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L'actrice et réalisatrice Sara Forestier est auditionnée par la Commission d'enquête sur les violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité, constituée le 22 octobre dernier. L'actrice, qui a débuté les castings à l'âge de 13 ans, revient alors sur les violences dont elle a été victime au cours de sa carrière, notamment lorsqu'elle était encore mineure. Depuis, accusée d'avoir giflé un autre acteur, elle a fait face à des difficultés physiques et financières et aborde le sujet devant les députés.

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00:00:00...
00:00:07Bonjour et bienvenue sur LCP.
00:00:09Ce jeudi 7 novembre, l'Assemblée nationale auditionne
00:00:12l'actrice Sarah Forestier.
00:00:14Elle est entendue par la commission d'enquête
00:00:16chargée de faire la lumière sur les violences sexuelles
00:00:20et sexistes commises dans les milieux du cinéma,
00:00:22de l'audiovisuel, de la pub ou encore de la mode.
00:00:25Cette commission, c'était une demande
00:00:27de la comédienne Judith Gaudrèche,
00:00:29fer de lance du mouvement MeToo dans le cinéma français.
00:00:33Elle a commencé ses travaux sous la précédente législature.
00:00:37Seulement, on le sait, la dissolution
00:00:40de l'Assemblée nationale a été prononcée,
00:00:42conduisant à l'interruption de tous les travaux législatifs.
00:00:46La commission d'enquête sur les violences sexuelles
00:00:49et sexistes dans le cinéma a été à nouveau créée
00:00:52en octobre dernier.
00:00:54Elle est présidée par la députée écologiste de Paris,
00:00:57Sandrine Rousseau.
00:00:58La séance est ouverte. Bonne audition sur LCP.
00:01:02Je suis ravie de conclure cette journée d'audition
00:01:05en accueillant Mme Sarah Forestier.
00:01:08Merci à vous vraiment de venir dans cette commission d'enquête.
00:01:12Vous êtes actrice, réalisatrice, connue, reconnue.
00:01:15Vous venez de témoigner aujourd'hui
00:01:17devant notre commission des violences et de l'omerta
00:01:21qui ont existé et existent vraisemblablement
00:01:23encore aujourd'hui dans le cinéma français.
00:01:26Et vraiment, au nom de la commission,
00:01:29au nom des députés présents, merci de cette démarche.
00:01:33Comme vous le savez, notre commission d'enquête
00:01:35cherche à faire la lumière sur les violences commises
00:01:37contre les mineurs, mais aussi contre les majeurs
00:01:39dans le secteur du cinéma, de l'audiovisuel,
00:01:41du spectacle, que le vivant notamment.
00:01:44Des témoignages comme le vôtre sont donc extrêmement précieux
00:01:46pour éclairer les travaux de notre commission
00:01:48et nous amener à formuler des propositions fortes
00:01:51et adaptées au monde du cinéma
00:01:53qui permettent véritablement de changer les choses.
00:01:55Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse
00:01:58et qu'elle est retransmise en direct
00:02:00sur le site de l'Assemblée nationale.
00:02:02Avant de vous laisser la parole et d'entamer nos échanges
00:02:04pendant environ une heure,
00:02:06je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958
00:02:11relative au fonctionnement des assemblées parlementaires
00:02:13impose aux personnes entendues par une commission d'enquête
00:02:16de prêter serment, de dire la vérité,
00:02:19toute la vérité, rien que la vérité.
00:02:21Je vous invite donc à lever la main droite
00:02:24et à dire micro ouvert, je vous le jure.
00:02:28Eh bien, je le jure.
00:02:30Merci, madame, et nous vous laissons
00:02:33prendre la parole pour un propos liminaire.
00:02:35Ensuite, nous vous poserons des questions.
00:02:38C'est moi qui vous remercie.
00:02:40Je vous remercie de me laisser l'opportunité de m'exprimer
00:02:44sur ce sujet et surtout dans ce cadre.
00:02:48Donc j'ai choisi ce lieu, ce cadre-là pour investir ma parole
00:02:53parce que je ne me résous pas
00:02:55à ce que les institutions de l'État ne prennent pas à bras le corps
00:03:00ce sujet
00:03:02et qu'ainsi, les choses se déplacent dans d'autres sphères,
00:03:08comme les sphères médiatiques.
00:03:12Alors, puisqu'il s'agit de violences
00:03:16dans le milieu du cinéma,
00:03:18je voudrais déjà dans un premier temps
00:03:20essayer de vous exposer les mécanismes
00:03:22que j'ai vus à travers mon expérience
00:03:25qui permettent à ces violences d'exister,
00:03:28de prendre place, qui permettent aussi de se déployer
00:03:32et qui permettent également ensuite de se perpétuer
00:03:35en faisant taire les victimes.
00:03:38Et ensuite, dans un deuxième temps,
00:03:41du coup, quand on échangera ensemble,
00:03:44ce serait plutôt d'essayer de proposer des pistes de solutions
00:03:48pour restreindre, circoncire,
00:03:50faire en sorte qu'il y ait de moins de violences, tout simplement.
00:03:57Donc, je vais vous donner, en fait...
00:04:00Oui, je dirais donner mon parcours.
00:04:03Je vais vous partager une trajectoire, comme ça, de vie d'actrice,
00:04:07parce que je pense que c'est qu'en embrassant une trajectoire
00:04:12dans un temps long qu'on peut comprendre
00:04:13comment ces violences, en fait, sont même intégrées, répétées,
00:04:19et comment, collectivement, en fait,
00:04:21on les laisse prendre place, on les normalise.
00:04:24Je commence.
00:04:26Donc, j'ai commencé jeune, le cinéma, à 13 ans,
00:04:30en faisant des castings.
00:04:32Et je dois dire, j'ai commencé ma carrière en disant non.
00:04:35Lors de mon premier casting,
00:04:36quand on m'a demandé de retirer ma culotte
00:04:38pour la faire tournoyer dans les airs,
00:04:41parce qu'il y avait une scène soi-disant comique
00:04:43pour ce court-métrage,
00:04:45et je devais la faire atterrir dans l'assiette d'un autre personnage,
00:04:49j'ai dit non.
00:04:51Et là, on m'a attoisée avec pression, ils étaient outrés.
00:04:55Comment est-ce que j'osais dire non ?
00:04:57J'avais 13 ans, j'étais personne, j'avais jamais fait de film.
00:05:00Mais j'ai dit non, et puis je suis partie.
00:05:03Et en fait, ces noms, ils m'ont accompagnée toute ma carrière.
00:05:05C'est des noms qui constituent votre carrière,
00:05:08mais aussi votre personnalité, votre rapport aux autres,
00:05:09votre rapport à votre corps.
00:05:12Plus tard, pas très longtemps après,
00:05:15je fais mon premier film, L'Esquive.
00:05:16J'ai 15 ans.
00:05:18Sur le plateau, un des régisseurs,
00:05:20alors qu'on attend entre deux scènes,
00:05:23me dit, j'ai envie de te faire l'amour dans les fesses.
00:05:25Il a 30 ans.
00:05:30Il a 30 ans, j'ai 15 ans.
00:05:32Bon, je suis choquée,
00:05:33mais heureusement, un autre régisseur l'arrête immédiatement
00:05:35et lui dit, non, mais t'abuses là.
00:05:37Elle est trop jeune, t'abuses, quoi.
00:05:39Et ça s'est arrêté là.
00:05:40On est passés à autre chose,
00:05:42et ça a été un non-événement.
00:05:45On n'en a pas reparlé, ça a été un non-événement.
00:05:49Il se trouve qu'un peu avant, sur ce tournage,
00:05:52il y a eu une scène avec un acteur
00:05:55qui devait, en fait, tenter de m'embrasser dans la scène.
00:05:59Et cet acteur, il s'amusait à cracher par terre avant les prises
00:06:04pour m'humilier.
00:06:06Bon, j'étais mal.
00:06:07J'en ai parlé au réalisateur,
00:06:09qui m'a dit de l'ignorer, que c'était juste un petit con.
00:06:13Et voilà, on utilise toujours des termes, petit con,
00:06:17des mots qui, en fait, ne définissent pas les choses.
00:06:20J'y reviendrai.
00:06:22Et donc, le réalisateur est quand même allé voir cet acteur
00:06:26pour le recadrer, et puis on est passés à autre chose.
00:06:28C'était un non-événement.
00:06:31Et il y a aussi ce rapport au corps.
00:06:33Je me souviens notamment, lors de ce tournage,
00:06:35une scène où, en fait, on avait les mains sur le capot d'une voiture,
00:06:40la portière était ouverte,
00:06:42et puis quelqu'un s'en fait exprès à fermer la portière.
00:06:44Mon doigt est resté dans la voiture.
00:06:46J'étais blessée, mon doigt était tordu, il était violé.
00:06:50Ils ont appelé les pompiers, on a arrêté le tournage.
00:06:53Enfin, on a arrêté la scène.
00:06:55Et pendant qu'on attendait les pompiers,
00:06:57le réalisateur est venu me voir et m'a dit,
00:06:59Sarah, est-ce que ça serait, je crois, formidable
00:07:03si on pouvait utiliser l'état dans lequel t'es ?
