Quelles perspectives pour l'économie française ? François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, est l'invité du Grand entretien de la matinale. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mercredi-13-novembre-2024-2210664
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00:00Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin le gouverneur de la Banque de France, dans le grand entretien du 7-10.
00:06Question-réaction au 01-45-24-7000 et sur l'application de Radio France.
00:12François Villeroy de Gallo, bonjour.
00:14Bonjour Nicolas Demorand et bonjour Léa Salamé.
00:17Bienvenue sur Inter, la Banque de France a fait paraître hier son enquête mensuelle de conjoncture, toujours très scrutée, attendue.
00:25Il faut dire qu'on l'attendait encore plus en ce mois de novembre, qui voit les nuages s'accumuler sur le marché du travail, sur la situation budgétaire du pays.
00:34Avant de détailler les choses avec vous, faites-nous une photo à l'instant T de l'économie française.
00:41Et cette photo est-elle sombre, très sombre, noire, ou y a-t-il des éclaircies qui pointent ?
00:48Alors d'abord, c'est effectivement une enquête de terrain, faite par les hommes et les femmes de la Banque de France,
00:52auprès de 8500 entreprises PME dans tous les territoires, dans tous les secteurs.
00:57Et je crois que c'est le meilleur bulletin de santé de l'économie française.
00:59Alors comment elle va ?
01:00Alors pour répondre à votre question, je crois que le paysage n'est ni noir, ni évidemment uniformément rose.
01:07Il y a un peu toutes les nuances de couleurs et je vais les résumer comme ça.
01:12D'abord que l'économie française confirme, mois après mois, une certaine résistance, une certaine résilience.
01:19La tendance que nous voyons, c'est que la croissance trimestre après trimestre,
01:22tendanciellement, elle est autour de plus 0,2% par trimestre, ou proche, autour de 1% par an.
01:29Il se trouve qu'il y avait eu plus au troisième trimestre parce qu'il y avait eu l'effet Jeux olympiques,
01:33et par contre-coup, ça sera moins ce trimestre.
01:35Mais il y a une espèce de résilience de fond.
01:39Il y a une autre couleur qu'on peut introduire dans la photo.
01:43Ça, c'est plutôt une bonne nouvelle de l'enquête.
01:45C'est qu'il y a aujourd'hui au moins autant d'entreprises qui comptent baisser leurs prix que les monter.
01:51Alors ça veut dire que l'inflation va rester modérée, elle est à 1,5% en France.
01:56Ça veut dire aussi que maintenant, les prix progressent moins vite que les salaires
02:00et que nous, à la Banque centrale, nous allons pouvoir baisser les taux d'intérêt.
02:04Quand les taux d'intérêt ?
02:06Alors les taux d'intérêt, nous avons commencé à les baisser puisqu'on était à 4% au mois de juin.
02:12Nous sommes aujourd'hui à 3,25%.
02:14Notre prochaine réunion est le 12 décembre, on verra à ce moment-là.
02:17Puis nous avons beaucoup de réunions en 2025.
02:20Je relève au passage Léa Salamé qu'à 3,25%, les taux d'intérêt en Europe
02:24sont nettement plus bas qu'aux États-Unis ou en Angleterre, où ils sont à 4,75%,
02:30alors qu'on a à peu près le même niveau d'inflation.
02:32Donc vous voyez, c'est une politique monétaire, je crois, qui est juste.
02:35Alors peut-être dernier élément de la photo, c'est que,
02:39alors par contre, l'enquête montre de la résilience, mais montre aussi des incertitudes.
02:44Et on va en parler.
02:46Il y a des incertitudes fortes chez les entrepreneurs
02:49autour du débat budgétaire et fiscal en France
02:51et puis autour maintenant de la future politique américaine.
02:55Alors, vous avez dit beaucoup de choses en une minute trente
02:58qu'on va essayer de reprendre quasiment point par point pour comprendre.
03:01Mais d'abord sur cette photo, c'est vrai que ces derniers jours,
03:04on reçoit ici des économistes, des analystes qui nous disent « ça va mal ».
