grises sont brodées du L de Légion.
00:21:47Il crée un journal, le Silver Ranger,
00:21:50dont la propagande s'en prend aux Juifs et aux communistes.
00:21:55En parallèle, sa Légion puissamment armée
00:21:58s'entraîne en vue du grand soir.
00:22:03Ce qui distingue la Légion de tant de ses groupes,
00:22:06y compris le German-American Boon,
00:22:08c'est qu'il y a des membres de la Légion,
00:22:10souvent sans la permission directe de Pelley,
00:22:13qui commencent à s'impliquer dans des tentatives de renversement du gouvernement.
00:22:19Leur plan était d'être capables d'avoir un impact militaire conséquent
00:22:23au moment voulu.
00:22:25Et le moment voulu serait lorsqu'il y aurait un danger imminent
00:22:28d'une révolution communiste aux Etats-Unis.
00:22:33Alors que Roosevelt vient de remporter un deuxième mandat,
00:22:36l'opposition est de plus en plus radicale.
00:22:39Pour les Silver Shirts, mais aussi pour le père Charles Kaufling,
00:22:43qui fonde secrètement le mouvement extrémiste du Front chrétien en 1938,
00:22:47l'heure de passer à l'action armée a sonné.
00:22:50Le Front chrétien qui va se fédérer autour de Kaufling
00:22:53par des gens qui ne sont pas liés directement à lui,
00:22:56mais qui l'ont écouté et qui vont considérer qu'ils sont
00:22:59une sorte d'avant-garde de la défense de l'Amérique
00:23:02contre les Juifs, contre l'administration Roosevelt,
00:23:05qui est en train de détruire les bases idéologiques
00:23:08et les bases presque raciales de ce pays.
00:23:13Le Front chrétien recrute rapidement
00:23:16des dizaines de milliers de militants.
00:23:19A la fin des années 30, le FBI les estime à près de 30 000.
00:23:23Basé à Boston, le mouvement est sème sur la côte est.
00:23:27Les militants mettent rapidement en œuvre la doctrine du Front.
00:23:35Des adeptes qui ont juré de ne jamais faire leurs achats
00:23:38chez les commerçants juifs, de ne jamais soutenir un candidat
00:23:42qui ne suivrait pas la foi chrétienne.
00:23:45Ils faisaient des descentes dans les rues.
00:23:48Ils avaient un journal appelé Social Justice.
00:23:51Il était rempli de choses telles que le protocole des sages de Sion.
00:23:58Ils s'en prenaient également aux personnes d'apparence juive.
00:24:03Beaucoup plus inquiétant,
00:24:05en vue de renverser le gouvernement des États-Unis,
00:24:08le Front chrétien crée plusieurs cellules clandestines
00:24:11appelées comités d'action.
00:24:13Ils sont composés d'hommes jeunes
00:24:15qui ont déjà, pour la plupart, une expérience militaire.
00:24:21Ils utilisaient des mitrailleuses,
00:24:23des mitrailleuses semi-automatiques,
00:24:25de l'artillerie, de l'artillerie,
00:24:27de l'artillerie, de l'artillerie,
00:24:29de l'artillerie, de l'artillerie,
00:24:31de l'artillerie, de l'artillerie,
00:24:33pour s'entraîner en vue de ce qu'ils voyaient venir,
00:24:36c'est-à-dire une révolution communiste aux États-Unis
00:24:39qui serait provoquée par l'infiltration des communistes
00:24:42au sein de l'administration Roosevelt.
00:24:46Et quand ils voyaient des communistes,
00:24:48ils voyaient aussi des Juifs.
00:24:50Et quand ils voyaient des Juifs, ils voyaient des communistes.
00:24:55En 1940, le groupe basé à Brooklyn dans l'État de New York
00:24:59passe à une phase active.
00:25:02Les agents du front chrétien apprenaient à fabriquer des bombes.
00:25:06Ils fabriquaient des bombes
00:25:08dans les sous-sols de leurs appartements à Brooklyn
00:25:11et ils allaient au-delà de la fabrication artisanale
00:25:14pour passer à des types de bombes plus dangereuses
00:25:17en utilisant des obus d'artillerie de la Première Guerre mondiale.
00:25:21Ça a vraiment donné une image de violence
00:25:24et le risque de quelque chose de beaucoup plus important.
00:25:29Peut-être même un renversement violent
00:25:32du gouvernement américain.
00:25:38Face à la menace grandissante,
00:25:40un journal décide d'alerter le grand public.
00:25:43Il y a quelques jours,
00:25:45un journaliste de l'État de New York
00:25:48En 1937, le Chicago Daily Times
00:25:51envoie en immersion deux de ses journalistes au sein du Bund.
00:25:55John et James Metcalfe sont deux frères nés en Allemagne,
00:25:59naturalisés américains.
00:26:01Après plusieurs mois,
00:26:03la publication de leur reportage provoque une immense onde de choc.
00:26:07En réponse, un comité d'enquête sur les activités anti-américaines
00:26:11est créé en 1938.
00:26:14Le Bund décide de répliquer.
00:26:17Il veut montrer qu'il est populaire et pertinent dans cette Amérique
00:26:21où ses idées n'ont cessé de gagner du terrain.
00:26:24Le 20 février 1939,
00:26:26il organise à New York l'élection présidentielle
00:26:29de l'Assemblée nationale de l'Amérique du Sud.
00:26:32Le président de l'Assemblée nationale de l'Amérique du Sud
00:26:36est le président de l'Assemblée nationale de l'Amérique du Sud.
00:26:40Le 20 février 1939,
00:26:42il organise à New York un immense rassemblement
00:26:45au Madison Square Garden.
00:26:47Le maire de la ville l'autorise
00:26:49au nom du premier amendement de la Constitution
00:26:52qui garantit la liberté d'expression.
00:26:57New York compte pourtant
00:26:59la plus grande population juive des États-Unis.
00:27:02Le rassemblement est une véritable provocation.
00:27:05Plus de 20 000 bundistes y participent.
00:27:08A l'extérieur, plusieurs dizaines de milliers de manifestants
00:27:12tentent aussi d'entrer dans l'immense salle de spectacle.
00:27:38...
00:27:48...
00:28:14...
00:28:17Comme c'était un événement très visible,
00:28:20on a pensé que les orateurs du Bound
00:28:22réfrénaient leurs discours les plus haineux,
00:28:25au sujet des Juifs notamment.
00:28:27Mais ce ne fut pas le cas.
00:28:35La soirée est électrique.
00:28:37Un premier incident éclate quand, au milieu de la foule,
00:28:41Dorothy Thompson, journaliste anti-nazie, crie sa colère.
00:28:46...
00:28:49Son évacuation manue militare
00:28:51est filmée.
00:28:53...
00:28:58Devant un public survolté,
00:29:00Fritz Kuhn monte enfin sur scène.
00:29:03...
00:29:11Acclamations
00:29:16...
00:29:41...
00:30:02Isidor Greenbaum, un jeune plombier juif de 26 ans,
00:30:06révolté par ce discours, se jette sur scène.
00:30:09...
00:30:14La police doit intervenir
00:30:16pour éviter son lâchage par le service d'ordre du Bound.
00:30:20...
00:30:23...
00:30:29Acclamations
00:30:32...
00:30:40...
00:30:42Alors que les incidents se multiplient à l'intérieur,
00:30:45à l'extérieur, la situation vire à l'émeute
00:30:48entre la police et les manifestants opposés à l'événement.
00:30:52...
00:31:03...
00:31:07En réponse à ces débordements,
00:31:09le procureur général de New York est mandaté pour s'attaquer à Kuhn.
00:31:14...
00:31:16Ses limiers trouvent rapidement de quoi l'incriminer.
00:31:19...
00:31:23...
00:31:25Kuhn a entretenu un réseau de maîtresses à travers le pays,
00:31:28et il utilisait ces fonds pour ses dépenses personnelles,
00:31:31mais aussi pour celles de ses femmes.
00:31:34...
00:31:50...
00:31:53Fritz Kuhn est finalement jugé
00:31:55pour détournement de fonds et évasion fiscale.
00:31:58Il est condamné à deux ans d'emprisonnement.
00:32:01...
00:32:04Alors que Kuhn est dans la prison de Sing Sing,
00:32:07au même moment, William Dudley Pelley, le chef de la Silver Legion,
00:32:11est confronté à de multiples accusations
00:32:14et ira bientôt en prison pour quelques années.
