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00:00Dans la santé, il n'y a pas seulement la santé physique, on est quand même sur des
00:17notions, quand on parle de la santé, d'une chambre de santé, souvent on parle de son
00:21corps mais on ne parle pas du reste, alors qu'il y a aussi le côté mental, émotionnel
00:26et également le côté social, les relations sociales, où est-ce qu'on s'inscrit dans
00:30la société dans laquelle on vit, dans laquelle on évolue.
00:34Il y a également la notion de pas de maladie, c'est pas seulement de ne pas avoir de maladie
00:41ou d'infirmité, ce qui comprend, et ce qui je pense nous aide aussi beaucoup à comprendre
00:45car dans nos communautés on s'imagine que voilà, c'est idéal d'être fou, d'avoir
00:50des problèmes, de l'esprit c'est pas pour nous, alors que non, la santé ce n'est pas
00:55une question d'être fou ou d'être malade, c'est aussi lorsqu'on n'est pas malade mais
00:59qu'on essaie de prendre soin de soi ou quand même on a des choses qui viennent nous perturber
01:05pour une raison x ou y, de pouvoir quand même mettre le focus sur ces choses-là et d'essayer
01:11d'y travailler.
01:12Et c'est ce que la psychologie se propose de faire pour le côté de la santé mentale,
01:17c'est-à-dire à la fois de prendre en charge ou du moins d'aider le mieux possible les
01:22personnes à pouvoir développer des compétences, des atouts, des outils pour pouvoir être aidé
01:28dans les différentes choses, dans les différents événements de la vie, qu'ils soient normaux
01:33pour nous que ce soit d'autres, mais également dans ce qui est le plus léger, de petites
01:40difficultés d'ordre relationnel comme les grosses maladies psychiatriques qu'on peut
01:44tous entendre et que souvent on associe très fortement à la santé mentale, c'est ça
01:48la santé mentale, c'est avoir une schizophrénie, la santé mentale, c'est être en grosse
01:53dépression alors que non, on a tous une santé mentale et ça c'est quelque chose de primordial
01:58à comprendre.
01:59Je crois qu'on pourrait essayer peut-être de mettre le cadre de la conversation, un
02:06chiffre que je trouve toujours très interpellant et qui même au sein des communautés, des
02:11praticiens sur la question de la santé mentale est estimé comme sous-estimé, plus de 25%
02:19de la population aura affaire au moins une fois à une pathologie dite mentale, que ce
02:25soit par exemple la dépression, l'anxiété, ce qu'on appelle le burn-out mais qui à
02:31mon sens n'est pas le terme le plus explicite parce qu'en fait le burn-out, qu'est-ce
02:34que c'est ? C'est surtout le résultat d'une exploitation capitaliste que ce soit
02:40à travers le travail, que ce soit à travers le monde familial.
02:45Donc quand on sait que plus de 25% vont avoir affaire au moins une fois, ça ne veut pas
02:49dire que ce sera la seule fois, ça ne veut pas dire que ce sera uniquement sous ces formes-là
02:54à une question de pathologie mentale et qu'en réalité on se rend compte que la très grande
03:02majorité des personnes n'ont jamais consulté et ne consulteront jamais dans leur vie, c'est
03:07interpellant.
03:08J'admire énormément nos parents qui sont venus dans les années 60, les années 70,
03:13les années 80, les années 90 où les choses n'étaient pas faciles mais ils sont restés,
03:19ils ont travaillé, ils ont fait valoir leurs droits mais ça a eu un impact sur leur santé
03:24mentale parce que peu importe les raisons de départ, il y a un impact parce qu'il
03:30y a eu une séparation avec le pays d'origine, il y a eu une séparation avec la famille,
03:36avec les proches, avec tous les codes qu'on connaît, il y a une séparation et rien que
03:41ça, ça a un impact.
03:43Pour moi le petit Maty, ce n'est pas juste un événement, je pense qu'il faut vraiment
03:46le qualifier de ce que c'est, c'était une véritable agression, agression physique
03:50et psychologique pour cet enfant.
03:51J'aimerais faire le parallèle entre cet événement dramatique et l'événement d'aujourd'hui
03:56qui concernait, on parlait de la santé mentale et je pense que ce petit sera marqué à vie
04:02et merci d'abord d'avoir fait le parallèle avec l'événement que celui-ci a vécu.
04:07J'aimerais savoir qu'est-ce que tu aurais à dire, à développer par rapport à l'événement
04:10d'aujourd'hui tout en faisant le parallèle de ce que les jeunes peuvent subir tout au
04:16long de leur vie par rapport à la santé, à la santé mentale.
04:21Il subit aussi une grosse humiliation parce que ça a lieu devant des gens en plus tout
04:25ça et ça a lieu dans son école.
04:27Donc à travers ce cas-là aussi, c'est de se dire comment est-ce que nos enfants et
04:33nous personnes afrodescendantes sommes traités dans les pays dans lesquels nous habitons
04:37et qui sont les nôtres.
04:39Comment est-ce qu'on assure une prise en charge psychologique parce qu'après ça,
04:43cet enfant clairement et comme tous les enfants qui ont malheureusement à subir ce genre
04:47de violences doivent être pris en charge.