03:11En gros, l'économie a tenu, elle a bien tenu pendant le Covid,
03:14elle a tenu pendant la guerre en Ukraine, la crise énergétique,
03:18mais là, on paye la facture.
03:20Il y a un retournement, hier nous disait Eric,
03:22il y a un retournement notamment sur le marché du travail.
03:25Et on vous entend ce matin nous raconter la photo à l'instant T,
03:30vous, le gouverneur de la Banque de France, donc vous êtes vraiment aux premières loges,
03:34et vous nous dites « ça tient ».
03:35Oui, je dirais que ça a tenu et ça continue à tenir.
03:39Le socle tient, y compris dans l'industrie,
03:41il y a l'aéronautique ou même l'agroalimentaire qui repart.
03:45Alors maintenant, il faut parler de l'emploi,
03:46je crois que c'est la préoccupation évidemment de ceux et celles qui nous écoutent.
03:50La situation est en train de se retourner.
03:52J'ajoute juste que le ministre de l'Industrie a prévenu
03:55qu'il y aurait plusieurs annonces de fermeture de sites industriels
03:59dans les prochains mois, que le bilan social va se compter en milliers d'emplois,
04:03la CGT évoque 200 plans sociaux, 150 000 emplois qui risquent de disparaître.
04:10On est dans ces ordres de grandeur-là ?
04:13Alors, moi d'abord, je voudrais dire que je comprends l'émotion des salariés d'Auchan ou de Michelin.
04:19Par exemple, un plan social, c'est toujours face à des difficultés économiques une décision lourde,
04:25et je souhaite vraiment, je crois que c'est l'intention des entreprises en cause,
04:28que chacun des salariés concernés puisse s'y accompagner pour retrouver une solution d'emploi durable.
04:33Sur l'emploi, globalement, je crois qu'il faut prendre à la fois la vue longue et la vue courte.
04:37Je vais très vite, si vous voulez bien Nicolas Demorand.
04:40Sur la vue longue, depuis 10 ans, l'économie française a créé plus de 2 millions d'emplois.
04:45Ça, c'est une performance collective que nous avons réussie tous ensemble, qu'on oublie un peu.
04:49Il faut se rappeler qu'il y a 10 ans, le taux de chômage était à plus de 10%.
04:53Ce matin, on a annoncé le taux de chômage pour le troisième trimestre, on est à 7,4.
04:59Au passage, depuis le Covid, depuis la fin 2019, depuis 5 ans, il y a eu aussi 1 million d'emplois créés.
05:05Donc ça, c'était une performance assez remarquable.
05:07Sur la vue courte, l'effet du ralentissement économique, c'est qu'on a un ralentissement de l'emploi.
05:13Et donc, on a une petite remontée du taux de chômage.
05:17Nous, nous prévoyons qu'il est aujourd'hui à 7,4.
05:20C'est beaucoup plus bas que les 10% du précédent ralentissement économique.
05:23Et vous prévoyez quoi pour 2025 ?
05:25On prévoit nos prévisions, nous les sortirons à mi-décembre.
05:29Mais probablement, un taux de chômage qui va remonter entre 7,5 et 8.
05:34Donc c'est une remontée modérée, avant de rebaisser vers 7%.
05:39Avant de rebaisser quand vers 7% ?
05:41Alors, on verra le point exact, mais...
05:44Dans l'année 2025 ?
05:45Probablement, autour du tournant 2025-2026.
05:50Encore une fois, Léa Salamé, notre prévision, nous la publions dans un mois.
05:53Non, mais c'est intéressant, vous ne lisez pas dans une boule de cristal,
05:56mais vous donnez une tendance qui n'est pas alarmante sur le front de l'emploi.
05:59Elle est vigilante.
06:01Moi, j'ai dit, l'économie française, elle n'est ni noire,
06:03comme tout le monde a tendance à le dire aujourd'hui, ni rose.
06:06Mais je vais le dire un peu plus globalement, c'est pour ça que j'insiste sur la vue longue.
06:09Quand je regarde la performance de l'économie française depuis 10 ans,
06:12d'abord, on a eu la crise inflationniste, bonne nouvelle, on est en train de gagner.
