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À l'occasion de la sortie d'une vaste enquête sur la vie sexuelle des Français, Nathalie Bajos, sociologue, directrice de recherche à l’Inserm et Armelle Andro, démographe à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, sont les invitées du Grand entretien de France Inter. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-14-novembre-2024-1554298

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00:00Et avec Léa Salamé, nous vous proposons le décryptage et l'analyse de cette enquête
00:05très attendue de l'INSERM sur les sexualités en France, la précédente enquête sur le
00:12sujet datée d'il y a près de 20 ans.
00:15On va en parler avec Nathalie Bajos, bonjour, vous êtes sociologue, directrice de recherche
00:23à l'INSERM et avec Armelle Andraud, bonjour, démographe à l'Université Paris 1, Panthéon,
00:31Sorbonne.
00:32Merci d'être au micro de France Inter ce matin.
00:35On ne vous cache pas qu'avec Léa, on attendait cette enquête depuis plusieurs semaines que
00:41nous savions sa publication imminente, l'enquête vous a demandé 5 ans de travail, vous avez
00:47interrogé plus de 30 000 personnes, ce qui est colossal, on va la détailler avec vous
00:53mais d'abord, dans la masse de données que vous avez recueillies, dites-nous si un chiffre,
00:59une évolution, un fait que vous n'attendiez pas, si quelque chose d'étonnant vous a
01:04surpris, amusé ou alerté, Nathalie Bajos.
01:08Je crois que tous les résultats de cette enquête, en fait, on s'y attendait dans
01:14la mesure où ce sont des évolutions qui s'inscrivent dans le long terme.
01:17Ce qui nous a alertés, c'est le fait qu'un certain nombre de changements majeurs sont
01:23survenus dans ces toutes dernières années en France et je pense qu'on va revenir dessus
01:28mais en particulier, s'il fallait donner la grande tendance de fond de cette enquête
01:32avant d'entrer plus en détail, c'est véritablement par rapport aux enquêtes précédentes une
01:38diversification croissante de la sexualité qui se manifeste à travers un certain nombre
01:44d'indicateurs et en particulier, et je crois que c'est un point vraiment intéressant,
01:48des évolutions très marquées chez les plus jeunes et chez les femmes, des évolutions
01:52qui sont bien évidemment à mettre en regard de l'évolution du contexte social, notamment
01:57en ce qui concerne l'augmentation marquée de l'autonomie sociale et économique des
02:01femmes mais bien d'autres éléments encore.
02:04On va en parler parce que c'est vrai que les changements sont majeurs et on va les
02:07étudier les uns après les autres.
02:08Vous, il y a quelque chose qui vous a surpris, qui vous a amusé, qui vous a intrigué, Armelle
02:14Andraud ?
02:15Il y a plein de choses qui sont amusantes dans les résultats de notre enquête mais
02:19peut-être qu'un des résultats majeurs, c'est ce qu'on a pu observer en termes de
02:24recul de l'âge à l'entrée dans la sexualité.
02:27C'est vrai que ça nous a surpris, c'est-à-dire l'âge du premier rapport, en gros c'était
02:3317 ans pour les garçons et les filles il y a 15 ans, et là on se rapproche plus des
02:4118 ans pour le premier rapport.
02:42Exactement, on est à 18,2 pour les femmes et 17,7 pour les hommes et c'est vrai que
02:49ça c'est peut-être un résultat qu'on n'attendait pas complètement.
02:52Et vous avez une explication sur ça ?
02:53Alors on n'a pas encore beaucoup d'explications parce que c'est vraiment les premiers résultats.
02:59Par contre, ce qu'on peut dire c'est qu'en regardant dans le détail ces données, on
03:04voit que cette tendance à la remontée de l'âge au premier rapport sexuel, c'est
03:09quelque chose qui n'est pas si récent.
03:10Déjà en 2010, on commençait à avoir une inversion de la tendance et on peut effectivement
03:16penser qu'il y a énormément de changements qui ont eu lieu dans ce contexte.
03:19Un mot de méthodologie avant d'entrer dans les résultats de l'enquête.
03:25Nathalie Bajos, vous aviez déjà participé aux deux enquêtes précédentes.
