• il y a 18 heures
Il y a deux ans, la disparition de Mahsa Amini, tuée pour un voile mal porté, plongeait l'Iran dans la révolte. La jeunesse iranienne trop longtemps étouffée affrontait ouvertement le régime des Mollahs au péril de sa vie en scandant dans la rue « Femme, vie, liberté ». La répression féroce qui s'est immédiatement abattue sur les participants semblait avoir écrasé cet élan populaire. Pourtant, la jeunesse iranienne actuelle nourrit toujours des espoirs de révolution. La flamme de la contestation n'est définitivement pas éteinte.
Pour en parler, Jean-Pierre Gratien reçoit la journaliste de l'Express Hamdam Mostafavi, et la grand reporter au Figaro Delphine Minoui.

LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.

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#LCP #documentaire #debat

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Transcription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:16Bienvenue à tous dans Débat doc.
00:00:18Voilà un peu plus de 2 ans,
00:00:20naissait en Iran le soulèvement Femmes, Vie, Liberté.
00:00:23Chose rare, le documentaire exclusif qui va suivre.
00:00:26Iran, les visages de la colère,
00:00:28filmé clandestinement par Shoresh Afkari,
00:00:31va vous faire vivre ce mouvement de contestation de l'intérieur.
00:00:34Prévu pour durer quelques mois,
00:00:36le tournage se prolongera pendant un an et demi
00:00:39au gré des rencontres, et vous allez le voir,
00:00:41de l'immense courage de ceux qui, au risque de leur vie,
00:00:45ont accepté d'y témoigner.
00:00:46Je vous laisse le découvrir,
00:00:48et je vous retrouverai juste après sur ce plateau,
00:00:50en compagnie des journalistes Delphine Minoui
00:00:53et Hamdam Mostafavi.
00:00:55Avec elles, nous tenterons de comprendre
00:00:57pourquoi cette révolution, tant espérée par beaucoup en Iran,
00:01:00n'a pas abouti, même si la flamme survit.
00:01:03Bon doc.
00:01:19Je vous propose de m'appeler Shoresh.
00:01:22En persan, ce prénom signifie rébellion.
00:01:27J'ai 37 ans, et j'ai vécu toute ma vie
00:01:30dans l'une des grandes villes d'Iran.
00:01:34Pour ma sécurité, et celle de ma famille,
00:01:38je ne peux pas être plus précis.
00:01:40Si jamais ma véritable identité vient à être découverte,
00:01:44je risque une condamnation à mort.
00:01:52En septembre 2022,
00:01:54le meurtre d'une jeune fille a bouleversé le pays.
00:02:01Gina Marsa Amini, une étudiante kurde de 22 ans,
00:02:05arrêtée le 13 septembre
00:02:07pour quelques mèches de cheveux s'échappant de son voile.
00:02:14Morte trois jours plus tard.
00:02:16Sans doute des suites de coups reçus de la part des forces de l'ordre.
00:02:22Une injustice de plus.
00:02:25L'injustice de trop.
00:02:30Les femmes d'abord...
00:02:34...rejoignent ensuite les jeunes hommes,
00:02:37puis toute la population
00:02:38sont descendues dans les rues malgré le danger.
00:02:46Le mouvement Femmes, Vies, Libertés est né.
00:02:52J'ai décidé de participer à ma manière
00:02:56en faisant ce que je fais le mieux.
00:03:01Prendre ma caméra et filmer.
00:03:09Pour raconter notre colère
00:03:11et suivre les destins de courageux protestataires.
00:03:16Une étudiante...
00:03:18...un chauffeur de taxi...
00:03:21...une peintre...
00:03:24...un médecin...
00:03:27...et une mère de famille.
00:03:35Salut, Virginie. Je ne sais pas si tu te souviens de moi.
00:03:38On s'était croisés au festival du film de...
00:03:42C'est notre amie commune qui m'a conseillé de te contacter.
00:03:48Je veux faire un documentaire sur la révolte en Iran.
00:03:51C'est impossible pour moi de tout faire tout seul d'ici.
00:03:55J'aimerais avoir un co-réalisateur sur ce projet.
00:03:59Et j'ai pensé à toi.
00:04:00Je t'enverrai les images
00:04:02et tu pourrais faire le montage en Europe.
00:04:05Musique douce
00:04:07...
00:04:14Salut, Chouresh. Ravie de savoir que tu vas bien.
00:04:17Je suis partante, mais tu es bien conscient
00:04:19des risques que ça représente pour toi et éventuellement ta famille ?
00:04:25Je sais tout ça, mais je n'ai pas le choix.
00:04:28Il faut qu'on témoigne, il faut que le monde sache.
00:04:33Le chemin a été long.
00:04:35Il a fallu prendre beaucoup de précautions.
00:04:38Filmer le plus discrètement possible,
00:04:41souvent avec un simple téléphone portable.
00:04:45Utiliser des messageries cryptées.
00:04:47Changer régulièrement de compte et de numéro.
00:04:51Convenir de mot de passe
00:04:53pour déjouer la surveillance des services de sécurité.
00:04:57Mais finalement, mes images...
00:05:00...et nos histoires sont arrivées jusqu'à vous.
00:05:04...
00:05:15...
00:05:17Tapeur
00:05:22Brouhaha
00:05:23Qu'allez-vous...
00:05:26Apport de recipients
00:05:28...
00:05:34...
00:05:39La première fois que j'ai vu Mitra, elle a surgit d'une ruelle en courant.
00:05:54Telle une apparition au milieu des gaz lacrymogènes.
00:06:01Elle fuyait de la police après avoir participé à une manifestation.
00:06:08Par réflexe, je lui ai ouvert la portière de ma voiture, elle a sauté dedans sans hésiter.
00:06:15Derrière son apparence de frêle jeune fille, je comprends rapidement que j'ai à côté
00:06:36de moi l'une des plus déterminées du mouvement, toujours prête à battre les rappels des
00:06:41troupes.
00:06:42Salut les gars, comment ça va ? Pourquoi vous ne sortez pas ? C'est aujourd'hui qu'il
00:06:51faut sortir.
00:06:52Si vous ne manifestez pas aujourd'hui, ils exécuteront deux d'entre nous demain.
00:06:56Nous serons deux personnes de moins.
00:06:58Je vous en supplie, où êtes-vous ? Salut à tous ! Mais qu'est-ce que vous faites ? Pourquoi
00:07:06vous ne venez pas ? Demain, ils ont prévu d'exécuter deux d'entre nous.
00:07:12C'est aujourd'hui le moment de sortir, je vous en supplie, venez s'il vous plaît.
00:07:32Je m'appelle Mitra, j'ai 18 ans.
00:07:35Je suis étudiante en premier semestre de comptabilité.
00:07:38Je suis née et j'ai grandi dans une famille religieuse.
00:07:42Je suis prisonnière de ma maison et je sors très rarement.
00:07:47Je me lève le matin sans objectif, sans savoir quoi faire.
00:07:52Nous, les femmes iraniennes, n'avons pas de véritable avenir.
00:07:57Ici, une femme vaut la moitié d'un homme.
00:08:00Elle est considérée comme une marchandise.
00:08:08Mais si nous luttons aujourd'hui, c'est que nous sommes remplis d'espoir.
00:08:12De belles choses nous attendent bientôt.
00:08:21Quelques jours après notre rencontre, Mitra me laisse un message.
00:08:25Elle a quelqu'un à me présenter.
00:08:27Il s'appelle Arash, il a 19 ans.
00:08:30Cela fait un peu plus d'un an qu'ils se fréquentent, brisant ainsi l'un des
00:08:35grands tabous de la République islamique d'Iran.
00:08:38La première fois que j'ai vu Arash, j'étais de sortie avec une de mes camarades.
00:08:45En réalité, ce jour-là, je n'avais pas remarqué Arash.
00:08:52Je venais à peine de sortir et ma mère n'arrêtait pas de m'appeler.
00:08:57Et puis, mon ami m'a dit que ce gars, dont je ne me souvenais pas, avait dit
00:09:03qu'il m'aimait bien et qu'il voulait mon numéro.
00:09:08Et nous avons commencé à nous parler et appris à nous connaître.
00:09:12Mais en Iran, il est très difficile d'avoir une relation, surtout à 18 et 19 ans.
00:09:18Mais nous n'avons aucune liberté, nous ne pouvons rien faire.
00:09:21Si nous allons au parc, nous serons repérés par la police.
00:09:25Dans les rues, tout le monde nous surveille.
00:09:27Nous ne pouvons rien dire à nos familles.
00:09:30Nous ne sommes pas autorisés à voyager, car c'est interdit pour les filles.
00:09:34Et nous ne pouvons même pas faire l'amour.
00:09:38Par exemple, une fois, Mitra est venue chez nous.
00:09:47Nous ne faisions rien de spécial.
00:09:50Nous étions vraiment assis à distance et nous faisions des recherches sur Internet.
00:09:58Et ma mère est arrivée.
00:10:03On ne faisait rien de mal.
00:10:04Mais parce qu'une fille était avec moi, dans notre maison,
00:10:09c'était une catastrophe pour notre réputation.
00:10:13Ma mère est entrée dans une rage folle.
00:10:16Elle s'est précipitée vers nous et nous a giflés tous les deux.
00:10:27À quoi tu penses ?
00:10:31À la liberté.
00:10:32Allez, imaginons que nous soyons libres.
00:10:46Si on était libres, on ferait ce qui nous plaît.
00:10:51On profiterait de la vie.
00:10:56Personne ne m'appellerait toutes les deux secondes pour me demander où je suis.
00:10:59Et dans mes rêves, on pourrait se tenir la main dans la rue.
00:11:02On pourrait aller à Paris.
00:11:05On irait dans les cafés sur les Champs-Élysées.
00:11:11Et surtout, je voudrais absolument t'embrasser en pleine rue.
00:11:29Hormis ces deux jeunes amoureux, pleins de rêves et d'espoir,
00:11:33Jopin a trouvé d'autres témoignages.
00:11:36Mes compatriotes ont trop peur pour s'exposer.
00:11:42Combien de temps tu veux rester dehors ?
00:11:45Je dois être de retour avant que mon père ne rentre.
00:11:47C'est-à-dire ?
00:11:49C'est-à-dire à 20h30 ou 21h.
00:11:52Très bien.
00:11:54J'ai besoin d'aide.
00:11:56Alors, disons 18h15.
00:11:59Je serai sur le boulevard où on s'est rencontrés.
00:12:02Sur le même banc.
00:12:04Je t'attendrai.
00:12:09Allô ?
00:12:10Salut, comment ça va ?
00:12:12Alors, où es-tu ?