06:17Mais il y a deux maladies, ou il y avait deux maladies de l'économie française,
06:20c'est l'emploi et les finances publiques.
06:22En très gros, je simplifie, nous nous sommes bien soignés sur l'emploi.
06:27Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire attention,
06:28mais on a fait des très gros progrès, je l'ai dit, sur les finances publiques.
06:31Là, par contre, il faut vraiment traiter la maladie.
06:34Et on va y venir.
06:35Regardons quelques secteurs.
06:37Êtes-vous particulièrement inquiets ou pas pour le marché de l'automobile ?
06:42L'industrie automobile, elle est en perte de compétitivité par rapport à l'Asie et aux États-Unis.
06:48Elle est touchée à la fois par le recul des ventes sur le continent européen,
06:52la concurrence chinoise à bas prix, la lenteur de l'électrification.
06:56En Europe, 32 000 suppressions de postes annoncées au premier semestre dans ce secteur,
07:03soit plus que pendant la pandémie de Covid.
07:06Donc, est-ce qu'il y a là, pour vous, François Villeroy de Gallo, matière à inquiétude ?
07:13Je ne vais pas prétendre, Nicolas Demorand, être un spécialiste de l'économie automobile,
07:18mais c'est une industrie qui est très cyclique, qui sort de très bonnes années.
07:23Et c'est vrai, vous l'avez dit, qu'il y a aujourd'hui beaucoup d'incertitudes.
07:27Qu'est-ce qui va se passer sur les véhicules thermiques, les diverses normes ?
07:32Qu'est-ce qui va se passer sur la politique commerciale américaine ?
07:35On va en parler.
07:38Aujourd'hui, c'est vrai que c'est une industrie qui souffre.
07:40En sens inverse, il y a deux ans, c'était un moteur de l'économie.
07:42Alors, il y a d'autres secteurs industriels.
07:45Une des bonnes surprises de notre enquête, c'est que l'industrie, globalement,
07:49résiste relativement bien l'aéronautique.
07:52Par exemple, souvenez-vous, on pensait que c'était un secteur sinistré au moment du Covid,
07:55c'est un secteur qui, aujourd'hui, va bien.
07:57Et un secteur qui repart, c'est l'agroalimentaire.
07:59Sur l'automobile, c'est sûr qu'il y a un point d'attention.
08:02Et sur le bâtiment ?
08:03Le bâtiment, clairement, l'activité est en repli.
08:06Les carnets de commandes ne sont pas bien, pas suffisamment remplis.
08:12Vous connaissez l'adage, quand le bâtiment va, tout va.
08:15Là, en ce moment, vous convenez que le bâtiment ne va pas très bien ?
08:19Le bâtiment, c'est très important.
08:20Je vais un tout petit peu relativiser l'adage,
08:23parce qu'il y a d'autres secteurs, vous en parliez à l'instant, dans l'économie.
08:28Sur le bâtiment, alors là, il y a eu des années,
08:31secteur ultracyclique, et encore plus que l'automobile,
08:34notamment parce qu'il est très sensible à l'évolution des taux d'intérêt du crédit immobilier.
08:38Donc, quand on a dû monter les taux d'intérêt pour vaincre l'inflation,
08:42là, le bâtiment a souffert.
08:43Aujourd'hui, nous avons commencé à baisser les taux d'intérêt.
08:46Les taux d'intérêt du crédit immobilier aussi ont pas mal baissé.
08:49Ils étaient à plus de 4%.
08:51On est à 3,5% aujourd'hui, en moyenne.
08:53Ça reste beaucoup 3,5% quand on veut acheter.
08:56Ça, il faut dire les choses honnêtement.
08:58On ne retrouvera pas les taux d'intérêt exceptuellement bas,
09:01entre 1 et 1,5% qu'on avait au moment du colis.
09:04Mais est-ce qu'en 2025, on retrouvera des taux d'intérêt du crédit immobilier à 2,5%, 3% ?
09:10Je ne vais pas faire de pronostics.