00:07:06Effectivement, j'étais blême, j'étais blanche.
00:07:08Et si on pouvait utiliser cet état de fébrilité, en fait,
00:07:13pour tourner une scène dans la voiture et que ça serait fort.
00:07:17Alors je suis retournée dans la voiture
00:07:20et j'ai tourné cette scène en étant dans cet état.
00:07:26Donc ce rapport au corps, je l'ai intégré très tôt, en fait.
00:07:29Et c'est ce rapport au corps qui fait que,
00:07:32dans d'autres films, par exemple, je me rappelle un film
00:07:35où on tournait une scène où j'étais dans un bassin,
00:07:38où je nageais et on tourne, vous savez, on fait beaucoup de prises,
00:07:41on tourne des heures et dans l'eau, on attrape très vite froid.
00:07:45Et c'est ce qui fait qu'à un moment donné,
00:07:46je me retrouve à force avec la bouche violette, presque bleue,
00:07:51la mâchoire qui claque, j'ai mon corps qui presque convulse.
00:07:56Et on vient me prendre dans les bras et on me dit que je suis courageuse.
00:07:59Et c'est vrai.
00:08:02On donne tout, en fait.
00:08:04Je pense que quand on fait ce métier,
00:08:06il y a cette expression, on dit on se donne corps et âme
00:08:09et on a envie de faire le meilleur.
00:08:10Je me rends compte, en fait, que tout le long de ma carrière,
00:08:14j'ai été vraiment un bon soldat, un bon petit soldat.
00:08:17J'essayais de tout donner pour une oeuvre,
00:08:20tout donner pour un metteur en scène.
00:08:23Et il y avait cette idée de ce rapport au corps.
00:08:26Et le rapport au corps, c'est aussi me retrouver nue
00:08:31dans une scène alors que j'avais jamais été nue
00:08:34devant quelqu'un d'autre, dans mon intimité,
00:08:37dans ma vraie vie à moi.
00:08:39J'étais jeune.
00:08:40Et être actrice, c'est aussi être sexuée
00:08:43avant même d'avoir investi sa propre sexualité.
00:08:46C'est aussi mentir, faire comme si on connaissait le sexe
00:08:51pour pas trop se foutre la honte dans une scène d'amour
00:08:53qu'on doit jouer alors que j'étais encore vierge.
00:08:57Ca donne même des situations assez cocasses.
00:09:01Mais durant ces années, j'ai intégré des choses.
00:09:05Mais en parallèle de ça, j'étais toujours accompagnée de mes noms.
00:09:09Voilà, mes noms qui me protégeaient.
00:09:11Par exemple, tout au long de mon parcours,
00:09:13effectivement, j'ai rencontré des metteurs en scène
00:09:16qui m'ont dit qu'ils voulaient coucher avec moi
00:09:18et qui m'ont fait sentir du chantage
00:09:20que si c'était pas le cas, je savais bien que j'aurais pas le rôle.
00:09:24Et j'ai dit non.
00:09:25J'ai dit non et puis j'ai pas fait ces films-là.
00:09:29Donc ces noms m'ont protégée.
00:09:30Et puis un jour, il y a eu le nom de trop,
00:09:34le nom qu'on m'a pas laissée passer,
00:09:36le nom que j'ai exprimé et qu'on m'a fait payer.
00:09:39J'étais en préparation d'un tournage,
00:09:43on faisait des essais caméra,
00:09:44et puis j'avais très, très mal au ventre,
00:09:46mal au point de m'allonger sur un canapé.
00:09:49Personne n'a fait attention à moi.
00:09:51Et puis le soir même, en rentrant,
00:09:54j'ai été aux urgences.
00:09:56J'avais vraiment trop mal.
00:09:57Et là, la médecin qui m'a auscultée
00:10:00m'explique que je fais une hémorragie interne.
00:10:04J'ai un litre et demi de sang répandu dans le ventre
00:10:07parce qu'en fait, je venais de faire une grossesse extra-utérine
00:10:10et que j'avais une trompe qui avait explosé.
00:10:13Donc j'ai été immédiatement opérée.
00:10:17Et suite à ça, j'ai eu une péritonite.
00:10:20Donc c'est une infection assez grave.
00:10:22On peut mourir.
00:10:24Donc j'ai été hospitalisée,
00:10:25et ils m'ont mise sous intraveineuse d'antibiotiques.
00:10:29Au bout de deux jours, je suis toujours à l'hôpital.
00:10:32J'appelle la réalisatrice pour la prévenir.
00:10:35Et là, elle m'engueule.
00:10:36Elle me dit que j'aurais dû l'appeler plus tôt.
00:10:38Bon.
00:10:40Il va y avoir le début de tournage.
00:10:42Le début de tournage est décalé d'une dizaine de jours.
00:10:46Et puis avant de tourner,
00:10:48j'apprends, on me dit que l'acteur avec qui je vais tourner,
00:10:51il est un peu énervé, quoi.
00:10:53Ça le fait chier, je cite,
00:10:56qu'on ait décalé le tournage,
00:10:57parce que ça ne l'arrange pas pour son tournage d'après,
00:10:59parce qu'il était serré dans les plannings.
00:11:03Aucune compassion pour moi, aucun mot de soutien
00:11:05concernant mon hospitalisation.
00:11:07Rien.
00:11:08On commence le tournage,
00:11:10le premier jour, deuxième jour, troisième jour.
00:11:13Et j'étais dans une ambiance, en fait,
00:11:15toujours cette idée d'être un bon soldat,
00:11:18de vouloir bien faire les choses.
00:11:19En plus, je connaissais les producteurs.
00:11:20Donc je ne voulais vraiment pas les lâcher.
00:11:24Et puis, il y a premier jour, deuxième jour, troisième jour,
00:11:27et je suis dans cette voiture avec cet acteur.
00:11:29Le soir, quand on rentre ensemble,
00:11:32il est au téléphone avec sa compagne,
00:11:34il raccroche et il dit,
00:11:36putain, elle fait chier, elle veut garder le gosse.
00:11:38Et moi, en fait, j'ai déjà deux enfants
00:11:40avec deux femmes différentes, fait chier, quoi.
00:11:43Donc moi, je suis dans cette voiture
00:11:44avec cet homme qui parle comme ça.
00:11:48Et je me sens mal, en fait.
00:11:50Je me dis que...
00:11:51Je sens qu'avec lui, une femme, elle ne doit pas la ramener, quoi.
00:11:54Et que je dois me faire petite.
00:11:56Et je le sens, ça. Je le sais.
00:11:59Et puis, au bout du troisième jour de tournage,
00:12:02pour une broutille, une histoire d'accessoires
00:12:04qui était sur le plateau,
00:12:07on ne se comprend pas sur quelque chose.
00:12:09Et ça l'énerve et il me parle mal.
00:12:12Et là encore, je me sens mal parce que je me dis,
00:12:15ça ne va pas être possible de faire tout un tournage comme ça.
00:12:17Je vais me sentir rétrécie de l'intérieur.
00:12:20Il va falloir encore que je m'écrase.
00:12:22Ce n'est pas possible, quoi.
00:12:23Donc je décide d'aller le voir dans les loges, après.
00:12:26Au calme. Je prends sur moi.
00:12:29Et je vais le voir et je lui dis, voilà,
00:12:32on va faire deux mois de tournage ensemble.
00:12:34Ça serait bien que ça se passe bien, quoi.
00:12:36Et je ne me sens pas très bien.
00:12:38Et en fait, il n'est pas d'humeur de parler.
00:12:42Ça l'énerve. Il ne veut pas qu'on parle.
00:12:46Et il se met assez énervé et il me dit,
00:12:47bon, allez, vas-y, casse-toi, pousse-toi ou je vais te gifler.
00:12:51Je suis choquée, je le regarde.
00:12:53Et là, encore une fois, j'ai mon non qui m'accompagne.
00:12:56Je lui dis non, je lui dis non, tu ne me menaces pas.
00:12:59Et puis, tu ne me fais pas peur.
00:13:02Et ça, ça l'énerve. Il n'aime pas.
00:13:05Et il monte dans les tours et il me gifle.
00:13:09Et donc, je me prends cette gifle, je hurle
00:13:13et je demande immédiatement à ce qu'on m'emmène à l'hôpital.
00:13:18Pardon, je vais continuer.
00:13:21Et donc, en fait, je demande à ce qu'on m'emmène à l'hôpital.
00:13:24Et je sens que l'équipe panique, quoi.
00:13:27Ils ne savent pas gérer ce genre de situation.
00:13:29Et donc, quand on est sur les tournages,
00:13:33très souvent, c'est ce que je vous ai expliqué,
00:13:34c'est que mes affaires à moi étaient restées
00:13:38dans ma chambre d'hôtel, ma carte bleue.
00:13:41Mais voilà, je n'avais pas de quoi me payer un taxi.
00:13:44Donc, j'étais dépendante.
00:13:45Donc, je me retrouve dans cette situation,
00:13:46je leur dis que je veux aller immédiatement au commissariat.
00:13:50Et je vois qu'ils paniquent.
00:13:53Et en fait, on essaye de m'empêcher d'aller au commissariat.
00:13:57Alors, j'insiste, je leur dis que vous êtes malade.