04:50Mais alors ça soulève aussi la question, est-ce que les personnes qui sont amenées
04:54à prendre en charge les personnes noires et afrodescendantes sont culturellement formées.
04:58Il y a énormément de praticiens, de psychologues qui peuvent en fait s'avérer être dangereuses
05:02pour nous parce qu'on peut se retrouver à faire face à des gens qui vont nier notre
05:07expérience, nier notre vécu, le minimiser, questionner même si le fait que ça a vraiment
05:13eu lieu ou pas et tout ça c'est extrêmement dangereux.
05:16Et là, force est de constater qu'en Belgique, dans la formation des personnes qui sont amenées
05:22à intervenir tant sur le plan physique que psychologique, le bas blesse sur la prise
05:29en charge du prisme tant du genre que de la race, plus spécifiquement par exemple dans
05:35le cas des femmes noires, il y a une série de pathologies qui sont dues aux traumatismes
05:41que l'on vit tant sur le genre que sur la race, qui ne sont pas du tout prises en considération
05:47sur les études de certaines pathologies ou sur le traitement de celles-ci.
05:51Une des façons auxquelles le traumatisme, le post-traumatisme se matérialise dans le
05:58corps, d'abord physiologiquement, ce sont des réactions du corps.
06:02Si on va juste commencer avec le cerveau, on commence à oublier des choses, on commence
06:06à sentir vraiment la tension autour de la tête, le cœur qui bat vite, on commence
06:11par exemple à ne pas avoir vraiment d'envie de manger.
06:14Beaucoup de personnes vont dire que oui, je commence à entrer dans une dépression, c'est
06:17vrai.
06:18Forcément, ça joue aussi un rôle tous ces aspects-là.
06:21Du moment où on n'est pas suffisamment consciente de ce qu'on est en train de vivre et comment
06:29en fait notre corps opère, on risque de confondre les choses et de ne pas nécessairement aller
06:37chercher l'aide appropriée pour faire face à ce dont nous faisons, à ce dont nous
06:43sommes en train de vivre nécessairement.
06:44Le traumatisme, tout simplement, et là je suis un peu ma collègue qui a expliqué ici
06:51que ça change aussi la donne de l'ADN, c'est que quand on reste pendant trop longtemps
06:56dans un environnement stressant, en irlandais je dis toujours que le stress trop élevé,
07:03je vais dire en anglais, it starts to burn your neurons.
07:09En irlandais on dit « it burns your neurons ». Donc à long terme, quand on reste, surtout
07:17dans notre communauté, on est trop habitué à rester dans un environnement trop stressant,
07:22tellement on s'y habitue, et on ne réalise pas que petit à petit on commence à, soudain
07:27peut-être il y en a qui vont se reconnaître là-dedans et vont se dire « ah j'ai tendance
07:32à oublier les choses, j'ai tendance à ne plus me rappeler, me souvenir des certains
07:36événements, etc. », mais parce qu'on est dans un stress constant élevé, it's burning
07:43our neurons constantly, on a regular basis, et donc quand on va se reproduire, il y aura
07:49des manquements, il y aura des malformations.
07:52Lorsqu'on est face à des situations où on est face à des gens qui ne nous donnent
07:55rien, on se dit « mais tiens le problème vient de moi », on stresse, c'est vraiment
07:59dans des relations, et donc apprendre à reconnaître ça, apprendre à reconnaître que le problème
08:05ne vient pas toujours de nous, mais de l'environnement, des autres, des situations dans lesquelles
08:11on se met, c'est aussi important.
08:14Donc, sois fort, fais plaisir, fais un effort, toujours devoir aller plus loin, ne jamais
08:21être satisfait, toujours se dire « ah mais tiens je dois aller au-delà parce que même
08:26si j'ai 70%, je dois arriver à 80%, même si je suis arrivé à ce bon résultat, je
08:30dois faire mieux, je dois prouver plus », non, ça nous donne aussi du stress, pourquoi
08:35? Parce qu'on n'apprend pas à accepter nos limites, on n'apprend pas à se dire
08:38« c'est bon, c'est bien, je peux me reposer, je ferai mieux la prochaine fois,
08:43ou je n'ai pas besoin de faire mieux ».