03:30Comment recueillir la parole, j'ai dit 30 000, 30 000 personnes, sur des sujets aussi
03:37intimes ? Comment désamorcer éventuellement la gêne ou le mensonge ? Quelle méthode
03:43avez-vous mise en place ?
03:45La méthode qui a été utilisée pour cette nouvelle édition de 2023, en fait, c'est
03:50la même méthode que celle qu'on avait utilisée dans l'enquête de 1992 et dans
03:54l'enquête de 2006, avec quand même deux spécificités qu'on peut noter tout de
03:58suite.
03:59C'est que l'âge a été prolongé en amont et en aval.
04:01On est maintenant sur une tranche d'âge de 15 à 89 ans, alors que les enquêtes précédentes
04:05portaient sur les 18 à 69 ans parce qu'on se focalisait vraiment sur la question de
04:10l'épidémie d'infection à VIH.
04:11Et puis l'autre spécificité de cette enquête, c'est qu'elle porte sur la France
04:16hexagonale.
04:17D'ailleurs, les premiers résultats qu'on a publiés portent sur la France hexagonale,
04:20mais aussi sur les territoires d'outre-mer et en particulier Martigny, Guadeloupe, Guyane
04:25et l'Île-de-la-Réunion.
04:26C'est une enquête téléphonique avec un deuxième volet qui est proposé aux personnes
04:31par Internet.
04:32Et puis on a aussi un dépistage des infections sexuellement transmissibles.
04:36Alors comment on fait pour recueillir des données fiables et en quoi cette enquête
04:41se distingue des sondages qu'on peut voir paraître très régulièrement ?
04:45Est-ce que les Français se sont livrés facilement ?
04:47Je crois que pour donner quelques éléments clés pour comprendre l'enjeu de cette méthodologie
04:53extrêmement rigoureuse, d'abord les personnes sont interrogées par des enquêteurs et des
04:59enquêtrices qui sont formés longtemps par l'équipe de recherche.
05:02Ces enquêteurs et ces enquêtrices sont accompagnés par des chargés de terrain et nous les écoutions
05:07tous les jours pour s'assurer que tout se passait bien et que les réponses données
05:11étaient bien enregistrées.
05:12En amont, il y a tout un travail d'élaboration du questionnaire qui est extrêmement important.
05:17Évidemment, on ne commence pas le questionnaire en leur disant « bonjour, à quel âge aviez-vous
05:20votre premier rapport sexuel ? ». Donc c'est toute une progression de la conversation qui
05:24répond aux règles de l'art de l'élaboration d'un questionnaire en sciences sociales,
05:28mais aussi la présentation de l'enquête.
05:31Les gens étaient informés auparavant par l'envoi de SMS ou de lettres annonces qu'il
05:36s'agissait d'une enquête scientifique et qu'on avait besoin de leurs réponses.
05:39Et ce qu'on voit très clairement dans les taux de participation et quand on écoute
05:43les accroches au téléphone, c'est que les gens sont sollicités pour répondre à une
05:48enquête scientifique.
05:49C'est quelque part un geste citoyen que de participer à une grande enquête de l'Institut
05:53National de la Santé et de la Recherche Médicale.
05:56Ils jouent le jeu, du coup, Armelle Andraud, avec honnêteté, si j'ose dire.
06:01Je ne veux pas mettre de morale dans aucun des mots qui va sortir de ma bouche dans les
06:0720 prochaines minutes.
06:08Avec honnêteté, oui, parce qu'en grande partie, nos questions sont extrêmement précises
06:13et simples.
06:14Et en fait, la meilleure manière d'y répondre, c'est en disant ce qui nous est vraiment
06:18arrivé.
06:19Mais je voudrais profiter du fait qu'on soit à votre micro pour justement remercier les
06:2432 000 personnes qui ont accepté de répondre à notre questionnaire au long cours.
06:29Et c'est vrai que ce qui est très intéressant, c'est de voir qu'au départ du questionnaire,
06:34souvent les gens disent « Oh là là, mais qu'est-ce que c'est que votre enquête ?
06:37Moi, je n'ai rien à raconter » ou « vos questions, elles sont un peu étranges ».
06:40Et finalement, une fois qu'ils rentrent dedans, ils passent une demi-heure au téléphone,
06:45voire une heure au téléphone avec des enquêteurs et ils en sortent tout étourdis d'avoir
06:50parlé de ça aussi longtemps.