00:13:59Je dis que vous m'emmenez au commissariat.
00:14:02Ils finissent par m'emmener au commissariat.
00:14:04Et là, au commissariat,
00:14:08je me présente
00:14:10et puis on me dit qu'on va prendre ma plainte.
00:14:12J'attends dans le hall.
00:14:14Et là, dans le hall, j'ai la réalisatrice qui vient
00:14:18et qui me fait du chantage.
00:14:19C'est-à-dire qu'elle me fait culpabiliser.
00:14:21Elle me dit que si je porte plainte,
00:14:23en fait, je vais détruire son film.
00:14:25Elle essaie de me dire que ce n'est pas si grave,
00:14:28qu'en fait, il m'a juste à peine effleuré le visage.
00:14:33Elle n'a aucun mot de compassion.
00:14:36Je vois qu'encore une fois,
00:14:39il faudrait que ce soit un non-événement.
00:14:42Et je...
00:14:45Voilà, je n'accepte pas.
00:14:47Je suis choquée parce qu'elle me dit que je suis sans voix.
00:14:49Je lui dis, écoute, tu pars d'ici, en fait.
00:14:52Tu n'as rien à faire au commissariat,
00:14:54à faire ce que tu es en train de faire.
00:14:56Et puis, je vois à travers la baie vitrée
00:14:59qu'une partie de la production a ramené l'acteur devant moi
00:15:03pour qu'il vienne devant le commissariat pour s'excuser.
00:15:07Et en fait, on me demande de l'excuser,
00:15:10mais on me demande de l'excuser
00:15:12pour mettre la poussière sous le tapis, en fait,
00:15:16qu'on passe à autre chose.
00:15:18Et...
00:15:21Je... Enfin, voilà, moi, je...
00:15:24Il m'aurait juste insultée à la limite, d'accord,
00:15:26mais là, c'était en 20 ans de carrière,
00:15:28on ne m'avait jamais frappée,
00:15:30personne n'avait jamais levé la main sur moi.
00:15:33Donc, j'ai dit non.
00:15:37J'ai dit non.
00:15:42J'ai dit non, il peut repartir.
00:15:45Je suis allée dans le bureau avec le policier,
00:15:48et j'ai dit, vous pouvez repartir.
00:15:51Je vois qu'à ce moment-là,
00:15:52il n'y a qu'une seule chose qui prend toute la place,
00:15:54c'est la peur pour eux.
00:15:55La peur de quoi ? La peur de l'argent.
00:15:58Parce qu'en fait, ils savent pas gérer ces situations,
00:16:02parce qu'ils ont peur par rapport à l'argent,
00:16:04par rapport aux assurances.
00:16:06Qu'est-ce qu'on fait à ce moment-là ?
00:16:09Pourquoi est-ce qu'ils ont pas licencié l'agresseur ?
00:16:13Parce qu'en fait, ça coûterait beaucoup d'argent.
00:16:16C'est-à-dire qu'il faudrait retourner
00:16:18les trois jours de tournage que je viens de faire avec lui.
00:16:21Et donc, en fait, tout de suite,
00:16:24ce qu'on fait, c'est qu'on met la poussière sous le tapis,
00:16:25et la victime doit encaisser.
00:16:27Et c'est ce que je n'ai pas fait.
00:16:29Et donc, après,
00:16:33je suis sortie du commissariat, puis je suis rentrée chez moi.
00:16:36On était en province, je suis rentrée à Paris.
00:16:39Je me sentais seule, je voulais me protéger.
00:16:43Évidemment, j'ai pas dormi de la nuit.
00:16:46J'ai pas dormi de la nuit, et l'état dans lequel j'étais...
00:16:48En fait, j'étais encore sous traitement antibiotique Oro, cette fois.
00:16:52Et en fait,
00:16:56j'ai eu très, très mal au ventre, toute la nuit.
00:17:00Et le lendemain matin, j'ai été voir un médecin.
00:17:02Et il m'a auscultée, il m'a dit
00:17:04que je te mets tout de suite en arrêt maladie.
00:17:06J'ai trois médecins qui m'ont mis en arrêt maladie.
00:17:08Ma gynécologue, le médecin qui s'était occupé de moi
00:17:13pour ma péritonite à l'hôpital.
00:17:16Et les trois m'ont prescrit un arrêt maladie
00:17:18parce qu'en fait, mon inflammation,
00:17:19quand ils m'ont auscultée, avait repris.
00:17:21Et ils m'ont dit qu'il fallait absolument que je me repose,
00:17:25que je prenne soin de mon corps, de moi,
00:17:26parce que sinon, en fait, je risquais de ne plus pouvoir avoir d'enfant,
00:17:29puisqu'il ne m'est resté qu'une seule trompe.
00:17:31Et donc, je décide de prendre soin de moi.
00:17:38Je...
00:17:40La production, pendant ce temps, me met la pression
00:17:42pour que je revienne sur le plateau à 14h, je crois.
00:17:46Et quand ils voient que je ne suis pas là sur le plateau
00:17:49et qu'on leur donne l'arrêt maladie,
00:17:51tout de suite, il y a un renversement de la situation.
00:17:54Et un inversement de la culpabilité, de la responsabilité.
00:17:59Et je vois que je deviens l'ennemi, en fait,
00:18:01celle qui met en danger l'argent de ce film.
00:18:05Et à partir de ce moment-là,
00:18:10moi, les jours qui suivent, je prends soin de moi,
00:18:13je me soigne.
00:18:14J'essaie de me remettre psychologiquement aussi de tout ça.
00:18:18Et puis, il se trouve que mon avocat parle avec la production
00:18:22parce que j'ai quand même tourné trois jours
00:18:25et qu'ils voulaient pas me payer, en fait,
00:18:28pour les trois jours que j'avais faits.
00:18:30Donc, mon avocat parle avec eux et puis il leur dit...
00:18:33Écoutez, en plus, dans le contexte dans lequel c'était,
00:18:36c'était juste après l'affaire Weinstein.
00:18:40Adèle Haenel n'avait pas encore pris la parole.
00:18:43Et le contexte faisait que si ça s'ébrutait,
00:18:47c'était mauvais pour la production.
00:18:50Ben, ça a pas manqué.
00:18:51Deux jours après cette discussion,
00:18:54il y a un article qui est paru dans la presse People
00:18:59qui était un remboursement total des responsabilités de la situation.
00:19:04C'est-à-dire qu'ils m'ont accusée, moi, de l'avoir giflé.
00:19:11Et en fait, c'est...
00:19:13C'est imparable
00:19:15parce que, derrière...
00:19:18Donc, je tiens à dire que c'était dans un magazine People
00:19:22et qu'ils ont fait un témoignage anonyme...
00:19:28totalement mensonger
00:19:31et que...
00:19:33Je pensais pas qu'on puisse...
00:19:36J'étais sans doute naïve,
00:19:38mais je pensais pas qu'on pouvait renverser la situation,
00:19:40mais en même temps, c'est implacable.
00:19:42Comment je pouvais, après ça, prendre la parole ?
00:19:45Puisqu'ils m'avaient accusée d'avoir, moi, donné la gifle.
00:19:48Comment, moi, j'aurais pu dire que je l'avais reçue, cette gifle ?
00:19:52Parce que je l'ai reçue, cette gifle.
00:19:58Du coup, ils ont bien réussi à me faire taire,
00:20:03entre guillemets.
00:20:06Derrière ça...
00:20:09Eh ben...
00:20:13C'était comme un coup de massue supplémentaire,
00:20:16évidemment, psychologiquement,
00:20:18en sachant que, moi, je voulais cet enfant, déjà.
00:20:22J'aurais aimé avoir un enfant et c'était déjà très dur pour moi.
00:20:26Psychologiquement, j'avais été dans un état de faiblesse
00:20:29et recevoir toutes ces violences dans cet état de faiblesse,
00:20:32c'est ce qui fait que j'étais pas armée,
00:20:34j'étais pas forte pour pouvoir faire ça.
00:20:36Forte, en fait, pour pouvoir faire face à ces situations.
00:20:40Et quand ils ont mis ce dernier coup implacable,
00:20:43j'étais à terre, j'étais terrassée, je me souviens.
00:20:48Ça me fait très mal de repenser à ça,
00:20:51mais je me souviens avoir été...
00:20:55Pardonnez-moi.
00:20:56D'avoir été à quatre pattes, à genoux,
00:21:00dans mon salaud, sur mon parquet,
00:21:04en train de pleurer.
00:21:06Parce que je venais d'apprendre l'article.
00:21:14Je me souviens de cette image.
00:21:17Je me souviens de moi, à quatre pattes sur ce parquet.
00:21:19Ah oui, ça, oui, je m'en souviens.
00:21:26J'ai eu envie de mourir.
00:21:28Pourtant, je suis quelqu'un qui a du caractère, franchement.
00:21:32J'ai toujours été hyper joyeuse et tout.
00:21:34Mais là, j'ai vraiment eu envie de mourir.
00:21:37C'était trop insupportable pour mon corps, pour mon psychique.
00:21:42Et après, eh bien...
00:21:46C'est simple.
00:21:48J'étais prévue, quelques mois après,
00:21:51je devais tourner dans une série.