00:32:17...
00:32:21...
00:32:24Pour les sympathisants du nazisme aux Etats-Unis,
00:32:27le vent s'apprête à tourner.
00:32:29De l'autre côté de l'Atlantique, l'Europe a basculé.
00:32:33En septembre 1939, la France et la Grande-Bretagne
00:32:36sont entrées en guerre contre l'Allemagne nazie.
00:32:39La crainte d'une extension du conflit gagne l'Amérique.
00:32:42...
00:32:46Face à la menace croissante,
00:32:48le Congrès décide de renforcer les moyens du FBI
00:32:51et durcit sa législation sur les activités anti-américaines.
00:32:55Les pro-nazis sont dans le collimateur.
00:32:58...
00:33:01Jusqu'alors, les autorités
00:33:03avaient pourtant focalisé leur attention sur le communisme.
00:33:08L'Union soviétique était considérée comme le grand ennemi.
00:33:12C'est pourquoi des gens comme Edgar Hoover, le chef du FBI,
00:33:16ont consacré d'énormes ressources à l'attraque des communistes.
00:33:20Les communistes n'avaient pas de base efficace en Amérique.
00:33:24Ils n'avaient pas les mêmes sommes d'argent que les Allemands
00:33:28pour corrompre les gens, les influencer et les faire travailler.
00:33:32...
00:33:35...
00:33:38...
00:33:41...
00:33:44Jusqu'alors, Hoover, radicalement anticommuniste,
00:33:47n'avait pas saisi l'ampleur du danger nazi.
00:33:50...
00:33:53Lorsque les États-Unis ont commencé à se rendre compte
00:33:56qu'il existait des liens entre ces groupes
00:33:59et les efforts de propagande politique nazie
00:34:02et les efforts de sabotage potentiel et d'espionnage,
00:34:05le Congrès américain a tenté d'y remédier
00:34:08en adoptant une nouvelle législation.
00:34:11C'est le cas avec la loi sur l'enregistrement des agents étrangers
00:34:15qui nous a permis de poursuivre en justice
00:34:18certains des dirigeants de ces groupes.
00:34:21Suite à une infiltration, le 14 janvier 1940,
00:34:24des dizaines d'agents du FBI font un raid
00:34:27contre la cellule du Front chrétien de Brooklyn.
00:34:30Plusieurs jeunes hommes sont arrêtés.
00:34:33Les motifs de ce coup de filet sont extrêmement inquiétants.
00:35:01Il est évident que l'organisation s'armait de plus en plus
00:35:05et devenait de plus en plus dangereuse.
00:35:08C'est pourquoi, à mon avis, la vague d'arrestation du Front chrétien
00:35:12le 14 janvier 1940 n'avait rien à voir avec des préoccupations politiques.
00:35:16C'était surtout une question de sécurité nationale.
00:35:26Le Front chrétien préparait une attaque massive d'institutions
00:35:30à l'ouest américaine avec la bénédiction du père Coughlin.
00:35:34Pourtant, Coughlin, le puissant homme de médias, n'est pas inquiété.
00:35:43Pour les autorités, la situation est très complexe.
00:35:47Le père Coughlin est un prêtre
00:35:50et le FBI est très soucieux de ne pas bafouer les droits religieux.
00:35:55Coughlin est protégé par la Constitution,
00:35:58mais les 17 prévenus de Brooklyn, eux, sont accusés de sédition.
00:36:03Le ministère public espère obtenir de lourdes condamnations.
00:36:07Le procureur John Rogge,
00:36:09chef de la division criminelle au ministère de la Justice,
00:36:13est un jeune fonctionnaire à la réputation implacable.
00:36:17Beaucoup ont invoqué l'atteinte à leur libre expression.
00:36:20On disait que ce que je fais, c'est simplement faire circuler des idées.
00:36:25Dans le système américain, le procureur doit prouver l'intention.
00:36:30Est-ce qu'il voulait obtenir un soulèvement, la destruction de l'Etat ?
00:36:35C'est très compliqué de prouver l'intention.
00:36:38Cette intention doit être prouvée
00:36:41et les 12 membres du jury doivent l'accepter,
00:36:45puisqu'il faut l'unanimité au-delà du doute raisonnable.
00:36:51Tout s'est donc effondré et ils ont tous été acquittés.
00:36:55Le chef du Front chrétien de New York a immédiatement demandé au juge
00:37:00s'il pouvait récupérer ses armes, ce qui a été accordé,
00:37:04et il est sorti du tribunal de Brooklyn les armes à la main.
00:37:11Le procès est un échec retentissant pour le gouvernement.
00:37:15Leur tentative de coup d'Etat a échoué,
00:37:18mais la motivation des membres du Front chrétien reste intacte.
00:37:22Alors que la guerre se profile, tout doit être mis en œuvre
00:37:26pour faire échouer Roosevelt, qui brigue un nouveau mandat.
00:37:30Le monde était en feu.
00:37:32Roosevelt pensait qu'il était le mieux placé
00:37:35pour guider l'Amérique dans cette période difficile.
00:37:38Et c'est ce qu'il a fait. Il a été un dirigeant très efficace.
00:37:42Des millions d'Américains ont le sentiment légitime
00:37:46que les États-Unis devraient rester en dehors de la guerre
00:37:50et renforcer ses relations avec l'Allemagne nazie.
00:37:53Ce dont beaucoup se rendent compte, les extrémistes
00:37:56ainsi que le ministère allemand des Affaires étrangères,
00:37:59c'est qu'il s'agit vraiment de la dernière occasion
00:38:02de vaincre Roosevelt sur le plan politique
00:38:05avant l'entrée en guerre probable des États-Unis.
00:38:08Les membres du Front chrétien choisissent alors
00:38:11de se rapprocher de l'appareil clandestin nazi aux États-Unis.
00:38:16Au printemps 1940, le mouvement du Front chrétien
00:38:19en Nouvelle-Angleterre et à Philadelphia
00:38:22est presque directement contrôlé par des agents nazis,
00:38:26notamment des membres de l'état-major SS.
00:38:33Propagande pro-nazie, espionnage, sabotage.
00:38:36Tout est mis en œuvre pour empêcher l'entrée en guerre
00:38:40des États-Unis et la réélection de Roosevelt.
00:38:46À l'été 1940, une série d'attentats secoue l'Amérique.
00:38:50Trois usines de fabrication de poudre sont détruites,
00:38:53réduisant d'un quart la production militaire américaine.
00:39:00Bien que le groupuscule représente
00:39:02une toute petite minorité aux États-Unis,
00:39:05leur opposition à Roosevelt et sa politique extérieure
00:39:08est largement partagée dans l'Amérique isolationniste de 1940.
00:39:17Les isolationnistes, le mouvement anti-guerre,
00:39:20n'étaient pas seulement un mouvement populaire.
00:39:23C'était aussi un mouvement politique.
00:39:26Certains de ses membres étaient de puissantes personnalités du Congrès.
00:39:31C'est un monde qui est très perméable aux idées fascistes
00:39:35parce qu'il considère qu'il partage avec les fascistes
00:39:39un même système de valeurs,
00:39:41qui est la défense d'une race dite nordique,
00:39:44en tout cas une race anglo-saxonne,
00:39:46des valeurs civilisationnelles et un ennemi commun,
00:39:49qui est le bolchévique et le juif, le judéo-bolchévisme.
00:39:53C'est une menace qu'il considère bien plus grande
00:39:56que quelque nazi que ce soit.
00:40:03Avec de puissants soutiens politiques et industriels,
00:40:06un comité est créé en septembre 1940,
00:40:09America First.
00:40:14Sous l'œil approbateur du régime nazi,
00:40:17ce lobby s'oppose à toute forme d'intervention américaine dans la guerre.
00:40:23Son porte-parole est un héros américain,
00:40:26l'aviateur Charles Lindbergh,
00:40:28connu dans le monde entier pour ses exploits.
00:40:34Un temps installé en Europe,
00:40:36il a côtoyé le régime nazi pendant toute la seconde moitié des années 30.
00:40:41Le gouvernement allemand l'invite à visiter ses installations aéronautiques.
00:40:45Goering lui remet des récompenses.
00:40:47Il pilote leurs meilleurs avions de combat
00:40:49et il est très vite impressionné
00:40:51par ce qu'il appelle le dynamisme du peuple allemand.