00:12:13Tu devais venir.
00:12:15Honnêtement, j'y ai beaucoup réfléchi.
00:12:17Et je ne peux pas.
00:12:18Alors, je compte plus sur toi.
00:12:21Non, je suis vraiment désolé.
00:12:23Et je te conseille d'abandonner ce projet.
00:12:31Je commence à douter de pouvoir mener à bien ce documentaire
00:12:35lorsque je rencontre KV.
00:12:40Ce jour-là, je prends un taxi
00:12:43et j'y vais.
00:12:45Ce jour-là, je prends un taxi
00:12:47pour me rendre à l'autre bout de la ville.
00:12:50En engageant la conversation,
00:12:52je réalise vite que le chauffeur
00:12:54fait partie des révolutionnaires les plus virulents.
00:12:58Malgré les risques,
00:13:00il accepte immédiatement de participer à notre projet.
00:13:07Dans cinq minutes,
00:13:09je vais te montrer
00:13:11où vivent les membres du gouvernement et les mollas.
00:13:14Regarde.
00:13:16Ça, ça appartient à nos dirigeants.
00:13:18Regarde un peu l'espace qu'ils ont
00:13:20dans le meilleur endroit de la ville.
00:13:24Tout ça leur appartient.
00:13:26J'ai peur de filmer.
00:13:28Ils ont des caméras.
00:13:31Laisse-moi faire un tour.
00:13:33Peux-tu remonter la vitre ?
00:13:34Regarde ce bâtiment.
00:13:36Il appartient à l'imam des prières du vendredi.
00:13:39Un vrai château.
00:13:41Cinquante familles pourraient vivre
00:13:43dans un immeuble de cette taille.
00:13:47Je me demande bien
00:13:49où ils trouvent tout cet argent.
00:13:51Ah, l'enfoiré.
00:13:53Regarde, il a un autocollant
00:13:55de l'immigration.
00:13:57C'est un château.
00:13:59C'est un château.
00:14:01C'est un château.
00:14:03Il a un autocollant
00:14:05de l'ancien chef des gardiens de la Révolution.
00:14:07Je suis bien content
00:14:09que les Américains les réduisent en bouillies.
00:14:11Et j'aimerais bien avoir
00:14:13un cocktail Molotov en ce moment.
00:14:15Vraiment dommage
00:14:17que je ne puisse pas faire grand-chose.
00:14:19Regarde un peu ce mouchard.
00:14:21Ce mouchard des gardiens de la Révolution.
00:14:23Vas-y, filme-le.
00:14:25Que tout le monde voit.
00:14:26Qu'est-ce que tu aurais fait
00:14:28si tu avais eu
00:14:30un cocktail Molotov ?
00:14:32Je l'aurais cramé.
00:14:48Je m'appelle Kaveh.
00:14:50J'ai 28 ans.
00:14:52Quand j'étais plus jeune,
00:14:54mon père était accro à la drogue.
00:14:56Un jour,
00:14:58il a quitté la maison
00:15:00et n'est jamais revenu.
00:15:07Ma mère a emprunté
00:15:09beaucoup d'argent
00:15:11pour acheter une vieille voiture
00:15:13afin de travailler dans le transport scolaire.
00:15:15C'était pour payer le loyer
00:15:17et tout le reste.
00:15:19Moi, j'adorais étudier.
00:15:21Après,
00:15:23j'ai décidé de faire la plonge
00:15:25dans un restaurant
00:15:27pour pouvoir me payer l'université en parallèle.
00:15:32Mais j'ai dû arrêter.
00:15:38Je n'ai aucun avenir ici.
00:15:42Quand je vois que les enfants
00:15:44des riches politiciens ou des molas
00:15:46mènent la belle vie,
00:15:48qu'ils vivent tous en Europe
00:15:50ou aux Etats-Unis
00:15:51dans les quartiers très riches,
00:15:53et nous alors ?
00:15:55On travaille jour et nuit
00:15:57pour ne rien gagner.
00:15:59Quand tu vois notre situation,
00:16:01pourquoi ne pas manifester dans les rues ?
00:16:03Mais tout le monde me dit
00:16:05tu vas te faire tuer.
00:16:07Et alors ?
00:16:09A quoi bon vivre dans ces conditions ?
00:16:21J'ai cherché sur Internet
00:16:23la recette du cocktail monotophe.
00:16:27La seule chose qui pourrait
00:16:29apaiser un peu ma colère,
00:16:31ce serait de détruire
00:16:33quelques-unes des voitures
00:16:35des forces de l'ordre
00:16:37avec des cocktails monotophe.
00:16:39Viens, on en teste un.
00:16:42Imaginons que c'est la voiture
00:16:44d'un flic, là.
00:16:48Super !
00:16:51Ouais, ça brûle bien.
00:16:55C'est pour quand ?
00:16:57Ce soir ?
00:16:59Ce soir, j'espère.
00:17:01Quand ce sera le moment,
00:17:03les autres nous le feront savoir.
00:17:11En traversant le pays
00:17:13à la recherche de nouveaux témoignages,
00:17:15je m'interroge.
00:17:17Comment le peuple est-il
00:17:19pu supporter cela si longtemps ?
00:17:26Comment avons-nous pu survivre
00:17:28dans ce pays où tout est interdit ?
00:17:37Chanter et danser en public
00:17:39pour les femmes,
00:17:41se tenir la main,
00:17:43rire dans la rue,
00:17:45être heureux ?
00:17:49Comment l'Iran a-t-il pu former
00:17:51autant d'intellectuels
00:17:53et d'artistes
00:17:55avec cette chape de plomb
00:17:57de la censure ?
00:17:59Je décide de creuser
00:18:01cette question.
00:18:03Par l'entremise d'un ami,
00:18:05je réussis à entrer en contact
00:18:07avec une jeune peintre.
00:18:13Je m'appelle Golbahar,
00:18:15j'ai 24 ans.
00:18:16Je viens d'une famille
00:18:18plutôt aisée.
00:18:24Mon père n'a jamais
00:18:26été trop strict.
00:18:28J'ai toujours pu vivre
00:18:30comme je le souhaitais.
00:18:38Ma mère a toujours
00:18:40tout fait pour ne pas porter
00:18:42le hijab obligatoire.
00:18:44Elle a d'ailleurs souvent eu
00:18:46des problèmes avec
00:18:48l'effort du régime
00:18:50à cause de ça.
00:19:04Je me souviens
00:19:06d'un épisode marquant pour moi.
00:19:08J'ai envoyé une de mes oeuvres
00:19:10à une exposition.
00:19:12Elle avait été acceptée.
00:19:14C'était un portrait d'une femme
00:19:16avec les cheveux visibles.
00:19:18Et finalement, la responsable
00:19:20de l'exposition
00:19:22a couvert les cheveux
00:19:24avec du papier pour les cacher.
00:19:33Ça a été extrêmement violent
00:19:35pour moi.
00:19:42Après la mort de Massa Amini,
00:19:44avec plusieurs de mes amis,
00:19:46peintres ou comédiens,
00:19:48on se sentait vraiment déprimés.
00:19:54Et on n'arrivait pas à travailler.
00:20:00On se demandait si,
00:20:02avec toute cette censure
00:20:04qu'on subissait,
00:20:06ça avait un sens
00:20:08de continuer à créer.
00:20:12Mais ensemble,
00:20:14on a trouvé la force
00:20:16de peindre un tableau.
00:20:26C'est la seule chose
00:20:28que je sais faire.
00:20:30Alors par mon travail,
00:20:32j'exprime ma rage
00:20:34et ma protestation.
00:20:42Après chaque journée de tournage,
00:20:44je m'empresse d'envoyer les images
00:20:46à Virginie,
00:20:48qui montre à le documentaire
00:20:50à Paris.
00:20:53Et de les supprimer
00:20:55de mon disque dur.
00:20:57Si jamais je me fais arrêter,
00:20:59il ne faut surtout pas
00:21:01qu'elles soient en ma possession.
00:21:03Ni pour moi,
00:21:05ni pour les personnes
00:21:07que j'ai filmées.
00:21:08Mais le réseau Internet
00:21:10est extrêmement lent en Iran.
00:21:12Le régime le ralentit volontairement
00:21:14pour que les opposants
00:21:16aient du mal à communiquer entre eux
00:21:18et à organiser leurs actions.
00:21:20Et pour avoir accès
00:21:22à tous les sites
00:21:24et éviter de me faire repérer
00:21:26par les forces de sécurité,
00:21:28je dois passer par un VPN,
00:21:30un logiciel qui me géolocalise
00:21:32à l'étranger.
00:21:34Parfois, il me faut
00:21:36plus de 24 heures
00:21:38et quelques minutes de vidéo.
00:21:47Cela fait maintenant quelques semaines
00:21:49que je n'ai plus de nouvelles de Mitra.
00:21:51J'ai essayé de la joindre,
00:21:53tenté de me renseigner
00:21:55pour savoir s'il lui était arrivé quelque chose,
00:21:57mais je n'ai trouvé aucun indice.
00:22:00Quand je reçois enfin
00:22:02un signe de sa part.
00:22:08Pour échapper à la surveillance
00:22:10oppressante de sa famille
00:22:12très religieuse,
00:22:14elle leur a fait croire
00:22:16qu'elle partait étudier à Téhéran
00:22:18à plusieurs centaines de kilomètres de là
00:22:20et qu'elle logerait
00:22:22dans un internat de jeunes filles
00:22:24très strictes.
00:22:26Alors qu'en réalité,
00:22:28elle continue son combat
00:22:30ailleurs,
00:22:32aux côtés de son petit ami Arash.
00:22:34Ma famille m'a emmenée à la gare
00:22:36et m'a fait monter dans le bus.
00:22:38On avait prévu un plan avec Arash.
00:22:40Il a pris un taxi
00:22:42et a suivi le bus.
00:22:44Dès qu'on est sortis de la ville,
00:22:46j'ai demandé au chauffeur
00:22:48d'arrêter le bus
00:22:50pour que je puisse descendre.
00:22:52Il a été surpris.
00:22:54Il m'a dit
00:22:56qu'il n'avait pas besoin
00:22:58d'un taxi
00:23:00et qu'il n'avait pas besoin
00:23:02d'un bus.
00:23:04Il m'a dit
00:23:06qu'il n'avait pas besoin
00:23:08d'un taxi
00:23:10et qu'il n'avait pas besoin
00:23:12d'un bus.
00:23:14Il m'a même demandé
00:23:16si j'étais sûre de vouloir descendre.
00:23:21Arash était là avec le taxi.
00:23:23Il faisait nuit.
00:23:25On avait vraiment froid.
00:23:41On ne savait pas où aller.