00:21:53Et là, j'apprends que,
00:21:56puisqu'il y a eu cet article de presse qui me faisait cette réputation,
00:22:01eh bien, j'étais virée, quoi.
00:22:03Je n'allais pas faire cette série.
00:22:07Et...
00:22:09Du coup...
00:22:12En fait, je ne gagnais plus d'argent.
00:22:14Pendant un bon moment, j'ai eu deux projets qui ont été annulés.
00:22:18Je ne pouvais plus payer mon loyer, je me suis endettée.
00:22:22Comme, en plus, je comptais sur le tournage...
00:22:25là où j'ai été giflée pour pouvoir avoir de l'argent
00:22:30pour tenir pendant un certain temps.
00:22:32Vous savez, nous, les acteurs, on travaille un temps,
00:22:34et pendant un an, on peut ne pas travailler, donc...
00:22:37Bon, bref, je me suis endettée.
00:22:40Et...
00:22:41Et puis là...
00:22:45Je ne sais pas, j'ai survécu comme je pouvais.
00:22:49Suite à ça...
00:22:53J'ai finalement quand même réussi à retourner dans des films.
00:22:59Mais j'arrivais dans un état...
00:23:01J'étais dégoûtée du cinéma, en fait.
00:23:03Donc, en fait, je n'avais plus confiance aux équipes de films.
00:23:06J'étais dans la défiance.
00:23:09Je n'aurais jamais imaginé qu'on puisse se comporter comme ça.
00:23:12Et je pense même que c'est difficile à croire, en fait.
00:23:16Je pense que les agresseurs, ils se défaussent,
00:23:18et les complices aussi, parce que...
00:23:20En fait, c'est trop...
00:23:23difficile, je pense, de voir...
00:23:26de manière aussi crue,
00:23:28la violence et même la cruauté.
00:23:34Donc, voilà, j'ai continué à faire des films.
00:23:36J'ai bientôt fini.
00:23:37J'ai continué à faire des films.
00:23:39Et...
00:23:41Voilà. J'avais plus confiance aux gens.
00:23:43Et en fait, quand j'arrivais sur les plateaux,
00:23:46je voyais dans le regard des gens que, comme on dit,
00:23:49ta réputation te précède.
00:23:51Avec tout ce qui avait été dit sur moi,
00:23:53je les voyais me regarder avec un regard de jugement.
00:23:57Et moi, j'étais déjà tellement...
00:24:00En fait, j'avais cette sensation d'injustice à l'intérieur de moi,
00:24:03très forte.
00:24:05C'était tellement injuste qu'il m'était arrivé...
00:24:07Alors, de voir des gens qui me regardaient
00:24:09comme si c'était moi qui étais coupable, c'était encore pire.
00:24:11Du coup, c'est un cercle vicieux qui se passe.
00:24:14C'est que, du coup, vous êtes encore plus sur la défensive,
00:24:18et plus vous êtes sur la défensive,
00:24:20plus les personnes en face disent
00:24:21que tu vois, elle est bizarre.
00:24:23Tu vois, elle est bizarre, il y a quelque chose.
00:24:26Et c'est comme un piège.
00:24:29C'est si bien fait.
00:24:30C'est comme un piège qui se referme sur vous.
00:24:33Et pour en sortir...
00:24:35On a l'impression qu'on n'en sortira jamais, en fait.
00:24:38Et donc, un tournage, deux tournages,
00:24:40et en fait, c'est comme un cercle vicieux,
00:24:43puisque si ça se passe pas bien sur le tournage d'après,
00:24:46ça confirme que vous étiez vous le problème.
00:24:50Et j'ai continué des tournages comme ça,
00:24:52mais en fait, j'étais pas bien.
00:24:54Je me sentais humiliée, oppressée
00:24:57par quelque chose qui s'était refermé sur moi.
00:25:00Et alors, qu'est-ce que j'ai fait ?
00:25:02Je pense, comme toutes les femmes
00:25:05qui sont victimes de violences dans ce genre de milieu,
00:25:08je me suis retirée.
00:25:10Je me suis retirée parce que c'est la seule solution.
00:25:14Je me suis retirée pour essayer de me reconstruire dans mon coin.
00:25:19Et puis, il y a eu le témoignage d'Adèle Haenel.
00:25:23Et il y a eu la libération de la parole.
00:25:27J'ai lu une interview,
00:25:29je suis tombée sur une interview d'Isabelle Adjani.
00:25:32C'était incroyable.
00:25:35Isabelle Adjani expliquait dans cette interview,
00:25:38je pourrais vous la transmettre, exactement ce qui m'est arrivé.
00:25:43Elle explique qu'elle était au théâtre.
00:25:46Elle a joué dans une pièce.
00:25:48Un acteur, qui est violent, l'avait frappé.
00:25:53Il l'avait giflé, je crois.
00:25:56Et elle avait quitté la pièce.
00:25:58Et elle me dit, j'essaie de me remémorer ces mots,
00:26:01mais ça résonne encore dans ma tête.
00:26:03Elle dit, j'ai arrêté la pièce
00:26:07et tout le monde m'était tombée dessus,
00:26:09comme si c'était moi qui étais responsable.
00:26:13Il me semble même que l'acteur avait menti lui aussi
00:26:17en disant que c'était elle qui avait été violente.
00:26:20Et quand je pense à ça, Isabelle Adjani,
00:26:23je peux pas m'empêcher de penser à ce sketch
00:26:27qui était même passé au César,
00:26:29où on dit, je sais pas si vous connaissez ce sketch,
00:26:32où on se moque d'Isabelle Adjani en disant,
00:26:33je ne suis pas folle, vous savez.
00:26:36Et on rigole d'elle.
00:26:37Il y a cette réputation comme quoi elle est folle.
00:26:40Et en fait, les femmes qui sont abîmées de cette manière-là,
00:26:46derrière,
00:26:48c'est presque l'œil luisant
00:26:51qu'on les enferme dans cet adjectif de folle.
00:26:57Et quand j'ai lu le témoignage d'Isabelle Adjani,
00:26:59je me suis dit, mais en fait,
00:27:02ça m'a libérée d'une certaine manière,
00:27:05avec Adèle et Nel ce qu'elle avait dit.
00:27:09Et tout d'un coup, Isabelle Adjani, je me suis dit,
00:27:10mais en fait, c'est des mécanismes qui sont implacables,
00:27:14qui sont répétés.
00:27:17Et je pense qu'avec la libération de la parole,
00:27:21on s'est collectivement déniésés.
00:27:25Et à partir de ce moment-là,
00:27:28j'ai un peu pu structurer les choses dans ma tête,
00:27:34comprendre ce qui m'était arrivé.
00:27:36Et il y a quelque chose de très important
00:27:38que je voudrais dire aussi, c'est que...
00:27:40Vous savez, quand vous êtes dans ces moments-là,
00:27:42que vous êtes dans la descente aux enfers,
00:27:46on vous somme de faire un examen de votre propre parcours
00:27:51pour voir si vous-même, vous avez pas fait des erreurs,
00:27:55parce qu'en fait, si vous n'êtes pas une victime parfaite,
00:27:58on n'accepte pas que vous soyez une victime.
00:28:01Et en fait, c'est un piège,
00:28:01parce que ça existe pas, une victime parfaite.
00:28:04Et donc en fait, on vous somme, déjà vous,
00:28:08de vous dire, mais sur tel tournage,
00:28:09il s'était passé ça quand même, t'avais fait ça.
00:28:12Et en fait, on vous somme de regarder toutes vos erreurs.
00:28:15Et excusez-moi l'expression, mais c'est comme si on vous faisait
00:28:18manger votre tartine de merde jusqu'au bout.
00:28:21Vous devez vous faire un examen de conscience
00:28:25pour qu'ensuite, on accepte de dire,
00:28:28ah oui, peut-être tu as été victime de quelque chose.
00:28:31Et je voudrais dire que moi, en fait,
00:28:34quand j'ai commencé à me reconstruire et à aller mieux,
00:28:38c'est à ce moment-là que j'ai pu regarder moi aussi,
00:28:41puisque je voyais un système.
00:28:43J'ai commencé à me déniaiser, voir le système.
00:28:46Et bien après ça, j'ai pu faire un examen de mon parcours ici
00:28:51et de voir les violences que j'avais pu répéter.
00:28:57Et j'ai appelé des gens pour m'excuser,
00:29:03de leur dire, voilà, si je t'ai mal parlé à ce moment-là,
00:29:06si j'ai pu te heurter, te blesser,
00:29:09si j'étais mal et que tu ne l'as pas vu
00:29:12et que c'était un peu rude, je m'en excuse.
00:29:15Et on essaye de faire le maximum
00:29:18pour faire cet examen de conscience aussi,
00:29:24de se dire que peut-être moi, sur mon film,
00:29:26je n'avais pas assez protégé mes actrices,
00:29:31que sur mon film que j'ai réalisé,
00:29:35je me suis rendue compte après coup
00:29:36que j'avais tellement intégré une manière de faire du cinéma.
00:29:40J'avais commencé sur l'esquive avec un metteur en scène
00:29:43qui est un grand metteur en scène,
00:29:45mais où les violences sont intégrées.
