Au bout d’une campagne mêlant peur et division, la stratégie porte finalement ses fruits, Donald Trump est président des Etats-Unis. Après sa victoire, à quoi peut-on s’attendre désormais ?
Si Trump était un candidat menant une campagne nourrie de déclarations guidées par l’isolationnisme, la xénophobie et le nationalisme, quel place auront les Etats-Unis dans le monde avec Trump président ? A quoi peut ressembler une diplomatie Made in Trump ? Aujourd'hui on discute avec notre journaliste au service planète, Samuel Ravier-Regnat, pour décrypter la diplomatie made in Trump.
Si Trump était un candidat menant une campagne nourrie de déclarations guidées par l’isolationnisme, la xénophobie et le nationalisme, quel place auront les Etats-Unis dans le monde avec Trump président ? A quoi peut ressembler une diplomatie Made in Trump ? Aujourd'hui on discute avec notre journaliste au service planète, Samuel Ravier-Regnat, pour décrypter la diplomatie made in Trump.
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00:00Donald Trump à la tête des Etats-Unis pour un second mandat, ça veut dire quoi pour le reste du monde ?
00:04Sa vision de la diplomatie, sa vision de la guerre en Ukraine, de la guerre au Proche-Orient,
00:09des dictateurs à travers le monde, Vladimir Poutine, Viktor Orban...
00:12Avec cette réélection, en fait, il y a beaucoup de questions qui se posent,
00:15et pour y répondre, ce que je vous propose, c'est de discuter avec Samuel Ravirenia.
00:20Salut Samuel !
00:21Salut, comment ça va ?
00:22Tu es journaliste au service Planète.
00:25On le sait, Donald Trump, sa philosophie, c'est un petit peu America First.
00:30Mais concrètement, ça veut dire quoi dans sa politique ?
00:32Alors c'est très compliqué de savoir vraiment à quoi s'attendre sur cette question diplomatique parce que...
00:36Merci de regarder cette vidéo, je vous fais une toute petite pause pour vous demander de vous abonner à la chaîne YouTube de Libération.
00:41On fait des discussions comme ça toutes les semaines.
00:43Commentez, donnez-nous votre avis, likez la vidéo s'il vous plaît, et surtout, je vous souhaite un bon vise-nage.
00:48C'est très compliqué de savoir vraiment à quoi s'attendre sur cette question diplomatique
00:52parce que Trump a très peu parlé de diplomatie tout au long de la campagne présidentielle.
00:56Les campagnes américaines ne portent jamais sur cette question diplomatique.
01:00Trump en a peu parlé, son programme parle peu de ça.
01:03Ceci dit, on peut quand même savoir des choses de par son premier mandat à la Maison Blanche,
01:09de par aussi ce qu'il a pu en dire tout au long de sa vie politique.
01:12En gros, il y a deux traits caractéristiques de la diplomatie Trumpiste qu'on peut ressortir,
01:17qui sont le nationalisme, c'est le sens de son slogan America First,
01:22les intérêts vitaux américains d'abord, les intérêts vitaux économiques en particulier,
01:27et aussi le rejet du multilatéralisme,
01:29ce qui veut dire que Trump ne veut pas parler dans le cadre des organisations multilatérales
01:35qui existent dans le monde et qu'il les a beaucoup quittées.
01:38Quand il était président américain, il a quitté plusieurs organisations,
01:41il a quitté l'UNESCO, il a quitté l'OMS, l'Organisation Mondiale de la Santé,
01:46il a aussi quitté par exemple l'accord sur l'Iran,
01:51et ça a des conséquences très concrètes, je peux en citer deux par exemple,
01:54sur l'OTAN notamment, qui est cette alliance militaire qui comprend les américains et les pays européens,
02:00Trump a beaucoup critiqué l'OTAN, il reproche aux européens de ne pas dépenser suffisamment pour leur défense,
02:06et il a, au cours de la campagne, suggéré qu'il voudrait non pas quitter l'OTAN,
02:10mais qu'il ne serait pas prêt à protéger des pays européens qui seraient attaqués,
02:15parce qu'il trouve que les européens ne dépensent pas suffisamment.