00:23:44Un garçon et une fille
00:23:46qui se promènent la nuit,
00:23:48ça pouvait attirer
00:23:50l'attention de la police.
00:23:52On risquait d'être arrêtés.
00:23:56Finalement, on s'est cachés
00:23:58sous un pont
00:24:00pour que personne ne nous voie.
00:24:07Et le lendemain,
00:24:09je suis partie à la recherche
00:24:11d'un autre homme.
00:24:12Je suis partie à la recherche
00:24:14d'un lieu où dormir.
00:24:19Finalement,
00:24:21j'en ai trouvé un moins cher
00:24:23que les autres,
00:24:25même si c'était encore trop pour moi,
00:24:27qui n'est pas grand-chose.
00:24:35Et puis,
00:24:37j'ai trouvé un petit boulot.
00:24:42En partant ce soir,
00:24:44couvre-toi le visage
00:24:46pour ne pas être reconnu.
00:24:49Tu peux prendre des masques
00:24:51dans mon sac si tu n'en as plus.
00:24:53C'est bon, j'en ai.
00:24:55Garde-les pour toi,
00:24:57c'est plus important.
00:24:59Je ferai attention,
00:25:01ne t'inquiète pas.
00:25:03Toi, n'oublie pas qu'ils sont sans pitié.
00:25:05Ils frappent tout le monde.
00:25:07Sois prudente,
00:25:09tu restes à mes côtés
00:25:11si tu veux.
00:25:14Si on m'arrête,
00:25:16je dis que je ne te connais pas.
00:25:18On dit qu'on va faire des courses,
00:25:20qu'on ne fait que passer.
00:25:24Mais bon, ce sont des connards,
00:25:26des menteurs et des barbares.
00:25:29Ils te reprocheront toujours quelque chose,
00:25:31même si tu n'as rien fait de mal.
00:25:34Alors, quel est le plan pour ce soir ?
00:25:36Les gars sont en route.
00:25:41Arash, tu n'aurais pas dû les laver avec ça.
00:25:44Pourquoi ? Ça marche bien.
00:25:46Ça va rayer le fond.
00:25:49D'accord.
00:25:57Salut Mohsen, comment vas-tu ?
00:26:00Pour ce soir, essaie de nous livrer au moins 1 000 tracts.
00:26:07Les gars, ce soir à 23h,
00:26:09on se retrouve à la station 7.
00:26:11Assurez-vous de porter gants,
00:26:13masques, chapeaux,
00:26:15lunettes de soleil,
00:26:17vêtements confortables et chaussures adaptées.
00:26:19Vous avez l'habitude,
00:26:21on se retrouve tous
00:26:23et ensuite on se répartira deux par deux
00:26:25et on fait ce qu'on a prévu.
00:26:37Depuis le début du soulèvement,
00:26:39j'entends parler de ces médecins
00:26:41tandis qu'il y a des manifestants blessés.
00:26:43Impossible pour ces derniers
00:26:45de se rendre dans les hôpitaux
00:26:47sous peine d'être dénoncés au régime.
00:26:55Alors le Dr Soprani et ses collègues
00:26:57ont décidé de s'engager à leur manière
00:26:59en mettant leurs compétences au service de la cause.
00:27:04Il m'a fallu de longues semaines de discussion
00:27:06pour gagner sa confiance
00:27:08et le convaincre de me laisser l'accompagner
00:27:10dans ses tournées.
00:27:20Bonjour Docteur.
00:27:22Bonjour, qu'est-ce qui t'arrive ?
00:27:24J'ai très mal à l'oeil Docteur.
00:27:26Qu'est-ce que je peux faire ?
00:27:30Ne t'inquiète pas, je vais t'examiner.
00:27:32Tu es au même endroit que la dernière fois ?
00:27:34Oui, je n'ai pas bougé.
00:27:37D'accord.
00:27:38J'arrive, à tout à l'heure.
00:28:00Prends une profonde respiration.
00:28:02Ton rythme cardiaque est bon.
00:28:04Je vais t'examiner les yeux maintenant.
00:28:14Là ça ne va pas, ton oeil s'est infecté.
00:28:16Je dois demander conseil à un spécialiste.
00:28:18Je te donnerai son numéro
00:28:20pour que tu puisses t'adresser directement à lui.
00:28:22Merci Docteur.
00:28:24Je t'en prie.
00:28:32Je suis médecin depuis dix ans.
00:28:35Mon père était colonel
00:28:37dans la garde impériale du Shah d'Iran.
00:28:39Il n'a pas quitté l'Iran
00:28:41après la révolution islamique
00:28:43donc il a été arrêté.
00:28:47Des milliers de personnes
00:28:49ont été exécutées en quelques jours.
00:28:54Mon père a été miraculeusement libéré.
00:28:55Mais après sa libération,
00:28:57il était incapable de travailler
00:28:59à cause des tortures physiques
00:29:01et psychologiques
00:29:03qu'il avait subies.
00:29:10Son esprit était brisé
00:29:12et il s'est mis à la retraite.
00:29:14Peu de temps après,
00:29:16il a fait une crise cardiaque
00:29:18et il a perdu la vie.
00:29:20C'est ce qu'on appelle
00:29:22une crise cardiaque.
00:29:24Il a fait une crise cardiaque
00:29:26et il est mort.
00:29:32J'ai toujours été opposé
00:29:34au régime de la République islamique
00:29:36mais je n'ai jamais participé
00:29:38à aucune des manifestations.
00:29:40Honnêtement,
00:29:42j'avais peur.
00:29:45Surtout après ce que le régime
00:29:47avait fait subir à mon père.
00:29:50Mais quand la nouvelle de la mort
00:29:52de la jeune fille s'est répandue,
00:29:54j'ai pu constater
00:29:56le nombre élevé de blessés
00:29:58et de morts
00:30:00parce que j'étais en première ligne
00:30:02en tant que soignant.
00:30:04J'ai vu également
00:30:06les forces de l'ordre
00:30:08enlever les blessés
00:30:10à l'intérieur de l'hôpital.
00:30:12Je les ai même vus
00:30:14à plusieurs reprises
00:30:16faire disparaître
00:30:18les corps des personnes
00:30:20qu'elles avaient tuées.
00:30:22Si les forces de l'ordre
00:30:24n'étaient pas là,
00:30:26je n'aurais pas pu
00:30:28m'occuper de ces blessés.
00:30:30J'avais peur
00:30:32de la réaction
00:30:34des familles de ces victimes.
00:30:36Je me souviens
00:30:38d'une petite fille
00:30:40qui avait reçu
00:30:42un coup de bâton
00:30:44si fort sur la tête
00:30:46que son œil était sorti
00:30:48de son orbite.
00:30:50À ce moment-là,
00:30:52j'ai décidé de réagir
00:30:54et d'aller
00:30:56à l'hôpital.
00:30:58Je suis allé
00:31:00à l'hôpital
00:31:02et j'ai vu
00:31:04les blessés
00:31:06qui étaient là
00:31:08et j'ai eu peur
00:31:10de la réaction
00:31:12des familles.
00:31:14Je suis allé
00:31:16à l'hôpital
00:31:18et j'ai vu
00:31:20les blessés
00:31:22qui étaient là.
00:31:24Je suis allé
00:31:26à l'hôpital
00:31:28et j'ai vu
00:31:30les blessés
00:31:32qui étaient là.
00:31:34J'ai été allé
00:31:36à l'hôpital
00:31:38et j'ai vu
00:31:40les blessés
00:31:42qui étaient là.
00:31:44Je suis allé
00:31:46à l'hôpital
00:31:48et j'ai vu
00:31:50les blessés
00:31:52qui étaient là.
00:31:54Et j'ai vu
00:31:56les blessés
00:31:58qui étaient là.
00:32:00Et je suis allé
00:32:02à l'hôpital
00:32:04et j'ai vu
00:32:06les blesses
00:32:08qui étaient là.
00:32:11Aujourd'hui,
00:32:13j'ai eu la chance
00:32:15de voir les gens
00:32:17qui avaient la même expérience
00:32:19que moi
00:32:21et ne pas avoir
00:32:23Les opposants en exil de tout bord ont décidé de s'allier pour faire chuter les mots de l'art.
00:32:33Salut Virginie.
00:32:36Aujourd'hui j'ai eu envie de t'écrire pour partager avec toi mon espoir.
00:32:41Depuis hier, nous avons une coalition de l'opposition iranienne à l'étranger.
00:32:45C'est une grande première.
00:32:48Je sens que cette fois-ci c'est la bonne.
00:32:53En plus, j'ai vu grâce à mon VPN qu'il y avait des manifestations pour nous soutenir en Europe et même à Paris.
00:33:04Salut Shouresh.
00:33:08Tu m'as peut-être vu sur les images, j'étais à la manifestation parisienne.
00:33:12Oui, il y a une vraie mobilisation pour vous ici.
00:33:24Tu n'imagines pas à quel point c'est important pour nous de savoir tout ça.
00:33:28Ça nous donne de la force et du courage.
00:33:37Mais nos élans d'euphorie sont régulièrement douchés par la réalité quotidienne.
00:33:43Alors que j'ai rendez-vous avec Kaveh, le chauffeur de taxi militant,
00:33:47pour la suite de notre tournage, je tombe sur sa mère inconsolable.
00:33:52Au milieu de leur appartement dévasté.
00:33:58Il était 8h ou 9h du matin.
00:34:02J'ai entendu du monde frapper à la porte.
00:34:04Je suis allée ouvrir.
00:34:06Plusieurs personnes sont entrées, le visage couvert.
00:34:09Je ne les connaissais pas du tout.
00:34:11Je ne savais pas qui ils étaient ni d'où ils venaient.
00:34:14Ils sont entrés dans la chambre.
00:34:17Kaveh dormait.
00:34:18Ils rentraient du travail.
00:34:20Ils l'ont attrapé, ils l'ont emmené.
00:34:26Je n'arrêtais pas de demander.
00:34:28Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi l'emmenez-vous ? Qu'a-t-il fait ?
00:34:30Ils m'ont dit qu'ils me tiendraient au courant.
00:34:33Vous ne l'avez pas suivi pour voir où il était emmené ?
00:34:36Non, on ne sait pas où ils l'ont emmené.
00:34:38On ne sait même pas qui étaient ces gens.
00:34:41À mon avis, c'était les services de renseignement,
00:34:43des gardiens de la Révolution.
00:34:46J'avais entendu dire qu'ils faisaient éruption,
00:34:48qu'ils emmenaient les jeunes.
00:34:51Je n'ai aucune idée de quel crime on l'accuse.
00:34:54Je n'ai aucune nouvelle de lui.