06:51On les remercie de vous avoir parlé parce qu'on n'en sait plus sur la sexualité,
06:55les sexualités en France.
06:58Et ça dit aussi quelque chose de notre pays, de la France, ce qu'on va voir.
07:02Donc comme vous avez dit, premier renseignement, on fait l'amour, le premier rapport est plus
07:06tard qu'il y a 15 ans.
07:08Autre renseignement, le nombre de partenaires sexuels qu'on a dans une vie, eh bien, il
07:11est en hausse.
07:12Les hommes en ont en moyenne 16, 16 partenaires sexuels dans une vie, c'est en augmentation
07:17mais c'est chez les femmes que la remontée est spectaculaire.
07:20Elles sont passées de 3,4 partenaires en moyenne en 1992, à 4,5 partenaires en moyenne
07:26en 2006 et à plus de 8, à près de 8 en 2023, c'est deux fois plus.
07:31Comment vous l'expliquez ?
07:33Alors c'est effectivement cette augmentation du nombre de partenaires sexuels, elle traduit
07:38une diversification croissante de la sexualité, des expériences de sexualité en France.
07:43On retrouve la même chose sur les pratiques et tous les indicateurs qu'on étudie attestent,
07:47c'est vraiment un mouvement de fond, c'est que cette diversification des expériences
07:51sexuelles des personnes qui vivent en France s'est vraiment accélérée au cours de la
07:55période récente et en particulier chez les femmes.
07:58Mais vous noterez également que le nombre de partenaires entre les hommes et les femmes
08:02n'est pas le même.
08:03On est loin de l'égalité.
08:04C'est du simple au double dans ma mémoire.
08:08Quasiment, absolument.
08:09C'est un écart qu'on retrouve dans toutes les enquêtes dans le temps et dans tous les
08:13pays du monde.
08:14Les hommes ont plus de partenaires sexuels ?
08:16Non, les hommes déclarent plus de partenaires sexuels que les femmes.
08:19C'est bien corrigé.
08:20Absolument.
08:21En dépit de vos questionnaires rigoureux ?
08:24Non, vous allez comprendre tout de suite pourquoi.
08:27En fait, j'ai envie de dire tout simplement, la définition d'un partenaire sexuel n'est
08:32pas la même pour les hommes et pour les femmes.
08:34Et cette définition, elle est directement liée aux représentations sociales de la
08:39sexualité masculine et féminine.
08:41Expliquez-nous comment ça ?
08:42Pour dire les choses simplement, vous allez comprendre.
08:44D'un côté, on a toujours un clivage marqué entre une sexualité féminine qui est davantage
08:49pensée sur le registre de l'affectivité et de la sentimentalité, tandis que la sexualité
08:54masculine, elle, est davantage renvoyée à ses dimensions physiques.
08:58On pense encore, même si c'est en recul, que les hommes auraient par nature plus de
09:03besoins sexuels que les femmes.
09:05Et de ces représentations découle la perception qu'on a de ce qu'est un partenaire sexuel.
09:09Et pour reprendre l'expression de mes collègues, les femmes ne comptent que les hommes qui
09:15ont compté, alors que les hommes comptent toutes les expériences.
09:18Pour être encore plus précise, un rapport sexuel avec un partenaire d'un soir, ça
09:24va être compté comme un partenaire pour les hommes, et les femmes ne vont pas le compter
09:28comme partenaire.
09:29En fait, la mémoire est socialement construite et répond aux représentations qui sont socialement
09:36valorisées de la sexualité des femmes et des hommes.
09:38C'est un sacré biais, ça, du coup ! On peut le comprendre de fait, Armelle Andraud.
09:44Je ne sais pas si on peut appeler ça un biais, mais c'est effectivement une manière différente,
09:50toujours, actuellement, de vivre et d'expérimenter la sexualité, ce qui montre que c'est quand
09:56même une construction sociale en grande partie.
09:58De plus en plus de partenaires sexuels, donc, des pratiques plus diversifiées, ça on va
10:03y venir, en détail, si j'ose dire, mais on fait moins l'amour.
10:07Alors, non, j'ai mal compris ? Vous avez constaté une baisse de l'activité sexuelle
10:11pour les hommes comme pour les femmes ? C'est ce qu'on a lu, en tout cas.