00:29:49Et je me suis rendue compte que j'avais tellement intégré
00:29:53cette manière de faire du cinéma
00:29:55que j'avais moi-même une défiance vis-à-vis des équipes techniques
00:29:59et j'avais intégré tout ce rapport au corps
00:30:03et qu'on devait avancer et faire du cinéma comme ça.
00:30:07Et même ça, ça me rend triste,
00:30:09parce que je me dis que ce n'est pas Sarah,
00:30:12ce n'est pas moi qui veux faire du cinéma comme ça.
00:30:16Et donc je l'ai fait, cet examen de conscience-là.
00:30:18J'ai appelé les personnes que j'ai pu heurter,
00:30:22mais je voudrais dire quelque chose...
00:30:25Ou des personnes, par exemple, que je n'avais pas rappelées,
00:30:28qui avaient fait des castings pour mon film
00:30:30et que j'avais laissé traîner.
00:30:32Et je me disais...
00:30:33Parce qu'avec le réalisateur de l'esquive, c'était pareil.
00:30:37C'était parfois six mois de casting,
00:30:39et puis on ne vous donne pas de réponse.
00:30:40Et je me disais, ce n'est pas grave, tu l'as vécu, Sarah,
00:30:42tu n'en es pas morte.
00:30:44Mais en fait, il y a des gens que je n'ai pas rappelées.
00:30:46Il y a des gens...
00:30:47Et en fait, c'est des humiliations, ce n'est pas acceptable.
00:30:50Et donc, voilà, je me suis excusée
00:30:52au maximum de personnes à qui j'avais pu faire ces choses.
00:30:55Mais pour terminer, je voudrais juste dire une chose,
00:30:58c'est qu'il y a une grande injustice quand même,
00:31:01parce qu'Isilde Lebesco en parlait très bien aussi dans son livre,
00:31:05Dire vrai, elle disait qu'elle s'était rendue compte aussi
00:31:07de choses qu'elle avait pu reproduire
00:31:11sur son propre tournage avec ses acteurs.
00:31:13Mais cet examen de conscience, c'est nous qui le faisons.
00:31:17Ce ne sont pas les agresseurs.
00:31:19Ils ne le font pas, eux.
00:31:21Et il y a un espèce de relativisme aussi dans le cinéma
00:31:25qui met sur le même plan, par exemple,
00:31:27le fait qu'on peut avoir fait l'erreur
00:31:30de mal parler à quelqu'un,
00:31:32mais ils vont mettre ça sur le même plan
00:31:34qu'un acteur qui gifle
00:31:36ou qu'un acteur qui fait une agression sexuelle.
00:31:40Et ce relativisme-là, franchement,
00:31:43pendant un moment, je me suis demandé, je me suis dit,
00:31:45est-ce que vraiment, c'est parce que dans leur tête,
00:31:47c'est vraiment au même niveau ?
00:31:49Non. Maintenant, vraiment, je pense que c'est tout simplement
00:31:51encore une autre stratégie pour toujours
00:31:54ne pas vouloir regarder ce que font vraiment les agresseurs.
00:31:59Voilà, mal parler à quelqu'un,
00:32:00c'est pas la même chose que de frapper,
00:32:01que d'agresser sexuellement, de violer.
00:32:06Et voilà, je vais terminer par une dernière phrase.
00:32:08Je voudrais juste dire que moi, je ne souhaite pas
00:32:13que mon agresseur soit empêché de faire du cinéma.
00:32:17Je ne souhaite pas que son nom soit placardé,
00:32:19c'est pour ça que je le dis pas aujourd'hui,
00:32:20et d'ailleurs que je l'ai jamais dit publiquement.
00:32:24Je ne souhaite pas qu'il soit banni.
00:32:27Je veux simplement que mon agresseur aille en prison,
00:32:31parce que frapper une femme alors qu'elle sort de l'hôpital
00:32:38et qu'elle ait utilisé ce moment de faiblesse pour la frapper,
00:32:43bah, ça a détruit des...
00:32:48Ça a détruit des années de ma vie.
00:32:53Voilà, mais je ne crois pas,
00:32:56je ne veux pas de peine de mort sociale,
00:32:58je ne veux pas de peine de mort professionnelle,
00:33:01je veux simplement que le nom de cette personne,
00:33:05de mon agresseur, le nom de mon agresseur,
00:33:07je l'ai donné dans la sphère judiciaire,
00:33:09et je veux que la justice soit rendue dans le cadre judiciaire,
00:33:15mais qu'elle soit vraiment rendue.
00:33:19Et...
00:33:21De toute façon, quand une personne, un agresseur,
00:33:24est jugé et qu'il va en prison,
00:33:26il est mis, d'une certaine manière, hors d'état de nuire,
00:33:29le temps qu'il y ait.
00:33:33C'est là que ça devrait se passer,
00:33:35et c'est là que les choses devraient être réglées.
00:33:38Mais comme elles ne le sont pas, comme la justice est défaillante,
00:33:44les choses se déplacent,
00:33:46les choses se déplacent,
00:33:48et je comprends tellement que ce soit difficile aussi
00:33:52pour les victimes, cette impunité.
00:33:54Quand vous voyez votre agresseur passer à la télé,
00:33:59c'est insoutenable.
00:34:02Donc si la justice fait rien, qu'est-ce qui va se passer ?
00:34:05On va laisser comme ça tout se régler dans la sphère médiatique ?
00:34:10Voilà.
00:34:12Merci beaucoup pour ce témoignage
00:34:16extrêmement fort sur le caractère
00:34:21systémique peut-être des violences,
00:34:23mais surtout sur le système qui se met en place
00:34:26pour que les violences ne soient pas,
00:34:29enfin, restent tues à l'intérieur d'un monde.
00:34:35Moi, je voudrais vous poser une question,
00:34:37et vous n'êtes pas obligés d'y répondre si vous ne le souhaitez pas.
00:34:42De quand date la plainte ?
00:34:44Et êtes-vous certaine d'être dans un...
00:34:48Avez-vous eu une notification
00:34:50du fait qu'il y avait une instruction de cette plainte ?
00:34:53Alors...
00:34:56J'ai porté plainte, en fait, le jour où ça s'est passé,
00:35:00donc j'ai été au commissariat,
00:35:02et quand j'ai été devant le policier,
00:35:05il m'a expliqué que ça allait être plus long si c'était une plainte
00:35:07et que je pouvais tout à fait faire d'abord une main courante,
00:35:10donc en fait, immédiatement, quand ça s'est passé...
00:35:16Non.
00:35:17Non, je l'ai éteinte.
00:35:18Quand ça s'est passé immédiatement, j'ai déposé cette main courante
00:35:23et je suis vite rentrée à Paris.
00:35:25Et puis après, j'ai été tellement écrasée par tout le reste,
00:35:32tout le truc médiatique derrière, le renversement,
00:35:35qu'en fait, j'étais complètement à côté de mes pompes,
00:35:37je voulais me suicider, j'étais très très mal.
00:35:40Et puis on me disait,
00:35:43mets pas de l'huile sur le feu, Sarah.
00:35:46Arrête d'en parler, c'est mieux, continue.
00:35:50Et j'étais tellement faible
00:35:53que j'ai écouté ce très mauvais conseil,
00:35:56de ne pas mettre de l'huile sur le feu, et c'est ce qu'on dit.
00:35:58Et on m'a même dit, pour tout vous dire,
00:36:01quand j'étais en partance,
00:36:03quand j'étais en sortant du commissariat,
00:36:06j'étais au téléphone et on m'a dit,
00:36:08Sarah, ne pars pas du tournage, ça va se retourner contre toi.
00:36:12Et donc, en fait, c'est systématiquement,
00:36:14ne parle pas, reste, encaisse, en fait, c'est ça qu'on dit aux filles.
00:36:19Bon, bref, du coup, j'ai pas porté plainte sur le moment,
00:36:22j'ai pas porté plainte parce qu'en fait, les années d'après,
00:36:24j'étais endettée,
00:36:26j'étais, parce qu'il faut parler de ça aussi,
00:36:29l'argent,
00:36:31et mon corps m'a lâchée,
00:36:34j'avais des saignements, je vous le dis franchement.
00:36:38Je m'urinais dessus, quoi.
00:36:41J'étais dans un état déplorable, proche de la mort, quoi.
00:36:45Et puis...
00:36:47Donc, en fait, vous n'êtes pas du tout en état de porter plainte,
00:36:49puis vous croyez que ce n'est pas du tout la voie.
00:36:52Et puis, finalement, juste avant que la prescription n'ait fait,
00:36:56c'était vital,
00:36:58je suis partie vivre à la campagne, en fait,
00:37:00et je ne pouvais pas laisser passer.
00:37:03Donc, un jour avant que ce soit prescrit,
00:37:06c'était dans mon corps, quoi.
00:37:07J'ai pris ma voiture, j'ai été au commissariat,
00:37:10j'ai tout raconté.
00:37:12Un policier qui m'a vraiment écoutée,
00:37:16et je le remercie infiniment,
00:37:18et qui a pris ma plainte.
00:37:20Et puis après, ça a été dans les limbes,
00:37:22et mon avocat a demandé encore où est-ce que ça en était,
00:37:26mais je n'ai pas de suite pour l'instant.