00:34:58Ils ne l'ayont rien pris ?
00:35:01Il n'y avait rien de suspect ?
00:35:03Ils ont pris le disque dur de son ordinateur,
00:35:05mais n'ont rien trouvé d'autre.
00:35:09Ils m'ont menacée.
00:35:10Je ne dois en parler à personne.
00:35:12J'ai tellement peur qu'ils fassent quelque chose à mon fils.
00:35:15Comme ils l'ont fait à tant d'autres.
00:35:39Mitra, elle, a jusque-là réussi à échapper à la police
00:35:42et tente de profiter des plaisirs clandestins
00:35:44que s'octroient régulièrement,
00:35:46malgré le danger que cela représente
00:35:48la jeunesse iranienne.
00:35:50C'est la tyrannie.
00:36:20Ces parents la croient toujours dans un internat géré par le régime
00:36:22à plusieurs centaines de kilomètres au-delà.
00:36:24Mais ne relâche pas la pression pour autant.
00:36:51Oui, maman, salut.
00:36:55Je t'ai dit que j'avais cours aujourd'hui,
00:36:57ça fait dix fois que tu m'appelles.
00:36:59Je suis en classe, je ne peux pas répondre au téléphone.
00:37:03Tu me saoules, j'en peux plus.
00:37:10Je t'ai dit que j'étais en cours toute la journée.
00:37:13Oui, tu m'as appelée.
00:37:16Je t'ai dit que j'étais en cours toute la journée.
00:37:19Oui, j'ai des cours tous les jours.
00:37:23Ok, je t'enverrai mon emploi du temps.
00:37:26Je te l'ai proposé, mais tu n'en as pas voulu.
00:37:30Tu n'as qu'à appeler l'université.
00:37:35Mais oui, bien sûr que je mets mon voile pour aller à l'université.
00:37:42Ok, maman, ça suffit.
00:37:45J'en ai assez.
00:38:09Pour les femmes,
00:38:12il est essentiel
00:38:15de porter des vêtements
00:38:17qui n'ont pas de visage.
00:38:21Ce qui n'est pas acceptable,
00:38:25c'est que nos gens soient musulmans,
00:38:27musulmans,
00:38:29et que nos femmes soient musulmanes.
00:38:33Ils doivent respecter la règle de la ville.
00:38:42Dans la rue,
00:38:44une répression encore plus sévère s'organise.
00:39:04Un peu partout,
00:39:06des caméras de surveillance intelligentes
00:39:08sont censées repérer et identifier
00:39:10les femmes ne portant pas le voile.
00:39:16Et les arrestations arbitraires
00:39:18pour étouffer toute résistance
00:39:20se multiplient.
00:39:22Personne n'est à l'abri.
00:39:41Virginie, c'est moi.
00:39:43J'ai été arrêtée, mais j'ai réussi à m'échapper.
00:39:45J'ai dû me cacher quelques jours.
00:39:49J'espère que tu n'as pas essayé de me joindre.
00:39:51Ils ont pris mon téléphone et ma caméra.
00:39:53Si jamais ils se rendent compte
00:39:55que je communique avec une femme,
00:39:57je leur dirai que j'ai été arrêté.
00:39:59J'espère que tu n'as pas essayé de me joindre.
00:40:01Ils ont pris mon téléphone et ma caméra.
00:40:03Si jamais ils se rendent compte
00:40:05que je communique avec une femme,
00:40:07je leur dirai que j'ai été arrêté.
00:40:09Si jamais ils se rendent compte
00:40:11que je communique avec une occidentale...
00:40:17Tellement contente d'avoir de tes nouvelles.
00:40:19Je n'en pouvais plus d'attendre.
00:40:21Comme promis, je ne t'ai envoyé aucun message.
00:40:23Ne t'inquiète pas.
00:40:29En lisant les journaux étrangers sur Internet,
00:40:31je prends la mesure du nombre de victimes
00:40:33de notre mouvement.
00:40:35Près de 600 morts dans les manifestations,
00:40:37dont plusieurs dizaines d'enfants.
00:40:45Plus de 20 000 personnes auraient été arrêtées.
00:40:51Une dizaine a déjà été exécutée.
00:41:07D'autres attendent dans le couloir de la mort.
00:41:13Sans compter ceux qui, comme Kaveh,
00:41:15le chauffeur de taxi,
00:41:17manquent toujours à l'appel.
00:41:21Qu'ils aillent tous au diable.
00:41:25Chaque jour, sa mère fait le tour
00:41:27des commissariats et des prisons
00:41:29pour tenter de retrouver sa trace.
00:41:31Il me force à porter le tchador,
00:41:33ce maudit hijab obligatoire.
00:41:35Je suis obligée de porter ça
00:41:37pour m'adresser aux autorités.
00:41:39J'espère qu'ils iront tous en enfer.
00:41:41Je n'ai jamais été confrontée
00:41:43à une telle situation.
00:41:47Mon Dieu, aidez-moi.
00:41:49J'ai tellement peur.
00:41:53Je n'ai pas réussi à manger
00:41:55ni à dormir depuis des jours.
00:42:05Je n'ai qu'un seul fils.
00:42:07Je donnerai ma vie pour lui.
00:42:09Je ne peux pas rester assise et attendre.
00:42:11Et s'il ne me donne que son cadavre,
00:42:13comme tant d'autres...
00:42:19Comment ça va ?
00:42:21Tout va bien ?
00:42:23Je suis arrivée.
00:42:25Je suis arrivée.
00:42:27Je suis arrivée.
00:42:29Je suis arrivée.
00:42:31Je suis arrivée.
00:42:33Je suis arrivée.
00:42:35Je suis juste à côté du tribunal en ce moment.
00:42:39Et personne ne me donne vraiment de réponse.
00:42:43Ils ne te répondront pas.
00:42:47Quand je leur dis son nom,
00:42:49ils me disent qu'il n'est pas là.
00:42:53Oui, j'ai aussi essayé de me renseigner,
00:42:55mais personne ne veut me répondre.
00:42:59Et qu'est-ce qu'on fait pour l'avocat ?
00:43:01J'ai parlé à deux amis.
00:43:03Ils m'ont dit que le tribunal désignerait un avocat à commis d'office.
00:43:07Je ne sais pas ce qu'il y a de mieux à faire.
00:43:09Je dois encore y réfléchir.
00:43:15Qu'est-ce que je dois faire ?
00:43:17Ils vont tuer mon fils.
00:43:19Non, ça n'arrivera pas. Ne pleure pas.
00:43:21On va trouver une solution.
00:43:25S'il te plaît, fais quelque chose.
00:43:27Je t'en supplie.
00:43:29Je vais d'abord voir si je peux le trouver,
00:43:31au moins pour savoir s'il est vivant ou non.
00:43:33Ils m'ont dit que je devais chercher dans les prisons,
00:43:35une par une.
00:43:39Mais lesquelles ?
00:43:41C'est la question que j'ai posée.
00:43:43Ils ne m'ont pas répondu.
00:43:45Ce matin, je les ai entendus dire
00:43:47à des gens de récupérer le cadavre de leur enfant, quelque part.
00:43:49Mais c'était faux.
00:43:51C'était juste pour briser leurs espoirs.
00:43:53Je fais quoi ?
00:43:55Je vais me renseigner.
00:43:57C'est mieux de rentrer chez toi.
00:44:01Rentre chez toi et prends soin de toi.
00:44:05D'accord. Au revoir.
00:44:27L'OTAN passe.
00:44:31Cela fait maintenant plus de huit mois
00:44:33que le soulèvement a commencé.
00:44:37Nous espérions la chute rapide du régime,
00:44:39mais nous comprenons désormais
00:44:41qu'il faudra tenir sur la durée,
00:44:43alors même que le quotidien
00:44:45est chaque jour plus insupportable en Iran.
00:44:53Entre les sanctions économiques internationales
00:44:55et nos dirigeants corrompus
00:44:57qui s'accaparent des quelques richesses
00:44:59qu'il nous reste,
00:45:01la population s'enfonce dans la pauvreté.
00:45:25Nous sommes membres de la misère,
00:45:27ces affiches qui florissent
00:45:29dans les grandes villes iraniennes
00:45:31proposant des organes
00:45:33contre-monnaie sonnante
00:45:35et trébuchante.
00:45:49Quand je travaille,
00:45:51je ne gagne rien.
00:45:53Quand je travaille,
00:45:55je ne gagne jamais assez.
00:45:57Parfois, je cumule deux boulots,
00:46:01mais tout ce que je gagne
00:46:03part dans le loyer
00:46:05ou dans la nourriture.
00:46:07Un jour, j'ai fait des recherches
00:46:09sur Internet pour savoir
00:46:11comment les gens devenaient riches.
00:46:13Et je suis tombé sur une annonce
00:46:15pour vendre son grain.
00:46:23Je m'appelle Mokina.
00:46:27Je vis seul.
00:46:29Ma mère n'en a rien à faire de moi.
00:46:31Elle dit que je ne suis pas son enfant.
00:46:33Et mon père est un drogué.
00:46:35Il ne s'intéresse qu'à lui-même.
00:46:47J'ai toujours voulu être magicien.
00:46:49Je m'imaginais qu'en devenant magicien,
00:46:51je pourrais jouer dans des films,
00:46:53comme toutes ces stars
00:46:55qui ont des maisons et des voitures
00:46:57et qui peuvent aider les pauvres.
00:47:01Si je parviens à vendre mon rein,
00:47:03je n'aurai plus besoin d'emprunter.
00:47:05Ça me fera un peu d'argent
00:47:07pour mon avenir.
00:47:21Allô ?
00:47:23Bonjour, désolé de vous déranger.
00:47:25J'ai vu votre annonce pour un rein.
00:47:27Est-il encore disponible ?
00:47:31Oui, en effet.
00:47:33Je souhaiterais l'acheter
00:47:35pour 15 500 euros,
00:47:37si vous êtes d'accord, bien sûr.
00:47:39Pour combien ?
00:47:4115 500 euros,
00:47:43en liquide.
00:47:45Non, il n'y en a pas.
00:47:47Il n'y en a pas.
00:47:49En liquide.
00:47:51Ça vaut plus que ça en ce moment.
00:47:55Mon rein est en bonne santé.
00:47:57Je ne bois pas d'alcool.
00:47:59Je ne fume pas.
00:48:01Il est sain.
00:48:03Si vous êtes d'accord pour 15 500 euros,
00:48:05enregistrez mon numéro.
00:48:07Rappelez-moi pour qu'on règle ça
00:48:09et que je vous remette l'argent.
00:48:13Non, 15 500, c'est trop peu.
00:48:15Pas de problème.