10:15Vous avez très bien lu, et on a même appelé ça le « paradoxe contemporain de la sexualité
10:21». Effectivement, beaucoup plus de diversité dans les partenaires et dans les pratiques,
10:26moins de rapports sexuels dans les quatre dernières semaines.
10:29Mais en fait, quand on regarde dans le détail ce qui se passe, c'est que cette baisse de
10:34la fréquence des rapports sexuels touche les femmes, les hommes et tous les groupes
10:36d'âge.
10:37Mais la question était, et Armelle l'a précisé tout à l'heure, les questions
10:40sont extrêmement claires, extrêmement précises, combien avez-vous de rapports sexuels dans
10:45les quatre dernières semaines ? Et on sait que la définition même d'un rapport sexuel
10:50renvoie, dans l'immense majorité des cas, à un rapport sexuel avec une pénétration
10:54vaginale.
10:55Et ce qu'on met en évidence dans l'enquête, c'est qu'en fait les autres pratiques sexuelles
10:59sur lesquelles on va revenir, qui ne relèvent pas de la pénétration vaginale, sont de
11:03plus en plus fréquentes.
11:04Donc, il y a moins de rapports sexuels avec pénétration vaginale.
11:08Pour autant, ça ne veut pas dire que les personnes qui vivent en France n'ont pas
11:12une moindre activité sexuelle en général.
11:14Il y a une redéfinition des contours de la sexualité.
11:18Armelle Andraud sur ce point ?
11:19C'est vrai que c'est ça qui est une des dimensions très importantes de l'étude,
11:23c'est qu'aujourd'hui, ce qu'on appelle « faire du sexe », c'est plus exactement
11:27les mêmes définitions que dans les périodes précédentes.
11:31Il y a une diversification, une plus grande ouverture.
11:34Mais il y a peut-être quand même une autre dimension qui est importante aussi dans nos
11:38résultats, c'est que cette baisse de certains indicateurs de l'activité sexuelle, elle
11:43est à mettre au regard aussi de l'augmentation du nombre de rapports qui sont considérés
11:49comme agréables, qui sont souhaités et qu'on fait parce qu'on en a vraiment envie.
11:54Ce qui est finalement une espèce de remise en question de la disponibilité sexuelle
12:02des femmes, notamment, qui en fait sont de plus en plus capables aujourd'hui de négocier,
12:09de dire non à certains rapports sexuels qui étaient auparavant plutôt subis et qui entraînent
12:14mécaniquement une forme de baisse sur ces indicateurs.
12:17Oui, de manière générale, dans votre enquête, ce qui marque aussi, c'est effectivement
12:21l'autonomisation sociale financière des femmes et la capacité davantage de dire non
12:25ou de dire « j'ai subi une agression sexuelle », la libération de la parole, on le voit
12:31clairement dans le rapport et dans l'enquête.
12:35Nicolas, les pratiques sexuelles, c'est à vous.
12:38Alors, on note des évolutions importantes, en effet, Léa, qui vont dans le sens d'une
12:43plus grande libération sexuelle chez les femmes en particulier.
12:47Commençons par la masturbation.
12:48En 2023, 72% des femmes, 92% des hommes de 18 à 69 ans se sont déjà masturbés.
12:57Là aussi, pour les femmes, le bon est spectaculaire.
13:01Elles n'étaient que 42% à déclarer se masturber en 1992.
13:08Comment expliquer l'évolution ? Est-ce qu'un tabou est tombé ? Est-ce qu'internet est
13:14venu là, rendant le porno disponible en quelques clics ? Que s'est-il passé ? Dites-nous
13:21Armelle Andraud.
13:22Alors ça, c'est vrai que c'est un changement vraiment majeur entre les deux enquêtes.
13:26Sans doute qu'il y a plusieurs éléments qui viennent expliquer ce rapprochement, finalement,
13:33des comportements des hommes et des femmes en matière de masturbation.
13:37Mais ce qui est surtout important, on parlait d'autonomie des femmes, c'est qu'aujourd'hui,
13:41ce qu'on constate, c'est que les jeunes filles se masturbent et apprennent la sexualité
13:48à travers ces formes d'auto-sexualité, exactement de la même manière que les garçons.