09:11Mais il y a beaucoup de gens, le marché immobilier attend les taux.
09:16Il y a un repère, quand on regarde les taux du crédit immobilier,
09:19on a un peu oublié, là aussi, je fais appel à la mémoire longue,
09:22mais quand on regarde sur les 20 dernières années,
09:24en général, le crédit immobilier est plutôt entre 3 et 4%.
09:28Mais ne prenez pas ça pour un pronostic.
09:31Ce que nous notons, parce que la Banque de France mesure la production de crédit immobilier,
09:34c'est que celle-ci est repartie depuis le printemps.
09:38Et j'en profite pour le dire, parce que je sais que c'est une question très souvent posée par les Français.
09:43Je crois que les banques, aujourd'hui, ont la volonté de prêter.
09:46Il peut y avoir encore des doutes là-dessus,
09:47mais si certains ont des projets de crédit immobilier,
09:50c'est le moment d'aller tester les banques.
09:52Au passage, c'est le moment aussi d'aller les mettre en concurrence
09:54pour avoir les taux les plus bas possibles.
09:55Et puisqu'on est à la banque, une question rapide sur le taux du livret A.
09:59On sait qu'il est basé pour moitié sur l'évolution des prix des six derniers mois
10:02et pour une autre moitié sur un taux d'échange entre les banques,
10:04avec le recul de l'inflation.
10:06Il est inévitable que le taux du livret A baisse ?
10:10François Villereau de Gallo ?
10:11Alors, j'essaye de suivre les règles du jeu de la République
10:15et puis les calendriers de la République.
10:16La proposition que je ferai au ministre des Finances, ce sera à mi-janvier.
10:19Ce que je relève aujourd'hui, c'est que le taux du livret A,
10:22et nous avions fixé cela avec le ministre précédent, est à 3%.
10:26Donc c'est très bien protégé contre l'inflation qui est à 1,5%.
10:29On verra au mois de janvier ce que je proposerai au vu des chiffres à l'époque.
10:33Donald Trump a donc été réélu pendant la campagne François Villerau de Gallo.
10:39Il n'a pas fait mystère de sa volonté d'augmenter les droits de douane
10:43fortement contre la Chine, mais aussi contre l'Europe.
10:47Comment cette nouvelle donne américaine entre en compte
10:51dans votre analyse de la conjoncture économique ?
10:54Bon, sur l'élection américaine, je crois qu'il faut attendre un peu
10:58pour voir quelle sera la politique exacte.
11:00Mais prenons ces intentions.
11:03Moi, je dirais d'une phrase que le résultat de l'élection américaine
11:06augmente à la fois les risques pour l'économie mondiale,
11:09y compris entre nous pour l'élection américaine, je vais y revenir.
11:12Mais ça augmente aussi la nécessité pour l'Europe de se remobiliser.
11:16Je crois que ça doit être vraiment un appel au réveil.
11:19On en reparlera sans doute.
11:20Si je regarde du côté des États-Unis,
11:23c'est un programme économique avec effectivement du protectionnisme.
11:29Il y a un certain nombre de contradictions potentielles dans ce programme.
11:32Pour en citer une, il semble qu'une des causes du résultat de l'élection américaine,
11:37c'est le poids de l'inflation passée auprès des électeurs.
11:41Le programme du président élu risque de relancer l'inflation aux États-Unis.
11:47Il y a beaucoup de débats sur le protectionnisme et les droits de douane.
11:50Mais à peu près tous les économistes sont d'accord pour dire
11:53que ça risque d'augmenter l'inflation aux États-Unis
11:56et puis ça risque de faire baisser la croissance un peu partout dans le monde.
11:59Reste à savoir si ça la fait plus baisser aux États-Unis, en Chine ou en Europe.
12:03Ça, ça va dépendre des modalités.
12:05Là, il n'a pas l'air d'être très inquiet de relancer l'inflation dans son pays,
12:11puisqu'il a clairement, quand on l'écoute depuis 3-4 jours, le message est très clair.
12:17Il y a Salamé, je ne prétends pas vous dire ce qui se passe dans la tête du président élu des États-Unis.