02:18Et donc sur ce sujet-là, ça pourrait créer des tensions importantes
02:22entre les américains d'une part, et d'autre part, les pays européens.
02:26Je vois qu'on a un commentaire, Bandini Fred, qui te dit que l'Amérique a toujours été America First.
02:31Si l'Amérique a toujours été America First, qu'est-ce que ça change avec Donald Trump ?
02:36C'est quoi les différences ?
02:38Il y a une question très importante par rapport au multilatéralisme dont je suis en train de parler,
02:43qui est que les américains, depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale,
02:46ils s'inscrivaient plutôt dans le cadre des organisations qui ont été créées après la guerre,
02:53et Trump a commencé à les quitter en 2016, quand il a été élu,
03:00a critiqué par exemple l'OTAN, qui est une base fondamentale du système international tel qu'il existe aujourd'hui.
03:07Et par exemple, lorsque Trump suggère qu'il ne va pas soutenir un État qui serait attaqué,
03:11c'est une remise en cause d'un principe fondamental de l'OTAN, qui est la solidarité militaire entre les États.
03:16L'article 5, c'est lorsqu'un État est attaqué, les autres États le défendent, et Trump a remis ça en cause.
03:23L'autre exemple que je voulais évoquer, c'était la question du climat,
03:27qui est que le président Trump a quitté l'accord de Paris sur le climat,
03:31que Joe Biden y a réintégré les États-Unis, et que Trump a promis qu'il le quitterait à nouveau,
03:37ce qui signifie qu'une des plus grosses puissances mondiales, une des puissances les plus démétrices de gaz à effet de serre,
03:44quitte un accord cadre sur le climat.
03:46— Tu disais que l'une des caractéristiques de Donald Trump, c'est le rejet du multilatéralisme,
03:51donc le fait de négocier avec d'autres pays ce système-là.
03:54Est-ce qu'il pourrait, plutôt que de négocier avec les pays avec qui les États-Unis négocient habituellement,
04:01négocier avec d'autres pays, des pays qui étaient jusque-là ignorés, je sais pas ?
04:05— On peut s'attendre... En fait, Trump, de base, en général, refuse de négocier avec des groupes et veut négocier État par État.
04:15Et par exemple, il y a une question qui va se poser, c'est qu'il a décidé d'augmenter les taxes douanières
04:20de tous les États qui importent des biens vers les États-Unis, en particulier sur la Chine.
04:26Et donc on peut s'attendre à des négociations tarifaires, douanières, avec beaucoup d'États différents,
04:33en particulier les Européens, mais surtout les Chinois, qui sont ceux qui auront les plus hausses augmentations de tarifs.
04:40Voilà. On va avoir en fait une explosion des négociations bilatérales, État par État, plutôt que multilatérales.
04:48— Du coup, ça va avoir des conséquences concrètes sur les échanges commerciaux. Quelles conséquences ça va avoir ?
04:53— Ça veut dire que les Américains vont augmenter les tarifs douaniers, donc ils vont taxer davantage les produits qui entrent sur les territoires américains,
05:01quitte à ce que ça provoque des hausses de prix aux États-Unis.
05:04— On a une question de Zala Kazar, je crois, si je lis bien ton pseudo. Sur la question du climat,
05:12est-ce qu'il n'y a aucun garde-fou qui l'empêche de faire comme bon lui semble ?
05:17— Alors les Américains peuvent quitter l'accord de Paris comme ils l'avaient fait déjà auparavant.
05:22Sur la question des garde-fous au niveau national, Trump risque d'avoir peu de contre-pouvoirs politiques
05:31au sens où le Sénat va basculer à nouveau républicain. Donc Trump aura les mains libres pour agir en la matière.
05:38— Dans la vision que Trump a de la diplomatie, il y a aussi un rapport à d'autres chefs d'État, et notamment d'autres chefs d'État autoritaires,
05:48ce qui change aussi un tout petit peu la donne. C'est quoi la vision de Donald Trump sur d'autres chefs d'État plus autoritaires ?