13:52Alors que dans les générations précédentes, dans les précédentes enquêtes, on voyait
13:56qu'en fait, la masturbation chez les femmes, c'était plutôt quelque chose qu'elles découvraient
14:01ou qu'elles déclaraient, en tout cas, après leur entrée dans la sexualité.
14:04C'est-à-dire qu'il y avait d'abord la sexualité avec des partenaires, et puis après, au fil
14:08de la vie, on découvrait l'intérêt et on apprenait à se masturber.
14:12Aujourd'hui, c'est plus du tout le cas.
14:14Aujourd'hui, la masturbation commence comme les garçons pour les filles.
14:16Donc l'autonomie, elle se joue vraiment sur cette question.
14:19Les autres pratiques sexuelles, là aussi, c'est marquant que ce soit, pardon, mais
14:23bon, il est 8h40, on y va, on parle de sexe, que la fellation, le cunnilingus et la pénétration
14:29anale, ces trois pratiques sont en forte hausse sur ces vingt dernières années.
14:33C'est notamment le cas de la sodomie, 30% l'a pratiquée en 92, ils sont près de 60%
14:39à la pratiquer aujourd'hui.
14:40C'est moins pour les femmes que pour les hommes, mais c'est aussi en hausse pour les femmes.
14:45Voilà, le point sodomie.
14:47Comment l'expliquer ? Nathalie Bajos.
14:49Pour reprendre un petit peu, les pratiques orales, la fellation et le cunnilingus, elles
14:55étaient déjà à un niveau assez élevé, l'augmentation avait surtout eu lieu entre
14:5992 et 2006.
15:00Elles étaient déjà à un niveau élevé et donc elles ont effectivement continué
15:03à progresser, en particulier chez les jeunes.
15:06La pénétration anale, c'est vrai qu'elle a beaucoup plus augmenté dans la dernière
15:09période qu'auparavant et qu'elle est plus souvent pratiquée, déclarée, par les hommes
15:15que par les femmes.
15:16Alors, il y a beaucoup d'explications qui pourraient être avancées, là on essaye
15:20pour l'instant d'approfondir les analyses, mais ce qu'on peut quand même souligner,
15:24et c'est un point je crois important dans l'enquête d'une manière plus générale,
15:28c'est que ces pratiques ne procurent pas nécessairement la même satisfaction pour
15:33les femmes et pour les hommes.
15:34Et c'était le cas en particulier pour la pénétration anale, qui était moins source
15:37de plaisir pour les femmes que pour les hommes.
15:40Mais dans ce mouvement de diversification croissante, je crois qu'un point important
15:44qu'on peut souligner par rapport à la satisfaction, et vous avez évoqué tout à l'heure les résultats
15:48un peu surprenants, peut-être qu'un des résultats surprenants, c'est justement que le niveau
15:53de satisfaction des femmes et des hommes est resté stable au fil du temps, voire a même
15:59augmenté chez les hommes.
16:00Ce qui est un résultat intéressant dans un contexte de débat public où on a beaucoup
16:05parlé du fait que certaines personnes ont avancé l'argument selon lequel les mouvements
16:11féministes et le mouvement MeToo auraient contribué à déstabiliser les hommes dans
16:15leur sexualité, déstabiliser les hommes en attaquant leur virilité, et en fait, alors
16:21que ces arguments ont été beaucoup avancés dans les toutes dernières années, on voit
16:25que dans les toutes dernières années, le niveau de satisfaction sexuelle est resté
16:29stable pour les femmes et a même augmenté pour les hommes.
16:32Vous souhaitiez réagir à Armel Landreau ?
16:34Oui, pour revenir peut-être sur cette diversification des pratiques sexuelles et des pénétrations
16:41qui ne sont pas vaginales.
16:43C'est vrai qu'on peut considérer que ces évolutions interviennent aussi dans un contexte
16:50que peut-être on va y revenir, sur la remise en cause plus globale de la norme hétérosexuelle.
16:56Alors c'est ça, avant de finir, parce que malheureusement il ne nous reste plus que
16:59quelques courtes minutes, ça aussi c'est marquant, l'hétérosexualité comme norme
17:07majoritaire a changé.
17:09En 2023, près de 9% des femmes et 9% des hommes, le chiffre est égal, déclarent avoir
17:14eu une relation, une fois dans leur vie, avec une personne de même sexe, mais vous dites,
17:19de plus en plus de jeunes hommes et surtout de jeunes femmes disent être attirées par
17:23les personnes de même sexe.