00:40:57Charles Lindbergh déclare même que l'Allemagne ne cherche qu'à étendre son territoire
00:41:01par des moyens militaires comme l'Angleterre et la France
00:41:04l'avaient fait pendant des centaines d'années auparavant.
00:41:08Lorsque Charles Lindbergh est devenu le porte-parole du mouvement America First,
00:41:13celui-ci s'est transformé en une campagne nationale très, très puissante
00:41:18visant à maintenir les Etats-Unis en dehors de la guerre.
00:41:24A l'automne 1940, Roosevelt est réélu pour un troisième mandat.
00:41:28L'entrée en guerre semble imminente.
00:41:31America First dénonce l'aide fournie au Royaume-Uni pour son effort de guerre.
00:41:38Et vous commencez à le voir sortir et organiser des rassemblements massifs en 1941.
00:41:43Vous savez, dix mille, vingt mille, trente mille personnes
00:41:46qui remplissent le Madison Square Garden.
00:41:48Et avec ce message, de plus en plus au vitriol.
00:41:52Dans son grand discours de démoine,
00:41:54le président de l'Union Européenne,
00:41:56le président de l'Union Européenne,
00:41:58le président de l'Union Européenne,
00:42:00le président de l'Union Européenne,
00:42:02le président de l'Union Européenne,
00:42:04le président de l'Union Européenne,
00:42:05le président de l'Union Européenne,
00:42:07il y a trois ennemis aux Etats-Unis.
00:42:10C'est les industriels, c'est Roosevelt et c'est les Juifs.
00:42:13C'est eux qui vont pousser à la guerre.
00:42:15C'est eux qui poussent l'Amérique à entrer en guerre.
00:42:19Des dizaines de milliers de sympathisants nazis
00:42:22qui avaient peut-être caché leur affinité politique avec l'Allemagne nazie
00:42:26rejoignent le mouvement America First.
00:42:28Ils étaient 800 000 Américains
00:42:30officiellement membres de l'America First avant Père Larbourg.
00:42:34par l'arbre. Mais bien au-delà du lobbying, l'isolationnisme permet aux nazis d'infiltrer
00:42:41le sommet de l'appareil politique. C'est un accident qui révèle au public l'ampleur
00:42:46de l'ingérence et la campagne d'influence nazie qui gangrène le territoire américain.
00:42:51Le 30 août 1940, un DC-3 s'écrase près de Washington DC. Parmi les victimes, le sénateur
00:43:05républicain du Minnesota, Ernest Landin, accompagné de deux agents du FBI et un procureur du
00:43:11ministère de la justice. Parmi les débris, les enquêteurs retrouvent un futur discours
00:43:16du sénateur, un discours résolument pro-Allemagne et isolationniste. Son auteur n'est autre que
00:43:23George Sylvester Wierch, l'agent allemand chargé par le régime nazi de diffuser ses idées aux États-Unis.
00:43:30Il avait eu cette idée et l'avait présentée à Hitler et au commandement allemand. L'idée était
00:43:39d'essayer de coopter des politiciens américains pour l'aider à diffuser la propagande nazie,
00:43:44tout cela sous le couvert officiel de l'État américain. Pour être honnête, les Allemands étaient
00:43:49un peu sceptiques. Ils ne pensaient pas vraiment qu'ils seraient capables de réussir, mais le
00:43:53succès a dépassé leurs espérances les plus folles. La presse commence à se rendre compte que Landin
00:44:04est plus qu'un simple isolationniste. C'était peut-être un agent actif pour le comte de l'Allemagne.
00:44:10On a commencé à prendre conscience qu'il existait une sorte d'ennemi intérieur clandestin,
00:44:16un ennemi qui soutenait le mouvement isolationniste et menaçait peut-être la démocratie dans le pays.
00:44:24La trahison du sénateur Landin est telle que dès le lendemain de son décès,
00:44:33son épouse se précipite à son bureau pour tenter d'éliminer les preuves.
00:44:40À sa mort, sa femme retire une grande partie de sa correspondance de son bureau au Sénat,
00:44:45probablement dans le but de dissimuler la véritable nature de ses relations avec Viereck.
00:44:50Mais ses archives sont aujourd'hui disponibles. Les historiens peuvent les consulter et les
00:44:54documents montrent très clairement que Viereck et Landin avaient des relations
00:44:58personnelles et professionnelles. Il y a des lettres dans lesquelles Viereck dit à Landin
00:45:03qu'il est prêt à écrire des articles en son nom qui seront publiés dans les principaux
00:45:06journaux américains. Il rédige des discours pour Landin.
00:45:09L'ampleur des révélations a choqué les Américains. Un certain nombre de personnes
00:45:16très connues étaient impliquées dans cette affaire. Et ils étaient en fin de compte
00:45:19environ 20 à 25 membres du Congrès et sénateurs qui ont volontairement travaillé avec Viereck.
00:45:25L'agent Viereck parvient à organiser la diffusion de la propagande nazie depuis
00:45:33les plus hautes sphères des institutions démocratiques américaines.
00:45:37Ce Viereck a monté une opération absolument fabuleuse. On ne peut que l'admirer. Il a
00:45:43fait en sorte d'avoir des liens privilégiés avec un certain nombre de membres de la Chambre
00:45:47des représentants, un certain nombre de sénateurs pour qui il écrivait des discours, des discours
00:45:52pro-nazis évidemment. Donc ses élus faisaient leurs discours et la beauté c'est que tous
00:45:57les discours sont reproduits dans ce qui est l'équivalent de notre journal officiel qui
00:46:01s'appelle le Congressional Record. Et ensuite l'élu en question, on lui demandait gentiment
00:46:06de bien vouloir imprimer son discours et de l'envoyer à ses administrés.
00:46:10Ils ont donc utilisé des millions d'enveloppes gratuitement affranchies par l'État, remplies
00:46:18de propagande nazie avec l'adresse de retour d'un membre du Congrès ou d'un sénateur du
00:46:23Capitole. Ils ont inondé l'électorat américain et bien sûr les Américains qui recevaient ces
00:46:28lettres de leurs députés pensaient qu'il ne s'agissait que de déclarations légitimes de
00:46:33personnes s'exprimant en pleine conscience contre la politique de Roosevelt, sans jamais
00:46:37réaliser qu'il s'agissait de propagande nazie qui leur a été distribuée à leurs propres frais.
00:46:44Mais deux événements détournent soudainement l'attention de l'opinion. L'attaque du Japon
00:46:50à Pearl Harbor le 7 décembre 1941 et la déclaration de guerre de l'Allemagne à l'Amérique provoquent
00:46:56une onde de choc. Le comité America First s'autodissout. L'entrée en guerre de l'Amérique
00:47:02offre une échappatoire aux élus corrompus. Un homme entend les en empêcher, John Rogge qui avait
00:47:09échoué à faire condamner le front chrétien à Brooklyn, bâtit un dossier solide impliquant
00:47:14une trentaine de pro-nazis. Trois ans plus tard, le 3 janvier 1944, s'ouvre le plus grand procès américain
00:47:22pour sédition. Une fois de plus, la machine politique prend l'au-dessus sur la justice. En
00:47:35plus, le procès mené par le procureur Rogge est si stressant que le juge meurt d'une crise
00:47:41cardiaque en plein milieu de ce procès qui ne dure que quatre mois. Le procès pour sédition
00:47:49finit par être une véritable farce. L'accusation n'a même jamais pu finir de présenter ses
00:47:54arguments et plutôt que d'essayer de relancer le procès avec un nouveau juge, le ministère de la
00:47:59justice décide en fait d'abandonner l'affaire. Mais Rogge n'a pas l'intention d'abandonner. Il
00:48:06s'est rendu en urgence dans la zone libérée de l'Allemagne où un officier du renseignement
00:48:10américain a découvert des documents hautement compromettants. Rogge a accès à des centaines
00:48:17de milliers de communications entre l'ambassade d'Allemagne à Washington et Berlin, prouvant que
00:48:22ces personnes étaient impliquées, montrant le montant des sommes dépensées. Ce sont des millions
00:48:27et des millions. On estime que les Allemands ont dépensé 100 millions de dollars en monnaie
00:48:31d'aujourd'hui dans le cadre de cette campagne de désinformation du système américain. À son
00:48:37retour d'Allemagne, au vu des éléments compromettants qu'il rapporte de son voyage,
00:48:42il espère faire rouvrir le procès. Nous ne pouvons pas vraiment comprendre à quel point ce
00:48:53rapport est explosif. Cela équivaudrait à découvrir des choses incroyablement scandaleuses
00:48:57sur des chefs d'entreprises américains connus de tous et sur certains des hommes politiques les
00:49:02plus en vue du pays. Mais il ne faut pas oublier que la situation politique des Etats-Unis a
00:49:06considérablement changé. Au moment où John Rogge écrit son rapport en 1945,
00:49:11Franklin Roosevelt est décédé. Le nouveau président Harry Truman a siégé au Sénat américain peu de
00:49:17temps auparavant, et il a donc des liens étroits avec certaines des personnes mentionnées dans
00:49:21ce rapport. Le sénateur Burton Wheeler le convint de mettre fin à cette enquête. En 1946 et 47,
00:49:29l'Amérique voulait passer à autre chose. L'idée de savoir qui était nazi et qui recevait de l'argent
00:49:35des nazis n'était plus d'actualité. Le public américain voulait vraiment acheter sa voiture,
00:49:40son réfrigérateur, envoyer ses enfants à l'école et laisser tout cela derrière lui. Et c'est
00:49:45exactement ce qu'ils ont fait. Malgré des preuves accablantes, le rapport de Rogge est enterré.