05:55— Ce qu'on a observé lors du premier mandat et aussi après, c'est que Trump a une admiration très importante à l'égard des dirigeants autoritaires.
06:03Il veut faire partie de ce club des dirigeants autoritaires. Il a fait part plusieurs fois de son admiration envers Vladimir Poutine.
06:10Il a fait des éloges publics au président turc Erdogan. Il avait une relation particulière avec le président nord-coréen Kim Jong-un.
06:18Et ce qu'on peut noter, par exemple, à ce sujet, c'est que lors du débat présidentiel contre Kamala Harris en septembre en Pennsylvanie,
06:27Trump est interrogé sur les dirigeants qui pourraient le soutenir dans le monde. Et le seul nom qu'il cite, c'est le nom du Premier ministre hongrois
06:37Viktor Orbán, qui est lui aussi un dirigeant autoritaire. — Et concrètement, qu'est-ce que ça veut dire pour la diplomatie américaine ?
06:44Il pourrait se tourner plus vers eux pour échanger ? — On verra. C'est compliqué à dire pour le moment. Ça veut dire... En tout cas, ça montre aussi, lui,
06:54comment dire, l'estime qu'il a pour le côté homme fort et pour le côté loi du plus fort plutôt que contre-pouvoir et démocratie.
07:04— Est-ce qu'on le sait un petit peu, comment il va gérer les conflits en cours dans le monde ? Donc il y a évidemment la guerre en Ukraine
07:13et le conflit au Proche-Orient. Comment est-ce que ça va se passer ? — Je commence par l'Ukraine. On peut s'attendre sur l'Ukraine à ce que ce soit
07:19une des ruptures majeures avec le mandat Biden. Les démocrates étaient des soutiens assez marqués de l'Ukraine et du gouvernement Zelensky,
07:29qu'ils ont financé et auxquels ils envoyaient des armes. On peut s'attendre avec Trump parce que ça change. Trump a dit qu'il était capable
07:38de négocier en 24 heures la fin de la guerre en Ukraine. Il a dit qu'il avait un plan dont il n'a jamais parlé précisément.
07:46Personne ne sait vraiment à quoi ce plan correspond, si ce plan existe vraiment. En revanche, son colistier, James David Vance,
07:55a dessiné en gros ce que ce plan pourrait être en septembre et en gros ce à quoi ça pourrait ressembler. On parle avec prudence,
08:02parce que pour l'instant, ce sont des propos qui sont encore flous et qui mériteront d'être expliqués. C'est que les Américains, sous Trump,
08:12voudraient mettre à profit la dépendance de l'Ukraine à l'égard de l'aide militaire américaine pour forcer les Ukrainiens à accepter
08:20un accord qui pourrait leur être défavorable. Vance, donc le colistier, le futur vice-président, a parlé en gros de geler le front sur la ligne actuelle.
08:32Ce qui voudrait dire, ce qui pourrait signifier enteriner les pertes territoriales que l'Ukraine a subies depuis deux ans dans la guerre avec la Russie.
08:40Et aussi, Vance a parlé du fait que les Américains pourraient pousser l'Ukraine à renoncer à rejoindre l'OTAN, par exemple,
08:50donc en gros à devenir une sorte d'état neutre, état tampon entre la Russie et l'Europe, pardon, l'Union Européenne.
09:00Ce qu'on peut en dire, c'est que ça montre le fait que Trump ne veut pas payer pour la guerre en Ukraine. Trump considère que Dombasse, c'est loin,
09:07et que les Américains, qui sont les premiers financeurs de l'effort de guerre ukrainien, payent trop d'argent aux yeux de Trump.
09:16Et donc Trump voudrait mettre fin à ces dépenses-là. Et aussi, Trump cherche à se présenter comme le président qui met fin aux guerres,
09:22qui est celui grâce auquel les guerres se terminent. Et donc il serait très content de pouvoir être celui qui gagne un cessez-le-feu en Ukraine.