12:21Je vous dis ce qui est l'analyse convergente de la plupart des économistes.
12:26Ça risque de relancer l'inflation et de faire payer les consommateurs américains.
12:32Alors, je ne dis pas d'ailleurs qu'il faut que le commerce se fasse sans règles, etc.
12:38Regardez ce qui se passe à l'intérieur de l'Europe.
12:40Nous avons le marché unique, mais nous avons aussi des règles, y compris sanitaires et environnementales.
12:44Mais il faut un commerce ouvert avec des règles.
12:47Le protectionnisme, c'est presque toujours moins de pouvoir d'achat pour les consommateurs.
12:51Elon Musk nommé ministre de l'Efficacité gouvernementale, un commentaire ?
12:58Je ne crois pas avoir beaucoup de commentaires.
13:01Je pense que c'est un homme d'affaires innovant, extrêmement efficace.
13:08Il a par ailleurs des méthodes qui sont ce qu'elles sont.
13:15Promet 2 000 à 3 000 milliards d'économies sur les dépenses fédérales.
13:20On promet beaucoup de choses.
13:22Nous savons aussi en France que faire des économies sur les dépenses publiques,
13:25ce n'est pas si facile.
13:27Quand je regarde le débat budgétaire, bon, après, il ne faut jamais sortir le carton rouge
13:31vis-à-vis d'Elon Musk ou d'un autre a priori.
13:36On verra s'il a des idées effectivement efficaces.
13:39Un mot sur le bitcoin qui dépasse désormais les 88 000 dollars,
13:44poursuivant une ascension record depuis la victoire de Trump.
13:48Comment expliquez-vous cette ascension ?
13:51Et est-ce que le bitcoin devient un actif sûr ?
13:55Il faut acheter du bitcoin, monsieur le gouverneur de la Banque de France ?
13:58Alors, monsieur Demorand, d'abord, expliquer la montée du bitcoin, c'est assez facile
14:04puisque le président élu lui-même et puis son entourage ont dit qu'ils étaient favorables
14:10et qu'il y aurait de la régulation light, pour prendre un terme américain,
14:13légère, voire pas de régulation du tout.
14:16Pour autant, le bitcoin ne devient pas un actif sûr.
14:19Je redis ce que mes collègues et moi avons souvent dit, c'est un actif risqué.
14:24Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas investir en bitcoin, ça fait partie de la liberté.
14:27Mais le conseil, c'est de le réserver à des investisseurs avisés.
14:33Et il y a eu d'ailleurs dans le passé, on a un peu oublié, mais souvenez-vous, il y a deux ans,
14:37il y a eu des baisses sensibles du bitcoin.
14:40Donc le message, c'est important, le message ce matin, parce qu'on va voir le bitcoin exploser
14:44avec Elon Musk, avec Donald Trump, ceux qui nous écoutent ce matin et qui se disent
14:48« Tiens, je vais investir dans le bitcoin, maintenant qu'il est dérégulé aux Etats-Unis,
14:53je vais faire de l'argent facilement ». Vous dites quoi ?
14:55Oui, alors c'est peut-être un message plus général, Léa Salamé, qui est fondé sur des décennies,
15:00des siècles d'expérience financière.
15:03Si quelqu'un, un jour, vous promet un produit financier qui rapporte beaucoup
15:07et qui ne comporte aucun risque, fuyez, fuyez.
15:11La loi la plus sûre de la finance, dans la durée, c'est qu'il y a un arbitrage
15:16entre le rendement et le risque.
15:17Il y a des produits qui rapportent plus, mais ils sont en règle générale plus risqués.
15:22Donc gérés en boule père de famille.
15:24Au passage, ce n'est pas une gestion de père de famille, c'est un arbitrage conscient.
15:28Il y a des gens qui sont en situation et qui souhaitent prendre plus de risques.
15:32Et c'est leur droit, mais qu'ils sachent que c'est plus risqué.