00:48:17Bonne continuation.
00:48:19Rappelez-moi si vous changez d'avis.
00:48:21Bonne journée.
00:48:23Bonne journée.
00:48:25Qui vendrait un rein pour 15 500 euros ?
00:48:27Ça n'a aucun sens.
00:48:33Qu'est-ce que je vais faire, mon Dieu ?
00:48:3515 500 euros, c'est pas assez.
00:48:37J'ai besoin de beaucoup plus.
00:48:41Tu préfères donc avoir l'argent
00:48:43avec un corps handicapé ?
00:48:45Bien sûr.
00:48:47Je préfère vivre en paix
00:48:49pendant deux semaines ou un mois
00:48:51plutôt que de vivre dans le besoin
00:48:53tous les jours.
00:48:55C'est terrible, cette souffrance au quotidien.
00:48:57La crainte de ne pas avoir assez d'argent
00:48:59pour acheter du pain,
00:49:01de ne pas vivre correctement.
00:49:15Avec la répression et la surveillance
00:49:17toujours plus grandes,
00:49:19les manifestations se font plus rares.
00:49:23Mais une nouvelle forme de résistance
00:49:25se met en place,
00:49:27peut-être moins spectaculaire,
00:49:29mais tout aussi courageuse et déterminée.
00:49:45La jeune peintre Golbahar
00:49:47délaisse régulièrement ses pinceaux
00:49:49pour tenter d'entretenir
00:49:51la flamme de l'espérance.
00:49:55Si j'écris ce petit message,
00:49:57c'est parce qu'en ce moment,
00:49:59les Iraniens portent un fardeau
00:50:01de tristesse.
00:50:03Ils ne peuvent plus
00:50:05s'occuper d'eux-mêmes.
00:50:07Ils ne peuvent plus
00:50:09s'occuper d'eux-mêmes.
00:50:11Ils ne peuvent plus
00:50:13s'occuper de la tristesse
00:50:15et de colère.
00:50:17Trop lourds pour leurs épaules.
00:50:23Avec ça,
00:50:25je veux rappeler que nous devons garder
00:50:27espoir.
00:50:29Parfois le quotidien est tellement dur.
00:50:33Mais le fait de se souvenir
00:50:35que nous sommes nombreux,
00:50:37que nous sommes là
00:50:39les uns pour les autres,
00:50:41Ça apaise nos souffrances et les rend supportables.
00:50:51Une initiative qui peut paraître anodine vue d'Occident,
00:50:55mais qui pourrait lui coûter au minimum de longues années de prison.
00:51:03Après plusieurs semaines de recherches vaines,
00:51:06la mère de Kaveh, le chauffeur de taxi,
00:51:09se raccroche désormais à tous les petits signes d'espoir.
00:51:36Donne-lui l'argent.
00:51:46Combien ça fait ?
00:51:5040 Tomans.
00:52:00Merci.
00:52:03Merci.
00:52:07Merci.
00:52:17Tu as fait un bon travail.
00:52:23Tu as fait un bon travail.
00:52:37Nous avons beaucoup d'espoir
00:52:39et je suis certaine que notre révolution finira par l'emporter.
00:52:46Quant à Mitra et Orach,
00:52:48ils défilent au pouvoir en vivant leur histoire d'amour au grand jour.
00:52:56À la télé, les religieux disent que si nous subissons une grande sécheresse,
00:53:01c'est parce qu'on ne respecte pas l'obligation de porter le hijab
00:53:04que cela met Dieu en colère.
00:53:08Mais depuis que les femmes enlèvent leur voile,
00:53:13il pleut bien plus souvent.
00:53:19Cette année, il a vraiment beaucoup plu ici,
00:53:22à tel point qu'il y a maintenant une rivière qui traverse notre ville.
00:53:26Orach et moi avons décidé de nous y promener.
00:53:30J'avais dit à Orach que je voulais y aller sans voile.
00:53:35C'est vraiment des super moments.
00:53:37Mais en même temps, j'ai toujours peur qu'il se passe quelque chose.
00:53:43À tout instant, la police peut m'arrêter parce que je ne porte pas le voile.
00:53:49Ou bien un gardien de la révolution peut m'abattre, de loin.
00:54:00Mais enlever mon voile,
00:54:02et marcher tête nue me permet de me sentir libre.
00:54:11Surtout aux côtés de mon petit ami.
00:54:16Et c'est aussi pour manifester publiquement mon opposition au régime.
00:54:33Je suis allée au tribunal ce matin.
00:54:35Ils m'ont dit que la lettre pour la libération de Kave avait été délivrée.
00:54:39Mais ils ne me l'ont pas donnée.
00:54:41Depuis, j'attends ici.
00:54:43Mais il n'est toujours pas sorti.
00:54:45Je suis tellement inquiète.
00:54:57Oh, le voilà !
00:55:02Il est là.
00:55:07C'est lui.
00:55:20Bonjour, mon fils.
00:55:33Bonjour, maman.
00:55:35Comment vas-tu, mon chéri, mon bébé ?
00:55:37Ils vont nous tomber dessus si on reste ici.
00:55:39Tu m'avais promis de faire attention.
00:55:43Oui.
00:55:52Nous avons besoin de l'aide.
00:56:01Il y a que toi et moi.
00:56:03Tu m'avais promis de faire attention.
00:56:08J'ai fait attention, maman. J'y suis pour rien.
00:56:12Tu n'as pas idée de ce que j'ai vécu pendant tout ce temps.
00:56:17C'est ma voiture.
00:56:19Je savais que tu serais content de l'avoir, alors je suis venue avec.
00:56:25Je suis tellement anxieuse. C'est mieux si c'est toi qui conduis.
00:56:38Kaveh, qu'est-ce que c'est ?
00:56:41C'est une marque de torture ?
00:56:45Non, non, c'est plus comme un truc.
00:56:50C'est une marque de torture ?
00:56:53Non, non, c'est plus comme avant. Ils ne frappent pas.
00:56:56Ils essayent de te briser mentalement.
00:56:58Ils ne t'ont pas torturé ?
00:57:00Ils te torturent psychologiquement.
00:57:02C'est pire que de te battre.
00:57:04Ça me brise le cœur.
00:57:06J'ai été placé à l'isolement pendant 40 jours.
00:57:09Je ne savais pas où j'étais.
00:57:13Je ne pouvais pas savoir si on était le jour ou la nuit, ni quelle heure il était.
00:57:17Il n'y avait personne.
00:57:19Et puis quelqu'un est venu me parler.
00:57:22Je ne savais pas si je pouvais le croire.
00:57:24Il a dit qu'il était juge et que j'avais été condamné à 20 ans de prison.
00:57:29Quelle horreur !
00:57:32Quand ils m'ont emmené en prison,
00:57:34je pensais que j'allais me retrouver au milieu de meurtriers et de criminels.
00:57:39Mais pas du tout.
00:57:42Tous des intellectuels.
00:57:45Toutes les personnes saines d'esprit qui réfléchissent un peu.
00:57:49Tous sont enfermés là-bas.
00:57:52Ils ont tous été emprisonnés.
00:57:58C'est une université de haut niveau, à l'intérieur de la prison.
00:58:06Dieu merci, tu es libre, Kaveh.
00:58:09Dieu merci.
00:58:11Sois plus prudent à partir de maintenant.
00:58:13S'il te plaît, nous sommes sous surveillance.
00:58:16Je t'en supplie, j'en peux plus.
00:58:18Il faudra bien qu'ils finissent par dégager un jour.
00:58:22Tu te feras tuer.
00:58:24Au moindre faux pas, ils ne te louperont pas.
00:58:28Tu dois faire attention.
00:58:30Si quelque chose se passe, je manifesterai à nouveau.
00:58:33Jusqu'à ce que ces salauds soient partis.
00:58:36Fais attention.
00:58:37Tu n'auras pas toujours la chance de t'en sortir vivant.
00:58:43Je t'en supplie.
00:58:59Voilà maintenant plus de 18 mois que je parcours l'Iran
00:59:02pour documenter le soulèvement Femme, Vie, Liberté.
00:59:06À plusieurs reprises, j'ai échappé de justesse à une arrestation.
00:59:11Mais je sens que l'étau se resserre.
00:59:14La police me convoque régulièrement au commissariat,
00:59:17interroge mes proches sur mes allées et venues et mon travail.
00:59:21Il est temps pour moi de partir.
00:59:32Une dernière fois, je m'imprègne de ces paysages,
00:59:35de ces odeurs qui ont bercé toute ma vie.
00:59:42Je ne sais pas ce qui m'attend de l'autre côté de la frontière.
00:59:46Mais une chose est certaine.
00:59:48Dès la chute de la République islamique,
00:59:51je serai de retour dans mon pays.
01:00:41...
01:01:11-"Iran, les visages de la colère",
01:01:14documentaire réalisé par Virginie Plot et Chouresh Afkari.
01:01:19Ce dernier a entièrement tourné ce film clandestinement
01:01:23pour rendre compte au plus près du soulèvement Femme, Vie, Liberté
01:01:27qui secouait le pays, grâce aussi à l'immense courage
01:01:31de ceux qui, comme lui, au risque de leur vie,
01:01:34ont accepté d'y témoigner.
01:01:36Deux ans après son déclenchement,
01:01:38et même si la flamme survit,
01:01:40pourquoi cette révolution tant espérée par beaucoup en Iran
01:01:43n'a pas abouti ?
01:01:44Nous allons poser la question à nos deux invités présents
01:01:47aujourd'hui sur ce plateau de débats.
01:01:49Delphine Minoui est tout d'abord parmi nous.
01:01:51Bienvenue à vous, Delphine Minoui.
01:01:53Vous êtes journaliste d'origine iranienne,
01:01:55lauréate du prix Albert Long,
01:01:57des grands reporteurs au quotidien Le Figaro.
01:02:00Vous couvrez depuis maintenant 25 ans l'actualité du projet Moyen-Orient
01:02:05et votre dernier roman s'intitule Bad Gents,
01:02:08que l'on peut traduire, je crois, par espiègle
01:02:12ou effrontée en Perse de tous les jours, on va dire,
01:02:15et qui est la jeune héroïne de ce roman plongé justement
01:02:19au cœur du mouvement Femme, Vie, Liberté.
01:02:21Je conseille la lecture de ce roman, il est bouleversant.
01:02:24Et puis avec nous, Hamdam Mostafavi.
01:02:27Bienvenue à vous.
01:02:28Vous êtes directrice adjointe de la rédaction de L'Express.
01:02:31Vous aussi, vous êtes une journaliste d'origine iranienne
01:02:34et vous avez été la rédactrice en chef du magazine Courrier International.