00:49:51Frustré, il en dévoile une partie au grand public. Il est immédiatement licencié. Cela montre les
00:50:01problèmes liés à l'équilibre des pouvoirs, notamment lorsque des personnes hautement placées
00:50:06utilisent leurs privilèges pour contrecarrer la justice. Et je pense qu'aujourd'hui nous sommes
00:50:11confrontés à une situation très similaire aux États-Unis, avec des personnes qui tentent
00:50:16délibérément de nuire au bon fonctionnement du système judiciaire, celui du processus électoral
00:50:21et de manière générale à celui des institutions américaines. Le fait de ne pas avoir purgé ce
00:50:28passé fait qu'on a retrouvé des traces jusqu'à aujourd'hui. Les mouvements fascistes américains,
00:50:33dont certains d'ailleurs portent les mêmes noms à America First, le mouvement de Donald Trump est
00:50:39absolument indissociable du mouvement de l'entre-deux-guerres, s'expliquent précisément
00:50:45par un passé qui n'a jamais été purgé en raison de la Première Guerre mondiale, de la Seconde
00:50:50Guerre mondiale, en raison aussi certainement de cette liberté d'expression qui garantit aussi
00:50:56l'expression des pires horreurs dans ce pays. L'Amérique a choisi de ne pas regarder ce passé
00:51:05en face. Les conjurés, soupçonnés ou coupables d'avoir participé à différents complots pro-nazis
00:51:11contre les institutions, n'ont pas été inquiétés. Seules deux figures ont subi les foudres judiciaires.
00:51:18Fritz Kuhn, le patron du Bund, est condamné une seconde fois puis déchu de sa nationalité
00:51:24américaine avant d'être expulsé vers l'Allemagne. L'agent nazi, Georges-Sylvester Viereck, a été
00:51:31condamné à de la prison ferme. Les élus de la nation s'en sont tous sortis indemnes. Les
00:51:38responsables politiques d'après-guerre ont tourné la page, préférant oublier les complicités nazis
00:51:43qui ont révélé les fragilités de la démocratie américaine.
00:51:47Durant les années 30, la flambée du fascisme et du nazisme en Europe n'aura donc pas épargné les
00:51:56Etats-Unis, en témoigne à l'instance documentaire réalisée par Emmanuel Amara, où comment, pendant
00:52:02plus de dix ans, plusieurs mouvements extrémistes ont songé à renverser la démocratie américaine
00:52:08par les armes, tandis que l'Allemagne nazie lançait dans le pays une vaste opération de propagande
00:52:13visant à empêcher l'entrée en guerre des Etats-Unis. Mais quelle fut l'ampleur de cette tentation nazi
00:52:18outre-Atlantique au moment où l'Amérique traversait la plus grave dépression économique de son histoire ?
00:52:24Nous allons maintenant en débattre, en parler, avec notre invitée présente aujourd'hui sur ce plateau
00:52:29de Débat Doc. C'est vous, Hélène Arter, bienvenue à vous. Vous êtes historienne, professeure d'histoire
00:52:35contemporaine à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et directrice du Centre de recherche d'histoire
00:52:40nord-américaine et du Centre de recherche d'études canadiennes. Votre dernier livre s'intitule
00:52:45« Très brève histoire des Etats-Unis », publié aux éditions Calippe, et nous citerons aussi, concernant
00:52:51votre actualité littéraire, Eisenhower, le chef de guerre devenu président, publié cette année, mais cette fois
00:52:58chez Talendier. Regardons ensemble, si vous en êtes d'accord, un premier extrait de ce film. Il est question
00:53:04de l'antisémitisme aux Etats-Unis en ce début des années 30.
00:53:09La plupart des Américains ne comprenaient pas les causes de la dépression économique. La question de l'origine
00:53:16de la dépression se posait donc avec acuité.
00:53:20Et ce sont les Juifs qui sont désignés coupables. C'est l'explication qu'ils trouvent pour comprendre
00:53:27les malheurs qui touchent la nation.
00:53:31Derrière ces accusations se profilent toutes les théories antisémites des années 30. Les Juifs seraient derrière
00:53:38la prise de pouvoir par les bolcheviques en 1917, et les véritables dirigeants de l'URSS.
00:53:45Alors après cet extrait, et ça peut frapper pour ceux qui ont vu ce film, il me semblait important de vous poser
00:53:52tout de même cette première question. Quelle est l'ampleur de l'antisémitisme qui règne aux Etats-Unis au début
00:53:58de ces années 30, durant cette grande dépression américaine ? Est-ce qu'on peut la quantifier, l'analyser un tant soit peu ?
00:54:06En effet, c'est une question intéressante. Peut-être d'abord rappeler la place qu'occupent les Juifs dans la société américaine.
00:54:12Ils sont à peu près 1% d'une population qui est d'un peu plus de 100 millions d'Américains, donc ils sont très peu,
00:54:18mais c'est une population qui a considérablement augmenté à la fin du XIXe siècle, début du XXe siècle,
00:54:24avec des migrants qui sont venus de l'Empire russe et de l'Empire austro-hongrois.
00:54:29Et cette communauté juive s'est complètement diversifiée, elle s'est politisée aussi.
00:54:35On voit de manière très intéressante dans le reportage l'évocation d'idées communistes.
00:54:40Et donc cette communauté, finalement, elle est vue d'un œil nouveau par les Américains.
00:54:46Le fermement antisémite a tendance à se développer dans les années 20, bien qu'il y ait la prospérité,
00:54:53et il s'aggrave au début des années 30 avec la crise, en s'appuyant sur l'idée qu'on trouve dans d'autres pays que les Juifs seraient responsables.
00:55:01Cet antisémitisme ambiant déteint-il, un ton soit peu, sur l'idéologie des deux formations politiques majeures américaines,
00:55:10autrement dit, chez les Républicains ou chez les Démocrates, à l'époque ?
00:55:14Alors pas tellement sur les... Même pas du tout, d'ailleurs, sur les programmes.
00:55:18C'est plutôt au sein de l'opinion publique que certains sont plus sensibles à cette question.
00:55:23Je crois qu'il faut rappeler, d'ailleurs, que dans les années 1920, alors que la prospérité est là,
00:55:28les Juifs sont victimes de discriminations, parfois l'embauche,
00:55:32surtout dans les universités, où il y a des sortes de numerus clausus
00:55:36qui empêchent les meilleurs d'aller dans les meilleurs établissements du pays.
00:55:41Donc c'est quelque chose qui, quand même, traverse la société.
00:55:45Et puis, à l'autre côté de l'échelle, dans les classes populaires, notamment dans le Sud,
00:55:50on a un antisémitisme qui se retrouve notamment à travers l'adhésion au Klan, au Ku Klux Klan.
00:55:57Le Ku Klux Klan, oui.
00:55:58Oui, donc on voit bien que c'est quelque chose qui est assez répandu dans la société dans ces années 1920,
00:56:05et évidemment encore plus dans les années 1930, alors que la crise frappe de plein fouet le pays.