15:35Au passage, sur le bitcoin, nous avons proposé ce matin, avec Marianne Barbalayani,
15:39qui est la présidente de l'Autorité des marchés financiers, qu'en Europe,
15:42parce qu'en Europe, il y a une régulation, que la mise en œuvre de cette régulation,
15:46la surveillance, ce qu'on appelle la supervision, soit confiée d'emblée à une autorité européenne
15:51plutôt qu'à 27 autorités nationales différentes.
15:53L'UE va-t-elle, peut-elle décrocher encore plus fortement avec Trump et sa libéralisation de l'économie ?
16:01En septembre, le rapport Draghi laissait planer le spectre d'une lente agonie de l'économie européenne avec des chiffres.
16:08Les États-Unis ont enregistré 2,9% de croissance en 2023, 0,4 seulement en zone euro.
16:17On risque ce décrochage, selon vous ?
16:21Alors, je crois que l'Europe doit se réveiller.
16:25Alors, Mario Draghi a parlé d'une lente agonie, moi je pourrais parler d'un long sommeil,
16:29mais c'est la même idée.
16:31Alors, c'était vrai avant l'élection de Donald Trump, mais c'est encore plus vrai aujourd'hui.
16:36Moi, si je devais résumer la feuille de route européenne, je dirais d'abord que l'Europe doit se reprendre.
16:41Et arrêtons au passage de nous auto-flageller, ce qui est un sport national actuellement, ou un sport européen,
16:47on ne voit que ce qui va mal.
16:49Les Américains, ils sont peut-être dans l'excès inverse, eux, ils voient tout ce qui va bien.
16:53Mais nous avons, nous, des atouts en Europe.
16:56L'Europe doit se reprendre, l'Europe doit aussi se réunir, ça je crois que c'est très important.
17:01Moi, je vais vous dire une chose qu'on oublie, c'est qu'ensemble, nous, Européens, nous pesons autant que les États-Unis.
17:08Notre économie, c'est l'équivalent du marché américain.
17:12Par contre, si nous sommes séparés, et notamment France et Allemagne, si nous sommes séparés,
17:17ça veut dire que nous resterons assis sur le banc de touche du match économique mondial.
17:21Moi, je n'ai pas envie que mon pays et que l'Europe soient assis sur le banc de touche.
17:25Et puis, peut-être une dernière chose, l'Europe, elle doit se reprendre, elle doit se réunir et puis elle doit se muscler.
17:30Ça, c'est l'invitation du rapport Draghi.
17:32Il y a toute une série de mesures dans le rapport Draghi qui ne coûtent pas, qui ne coûtent pas,
17:37qui sont des mesures de renforcement de l'économie américaine, de l'économie européenne,
17:42avoir plus de marchés uniques, mobiliser notre épargne et simplifier.
17:46C'est vrai qu'on a trop de normes trop compliquées.
17:48Alors, François Villarroel de Gallo, il nous reste quelques minutes et on voulait absolument avoir votre regard sur le projet de budget.
17:54Vous le savez mieux que nous, le gouvernement cherche 60 milliards d'euros face aux déficits qui ont dérapé.
17:59Des impôts seront prélevés sur les entreprises qui font des profits et sur les contribuables les plus fortunés au nom de la solidarité nationale.
18:06Ça fait réagir les patrons.
18:08Dans le Figaro, hier, Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, prévient qu'il sera contraint de moins investir dans les magasins,
18:15dans les baisses de prix, qu'il créera moins d'emplois avec ces hausses d'impôts.
18:18Même tonalité chez l'armateur Rodolphe Sahadé qui prévient déjà qu'il risque de revoir certains de ses investissements et notamment en France.
18:26Vous leur dites quoi ce matin ? Vous avez raison d'avoir peur ?
18:29Moi, je rencontre beaucoup d'entrepreneurs, y compris de patrons de PME.
18:32J'étais à Lyon la semaine dernière.
18:34Il me semble qu'il a surtout fait réagir les entrepreneurs.
18:38C'est la créativité fiscale qu'il y a eu dans le débat parlementaire ces dernières semaines.
18:44Vous voulez dire ce que la gauche a rajouté au projet de budget ?
18:47Je pense que la créativité a été sur pas mal de bancs politiques et la Banque de France est indépendante des différents partis politiques.