17:24Ça ne veut pas dire qu'elles franchissent le pas, mais elles avouent une attirance.
17:28Elles déclarent une attirance.
17:29C'est un changement majeur dans l'enquête, c'est effectivement l'augmentation très
17:34marquée du nombre d'expériences sexuelles avec une personne de même sexe et en particulier
17:40chez les jeunes de 18-29 ans et en particulier chez les femmes, le chiffre est extrêmement
17:45élevé, il a progressé de manière spectaculaire par rapport à la dernière enquête.
17:49Et on voit donc se dessiner une grande cohérence entre tous ces indicateurs qu'on évoque
17:53depuis le début de l'émission, vers beaucoup plus de diversité dans les pratiques, dans
17:57le nombre de partenaires, dans le type de partenaire et cette évolution est beaucoup
18:02plus marquée chez les jeunes et chez les femmes.
18:04Ça c'est un point très important.
18:05C'est-à-dire qu'il y a beaucoup plus de femmes jeunes de 18-29 ans qui déclarent
18:11avoir une relation avec une femme que de garçons qui déclarent avoir une relation avec un garçon.
18:17Absolument.
18:18Et ça renvoie à ce que Armelle Andraud disait tout à l'heure, c'est que c'est aussi
18:21une interprétation sociologique que cette plus grande ouverture vers d'autres formes
18:26de sexualité, en particulier avec des personnes du même sexe, c'est une façon pour les
18:31femmes de se tourner vers d'autres possibles où les contraintes des rapports de pouvoir
18:36entre les sexes sont moins marquées que dans les relations hétérosexuelles.
18:40Mais c'est-à-dire que, pardon de poser la question, mais c'est vrai que ce chiffre
18:43est assez étonnant sur l'augmentation chez les jeunes filles, pas tellement chez les
18:46jeunes garçons.
18:47Moi, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les jeunes filles sont plus en situation
18:55homosexuelle aujourd'hui que les jeunes garçons ? Ça veut dire quoi ? Qu'est-ce qu'on en conclut ?
19:00Il ne faut pas dire forcément homosexuelle à ces âges où elles ne se déclarent pas
19:05forcément lesbiennes.
19:08Mais par contre, il y a effectivement un rapport à la sexualité et à la découverte de ces
19:15expériences sexuelles qui sont diversifiées.
19:17On rend compte que la plupart des filles qui déclarent avoir eu des rapports avec d'autres
19:22filles ont aussi eu des rapports sexuels avec des garçons.
19:25Donc, c'est une forme de remise en question.
19:29Elles sont plus fluides que les garçons, si on doit dire le mot.
19:32Tout à fait.
19:33C'est le bon terme.
19:34Elles n'ont plus ça à y gagner d'idées.
19:36Dernière question.
19:37Sur les violences sexuelles, Nathalie Bajot, s'il y a des chiffres inquiétants, en 2023,
19:4330% des femmes de 18-69 ans déclarent avoir subi un rapport forcé ou une tentative de
19:49rapport forcé au cours de leur vie.
19:52C'est un bon considérable.
19:54Elles étaient seulement 16% en 2006.
19:58C'est la parole ou la violence qui s'est libérée ?
20:01Les deux.
20:02Cette augmentation des déclarations de violences au fil du temps, on l'observe depuis 1992,
20:08elle est bien antérieure au mouvement MeToo, mais elle s'est encore accélérée dans
20:11ces dernières années.
20:12Et en fait, quand on fait des analyses un peu plus poussées, on se rend compte que l'augmentation,
20:17elle est pour partie et pour partie non négligeable liée au fait que c'est plus facile aujourd'hui
20:22de déclarer avoir été victime de rapport ou tentative de rapport forcé que ça ne
20:27l'était auparavant.
20:28Et ça double un autre phénomène qui est que la définition même de ce qu'est un
20:32rapport forcé ou une tentative de rapport forcé a évolué au fil du temps.
20:36Pour donner un exemple très simple, le viol conjugal par exemple, qui n'a été reconnu
20:40par la loi qu'en 1982, n'était pas forcément déclaré comme tel dans les années précédentes
20:46alors que ça l'est aujourd'hui.

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