00:56:11On voit dans ce film, que nous avons regardé ensemble,
00:56:14plusieurs personnalités qui sont, d'une certaine manière, les porte-parole
00:56:18de cet antisémitisme ambiant du côté des Etats-Unis à l'époque,
00:56:23notamment le prêtre catholique Charles Kuhling, qui est évoqué assez longuement.
00:56:29Il en est un dont on ne parle pas dans ce film, c'est Henry Ford, le constructeur automobile.
00:56:33Son influence était importante en la matière outre-Atlantique, à l'époque ?
00:56:37Tout à fait, c'est un personnage central dans la vie des Etats-Unis, homme d'affaires qui a extrêmement réussi.
00:56:44C'est l'homme qui permet, d'une certaine manière, de faire en sorte que la majorité des Américains aient une voiture.
00:56:50Donc c'est quelqu'un qui a une audience extrêmement forte dans la société,
00:56:54et qui ne se prive pas d'exprimer ses idées, et notamment des idées antisémites.
00:57:00Donc il a forcément une influence.
00:57:02Il y a de nombreux écrits d'ailleurs, qui témoignent de cet antisémitisme d'Henry Ford.
00:57:06Les suprématistes blancs, chrétiens, les ségrégationnistes, sont-ils aussi antisémites à cette époque ?
00:57:14On pense par exemple au pucus blanc.
00:57:16Ils le sont aussi, et c'est intéressant parce qu'on voit que ce sont diverses couches de la société qui sont traversées par ces idées.
00:57:23Ces suprémacistes sont évidemment majoritairement obsédés par la question raciale,
00:57:29mais dans leur détestation, ils associent aussi les Juifs,
00:57:33ils associent aussi les immigrants récents qui viennent d'Europe de l'Est et de l'Europe centrale.
00:57:39Et quand ces immigrants sont en plus Juifs, on voit bien que c'est une double détestation.
00:57:44Et on voit vraiment que dans leur conception du monde et de ce que doit être l'Amérique,
00:57:49ils sont dans l'idée que ces populations n'ont pas vocation à être des Américains.
00:57:55Parallèlement à cet antisémitisme qui règne dans une partie de la population aux Etats-Unis,
00:58:01en tout cas c'est présenté comme tel dans le documentaire que nous allons voir,
00:58:04le régime nazi, lui, développe une vaste opération de propagande aux Etats-Unis
00:58:08pour faire la promotion de son régime et du nazisme, de son idéologie.
00:58:12On va voir un autre extrait du documentaire.
00:58:15Nous sommes le 20 février 1939 au Madison Square Garden à New York.
00:58:20On regarde.
00:58:24Chers Américains, patriotes américains.
00:58:28Si vous vous demandez pourquoi nous nous battons activement sous notre chargé,
00:58:35d'abord, un gentil de la justice sociale qui a régéré les Etats-Unis.
00:58:41Deuxièmement, une union de travail contrôlée par les gentils,
00:58:47libre de la domination directe de la Mosquée juive.
00:58:54Un jeune plombier juif de 26 ans, révolté par ce discours, se jette sur scène.
00:59:04La police doit intervenir pour éviter son lâchage par le service d'ordre du Bound.
00:59:14Nous sommes le 21 février 1939 au Madison Square Garden à New York.
00:59:21Là, nous sommes en février 1939.
00:59:26La guerre n'a pas encore commencé en Europe et bien évidemment pas encore du côté américain.
00:59:34Ce que nous avons vu là, c'est une réunion du German-American Boon dont il est beaucoup question dans ce film.
00:59:41Ça, c'est un outil monté de toutes pièces par le régime nazi, c'est bien ça ?
00:59:45On voit bien que là, on a un bel exercice de déstabilisation pour empêcher les Américains de soutenir l'idée d'une entrée en guerre.
00:59:54Je crois que c'est intéressant aussi de rappeler que c'est dans la continuité de ce qui s'est passé pendant la Première Guerre mondiale
01:00:00où l'État allemand, qui n'était pas nazi à l'époque évidemment, a mis en place tout un réseau d'influence aux Etats-Unis
01:00:06pour convaincre les Américains de rester neutres mais ensuite, en cas d'entrée en guerre, d'être de leur côté.
01:00:13Et on voit bien qu'il y a eu une concurrence entre les Allemands, les Français et les Britanniques.
01:00:19Et donc en fait, ils s'appuient sur quelque chose qui est quand même très préexistant et aussi, ils s'appuient sur l'antisémitisme qui est là.
01:00:28Donc on voit bien qu'ils n'ont aucune ambition de renverser le gouvernement en fait.
01:00:33C'est pas ça qui les intéresse, ils savent bien d'ailleurs qu'ils n'en ont pas les forces.
01:00:37Ce discours touche une infime minorité d'Américains.
01:00:41Malgré les images très fortes qu'on a vues, ces camps d'entraînement qui sont recréés...
01:00:46Oui, évidemment, il y a un certain nombre d'Américains qui sont sensibles à ces idées.
01:00:53Mais ça reste minoritaire ?
01:00:55Mais ça reste extrêmement minoritaire.
01:00:57Et de toute façon, on le voit bien, la grande majorité des Américains, plus de 90-95%, sont démocrates au sens fort du terme,
01:01:05croient au fait que c'est la vie politique et les élections qui permettent de faire avancer le pays.
01:01:10Ils ne sont pas du tout séduits par ce qui se passe en Allemagne.
01:01:13D'autant qu'en 1939, l'économie américaine est quand même plutôt sur la voie d'un retour à une situation positive.
01:01:22Donc ce discours, il n'est pas vraiment audible aux Etats-Unis.
01:01:26Les Américains croient en Roosevelt.
01:01:28Et d'ailleurs, on le voit bien, en 1940, ils le réalisent.
01:01:32Et ils ne croient pas en Fritz Kuntz, qui est le leader.
01:01:35Je crois que la presse américaine le dénommait le fureur américain, tout simplement.
01:01:39Oui, c'est aussi la question de la médiatisation de ces mouvements dans un pays qui, on le rappelle, est une démocratie.
01:01:47Et peut-être qu'il faut aussi rappeler que la Constitution américaine, par son premier amendement, garantit la liberté d'expression des idées les plus outrancières.
01:01:57Et qu'en fait, ces gens qui se rassemblent dans ce lieu se prévalent de la liberté d'expression.
01:02:05Elle revendique qu'entre 100 et 200 000 adhérents, sympathisants, je ne sais pas comment on peut dire les choses, ce chiffre ne va pas au-delà.
01:02:13Non, ça ne va pas au-delà. Il faut le rapporter à ce qu'est la population américaine.
01:02:17On est plus près des 140 millions. Donc, vous voyez, 100 000 par rapport à 140 millions.
01:02:21D'autant plus qu'ils n'ont pas des relais au sein d'hommes et de femmes qui auraient des fonctions politiques importantes,
01:02:29ce qui, par définition, limite leur influence.
01:02:32On parle de germano-américains, qui constituent l'essentiel de ces troupes.
01:02:36Oui, mais il faut se rappeler que tous les germano-américains ne sont pas sensibles aux idées nazies.
01:02:42Ils sont, pour la plupart, des électeurs du Parti démocrate.
01:02:47Certains sont juifs et donc, évidemment, il ne leur viendrait pas à l'idée de soutenir ce mouvement.
01:02:53Mais, à l'inverse, ce mouvement a des soutiens dans des parties de la population qui n'ont pas de lien avec l'Allemagne,
01:03:00mais qui, par convergence, on va dire des luttes, dans un vocabulaire moderne, y voient un intérêt,
01:03:06notamment dans un sud extrêmement conservateur, où on déteste les juifs et donc, on a une sympathie pour ces idées.
01:03:14De là à voter pour eux, c'est une autre question.
01:03:17C'est une autre histoire. On va voir un troisième extrait de ce film.
01:03:20Cette fois, c'est la création d'America First Committee.
01:03:24Avec de puissants soutiens politiques et industriels, un comité est créé en septembre 1940, America First.
01:03:32Sous l'œil approbateur du régime nazi, ce lobby s'oppose à toute forme d'intervention américaine dans la guerre.
01:03:41Son porte-parole est un héros américain, l'aviateur Charles Lindbergh, connu dans le monde entier pour ses exploits.
01:03:48Et donc, en 1940, c'est l'année où sera d'ailleurs réélu pour un troisième mandat Franklin Delano Roosevelt,
01:03:56se crée donc cet America First Committee, on va dire l'Amérique d'abord, en traduction en français,
01:04:03qui était le principal groupe de pression isolationniste américain à s'opposer à l'entrée en guerre des Etats-Unis.