09:32— Et donc concrètement, tu dis que ça pourrait geler le front actuel entre l'Ukraine et la Russie.
09:39Concrètement, ça veut dire quoi pour les territoires ukrainiens ? Ils vont aller à la Russie ? Qu'est-ce qui va se passer ?
09:43— En fait, c'est ce que demande Trump. Ce que pourrait demander Trump, c'est de dire à Zelensky qu'on arrête de vous envoyer de l'aide militaire
09:52si vous n'acceptez pas un plan qui enterrine vos pertes territoriales. Après, c'est pas sûr que les Ukrainiens acceptent.
10:00Les Ukrainiens peuvent très bien ne pas accepter les pressions américaines. Et ça, ce sont des choses qu'il faudra surveiller dans les mois à venir.
10:10— Je vois une question dans le tchat qui te demande... On sait que les candidats soutenaient Israël.
10:16Quelle différence entre la position de Trump et celle de Harris au sujet du conflit au Proche-Orient ?
10:21— Très bonne question. Je pense que les deux États-Unis, historiquement, sont un allié d'Israël. Ils ont financé, envoyé des armes à Israël
10:33depuis le 7 octobre et avant aussi. Et Trump a beaucoup critiqué Kamala Harris et Joe Biden depuis le début de la guerre.
10:41Il explique que Kamala Harris est Israël. Il a dit qu'Harris haïssait Israël. Pour autant, il n'a pas dit ce qu'il aurait fait différemment de Biden et de Harris.
10:53Ce qu'on sait, c'est que Trump se présente comme le meilleur ami qu'Israël ait jamais eu. Et que lorsqu'il était président des États-Unis,
11:02il a eu une politique très pro-israélienne, notamment avec des mesures symboliques très fortes. Par exemple, il avait déplacé l'ambassade américaine
11:10d'Hotel Aviv à Jérusalem, ce qui était extrêmement important. Il avait aussi, par exemple, coupé les aides américaines à l'UNRWA,
11:17qui est l'agence onusienne d'aide aux réfugiés palestiniens. Donc il avait un discours très pro-israélien, peut-être plus encore que Kamala Harris.
11:27Même si c'est très flou. Par exemple, Trump dit qu'il est le président... Le meilleur ami qu'Israël ait jamais eu. Et a expliqué que jamais le Hamas
11:36n'aurait attaqué Israël s'il avait été président. Mais ce sont des discours qui sont très flous. Ce qui est important sur ça à noter, c'est que Trump
11:44a une base électorale évangélique qui est extrêmement attachée à la question d'Israël. Et que cette base-là le pousse à un discours offensif sur ça.
11:56Mais après, il faut voir à quel point les discours et les actes correspondent. Après, Trump a critiqué à plusieurs reprises Netanyahou sur la manière
12:02dont il conduisait la guerre. Mais ce sont des propos qui étaient flous, encore une fois. Et sur le fond du sujet, Trump a adopté des positions
12:10qui étaient beaucoup plus favorables à Israël qu'à la Palestine. Et il se présente lui-même comme le meilleur ami qu'Israël ait jamais eu.
12:17Pour terminer, concrètement, quelle va être la place des États-Unis dans le monde dans les jours, les mois, les années qui viennent ?
12:25On peut s'attendre avec prudence à un pays qui s'engage moins dans les organisations multilatérales, qui se retire un peu de ces structures-là
12:37et qui cherche davantage à avoir des relations bilatérales avec tous les États. Après, sur beaucoup de sujets, pour l'instant, c'est trop tôt
12:44pour savoir ce qui va devenir. On peut s'attendre à une rupture majeure sur l'Ukraine. On peut s'attendre à des tensions avec l'OTAN,
12:50avec les pays européens, qui chercheront, eux, à rester unis et à ne pas se diviser, à avoir chacun des positions différentes
12:59par rapport à ce que veulent les Américains. Voilà. — Merci beaucoup, Samuel, pour tous tes éclairages. — Merci à vous.
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