00:37:30Merci. Alors, dans cette commission d'enquête,
00:37:32nous ne pouvons pas traiter de faits judiciaires en cours.
00:37:36Donc, c'est la raison pour laquelle je veux vous poser cette question.
00:37:39Néanmoins, je pense que votre témoignage
00:37:42ouvre un champ extrêmement important d'investigation
00:37:46pour notre commission d'enquête,
00:37:47qui est quel mécanisme se mettre en place
00:37:50pour faire taire les femmes,
00:37:52ou pour faire taire les violences.
00:37:55Et dans ce que vous dites,
00:37:58en fait, il y a la responsabilité
00:38:01de celui qui a commis cet acte.
00:38:03Il y a aussi toute la responsabilité
00:38:06de la chaîne...
00:38:09Enfin, de l'ensemble du système,
00:38:11de vos employeurs du cinéma.
00:38:15Est-ce que vous pourriez nous dire un peu
00:38:19comment vous voyez des pistes d'amélioration,
00:38:25et comment nous, en tant que législateurs,
00:38:27puisque nous ne pouvons pas nous substituer à la justice,
00:38:29mais nous avons un rôle qui est de faire évoluer la loi
00:38:32pour protéger les personnes,
00:38:34est-ce que vous pourriez nous dire
00:38:35ce qui, dans le cas de votre expérience,
00:38:39vous aurait protégé davantage
00:38:41et aurait permis d'avoir un traitement différent
00:38:44de votre affaire ?
00:38:46Oui.
00:38:50Monsieur Balanant, qui est rapporteur de la commission d'enquête.
00:38:54En complément...
00:38:58Pardon.
00:38:59Juste en complément, et dans le même sens,
00:39:03juste avant, quand même,
00:39:07vous êtes une des plus grandes comédiennes
00:39:09des 20 dernières années.
00:39:10Vous avez reçu deux Césars,
00:39:14et vous venez de nous décrire
00:39:16la machine à broyer des talents.
00:39:20Et je vous remercie,
00:39:21parce que vous allez nous apporter beaucoup de choses.
00:39:24Et donc, je le dis avec sincérité, émotion,
00:39:28parce qu'on a auditionné déjà beaucoup de personnes,
00:39:30et vous faites partie des auditions
00:39:33qui vont certainement marquer cette commission d'enquête.
00:39:39Donc, pour rebondir sur la question qui a été posée,
00:39:42c'est la même question, en réalité,
00:39:45on voit que vous avez tenu
00:39:48pendant presque 20 ans de votre carrière,
00:39:51parce que vous nous avez décrit, quand même,
00:39:52que ça a commencé par...
00:39:54On vous a demandé d'enlever votre culotte à 13 ans.
00:39:57Ça a commencé là, et vous nous avez décrit d'autres...
00:40:00Vous avez tenu tout ce temps-là.
00:40:03Quel mécanisme permet de tenir,
00:40:06d'avoir la carrière, le talent,
00:40:08les succès, les films magnifiques que vous avez faits,
00:40:12et comment ce milieu peut se permettre
00:40:17de faire fonctionner ce système,
00:40:18et à un moment donné, de détruire un talent
00:40:21comme, quelque part, on jette une vieille paire de chaussures ?
00:40:28Je ne vois pas d'actrice qui n'a pas été abîmée.
00:40:32Aucune. Personne ne passe entre les gouttes.
00:40:35Aucune.
00:40:36Quand on voit les larmes de Juliette Binoche,
00:40:40il y a encore d'autres choses derrière.
00:40:44En tout cas, je n'ai pas vu de femme qui passe entre les gouttes.
00:40:48Alors oui, bien sûr, moi, c'est aussi pour ça que je suis venue.
00:40:50C'est pour les pistes.
00:40:51Déjà, la première chose qui est fondamentale,
00:40:54c'est la question des assurances.
00:40:57C'est-à-dire qu'en fait,
00:40:58si l'agresseur porte la responsabilité financière,
00:41:04alors une production peut faire ce qu'elle devrait faire,
00:41:09c'est-à-dire arrêter le tournage,
00:41:13jauger la situation,
00:41:16et extraire l'agresseur.
00:41:20Et si on doit retourner trois jours de tournage sans lui,
00:41:24et qu'il y a trois jours qui sont perdus financièrement,
00:41:26c'est lui qui emporte la responsabilité.
00:41:29Et en fait, c'est ça, le nerf de la guerre.
00:41:31C'est vraiment les assurances.
00:41:33Déjà, premièrement.
00:41:35Ensuite, il y a une autre piste que je voulais avancer,
00:41:37c'est que dans les castings,
00:41:41je pense qu'il devrait y avoir systématiquement,
00:41:47selon la loi,
00:41:48une obligation de lire un court texte,
00:41:52surtout aux jeunes qui viennent,
00:41:55qui serait un texte très simple, qui dirait...
00:41:59Voilà, on va passer un casting,
00:42:00si à un moment donné tu es mal à l'aise avec quelque chose,
00:42:03si tu ne te sens pas de le faire,
00:42:05tu as le droit d'arrêter le casting et de ne pas faire la chose.
00:42:09Si c'est un texte très court,
00:42:11qui est obligatoire avant chaque casting,
00:42:14eh bien les gens seront informés, en fait.
00:42:19Les jeunes seraient informés.
00:42:20Parce que quand on est jeune et qu'on arrive dans les premiers castings,
00:42:26on ne sait pas qu'on peut quitter un casting.
00:42:28On ne sait pas qu'on peut dire non.
00:42:30Moi, j'ai dit non parce que j'avais la chance, je crois,
00:42:37d'être dans une famille aussi
00:42:39où il n'y avait pas de choses malaisantes,
00:42:44mais imaginez une personne qui vient d'une famille incestueuse,
00:42:47une famille, déjà, un enfant qui est dans un cadre
00:42:51où les limites ne sont pas posées.
00:42:53Il vient dans un casting, on lui demande de retirer sa culotte,
00:42:56et je veux dire, les limites, c'est pas lui qui va les poser.
00:42:59Donc je pense qu'il faudrait quelque chose d'informatif,
00:43:02très simple, pas quelque chose de laborieux.
00:43:05Mais en fait, ces choses, c'est même dingue que ça n'existe pas.
00:43:08Mais si, quand un jeune arrive,
00:43:10imaginons même qu'il vient d'une famille incestueuse,
00:43:14il arrive pour faire un casting et il lit un texte très court
00:43:17où on lui dit, si t'es pas à l'aise avec quelque chose,
00:43:20t'as le droit de dire non et de partir.
00:43:22Déjà, il le sait, en fait.
00:43:24Donc ça, c'est très important,
00:43:26parce qu'il y a beaucoup de gens qui arrivent et qui se disent,
00:43:30c'est de l'art, les limites sont floues,
00:43:33je sais pas si c'est ce que j'ai le droit de faire ou pas,
00:43:36et est-ce que je vais être grillée si je pars de ce casting ?
00:43:39Et juste pour vous donner une anecdote,
00:43:42vous savez, quand j'ai réalisé mon film,
00:43:44je me suis rendue compte que j'avais, tout d'un coup,
00:43:46j'avais plusieurs directrices de casting,
00:43:48et il y en avait une qui filmait...
00:43:51qui avait casté des gens, des jeunes gens,
00:43:55et je me suis rendue compte qu'elle leur avait fait jouer des animaux,
00:43:59mais de manière humiliante.
00:44:01Et je vois ça, et puis elle dit à l'acteur,
00:44:03tiens, joue le chien, fais le chien, fais-t'à l'animal.
00:44:08Je l'ai viré sur le champ.
00:44:10Mais vous vous rendez compte ?
00:44:12C'est-à-dire que les humiliations, ce genre de choses...
00:44:16Il y a des accompagnements pour les mineurs sur les plateaux.
00:44:19On pourrait imaginer qu'ils arrivent dès les castings,
00:44:22de sorte que ça soit quand même plus qu'un texte,
00:44:25mais que ce soit un adulte qui puisse faire...
00:44:28dire le droit et dire la limite,
00:44:31qu'il ne soit pas la personne directement sélectionnée.
00:44:35Alors, il y avait M. Amir Chahi et ensuite Mme Thiébault-Martinez.
00:44:45Madame Forestier, je voulais vous poser une question.
00:44:47Est-ce que quand vous êtes entrée dans...
00:44:50Peut-être juste avant d'entrer dans ce tunnel que vous avez décrit,
00:44:54dans la profession,
00:44:55et surtout auprès de comédiennes,
00:44:59vous avez su, pu, trouvé...
00:45:04des points d'appui, des points d'aide,
00:45:06des points d'ancrage pour parler de ce qui vous était arrivé ?
00:45:09Ou pas du tout ?
00:45:11Je pose la question parce que...
00:45:14Lorsque Me Too a explosé, Adèle Haenel a pris la parole,
00:45:16lorsque la libération de la parole a eu lieu,
00:45:19une phrase revenait souvent, c'est que tout le monde savait.
00:45:22Tout le monde savait que c'est comme ça que ça se passe dans le cinéma.
00:45:25Et vous écrivez parfaitement la question de façon systémique.