01:04:10A l'époque, il comptera jusqu'à 800 000 adhérents, ce comité. Ce n'est pas rien, on est passé à une autre échelle.
01:04:19Et là aussi, quelle est l'influence de l'idéologie nazie au regard de ce comité ?
01:04:26C'est un comité qui est extrêmement important. On voit bien qu'on n'est pas sur les mêmes ordres de grandeur des mouvements qu'on a évoqués jusqu'à présent.
01:04:34C'est un groupe extrêmement composite, dans lesquels des sympathisants nazis ont leur place,
01:04:40mais qui se reconnaît surtout autour d'une idée forte, empêcher les Etats-Unis d'entrer en guerre.
01:04:45Et on voit bien comment, en parallèle, là, pour le coup, ils ont déroulé au Congrès des Etats-Unis toute une série de législateurs.
01:04:53Est-ce qu'il est faussement pacifiste, ce comité ?
01:04:56Il est neutre. Ce n'est pas exactement la même chose. C'est-à-dire que son obsession, c'est d'éviter une entrée en guerre des Etats-Unis.
01:05:03Et d'ailleurs, le Congrès, sur cette fin des années 30, va voter toute une série de lois qu'on dit de neutralité,
01:05:10qui lie les mains du président et l'empêche, par exemple, de vendre des armes à des pays en guerre,
01:05:16ou, par exemple, à l'Espagne en guerre civile.
01:05:19Et donc, on voit bien que c'est cette obsession qui est au cœur de l'action d'America First,
01:05:25des gens qui, majoritairement, d'ailleurs, sont plutôt des sympathisants du Parti républicain que démocrates.
01:05:32Et on voit bien que se rajoute une couche d'une opposition républicaine qui fait tout aussi pour empêcher le président de réussir,
01:05:41avec l'idée de gagner les élections de 40 et de 44.
01:05:44Donc, on voit que tous les sujets, finalement, se juxtaposent.
01:05:47Mais l'isolationnisme en 1940, ça fait partie du programme de Roosevelt.
01:05:52Il n'a aucune intention, à l'époque, de faire entrer son pays dans la guerre.
01:05:55– Alors, peut-être qu'il faut préciser que Roosevelt est quelqu'un
01:05:59qui a une très bonne connaissance des relations internationales.
01:06:02Il a été ministre adjoint de la Marine pendant la Première Guerre mondiale
01:06:06et il est persuadé que son pays ne pourra pas rester en dehors d'une guerre mondiale.
01:06:10Lui, il en est convaincu.
01:06:12Il va faire en sorte de préparer son pays à cette éventualité.
01:06:15Il réarme, d'ailleurs, après Munich, après 1938.
01:06:19Mais il sait que son opinion publique est résolument contre.
01:06:23On a toute une série de sondages qui montrent que les Américains,
01:06:26à plus de 90%, sont hostiles à l'idée de faire la guerre à l'Allemagne.
01:06:30Et donc, il a besoin de son opinion pour être réélu en 40.
01:06:33– Ce qui explique peut-être le succès de ce fameux comité.
01:06:36– Tout à fait. Ce comité fait pression.
01:06:39Et on voit bien que chez Roosevelt, il y a un avant l'élection
01:06:41où il est extrêmement prudent.
01:06:43Il a cette phrase où il dit aux mères américaines
01:06:45« Je n'enverrai pas vos fils combattre dans une guerre étrangère. »
01:06:49Et puis après la réélection, là, au contraire,
01:06:52il va accélérer la préparation militaire du pays.
01:06:55Et on voit bien que ce comité « America First »,
01:06:58il est là pour freiner et l'empêcher d'agir.
01:07:01– Vous me disiez tout à l'heure qu'il y a un certain nombre d'élus du Congrès
01:07:05qui ont adhéré à ce comité, soutenu, d'une certaine manière, ce comité.
01:07:09Ce sont ces élus qui sont mis en cause dans ce documentaire par la suite
01:07:13et qui auraient pu être mis en cause par la justice américaine
01:07:17pour compromission avec l'ennemi, après coup ?
01:07:20– Très à la marge.
01:07:22– Très à la marge ?
01:07:23– Certains, oui.
01:07:24Il faut se rappeler aussi quand même que le Congrès
01:07:26se préoccupe quand même de cette volonté de déstabilisation
01:07:30parce que c'est quand même de ça dont il s'agit.
01:07:32Il y a une commission qui est créée, qui s'appelle l'UAC,
01:07:35H-U-A-C, dont on reparlera beaucoup au moment de McCarthy
01:07:40et de la chasse aux sorcières, au début des années 50.
01:07:42Mais il faut se rappeler que cette commission
01:07:44sur les affaires anti-américaines, initialement,
01:07:48elle est aussi pour s'occuper des nazis et de leurs idées.
01:07:53Donc on voit bien qu'il y a quand même une partie des membres du Congrès
01:07:57qui, bien qu'isolationnistes, s'inquiètent quand même
01:08:01de ces actions qui viennent de l'extérieur
01:08:03et pour lesquelles ils n'ont pas de sympathie, il faut le dire très clairement.
01:08:07– Peu de gens ont l'air d'avoir payé l'addition
01:08:10de cette sympathie avec le régime nazi, à en croire ce film.
01:08:16Alors Fritz Kuntz finira par être déchu de la nationalité après 45,
01:08:21Sylvester Viereck connaîtra la prison à plusieurs reprises.
01:08:26Mais enfin, la thèse défendue par ce documentaire,
01:08:29c'est que finalement, cette affaire n'a pas été purgée forcément
01:08:32du côté notamment des élus qui auraient pu, un temps soit peu,
01:08:35collaborer avec ces idées nazies.
01:08:37– En fait je pense qu'il faut avoir deux chronologies,
01:08:40ce qui est le moment des années 30 qui est le propos du film
01:08:44et puis le point de bascule qui est l'entrée en guerre
01:08:47puisque après Pearl Harbor, l'Allemagne nazie va déclarer la guerre aux États-Unis
01:08:53et donc les germano-américains qui soutiennent l'Allemagne nazie
01:08:58et qui sont très engagés dans ces mouvements,
01:09:00qu'on identifie d'ailleurs facilement à partir des films et des photos,
01:09:04qui sont surveillés aussi par le FBI,
01:09:06vont faire l'objet d'arrestations quasi systématiques.
01:09:10Donc ça concerne aussi les fascistes italiens,
01:09:13ça concerne ceux qui soutiennent le régime nippon
01:09:17et donc les plus engagés vont être arrêtés en mobilisant la loi
01:09:22et cette catégorie d'ennemis étrangers qui existe depuis la Première Guerre mondiale.
01:09:28Donc les plus dangereux finalement, on les arrête,
01:09:31le FBI a des listes et dans les heures qui suivent l'attaque de Pearl Harbor
01:09:34et des déclarations de guerre, ils sont mis hors d'état de nuire assez rapidement
01:09:39et Monsieur Tout-le-Monde qui a soutenu, mais sans vraiment être engagé,
01:09:43continue de vivre sa vie.
01:09:45Et puis pour les plus voyants qui ont le plus de relations,
01:09:48finalement ils se rallient à l'entrée en guerre des États-Unis,
01:09:51ils soutiennent, on se rappelle de Joseph Kennedy,
01:09:54qu'on n'a pas évoqué mais qu'on aurait pu évoquer,
01:09:56qui fait allégeance au président Le Pen.
01:10:00Le Pen, ambassadeur à Londres en 1938,
01:10:04sympathisant de l'Allemagne nazie qui au lendemain de Pearl Harbor dit
01:10:08« Je suis un vieux monsieur mais l'Amérique est en guerre
01:10:11et je suis prêt à rejoindre l'armée si nécessaire. »
01:10:15Autrement dit, cette tentation nazie qui nous est décrite tout de même dans ce film
01:10:19part avec l'eau du bain si je peux utiliser cette expression après Pearl Harbor.
01:10:23Tout à fait, on voit bien qu'il y a un avant et un après
01:10:26On aurait pu avoir des reportages sur les sympathisants du fascisme italien
01:10:30avec notamment dans la communauté italo-américaine
01:10:34beaucoup de posters et de photos de Mussolini dans les années 30
01:10:38qui disparaissent après Pearl Harbor parce que évidemment,
01:10:41soutenir les régimes fascistes et nazis,
01:10:44c'est être un traître à la patrie.