01:02:39On vient de voir ce film, il est bouleversant,
01:02:41il a été tourné sous le manteau, si on veut utiliser cette expression,
01:02:45entièrement clandestinement, tourné en Iran clandestinement,
01:02:48monté en France par la coauteur de ce film.
01:02:52Qu'est-ce que nous raconte ce documentaire
01:02:54tourné dans ces conditions de ce fameux mouvement Femme, Vie, Liberté ?
01:02:58D'abord, c'est un documentaire tellement courageux.
01:03:00Moi, je suis vraiment marquée par ce film qui se distingue
01:03:05de tout ce qu'on a pu voir jusqu'ici sur l'Iran.
01:03:08C'est un vrai kaléidoscope de la société iranienne dans tous ses travers.
01:03:13Et on sent en permanence à travers tous ces jeunes qu'il est allé interviewer
01:03:17ce cri d'espoir, de rage, de colère,
01:03:21et évidemment aussi ces désillusions de la jeunesse iranienne.
01:03:26Mais cette flamme qui continue, malgré tout, à survivre.
01:03:30Parce qu'il y a deux acteurs majeurs, en réalité, dans ce mouvement,
01:03:34les femmes, bien entendu, et les jeunes.
01:03:36Les femmes, bien sûr, qui ont été à l'origine du mouvement,
01:03:39qui sont suivies par les jeunes,
01:03:42et par extension, la société dans toute son intégralité,
01:03:45puisque le combat est parti d'un combat féminin,
01:03:48mais il faut rappeler que c'est un combat également politique,
01:03:51économique, voire écologique.
01:03:53C'est toutes les revendications de la société iranienne
01:03:56qui se cristallisent aujourd'hui dans ce mouvement Femme, Vie, Liberté.
01:03:59Vous avez vu la même chose dans ce documentaire.
01:04:01Qu'est-ce qui vous a frappé dans ce compte-rendu,
01:04:04tel qu'il a encore été une fois un tourné,
01:04:06produit, ce film, de ce fameux mouvement ?
01:04:09C'est l'authenticité de ce documentaire,
01:04:11le caractère vraiment, j'ai envie de dire, palpable
01:04:16de ce que vit cette jeunesse et de ce que vivent les Iraniens.
01:04:19On sent que l'auteur, c'est un Iranien,
01:04:21il connaît bien son sujet,
01:04:23il est allé raconter l'Iran sans cliché,
01:04:26tout simplement la vérité brute,
01:04:28avec les aspirations parfois très simples
01:04:31de ces gens qui veulent de la liberté,
01:04:34les sacrifices qu'ils sont prêts à faire.
01:04:36On en entend, évidemment, ça fait des années
01:04:39qu'on travaille là-dessus et on en entend toujours,
01:04:41mais c'est vrai que là, on sent beaucoup plus
01:04:44de manière viscérale ce qu'ils vivent
01:04:47et à quel point leur combat est simple et courageux.
01:04:50Qu'est-ce qu'on peut dire deux ans après ?
01:04:52On dit beaucoup que ce mouvement a échoué,
01:04:54qu'il a avorté, est-ce vraiment le cas aujourd'hui ?
01:04:56On a eu le sentiment, dans nos premiers mois,
01:04:59où la répression a fait rage,
01:05:01avec beaucoup de manifestations publiques.
01:05:03Deux ans après, où en sommes-nous aujourd'hui ?
01:05:05Déjà, il faut rappeler que le mouvement,
01:05:07par son ampleur, a été quand même inédit,
01:05:09puisqu'il a touché tout le pays,
01:05:11dans une géographie très large,
01:05:13on n'était pas seulement sur des manifestations
01:05:15dans l'incapital ou dans certaines zones.
01:05:17L'Amasa Amini était d'origine du Kurdistan,
01:05:19qui est une région à l'ouest du pays,
01:05:23et ça s'est diffusé partout,
01:05:25ça a diffusé dans toutes les régions,
01:05:27ça a été très important.
01:05:29Évidemment, ça a été confronté à une répression massive.
01:05:32Le nombre de condamnations à mort a triplé.
01:05:36L'Iran est un des derniers pays
01:05:38qui condamne à mort de manière très forte
01:05:42et qui a en plus multiplié les exécutions
01:05:44depuis ce mouvement.
01:05:46Ça a été un mouvement important
01:05:48qui a fait face à un retour de bâton aussi important.
01:05:51Aujourd'hui, ce qui est certain,
01:05:53c'est que la flamme de la contestation
01:05:55ne s'est jamais éteinte.
01:05:57Elle a pris d'autres formes.
01:05:59On a vu le rôle des réseaux sociaux,
01:06:01qui est très important,
01:06:03qui compte quand même dans un pays
01:06:05où ce n'est pas si facile d'aller sur les réseaux sociaux.
01:06:07On voit souvent des femmes,
01:06:09des jeunes filles dévoilées,
01:06:11les témoignages que j'ai,
01:06:14de manière dévoilée,
01:06:16alors qu'il faut le rappeler
01:06:18que c'est totalement interdit de se balader en Iran
01:06:20sans le voile.
01:06:22Vous parliez de Gina Massamini
01:06:24qui portait son voile de manière un peu négligée.
01:06:26C'est quelque chose qui a toujours eu lieu en Iran
01:06:28parce qu'en fait,
01:06:30le voile islamique a été imposé
01:06:32par la révolution islamique de 1979,
01:06:34un ou deux ans après.
01:06:36Il a toujours été contesté
01:06:38par une énorme majorité des femmes.
01:06:40Il a été extrêmement contesté
01:06:42au début de cette révolution.
01:06:44En mars 1979, les femmes étaient dans la rue
01:06:46pour protester contre le port de ce voile.
01:06:48Pour illustrer ce que vous venez de dire à l'instant,
01:06:50il y a effectivement cette vidéo virale
01:06:52qui s'est développée
01:06:54depuis le 2 novembre dernier.
01:06:56Il s'agit cette fois d'une Iranienne de 30 ans,
01:06:58Aou Daraï,
01:07:00étudiante en littérature française
01:07:02qui s'est harcelée par des agents de sécurité
01:07:04au sujet de ce fameux port de voile.
01:07:06Ces agents de sécurité
01:07:08ont déchiré ses vêtements
01:07:10et elle a considéré qu'elle allait enlever
01:07:12la totalité de ses vêtements
01:07:14et se poster devant son université
01:07:16à Téhéran.
01:07:18Cette vidéo a été virale.
01:07:20Comme quoi la flamme survit aujourd'hui
01:07:22où on peut considérer que ce mouvement n'a pas abouti
01:07:24et a été victime de cette fameuse répression
01:07:26dont on a parlé à l'instant.
01:07:28Cette image et cette vidéo
01:07:30c'est justement
01:07:32le visage du courage
01:07:34de tant d'autres Iraniennes.
01:07:36La vidéo a été captée
01:07:38et cette fille est vraiment passée
01:07:40à un stade supérieur qui a été de dire
01:07:42mon corps c'est mon choix
01:07:44et c'est dire non
01:07:46c'est exprimer un ras-le-bol
01:07:48contre un système castrateur depuis 45 ans
01:07:50un système qui a colonisé
01:07:52et territorialisé le corps des femmes
01:07:54qui les a embastillées dans un voile
01:07:56ce qui est par extension
01:07:58symbolique de cette oppression
01:08:00que fait subir le régime
01:08:02à l'intégralité de la société.
01:08:04Et quel sort va lui être réservé
01:08:06cette jeune femme dont on dit aujourd'hui
01:08:08qu'elle serait dans un hôpital psychiatrique ?
01:08:10Oui alors évidemment les autorités se sont
01:08:12empressées de l'accuser d'être
01:08:14malade mentale
01:08:16de subir des troubles mentaux
01:08:18c'est très typique de ce régime
01:08:20qui va toujours tenter
01:08:22de maquiller ce qui ne va pas
01:08:24dans le sens du pouvoir. On se souvient
01:08:26de toutes ces jeunes femmes malheureusement
01:08:28qui sont tombées sous les balles des forces de l'ordre
01:08:30des miliciens au pic des grandes
01:08:32manifestations. A chaque fois
01:08:34le régime a voulu nous faire croire qu'il s'agissait
01:08:36soit d'un suicide
01:08:38soit d'une canette
01:08:40d'une boîte de conserve alimentaire
01:08:42périmée qui a été
01:08:44consommée
01:08:46problème de crise cardiaque
01:08:48il y a ce maquillage
01:08:50permanent mais
01:08:52je pense que cette réaction du pouvoir
01:08:54c'est aussi symbolique d'un pouvoir qui a peur
01:08:56face à une société qui n'a pas
01:08:58dit son dernier mot. Alors un pouvoir
01:09:00qui a peur mais un appareil répressif
01:09:02d'une terrible efficacité si on en juge
01:09:04par les résultats auxquels
01:09:06on a assisté durant d'ailleurs tous les
01:09:08mouvements de contestation auxquels on a assisté
01:09:10depuis la création de cette république islamique
01:09:12en Iran. On a une idée du nombre
01:09:14de victimes aujourd'hui liées à ce
01:09:16mouvement précisément et dues à la répression du régime ?
01:09:18C'est très difficile d'avoir des chiffres
01:09:20du côté officiel
01:09:22on parle de 300 à 500
01:09:24victimes mais
01:09:26quid de tous les blessés ?