18:53Mais je vais vous dire les choses très directement, d'ailleurs, Salamé.
18:56Moi, j'ai été un des premiers, il y a deux mois, à appeler à lever le tabou de hausses d'impôts.
19:01Parce qu'on doit absolument diminuer notre déficit, absolument le ramener à 5%.
19:0680% des Français sont inquiets de la situation de la République.
19:09Donc, il faut réduire le déficit.
19:11Et 5%, c'est un cap absolu.
19:14Ça va rester le déficit le plus élevé d'Europe.
19:16Mais en 2025, c'est le seuil de crédibilité pour les investisseurs.
19:20C'est la condition pour que la France soit respectée en Europe.
19:23Donc, des hausses d'impôts ciblées, peut-être temporairement sur certaines grandes entreprises, sur certains grands revenus.
19:29Mais lever le tabou des hausses d'impôts, ça ne veut pas dire prendre le marteau fiscal et avoir 10 nouvelles idées par jour.
19:38Là, il y a un délire fiscal, comme on a pu l'entendre à l'Assemblée nationale.
19:41Je ne vais pas qualifier.
19:42Ce que je note, c'est que ce débat-là a vraiment suscité l'inquiétude des chefs d'entreprise.
19:50Et un argument clé, l'ingrédient de la croissance, c'est d'abord la confiance.
19:56Il faut plutôt créer un choc de confiance positif dans l'économie française,
20:00si on veut que les entrepreneurs reprennent leurs investissements et reprennent leurs embauches.
20:05Donc, réduire les déficits, reprendre le contrôle à dette, ça, c'est les éléments d'un choc de confiance positif.
20:12Multiplier la créativité fiscale, c'est le contraire.
20:15Sur l'application Radio France, Yves vous pose la question suivante.
20:19Que pensez-vous de la politique de Bruno Le Maire ? A-t-il été un bon ministre de l'économie ?
20:24Alors, j'ai dit que la Banque de France est indépendante.
20:26Donc, son rôle, ce n'est pas de distribuer les bons ou les mauvais points à tel parti politique ou à telle personnalité.
20:34Que ce soit Bruno Le Maire, le président de la République, le Premier ministre, qui vous voulez.
20:41Je vais revenir juste sur ce que je disais sur le diagnostic long de l'économie française.
20:45Parce que le rôle aussi de la Banque de France, tant en temps, dans un débat qui va très, très vite.
20:49Et c'est difficile de s'y retrouver, parce qu'il y a des nouvelles toutes les semaines.
20:52Mais c'est de prendre un peu de profondeur.
20:54Je vous le disais, on a eu une maladie aiguë, c'est l'inflation.
20:57On l'a vaincu.
20:58Maintenant, on a deux maladies chroniques qui durent.
21:00On avait l'emploi.
21:01La France a fait des vrais progrès.
21:03Par contre, sur les finances publiques, il faut absolument corriger.
21:07Quitte à mettre un coup d'arrêt à la croissance.
21:10Pour boucler la boucle, on a commencé l'entretien en disant la croissance tient.
21:14On est à 1% peu ou plus.
21:16Ça, Léa Salamé, c'est une question qui est souvent posée.
21:19Mais je vais me permettre de la relativiser un peu.
21:21Ça fait 40 ans.
21:24J'ai malheureusement une carrière professionnelle un peu longue.
21:27Ça fait 40 ans qu'on dit que ce n'est pas le moment de mettre en ordre nos finances publiques à cause de la croissance.
21:31Le résultat, comme ce n'est jamais le moment, c'est qu'on a plus de 110% de dette publique.
21:35Je pense que le moment n'est pas défavorable parce qu'à cause de la victoire contre l'inflation,
21:39notamment, on va avoir la baisse des taux d'intérêt, on va avoir du pouvoir d'achat.
21:42Ça aide l'économie française à tenir.
21:45Je renvoie quand même au rapport Draghi et à ce qu'on disait.
21:49Il faut muscler l'économie française et européenne.
21:51Donc, il faut faire des réformes de fonds pour produire mieux.