01:10:47Et donc on voit bien comment Pearl Harbor va considérablement
01:10:50changer la perspective et tout ce petit monde va se faire oublier.
01:10:55Nous allons regarder ensemble le dernier extrait du film.
01:10:58C'est votre confrère Thomas Snégaroff, qui est aussi le mien
01:11:01puisqu'il est journaliste et historien, qui s'est exprimé. Écoutez-le.
01:11:05Le fait de ne pas avoir purgé ce passé fait qu'on a retrouvé des traces jusqu'à aujourd'hui.
01:11:11Les mouvements fascistes aujourd'hui américains,
01:11:13dont certains d'ailleurs portent les mêmes noms à America First,
01:11:17le mouvement de Donald Trump est absolument indissociable du mouvement de l'entre-deux-guerres,
01:11:23qui s'explique précisément par un passé qui n'a jamais été purgé,
01:11:27en raison de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale,
01:11:31en raison aussi certainement de cette liberté d'expression
01:11:35qui garantit aussi l'expression des pires horreurs dans ce pays.
01:11:39On va reparler dans un instant d'America First,
01:11:42qui était le slogan de la campagne de Donald Trump dès 2016,
01:11:47l'occasion de la première fois où il se présentait à cette élection américaine.
01:11:52La question que je voulais vous poser précédemment, c'était de savoir
01:11:55si l'antisémitisme aux Etats-Unis s'était poursuivi après-guerre,
01:11:59qui l'entretenait après-guerre et comment ?
01:12:02Il reste latent dans la société.
01:12:04Il recule évidemment à la fin de la Seconde Guerre mondiale,
01:12:07notamment avec la découverte de la Shoah,
01:12:11et puis aussi parce que le pays a d'autres préoccupations.
01:12:15Il faut se rappeler que les années 50, c'est la question des mouvements des droits civiques,
01:12:21de la déségrégation.
01:12:23Finalement, c'est un sujet qui perd de l'acuité
01:12:26et qui va en retrouver lorsque la question du Proche et du Moyen-Orient
01:12:31va ressurgir ponctuellement dans l'histoire des Etats-Unis.
01:12:35Mais ce que je trouve très intéressant dans le commentaire de Thomas Negaroff,
01:12:39c'est de dire que cette question ressurgit autour de questions américaines
01:12:45et notamment autour de la question raciale,
01:12:49qui est entremêlée toujours avec cette question juive et cet antisémitisme.
01:12:54On le voit bien, les mouvements actuels
01:12:57prennent leurs sources à la fois dans de l'antisémitisme,
01:13:01mais aussi autour d'une détestation de l'idée de l'égalité raciale.
01:13:05Il y a tout de même eu un certain nombre d'attentats
01:13:08contre des sites religieux américains,
01:13:11durant notamment les années 80.
01:13:13Il y a Saint-Louis en 77, Denver, Pittsburgh, Los Angeles,
01:13:18Pittsburgh, à nouveau, c'est en 2000, je crois, Seattle.
01:13:22Là, il y a eu des synagogues, des institutions juives
01:13:25qui ont été attaquées.
01:13:26Qui sont ceux qui provoquent ces attaques ?
01:13:28Est-ce qu'on est là aussi dans les mêmes mouvances
01:13:30que celles qu'on a évoquées dans ce film dans les années 30 ?
01:13:33Tout à fait. Il faudrait évoquer la figure de David Duke,
01:13:36qui est une personnalité politique
01:13:39qui se définit par un antisémitisme,
01:13:42par des positions raciales extrêmement dures,
01:13:46et qui va fonder son mouvement à la fin des années 1970.
01:13:50Donc on voit bien cette convergence des détestations
01:13:54qui est à l'oeuvre dans une partie de la population,
01:13:57minime, mais agissante,
01:13:59et vous l'avez rappelé avec justesse, extrêmement violente.
01:14:02On ne se contente pas de cracher sa haine de l'autre.
01:14:06On va jusqu'à l'action violente de manière répétée
01:14:11à partir des années 1970.
01:14:13On va revenir, comme promis, sur America First,
01:14:17le fameux comité créé en 1940 qu'on a évoqué tout à l'heure,
01:14:21mais il se trouve que ça a aussi été le slogan de campagne
01:14:24de Donald Trump, et ce, dès 2016,
01:14:27lors des primaires des Républicains.
01:14:29C'est la première fois qu'il prononce ce slogan.
01:14:32Le fait-il, à l'époque ?
01:14:34Le fait-il en référence, justement, à l'histoire
01:14:38qui est contenue dans ce documentaire ?
01:14:40Alors, il le fait pour des raisons différentes,
01:14:43puisque dans le monde dans lequel prospère l'Amérique de 2016
01:14:48n'étant rien celui des années 1920 et des années 1930,
01:14:51mais il s'appuie sur une culture politique
01:14:54et une référence commune.
01:14:55C'est-à-dire que même si un Américain ne sait pas trop
01:14:58de quoi il retourne, ça lui rappelle quelque chose
01:15:02et il communie, d'une certaine manière,
01:15:05sur l'idée que la place des États-Unis dans le monde
01:15:09n'est pas de nouer relation avec la Terre entière
01:15:11et qu'il y a une méfiance profonde à l'égard, notamment,
01:15:15des immigrants et des groupes minoritaires.
01:15:17Et donc, voilà, c'est pas capitalisé sur une connaissance historique fine
01:15:22que n'ont pas...
01:15:23Oui, parce que certaines mauvaises langues disent même
01:15:25que, lorsqu'il a prononcé ce slogan,
01:15:27lui-même ne connaissait pas ce qu'était l'origine de ce slogan
01:15:31en 1940.
01:15:33Mais ça veut dire que...
01:15:34Alors, je ne saurais pas l'affirmer,
01:15:36parce qu'avec Donald Trump, on n'est jamais sûrs totalement des choses,
01:15:39mais par contre, ça veut dire que ce slogan
01:15:41a eu un très fort impact dans la société,
01:15:43l'a irrigué, et qu'aujourd'hui, quasiment un siècle après,
01:15:47il parle toujours, et on est vraiment...
01:15:50Ça parle notamment pour une partie de l'Amérique,
01:15:53qui est une Amérique refermée sur elle-même
01:15:55et qui pense le monde extérieur comme dangereux, menaçant,
01:15:59et qui est hostile de manière très forte aux minorités.
01:16:03Donc, on voit bien que c'est plutôt cette dimension
01:16:06de la caisse de résonance du slogan extrêmement évocateur.
01:16:10Ceux qui soutiennent Donald Trump,
01:16:12peut-être même au sein du parti républicain,
01:16:14connaissent peut-être davantage que lui
01:16:16ses références historiques.
01:16:18Exactement.
01:16:19Vous me voyez venir, j'imagine.
01:16:21Est-ce qu'ils influencent ces personnes,
01:16:23ces mouvements, toujours existants aux Etats-Unis,
01:16:26d'extrême droite ?
01:16:27On peut sans doute les qualifier comme tels.
01:16:30Font-ils partie de ceux qui, aujourd'hui,
01:16:33chez les Républicains, comptent et soutiennent Donald Trump ?
01:16:37La question est compliquée, la réponse l'est aussi,
01:16:40parce que, par définition, une partie de ces mouvements
01:16:43sont pour certains dans la clandestinité,
01:16:46recours à l'action violente.
01:16:48Donc, on a un peu de mal à les chiffrer.
01:16:50Les derniers chiffres qu'on avait,
01:16:52notamment d'enquête du FBI,
01:16:54laissent penser que les plus engagés sont à peu près 100 000.
01:16:57Mais on voit bien, ils sont extrêmement mobilisés,
01:16:59peuvent être violents,
01:17:01et ils vont trouver un écho, en particulier,
01:17:04dans les campagnes de Donald Trump,
01:17:07une caisse de résonance qu'ils n'ont jamais eue.
01:17:09Pour eux, c'est une formidable opportunité.
01:17:12Est-ce que, pour autant,
01:17:14ils vont se transformer en électeurs qui vont aller voter ?
01:17:17C'est une autre question,
01:17:19parce que leur forme de politisation
01:17:21n'est pas forcément une forme de politisation
01:17:24par la démocratie et le vote.
01:17:27Ils sont anti-gouvernement fédéral, pour la plupart.