01:09:28Il faut savoir que pendant les manifestations
01:09:30les blessés n'osaient pas aller dans les hôpitaux
01:09:32de peur d'être arrêtés par les forces de l'ordre
01:09:34donc des gens qui se sont fait soigner
01:09:36en catimini par des médecins
01:09:38clandestins. Quand ils tiraient
01:09:40au fusil de chasse dans les
01:09:42foules, parfois c'était les parties
01:09:44génitales ou les yeux qui étaient sciemment
01:09:46touchés donc beaucoup de
01:09:48blessés, beaucoup de prisonniers aussi
01:09:50des milliers de détenus à l'heure actuelle
01:09:52mais moi ce qui me marque vraiment c'est que
01:09:54en effet si la révolution entre guillemets n'a pas
01:09:56abouti, si les gens ne sont pas parvenus
01:09:58comme ils le souhaitaient, à changer de régime
01:10:00ils ont réussi quelque part
01:10:02à changer de trajectoire et ça c'est déjà
01:10:04fort. Là au moment où l'on parle
01:10:06il y a régulièrement
01:10:08d'autres petits mouvements qui naissent
01:10:10ces derniers mois par exemple c'était les infirmières
01:10:12à travers le pays qui ont
01:10:14commencé à lancer des mouvements de grève
01:10:16pour réclamer de meilleures conditions de travail
01:10:18le quartier des femmes
01:10:20de la prison des vines est devenu
01:10:22un quartier de mobilisation
01:10:24quasiment quotidienne
01:10:26avec notamment entre autres l'activiste
01:10:28Narges Mohammadi, prix Nobel
01:10:30de la paix qui récemment a initié
01:10:32une nouvelle campagne notamment
01:10:34contre la peine de mort et donc
01:10:36à tour de rôle les femmes se relaient
01:10:38pour organiser des grèves
01:10:40de la faim pour continuer à
01:10:42mobiliser le grand public en
01:10:44espérant que leurs actions
01:10:46sortent de derrière les
01:10:48barreaux de la prison des vines et
01:10:50continuer à encourager
01:10:52tous les iraniens à continuer à se
01:10:54mobiliser. Narges Mohammadi vous l'avez dit
01:10:56prix Nobel c'était en 2023
01:10:58vous voulez rajouter quelque chose ? Oui je voulais
01:11:00dire c'est vrai le réalisateur du documentaire
01:11:02à 37 ans c'est à dire qu'il est né
01:11:04la république islamique elle à 45 ans
01:11:06et donc il est né il a vécu dans cette république
01:11:08islamique on voit les jeunes
01:11:10qui ont manifesté sont très jeunes
01:11:12parfois le plus jeune
01:11:14tué est un garçon de 10 ans
01:11:16il y a
01:11:18beaucoup de jeunes de 15 à 22 ans
01:11:20à 25 ans c'est aussi une révolte
01:11:22générationnelle. C'est les générations
01:11:24des années 2000
01:11:262010. C'est les petits enfants
01:11:28moi je les ai appelés à l'époque dans un éditorial
01:11:30les petits enfants de la révolution c'est à dire
01:11:32ceux qui c'est vrai que les
01:11:34parents peut-être avaient peur
01:11:36aussi parfois de se soulever ils avaient vécu
01:11:38la guerre il faut savoir que la guerre Iran-Irak
01:11:40qui a eu lieu juste après la révolution islamique
01:11:42a quand même
01:11:44consolidé quelque part la
01:11:46république islamique puisque quand le pays est
01:11:48attaqué forcément c'est pas
01:11:50vraiment le moment où on va manifester
01:11:52et c'est cette génération qui elle est très ouverte
01:11:54les iraniens ont toujours été très
01:11:56connectés c'était quasiment les premiers
01:11:58du Moyen-Orient à se lancer dans
01:12:00les blogs, dans les sites internet
01:12:02donc ils sont
01:12:04sur Instagram il y a beaucoup de comptes donc c'est
01:12:06une génération qui a toujours à travers
01:12:08des proxys réussi à détourner
01:12:10la censure sur internet donc c'est une génération
01:12:12qui est très ouverte sur le monde
01:12:14qui est éduquée, anglophone
01:12:16c'est une génération qui paye
01:12:18le prix du sang
01:12:20moi j'ai quelques chiffres là, les 4 premiers
01:12:22mois après le début du
01:12:24mouvement il y aurait eu 537 morts
01:12:26dont 48 femmes, 68
01:12:28enfants, 22 000 arrestations
01:12:30mais le jeune chauffeur de taxi le
01:12:32dit, à quoi bon vivre
01:12:34si je ne peux pas vivre
01:12:36dans ces conditions, à quoi bon vivre dans ces conditions
01:12:38et c'est vrai que c'est le cri
01:12:40d'une génération qui dit
01:12:42je refuse, je préfère
01:12:44mourir que de vivre dans
01:12:46dans ce carcan
01:12:48beaucoup trop étroit
01:12:50il y a eu
01:12:52une idéologie qui a
01:12:54pris le pouvoir dans le pays
01:12:56mais qui n'est pas représentative de ce que
01:12:58vit la génération d'aujourd'hui
01:13:00On voit aussi dans ce film que beaucoup de choses
01:13:02se passent en réalité dans la sphère privée
01:13:04et que le peu de liberté dont bénéficie
01:13:06peut-être cette jeunesse iranienne aujourd'hui
01:13:08et ces femmes iraniennes
01:13:10se situent dans le cercle privé
01:13:12avant le cercle public que visiblement
01:13:14l'impression a fait son oeuvre
01:13:16mais dans le cercle privé c'est là que ça continue
01:13:18et bien sûr vous l'avez dit sur les réseaux sociaux
01:13:20Instagram
01:13:22Exactement, ça la sphère privée ça a toujours existé
01:13:24c'est le propre de la société iranienne
01:13:26qui se sent cadenassée
01:13:28depuis l'arrivée des religieux au pouvoir en 79
01:13:30qui sait en permanence
01:13:32organiser des espaces
01:13:34de survie
01:13:36pour pouvoir dialoguer
01:13:38danser, c'est une génération
01:13:40c'est un peuple très joyeux
01:13:42contrairement, enfin voilà
01:13:44le pouvoir ce sont des adorateurs de la mort
01:13:46les iraniens traquent la vie
01:13:48au quotidien et pourquoi
01:13:50on est dans une génération encore plus
01:13:52irrévérencieuse aujourd'hui, encore plus
01:13:54jusqu'au bouddhiste, prête à mourir
01:13:56pour gagner la vie
01:13:58c'est ce paradoxe
01:14:00c'est parce que comme vous le disiez c'est une génération aussi
01:14:02très connectée qui a encore plus
01:14:04conscience que la génération
01:14:06d'avant de la façon dont on vit
01:14:08à Los Angeles
01:14:10à Berlin, à Paris
01:14:12à Londres, donc à quoi aspirent les jeunes
01:14:14aujourd'hui, c'est à vivre
01:14:16tout simplement. Ce sont les réseaux sociaux
01:14:18qui assurent la survie de ce mouvement aujourd'hui
01:14:20très clairement. Je pense que les réseaux sociaux
01:14:22jouent un rôle, c'est évident
01:14:24sachant que ces jeunes sont
01:14:26connectés en permanence sur le monde
01:14:28mais ce qui est très important c'est qu'ils sont connectés aussi
01:14:30entre eux, on parlait d'un mouvement
01:14:32global, c'est tout l'Iran
01:14:34qui s'est réveillé, donc un jeune
01:14:36au fin fond du Balouchistan
01:14:38pourra tenir une conversation
01:14:40hebdomadaire avec un jeune
01:14:42qui se trouve
01:14:44au Kurdistan ou à Téhéran
01:14:46c'est-à-dire qu'aujourd'hui
01:14:48les critères sont les mêmes et ça crée du lien
01:14:50et pour la première fois aussi
01:14:52ce mouvement a créé un pont
01:14:54entre la diaspora à l'étranger
01:14:56et les Iraniens de l'intérieur
01:14:58et ça c'est aussi cette force
01:15:00qui fait que, comme dans tout mouvement social
01:15:02à partir du moment où on sort
01:15:04de son isolement et qu'on arrive au collectif
01:15:06le courage devient contagieux
01:15:08et la peur se transforme en force
01:15:10c'est ce qu'on voit aussi dans ce documentaire
01:15:12Un mot peut-être sur cette diaspora ?
01:15:14Il en est aussi question dans ce film
01:15:16le réalisateur apprend que
01:15:18la diaspora
01:15:20se serait un peu unifiée derrière ce
01:15:22mouvement, c'est la réalité, on a affaire
01:15:24à une diaspora unifiée
01:15:26et pleinement derrière ce mouvement
01:15:28où les choses ne sont pas aussi simples que ça
01:15:30C'est des Iraniens donc les choses ne sont jamais
01:15:32si simples que ça, mais néanmoins si
01:15:34Il y avait un phénomène inédit
01:15:36au sein de la diaspora iranienne
01:15:38qui a été de s'unir parce que la diaspora iranienne
01:15:40est globalement divisée
01:15:42entre les royalistes
01:15:44entre ceux qui pensent plutôt
01:15:46C'est pour ça que je me suis permis de vous poser la question
01:15:48Evidemment il y avait plusieurs tendances
01:15:50mais quand même on a vu un mouvement
01:15:52qui a été incarné par plusieurs grandes figures
01:15:54comme l'ancien prix Nobel de la paix
01:15:56Shirin Ebadi
01:15:58ou le prince héritier
01:16:00entre guillemets Reza Pahlavi
01:16:02qui se sont à un moment donné unis
01:16:04ou l'activiste des droits de l'homme
01:16:06Masih Ali Nejad
01:16:08Il y a eu un mouvement
01:16:10collectif de soutien
01:16:12à ce mouvement, il y a eu beaucoup de relais
01:16:14parce qu'il y a énormément d'Iraniens de la diaspora
01:16:16quelque part nous en sommes
01:16:18aussi une forme d'incarnation
01:16:20mais c'est vrai qu'il y a eu cette unification
01:16:22Après quand la politique reprend
01:16:24le dessus c'est toujours plus compliqué
01:16:26d'avoir quelque chose d'abouti
01:16:28qui fait qu'on pourrait dire
01:16:30demain si les molotovs voilà
01:16:32quel régime on mettrait en place
01:16:34mais il y a quand même une aspiration démocratique
01:16:36très forte et une capacité en tout cas
01:16:38de l'opposition iranienne à discuter entre elles
01:16:40qui n'existaient pas avant ce mouvement
01:16:42Sur le plan intérieur
01:16:44est-ce que
01:16:46le président en place
01:16:48le guide suprême ont intégré
01:16:50cette révolution autrement que par l'aspect
01:16:52répressif, autrement dit est-ce qu'ils ont lâché
01:16:54du lest auprès des jeunes, auprès des femmes
01:16:56suite à ce mouvement et au dernier mois
01:16:58de ce mouvement ?
01:17:00Je pense que ce mouvement
01:17:02a révélé quelque chose, c'est
01:17:04le fossé de plus en plus
01:17:06croissant. Est-ce que le pouvoir est capable
01:17:08de réduire ce fossé ?