08:44J'ai eu une formation sur la gestion de l'agressivité et la communication non-violente,
08:51et à cette formation-là, il y avait, je pense qu'on était une petite dizaine,
08:56il y avait deux personnes, une issue de parents immigrés, et une autre belge, et dans leur
09:06comportement, je pouvais voir clairement que les deux avaient du TDAH, depuis quelques
09:15années, je m'intéresse au TDAH, et du coup j'ai pu reconnaître physiquement
09:21et dans leur attitude les symptômes du TDAH, et je suis allée leur parler de ça, et du
09:29coup celui qui est belge, lui il était très au courant de son TDAH, il connaissait les
09:35gens qui étaient diagnostiqués, il avait des enfants qui étaient aussi en cours de
09:41diagnostic, et l'autre, donc, issue de l'immigration, pour le TDAH, pour lui ça ne voulait rien
09:48dire en fait, ça ne voulait rien dire, et son attitude c'était que, de toute façon
09:53c'était un âne, même ici, à une formation qui était liée à l'agressivité, et pas
10:02quelque chose de très intellectuel, il n'y avait aucun calcul, il n'y avait rien, il suffisait
10:08qu'on soit là, qu'on comprenne l'information qu'on essaie de nous donner, et même ça
10:14je sentais qu'il était complètement déconnecté, parce qu'il était persuadé que lui ne pouvait
10:20pas apprendre en fait, et dans son attitude tu sentais aussi que c'était normal pour
10:28lui d'être l'âne de la classe, de toute façon ne rien comprendre, ne pas pouvoir
10:33participer, et là aussi tu pouvais reconnaître le trauma intergénérationnel, de se dire
10:39que du coup, les parents de cette personne-là ne se sont jamais dit, ok mon fils a des difficultés
10:44à l'école, qu'est-ce que je peux faire, de toute façon c'est un imbécile, c'est
10:48un âne, c'est comme ça, et toute sa vie, lui, je ne sais pas si un jour il va avoir
10:54le déclic de comprendre qu'il y a une différence, il y a quelque chose avec lequel il peut s'attaquer,
11:04et se retrouver dans les symptômes du TTH, et pas se soigner mais s'accepter, et justement
11:12ne pas avoir cette attitude négative de je suis un âne donc ça ne sert à rien, ici
11:19je me demandais comment faire pour casser ça, est-ce que ça doit venir de lui, est-ce
11:25que c'est peut-être ses parents qui auraient peut-être dû intervenir, est-ce que ça
11:29doit venir d'un milieu médical, est-ce que ça doit venir d'un milieu scolaire, comment
11:33on fait pour casser cette attitude-là.
11:35Le concept d'auto-catégorisation, le fait qu'on se catégorise nous-mêmes, en fait
11:41il faut briser ça, il faut vraiment casser, parce que nous on a aussi cette tendance
11:50à s'auto-catégoriser, de toute manière, peu importe ce que je fais, de toute manière
11:55les autres vont me percevoir comme ça, et c'est comme ça, et c'est tout, point barre,
11:59il faut casser ça.
12:00Aujourd'hui c'est avec Marie-Renée qui a fait partie de notre public, elle a été
12:05aujourd'hui durant le débat, l'échange concernant la santé mentale, donc Marie-Renée
12:13bonjour.
12:14Bonjour.
12:15Alors moi j'aurais une question à te poser, c'est qu'en as-tu trouvé de cet événement,
12:19qu'est-ce qu'il en ressort, qu'as-tu appris à la suite de cet événement avec
12:23tous les experts présents ?
12:25Pour moi l'événement aujourd'hui était très riche, il y a eu pas mal d'informations
12:29et on a eu des conversations très intéressantes et très importantes sur le sujet justement
12:34de la santé mentale, des conversations qu'on n'a pas assez.
12:39J'ai bien aimé le fait que le panel soit un panel de professionnels jeunes et racisés
12:46du coup, parce que justement dans notre culture c'est pas quelque chose qui est discuté,
12:53c'est pas quelque chose qui est admis, c'est souvent quelque chose de très tabou, et
12:57ici le fait de pouvoir en parler, le fait de pouvoir voir des personnes qui travaillent
13:02dans ces milieux-là alors que justement à la maison on nous dit oui mais non, ça c'est
13:07pas pour vous, il n'y a pas ce côté, on prend soin vraiment de notre mental, de tout
13:16le côté psychique.
13:18Le fait de voir vraiment des personnes jeunes, racisées dans ces milieux-là qui sont professionnels
13:24et qui portent vraiment ces sujets, ça fait du bien.
13:31Et je crois que ces conversations-là doivent continuer à être menées en fait.
13:39Tu t'es sentie comprise parce qu'effectivement comme tu as dit, on n'a pas l'habitude
13:44d'avoir aussi, de plus en plus il y a des personnes de notre communauté qui font des
13:48études pour, mais c'est vrai qu'en tant que personne racisée, c'est plus simple
13:53d'aller vers une autre personne qui est racisée, qui te ressemble, qui peut comprendre
13:57la problématique que tu lui présentes et donc ici tu t'es sentie comprise et entendue
14:02aussi par rapport à la question que tu as posée.
14:04Comprise, entendue et aussi je me suis sentie en communauté en fait.
14:12Parce que justement il y a le côté culturel qui veut que, ah non mais qui m'exclue
14:19un peu quelque part de ces questions de bien-être mental parce que dans ma famille, dans la
14:26façon dont on m'a éduquée, ce n'était pas accessible et là je vois des personnes
14:31pour qui c'est vrai, pour qui c'est tangible, pour qui c'est accessible et je peux être
14:37en lien avec elles en fait sans me sentir mise à l'écart, sans me sentir pas à ma
14:43place.
14:44Je suis à ma place et les sentiments, les émotions que je peux ressentir ici, elles
14:50sont reconnues, elles sont reconnues et elles ont une valeur.
14:56Merci beaucoup pour ton intervention.
14:58Merci.