01:17:31Donc, c'est quand même ça
01:17:33qui est le grand point d'interrogation,
01:17:36de savoir comment ils vont traduire tout ça.
01:17:39Ils sont satisfaits d'entendre le discours de Donald Trump,
01:17:42mais est-ce pour autant qu'il passe à l'acte et vote pour lui ?
01:17:46On n'en est pas totalement sûr.
01:17:48Est-ce que ce qui était vrai en 2016,
01:17:51avec ce slogan, America first,
01:17:53l'est aussi en 2024 ?
01:17:55Est-ce qu'on reprend ce slogan
01:17:57pour cette campagne qui se déroule sous nos yeux ?
01:18:00Un petit peu moins, ou d'une manière différente.
01:18:03Je crois qu'on voit bien avec cette idée
01:18:06qu'il va plutôt aller chercher,
01:18:08le slogan MAGA va plutôt aller chercher,
01:18:11dans la culture politique des années 1980 et Ronald Reagan,
01:18:15qu'on est un peu sur autre chose.
01:18:17Mais on voit bien que, comme dans les années 30,
01:18:20il s'agit de mobiliser tous les groupes possibles.
01:18:23Il veut chercher des plus modérés aux plus extrêmes.
01:18:26Là, on est très clairement dans des mouvements
01:18:29qui, elles-mêmes, se définissent comme de la droite alternative
01:18:33et donc qui sont à l'extrémité du prisme politique,
01:18:37infréquentables, il faut le dire de manière assez claire.
01:18:41Toute voie est bonne, en fait, d'une certaine manière.
01:18:45On peut être référence à Donald Reagan.
01:18:47On a peut-être sauté une étape en parlant tout de suite de Trump.
01:18:50Il a peut-être, lui aussi, bénéficié d'un certain nombre de soutiens
01:18:53issus des mouvances dont on a parlé,
01:18:55des mouvances d'extrême droite, à l'époque.
01:18:57Là, nous sommes au début des années 80.
01:19:00Je nuancerais. Je dirais plutôt que Ronald Reagan,
01:19:02c'est plutôt ce qu'on appelle la droite conservatrice.
01:19:05La droite conservatrice se mobilise sur les questions sociétales,
01:19:09sur le droit à l'avortement,
01:19:11met en avant les questions religieuses.
01:19:13Ce n'est pas exactement la même chose
01:19:15que cette droite alternative,
01:19:18qui, elle, est vraiment une extrême droite
01:19:20qui se définit comme telle,
01:19:22avec une haine des groupes minoritaires,
01:19:24une haine qu'on crache,
01:19:26qui est vraiment quelque chose dans la violence,
01:19:28et autour de la question raciale,
01:19:30qui est quand même, dans ces mouvements,
01:19:32extrêmement centrale,
01:19:34puisque le reportage parlait de l'antisémitisme,
01:19:36mais ces groupes se définissent avant tout
01:19:39par une détestation des Noirs
01:19:41et par une opposition à l'idée d'égalité.
01:19:43Donc, ce n'est pas exactement les mêmes mouvements,
01:19:46même si, au sein de la droite conservatrice,
01:19:48il y a des gens qui ont aussi des tentations
01:19:51et se pensent en la matière.
01:19:53Mais il ne faut peut-être pas les mettre sur le même...
01:19:57Vous parlez de droite alternative
01:19:59en parlant de Donald Trump.
01:20:01De ses soutiens.
01:20:03Je ne le caractériserai pas à lui-même.
01:20:05Le terme droite populiste n'est pas quelque chose
01:20:07qui convient concernant cette droite
01:20:11incarnée par Donald Trump,
01:20:13avec nos yeux de nous, Français.
01:20:16Moi, je pense que c'est très compliqué
01:20:18de mettre les catégories françaises
01:20:20sur des réalités américaines.
01:20:23La ligne de partage, aux Etats-Unis,
01:20:26c'est plutôt, d'un côté, les conservateurs,
01:20:28de l'autre côté, les progressistes.
01:20:30C'est quelque chose qui marche
01:20:32toutes périodes confondues,
01:20:34on pourrait dire les choses ainsi,
01:20:36et là, on voit bien qu'on peut être
01:20:38dans la famille des conservatismes,
01:20:40sur une dimension extrêmement précise,
01:20:42qui reste, somme toute, minoritaire.
01:20:44Alors, ils sont extrêmement voyants,
01:20:46ils ont des modèles d'action
01:20:48qui sont extrêmement violents,
01:20:50mais ils ne sont pas représentatifs,
01:20:52quand même, et heureusement, on a envie de dire,
01:20:54de l'essentiel des Américains.
01:20:57Ce sera ma dernière question, Hélène Arter.
01:20:59Ceux qui ont envahi le Capitole,
01:21:01c'était le 6 janvier 2021,
01:21:03Capitole, symbole, s'il en est,
01:21:05de la démocratie américaine,
01:21:07sont-ils, pour beaucoup, issus de cette mouvance
01:21:09d'extrême droite américaine ?
01:21:12Comparable à celle des années 30,
01:21:14qu'on a vues dans ce documentaire ?
01:21:16Incontestablement, un certain nombre
01:21:18sont séduits par ces idées,
01:21:20même si, je pense,
01:21:22que leur culture politique
01:21:24ne leur permet pas à eux-mêmes
01:21:26de faire le lien entre les deux,
01:21:28parce qu'on peut quand même douter
01:21:30de la profondeur de leurs connaissances historiques,
01:21:32mais on voit bien
01:21:34que ça correspond...
01:21:36Parce qu'eux, on peut aller bien chercher
01:21:38à la renverser, cette démocratie américaine,
01:21:40ce 6 janvier 2021.
01:21:42Tout à fait. On voit bien que, là,
01:21:44on est dans une conception
01:21:46de l'action violente,
01:21:48antidémocratique,
01:21:50revendiquée
01:21:52de cette partie,
01:21:54de cette frange de l'électorat
01:21:56de Donald Trump,
01:21:58et ce qui explique pourquoi les démocrates,
01:22:00en 2024, voient,
01:22:02dans l'élection, le dernier rempart
01:22:04pour sauver la démocratie.
01:22:06Ce qui n'était pas le cas, d'ailleurs,
01:22:08en 1940, lorsque Roosevelt
01:22:10se présente devant les électeurs,
01:22:12la démocratie américaine était
01:22:14beaucoup plus solide
01:22:16qu'elle ne l'est aujourd'hui.
01:22:18Cet envahissement du Capitole,
01:22:20en janvier 2021,
01:22:22a laissé des traces, néanmoins,
01:22:24a fracturé encore un peu plus
01:22:26cette population américaine ?
01:22:28Oui, elle a fracturé,
01:22:30et elle a, je pense, aussi été l'objet
01:22:32d'une prise de conscience
01:22:34de phénomène que
01:22:36beaucoup d'Américains n'imaginaient même pas.
01:22:38C'est-à-dire qu'on est dans quelque chose
01:22:40qui relève de l'inimaginable
01:22:42quand on est dans une démocratie
01:22:44qui existe depuis le XVIIIe siècle,
01:22:46de penser qu'un tel événement est possible,
01:22:48c'était plutôt des événements qu'on associait
01:22:50à des régimes autoritaires
01:22:52lointains, mais pas aux Etats-Unis.
01:22:54Ça, c'est... Ça a été
01:22:56un choc profond pour de très nombreux
01:22:58Américains, d'où les inquiétudes
01:23:00sur, finalement,
01:23:02cette élection de 2024.
01:23:04Merci beaucoup, Hélène Arter,
01:23:06d'avoir participé à cette émission,
01:23:08à la suite de ce documentaire signé par
01:23:10Emmanuel Amara, qui nous a fait
01:23:12vivre ce qu'a été
01:23:14la tentation peut-être nazi-américaine
01:23:16pour une certaine frange
01:23:18de la population,
01:23:20durant ces fameuses années 30 aux Etats-Unis.
01:23:22Vos réactions, ça sera sur
01:23:24hashtag débadog, bien entendu.
01:23:26Merci à Félicité Gabalda,
01:23:28Victoria Bellé, qui m'ont aidée,
01:23:30comme à l'accoutumée, à préparer
01:23:32cette émission. Je vous donne rendez-vous
01:23:34pour un prochain Débadog. Ça sera, bien entendu,
01:23:36à la même heure, à la même place,
01:23:38et toujours avec son documentaire
01:23:40et son débat. A très bientôt.

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