01:17:10Il a un temps soit peu donné des signes
01:17:12On n'a pas vraiment l'impression
01:17:14c'est-à-dire que la masse de protestataires
01:17:16ne cesse d'augmenter
01:17:18face à un noyau dur du pouvoir
01:17:20qui se restreint de plus en plus
01:17:22qui tremble, c'est évident
01:17:24et qui ne se raccroche
01:17:26qu'à la dernière arme qu'il a
01:17:28entre les mains, c'est la violence
01:17:30la répression
01:17:32et c'est pour ça que
01:17:34Il ne sait plus sur qui ce pouvoir
01:17:36pour
01:17:38mener à bien cette répression
01:17:40sur les guides de la révolution
01:17:42c'est l'Etat dans l'Etat iranien aujourd'hui
01:17:44qui se charge des baseurs
01:17:46C'est un peu un pouvoir à deux têtes
01:17:48c'est-à-dire que vous avez le cercle des
01:17:50ultraconservateurs religieux
01:17:52autour de l'ayatollah
01:17:54qui ne sera remplaçable
01:17:56entre guillemets
01:17:58que le jour de sa mort
01:18:00et l'armée des gardiens de la révolution
01:18:02c'est-à-dire l'armée d'élite
01:18:04l'armée parallèle qui tient
01:18:06cette force terrible de répression
01:18:08qui est engagée à l'interne
01:18:10mais également à l'externe
01:18:12avec des leviers
01:18:14dans les pays de la région
01:18:16et donc aujourd'hui
01:18:18c'est comme ça que ce système
01:18:20continue à tenir
01:18:22face à une population de plus en plus
01:18:24désillusionnée mais d'après moi
01:18:26si le mouvement s'est tassé aujourd'hui
01:18:28il suffit d'un moindre incident
01:18:30pour qu'il y ait une nouvelle poussée de fièvre
01:18:32parce qu'on n'en est pas à la première protestation en Iran
01:18:34quand j'habitais en Iran j'ai couvert
01:18:36les émeutes et studentines de 1999
01:18:38à l'époque c'était les étudiants
01:18:40ensuite vous avez eu 2009
01:18:42ces mouvements de manifestation
01:18:44contre la fraude électorale
01:18:46puis la séquence 2017-2019
01:18:48où là on était plus dans les provinces
01:18:50c'était des cortèges
01:18:52contre la cherté de la vie
01:18:54l'augmentation du prix de l'essence
01:18:56donc pour vous dire qu'à chaque instant
01:18:58il y a eu comme ça des gens
01:19:00qui ont exprimé leur mécontentement
01:19:02aujourd'hui le pouvoir n'a répondu à aucune de ces demandes
01:19:04ça s'entasse, ça s'empile
01:19:06donc à la prochaine occasion
01:19:08je suis certaine que les gens
01:19:10ressortiront dans la rue parce que
01:19:12ils sont asphyxiés, c'est ce qu'ils vous disent
01:19:14ils n'ont plus aucun horizon en face
01:19:16Est-ce qu'ils ont l'horizon de la résistance intérieure
01:19:18ou est-ce que l'horizon ne se réduirait pas à l'exil
01:19:20tout simplement pour cette jeunesse iranienne
01:19:22pour beaucoup ?
01:19:24Est-ce que la résistance intérieure
01:19:26compte tenu de tout ce que vous nous avez dit
01:19:28vous nous citez un certain nombre de mouvements
01:19:30qui ont eu lieu depuis 1979
01:19:32ils n'ont jamais abouti ces mouvements de contestation
01:19:34Est-ce qu'on n'est pas condamnés à l'exil
01:19:36dans ces cas-là ?
01:19:38L'exil fait partie évidemment
01:19:40il y a énormément d'Iraniens qui se sont exilés
01:19:42et encore plus ces dernières années
01:19:44et il faut dire
01:19:46évidemment que le régime profite à des gens
01:19:48sinon le régime ne tiendrait pas depuis 45 ans
01:19:50il a opéré
01:19:52comme tous les régimes entre guillemets révolutionnaires
01:19:54un renversement des élites
01:19:56des personnes qui n'étaient pas
01:19:58évidemment dépositaires du pouvoir
01:20:00parce qu'on était sur des élites
01:20:02traditionnelles ou des élites
01:20:04liées à l'argent
01:20:06ou à la proximité avec le chat d'Iran
01:20:08le dirigeant
01:20:10aujourd'hui ça a été complètement rebattu
01:20:12les cartes et l'islamisation de la société
01:20:14a fait que c'était d'autres personnes
01:20:16qui ont été mises en avant et qui aujourd'hui
01:20:18évidemment ne souhaitent pas
01:20:20que le régime change comme partout
01:20:22mais ce qui est vrai
01:20:24c'est cette question générationnelle dont je vous parlais
01:20:26c'est que maintenant
01:20:28y compris ces personnes qui font partie de l'appareil répressif
01:20:30ont même des enfants
01:20:32qui eux-mêmes n'acceptent pas
01:20:34cette nouvelle loi
01:20:36donc la force du nombre
01:20:38au bout d'un moment, même si beaucoup s'exilent
01:20:40et il y a aussi d'autres formes d'évasion
01:20:42l'Iran est un pays extrêmement touché par le problème de drogue
01:20:44par les problèmes aussi psychiatriques
01:20:46il y a d'autres formes aussi
01:20:48de façon parfois terrible
01:20:50dont la jeunesse cherche à s'extirper
01:20:52d'ailleurs j'ai vu que l'année dernière il y a eu 800 condamnations à mort
01:20:54la peine de mort
01:20:56est évidemment toujours en activité en Iran
01:20:58et la plupart de ces condamnations à mort
01:21:00touchent à la drogue
01:21:02oui après il y a certaines condamnations à mort qui sont
01:21:04masquées sous le terme de drogue
01:21:06mais c'est vrai que la question de la drogue est très importante
01:21:08et que c'est aussi une forme d'évasion de la jeunesse
01:21:10qui cherche à oublier ce régime
01:21:12un mot sur ces gardiens de la révolution
01:21:14état dans l'état disent beaucoup
01:21:16ça représente combien d'hommes ?
01:21:18250 000 hommes je dirais à peu près
01:21:20mais ils s'insèrent dans la vie économique
01:21:22dans la vie sécuritaire du pays
01:21:24ils sont omniprésents
01:21:26pour faire un petit peu d'histoire
01:21:28c'est un peu la garde rapprochée du numéro 1 du régime
01:21:30le guide suprême
01:21:32et ils sont partis au début juste sur la question sécuritaire
01:21:34et peu à peu à travers des consortiums économiques
01:21:36ils se sont mis la main
01:21:38sur divers pans de l'économie
01:21:40notamment le pétrole
01:21:42la période des sanctions a aussi entraîné
01:21:44des phénomènes de contournement
01:21:46on sait qu'aujourd'hui
01:21:48même si les iraniens n'ont théoriquement pas le droit
01:21:50de vendre leur pétrole à tous
01:21:52ils le vendent beaucoup à de nombreux pays
01:21:54notamment la Chine
01:21:56et tout ça est contrôlé par les gardiens de la révolution
01:21:58on a beaucoup parlé de cette jeunesse
01:22:00de ces femmes iraniennes
01:22:02mais justement le regard des parents
01:22:04de la génération précédente
01:22:06sur ces enfants, sur leurs enfants
01:22:08qui mènent ce mouvement
01:22:10des parents qui font partie de la génération d'avant
01:22:12des parents plus prudents je dirais
01:22:14parce qu'ils sont baignés de désillusions
01:22:16ils ont cru aux réformes de l'intérieur
01:22:18à l'époque de Mohamed Ratami
01:22:20la fin des années 90
01:22:22c'est les générations des compromis
01:22:24qui s'est dit qu'on pouvait changer le système
01:22:26par concession
01:22:28c'est une génération aussi
01:22:30qui a vécu de plein fouet
01:22:32la fraude électorale de 2009
01:22:34quand le président ultra conservateur
01:22:36Mahmoud Ahmadinejad est resté en poste
01:22:38donc c'est une génération
01:22:40qui a beaucoup déchanté
01:22:42et c'est là où elle est très différente de la génération d'aujourd'hui
01:22:44qui est tellement jusqu'au boutiste
01:22:46qui littéralement veut faire tomber le voile
01:22:48comme elle veut faire tomber le régime
01:22:50alors ce qui est intéressant c'est que justement
01:22:52est-ce que, alors là on n'a pas
01:22:54assisté à ça aux dernières manifestations
01:22:56c'est-à-dire qu'il y a des parents qui restaient prudents
01:22:58qui restaient entre guillemets au balcon
01:23:00qui soutenaient les manifestations
01:23:02qui ne descendaient pas dans la rue
01:23:04mais ce ras-le-bol dont on parle
01:23:06s'il revient sur le devant de la scène
01:23:08il n'est pas exclu qu'à un moment donné
01:23:10les parents rejoignent les enfants dans la rue
01:23:12et c'est là où on atteindra une masse critique
01:23:14qui fera trembler encore plus le régime
01:23:16l'autre élément c'est que vous parliez des gardiens de la révolution
01:23:18il y en a certains
01:23:20plus de la vieille garde entre guillemets
01:23:22qui sont plus dans la retenue
01:23:24qui voient leurs enfants tomber sous les balles
01:23:26et qui n'adhèrent plus à ce système
01:23:28auquel ils ont cru
01:23:30il y a des failles internes, il y a des fissures
01:23:32c'est en train de craquer, qu'est-ce que ça va donner
01:23:34là c'est l'avenir qui nous le dira
01:23:36cette fameuse masse critique
01:23:38que vous évoquez
01:23:40qui pourrait faire basculer le régime finalement
01:23:42vous y croyez vous aussi, ça sera le mot de la fin
01:23:44il faut au cas aussi se rappeler pour le mot de la fin
01:23:46que l'Iran n'est pas tout seul dans sa région
01:23:48qu'il y a un contexte régional fort
01:23:50que l'Iran est soumis, fait partie évidemment
01:23:52à lancer une sorte d'axe
01:23:54de résistance
01:23:56contre la présence américaine et israélienne
01:23:58dans la région
01:24:00donc ce sont des forces aussi extérieures
01:24:02qui font peser évidemment
01:24:04dans le jeu régional
01:24:06on ne sait pas qu'est-ce que ça peut donner
01:24:08il y a à la fois la conjonction de l'aspiration
01:24:10intérieure et du jeu
01:24:12géopolitique régional
01:24:14qui peut faire changer les choses
01:24:16c'est un régime qui s'est souvent appuyé sur l'extérieur
01:24:18pour essayer de consolider son pouvoir
01:24:20à l'intérieur, c'est sans doute pour cela
01:24:22que vous nous dites cela
01:24:24un grand merci vraiment à toutes les deux
01:24:26qui participent à ce Débat Doc aujourd'hui
01:24:28après ce formidable
01:24:30et bouleversant documentaire aujourd'hui
01:24:32dans Débat Doc
01:24:34Iran, le visage de la colère
01:24:36merci, vos réactions
01:24:38ce sera bien sûr sur hashtag Débat Doc
01:24:40merci aussi à Félicité Gavalda
01:24:42Victoria Bellé qui m'ont aidé comme à l'accoutumée
01:24:44à préparer cette émission, le prochain Débat Doc
01:24:46ce sera bien sûr avec son documentaire
01:24:48et son débat, à très bientôt

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