00:45:29Et je voulais savoir, si vous parlez de votre isolement,
00:45:33est-ce qu'il y avait pour vous la possibilité,
00:45:38ou cette possibilité n'existait pas,
00:45:40de vous rapprocher de consoeurs
00:45:43qui auraient pu, à ce moment-là,
00:45:46trouver le reflet de leur propre expérience ?
00:45:48Ou est-ce qu'il a vraiment fallu attendre que Adèle Haenel et d'autres parlent
00:45:51pour que vous vous sentiez en situation de le faire, mais vous toute seule ?
00:45:54Si vous êtes d'accord, on va prendre plusieurs questions,
00:45:57et comme ça, vous pourrez...
00:45:59Alors, madame Thiébaut Martinez, et après, monsieur Tavernier.
00:46:05Je vous laisse noter.
00:46:07Merci.
00:46:08Déjà, vraiment, je vous remercie pour votre témoignage,
00:46:11qui est très fort,
00:46:12et je pense que ce n'est pas évident d'être là et de raconter tout ça.
00:46:16Ça nous est fort utile, bien sûr, et vraiment, merci pour ça.
00:46:20Moi, je voudrais réagir à la proposition que vous faites
00:46:23sur un texte qui pourrait être lu,
00:46:25notamment aux mineurs, dans un casting.
00:46:30Je comprends l'intérêt, et je vois...
00:46:32Enfin, j'ai dit à côté un peu, si le texte qu'on a lu,
00:46:36il ne correspond pas à ce qu'on demande à l'enfant,
00:46:37en gros, l'enfant, il se lève et il se casse.
00:46:39C'est un peu ça.
00:46:40Sauf que je trouve que dans cette proposition-là,
00:46:44ce qui peut être problématique, c'est qu'on fait porter
00:46:47la responsabilité des limites à un enfant,
00:46:50et justement, vous donniez l'exemple d'enfants
00:46:52qui auraient pu subir, par exemple, des violences sexuelles.
00:46:55On sait que la perception, le rapport au corps
00:46:58pour des victimes de violences sexuelles
00:46:59n'est pas du tout la même que pour un enfant
00:47:02qui a évolué dans un environnement
00:47:04où il n'a jamais été confronté à ça.
00:47:06Et du coup, est-ce qu'il n'y aurait pas plutôt
00:47:07une autre forme de protection
00:47:12qui pèserait davantage sur les responsables des castings
00:47:15plus que sur les personnes qui viennent
00:47:17pour faire ce casting ?
00:47:20Merci, M. Taverne, et ensuite, vous répondez.
00:47:23Merci, Mme la présidente, M. le rapporteur, Mme Forestier.
00:47:27Alors, on a tous été, je pense, marqués par votre émotion
00:47:31qui nous a touchés aussi, moi, à titre personnel, notamment.
00:47:36Vous avez vécu des situations difficiles.
00:47:38Vous l'avez mentionné, 13 ans, 15 ans.
00:47:43Donc moi, j'aurais deux questions,
00:47:44parce qu'effectivement, vous avez dit quelque chose
00:47:47qui est extrêmement important, c'est on donne tout.
00:47:50Qui peut entraîner, justement, quelques dérives
00:47:55et d'installer, en fait, une culture du silence.
00:47:58C'est-à-dire qu'il s'est passé quelque chose,
00:48:00mais on a préféré ne rien dire.
00:48:02Justement, à ce moment-là,
00:48:04est-ce que vous avez signalé comme quoi, effectivement,
00:48:09on vous a demandé de retirer votre culotte ?
00:48:11C'est quand même une situation particulière,
00:48:15quand même, surtout à cet âge.
00:48:16Donc est-ce que vous avez quand même signalé ?
00:48:19Est-ce que, justement, dans ce cadre de commission d'enquête,
00:48:22on pourrait avoir des axes d'amélioration ?
00:48:24C'est-à-dire que sur les tournages, oui, peut-être avoir...
00:48:26Alors, il existe, comme on disait tout à l'heure,
00:48:28des coordinateurs d'intimité,
00:48:30mais plutôt, à la rigueur, des encadrants pour les mineurs.
00:48:33Et surtout, quel dispositif serait justement pertinent
00:48:37pour stopper cette culture du silence ?
00:48:40Parce qu'effectivement, vous avez mentionné
00:48:42cette question d'assurance,
00:48:44qui, effectivement, c'est une question primordiale.
00:48:47Et d'ailleurs, on aura l'occasion d'auditionner les assurances.
00:48:50Mais est-ce que vous voyez aussi peut-être un autre dispositif,
00:48:53autre que les assurances,
00:48:55pour mettre fin, en fait, à ce cercle vicieux,
00:48:59pour essayer vraiment de stopper
00:49:01ce qui est absolument insupportable aujourd'hui
00:49:03dans le monde de l'audiovisuel ?
00:49:05Merci beaucoup. Je vous en prie.
00:49:07Merci. Alors, déjà, ce que vous dites, monsieur,
00:49:12sur les appuis dans le milieu
00:49:14et le fait qu'on puisse se référer à quelqu'un
00:49:17et une consœur, par exemple, et qu'ils nous disent...
00:49:19Voilà, puisqu'il y a cette phrase de dire
00:49:22qu'on savait, tout le monde savait.
00:49:25C'est ce qui m'est arrivé également.
00:49:27C'est-à-dire que quand j'en ai parlé autour de moi,
00:49:29bien sûr que j'en ai parlé.
00:49:30Les femmes parlent, bien sûr.
00:49:32Et effectivement, on me dit, à demi-mot,
00:49:37qu'on sait qu'il a frappé ses compagnes
00:49:42dans la vie privée.
00:49:44On me le dit.
00:49:46Mais, je veux dire, les responsabilités...
00:49:51Pourquoi est-ce que j'aurais...
00:49:54Pourquoi est-ce que ce seraient les autres actrices,
00:49:55les autres victimes qui devraient mettre en place...
00:49:59Enfin, qui devraient porter la responsabilité
00:50:00et mettre en place les choses, en fait ?
00:50:03Le soutien, l'écho, la libération de la parole,
00:50:05on l'a bien vu. Moi, c'est des choses
00:50:06qui m'ont permise de structurer ma pensée,
00:50:09de comprendre ce qui m'était arrivé.
00:50:10Mais ce qu'il faut maintenant,
00:50:12c'est que c'est les gens qui ont le pouvoir,
00:50:13la responsabilité.
00:50:14Ce qui compte, en fait, c'est qu'il y ait une conséquence
00:50:19quand quelqu'un agresse,
00:50:20qu'il sache que, derrière, financièrement,
00:50:23il va porter la responsabilité
00:50:25et donc qu'il soit vraiment extrait du tournage.
00:50:30Excusez-moi, je veux parler, par exemple...
00:50:33Je ne sais pas si je peux parler même de Pardieu
00:50:37ou je ne sais quoi,
00:50:38les accusations qui sont portées contre lui sur un tournage.
00:50:43Pourquoi est-ce qu'on ne le sort pas du film ?
00:50:46Parce que ça coûterait beaucoup trop cher.
00:50:48Et donc, en fait, tant que cette problématique
00:50:51de responsabilité n'est pas endossée par les bonnes personnes,
00:50:54vous pouvez retourner la situation comme vous voulez,
00:50:57mais au final, si l'agresseur reste,
00:51:00qu'est-ce qu'elle fait, la victime ?
00:51:02Elle reste à côté de son agresseur ?
00:51:06Elle baisse la tête ?
00:51:07Qu'est-ce qui se passe, en fait ?
00:51:08Donc, en fait, c'est simple,
00:51:10on ne pourra pas contourner cette problématique des assurances
00:51:13si elle est centrale, centrale.
00:51:15Et comme toujours,
00:51:18quand il y a des cercles vicieux comme ça,
00:51:20c'est la fin de la chaîne de l'action
00:51:27qui détermine aussi le début,
00:51:30c'est-à-dire est-ce que ça va se reproduire ?
00:51:31Si un agresseur est sanctionné,
00:51:34après, des gens ne vont pas recommencer.
00:51:37Donc, en fait, il faut arrêter de tergiverser,
00:51:39c'est ça, le sujet.
00:51:41Déjà, premièrement, ensuite,
00:51:45par rapport au texte,
00:51:46moi, de toute façon, j'ai une conviction,
00:51:48c'est qu'effectivement, les mineurs,
00:51:51pour moi, il faut un accompagnement.
00:51:53Ce n'est même pas de questions à se poser,
00:51:55c'est-à-dire qu'il faut un accompagnement
00:51:57parce que, moi, je vous ai raconté des choses,
00:52:00mais j'aurais pu vous raconter beaucoup d'autres choses
00:52:02qui me sont arrivées sur des...
00:52:04Même un projet qu'on m'avait proposé
00:52:07où un réalisateur m'avait demandé, dans le film,
00:52:11de m'insérer, soyez prêts, pardon,
00:52:13mais de m'insérer un œuf dans le vagin.
00:52:16Il voulait que je le fasse pour de vrai.
00:52:17Il m'a fait comprendre, c'est de l'art,
00:52:20et si vraiment t'es une vraie artiste,
00:52:22tu serais capable de le faire.
00:52:23Donc, j'en ai un milliard des anecdotes ahurissantes
00:52:25que vous pourriez écouter,
00:52:27mais pour les mineurs, c'est sur un accompagnement.
00:52:31Après, pour les castings,
00:52:32moi, j'essaie d'être vraiment pragmatique aussi
00:52:34parce que je connais ce milieu du cinéma
00:52:37et pour que les choses soient efficaces et que ça soit faisable.
00:52:41Donc, même si des gens sont pas mineurs,
00:52:45je pense que des gens qui arrivent pour la première fois
00:52:48à faire un casting, un texte qui dit...
00:52:53Si vous ne vous sentez pas à l'aise avec quelque chose,
00:52:56vous avez le droit de partir.
00:52:58C'est aussi important que d'expliquer aux enfants,
00:53:01c'est mon corps.
00:53:03En fait, c'est... Comment vous dire ?
00:53:05C'est pas rien, en fait, de savoir qu'il y a des limites
00:53:11et qu'on a le droit de dire non.
00:53:14Ça peut paraître anodin que ça soit juste un petit texte,
00:53:17mais c'est pas rien parce qu'en fait, savoir, c'est déjà pouvoir.
00:53:21Donc c'est primordial,
00:53:22et c'est des choses qui sont totalement faisables.
00:53:25Je veux dire, personne n'aurait d'excuses de pouvoir contourner ça.
00:53:31C'est-à-dire que systématiquement, dans tous les castings,
00:53:34eh bien oui, vous prévenez la personne.
00:53:36Comme ça, il y a pas de traquenard, il y a pas de je-ne-sais-quoi.
00:53:39Déjà, les mots, on force même les agresseurs
00:53:43qui seraient tentés d'eux à poser des mots de limite
00:53:47qui passent leur temps à vouloir effacer en fait,
00:53:51à vouloir invisibiliser.
00:53:53Donc ça, c'est déjà une première balise.
00:53:57Ça n'empêchera jamais les agresseurs d'essayer quand même,
00:54:01mais c'est comme un enfant à qui on a déjà dit
00:54:03que c'est ton corps, on n'a pas le droit de le toucher.
00:54:06Quelque part, même s'il n'a pas la possibilité de dire non sur le moment,
00:54:09je veux dire, on pourra jamais tous éradiquer,
00:54:12j'adorerais, mais éradiquer tous les incestes et toutes les violences,
00:54:15mais petit à petit, avec des armes, on arme les cerveaux,
00:54:18on arme les consciences,
00:54:20et à un moment donné, la personne, elle sait qu'elle peut dire non.
00:54:23Et ensuite...
00:54:26Pardonnez-moi, monsieur,
00:54:27vous parliez de référents harcèlement, c'est ça ?
00:54:32Vous pouvez me redire pardon la question, excusez-moi ?
00:54:36Oui, bien sûr.
00:54:38Donc vous avez évoqué la situation que vous avez vécue
00:54:40à l'âge de 13 ans et une autre plus tard, 15 ans.
00:54:44Est-ce que justement, vous avez signalé ces faits étant mineurs ?
00:54:49Et est-ce que vous pensez justement qu'aujourd'hui,
00:54:50les mineurs, notamment sur les plateaux,
00:54:52devraient être encadrés dans les mineurs ?
00:54:54Les plateaux devraient être encadrés, alors on parle de coordinateurs.
00:54:59Alors oui, pardon, oui, absolument.
00:55:01Mais comme je vous disais dans mon texte préliminaire,
00:55:04c'est que, en fait, c'est des non-événements.
00:55:10Dire ne veut pas être entendu.
00:55:12Donc effectivement, bien sûr, quand il y a eu ce premier casting,
00:55:15moi, je vous le dis, je le dis très simplement,
00:55:20je me suis dit, c'est des malades, c'est des dingos, quoi.
00:55:23Et ils étaient, je vais vous dire pour moi l'expression,
00:55:28ils étaient en face de moi comme une bande d'adultes
00:55:33à me mettre la pression.
00:55:35Et encore une fois, j'ai de la chance, j'étais dans une famille
00:55:38où on m'a appris la liberté,
00:55:41on m'a appris qu'il y avait des limites
00:55:44et que j'avais le droit de dire non, quoi.
00:55:47Et donc je l'ai dit, oui, j'ai dû le dire
00:55:52à mon agent de l'époque, mais comme beaucoup de choses,
00:55:55c'était des non-événements.
00:55:57Voilà. Après, je pense qu'il y a une autre chose
00:56:02que je voudrais proposer.
00:56:04C'est-à-dire que sur les mineurs, pour vous répondre,
00:56:06pour moi, c'est implacable, il faut un accompagnement systématique.
00:56:09C'est hors de question de laisser les enfants
00:56:11à la portée d'une même possible agression.
00:56:14Je veux dire, risque zéro, point barre, c'est des enfants, quoi.
00:56:17Après, pour les adultes, ce qui se passe sur les tournages,
00:56:19c'est qu'on a des référents harcèlement.
00:56:22Ça, ça marche.
00:56:23Moi, je l'ai vu, et merci, ça me laisse l'occasion de le dire,
00:56:26puisque moi, je me suis retirée du cinéma
00:56:28et je suis revenue, en fait, très récemment,
00:56:33parce que je suis tombée sur une équipe en or
00:56:36et que je suis tombée sur...
00:56:39comme par des femmes qui m'ont comprise,
00:56:45qui m'ont protégée.
00:56:47Et c'était la première assistante
00:56:51qui a vu le trauma dans lequel j'étais.
00:56:55Et je pense qu'il faut faire des formations,
00:56:57puisqu'il y a des formations sur les violences sexuelles.
00:56:59Je pense que le trauma, c'est très important,
00:57:02parce que même si à partir d'aujourd'hui,
00:57:04on commence à rester...
00:57:05Si on arrive à circonscrire les violences,
00:57:08qu'est-ce qu'on fait des femmes qui ont été abîmées avant ?
00:57:10Parce qu'en fait, la violence, c'est pas juste un mot,
00:57:13ça s'inscrit dans le corps.
00:57:15Donc il y a beaucoup de femmes qui sont abîmées
00:57:16qui arrivent avec des traumas,
00:57:18et donc je pense que c'est quelque chose
00:57:19qu'il faut aussi prendre en compte.
00:57:21Je crois, et je le crois pas juste comme ça,
00:57:28je veux et je crois que le cinéma peut se faire aujourd'hui
00:57:34pour réparer aussi, pour réconcilier avec le cinéma.
00:57:38Parce que c'est l'expérience que j'ai eue récemment,
00:57:40j'ai fait ce film avec cette première assistante
00:57:43qui était référent harceleur sur le tournage,
00:57:46qui a vu que j'étais traumatisée, qui ne m'a pas jugée,
00:57:50qui n'a pas été dans ce cercle vicieux
00:57:52d'écouter les réputations sur moi.
00:57:54Elle a vu que j'étais traumatisée, elle s'est dit
00:57:56tiens, elle est abîmée, cette fille.
00:57:58Elle m'a comprise, elle m'a pas jugée,
00:58:02et petit à petit, j'ai pu, moi aussi,
00:58:05parce qu'on se recroqueville sur soi-même en général,
00:58:08quand c'est comme ça.
00:58:09Là, j'ai commencé à lui dire, voilà, j'adore pas la nuit.
00:58:12Euh...
00:58:14Je vous passe les détails, mais voilà, je suis vraiment pas bien.
00:58:19Et petit à petit, je me suis rouverte, je lui ai fait confiance,
00:58:22et au fur et à mesure du tournage, j'ai commencé à mieux dormir,
00:58:25pas faire de malaise.
00:58:28Et petit à petit, ça a été comme une expérience de cinéma
00:58:32comme elle devrait être, en fait,
00:58:34avec une directrice de production, aussi une femme,
00:58:37qui a pris soin de moi et qui a rien laissé passer.
00:58:41S'il y avait quelqu'un qui avait une tentative d'humiliation
00:58:45ou ce genre de choses,
00:58:47elle ne laissait passer aucune violence sur le plateau.
00:58:50Et ça, c'est extraordinaire, et donc,
00:58:52je pense que le référent harceleur,
00:58:55c'est une chose hyper importante
00:58:58et que c'est fondamental que ça existe,
00:59:01mais il y a une autre chose que je voudrais dire
00:59:03qui est très, très importante.
00:59:07Les agresseurs.
00:59:09Quand il y a une accusation sur une personne,
00:59:13derrière, qu'est-ce qu'on fait ?
00:59:16Cet homme, il est en attendant qu'il soit jugé
00:59:18puisque la justice est lente.
00:59:21Qu'est-ce qui se passe ?
00:59:22Il est banni des tournages, il tourne plus,
00:59:26mais moi, je suis aussi attachée à la présomption d'innocence.
00:59:30Donc cet homme-là, qui est accusé,
00:59:32en attendant, puisque la justice est lente,
00:59:34et pardon de le répéter, mais je m'y fais pas, en fait,
00:59:38parce qu'en fait, la défaillance de la justice
00:59:41a tellement de répercussions sur tout le reste,
00:59:43puisque ce temps est tellement long,
00:59:46les gens restent entre eux, donc il y a, par exemple, un homme,
00:59:49prenons un exemple, un homme est accusé de violence,
00:59:52il devait faire des tournages, il est évincé des tournages.
00:59:55Moi, je proposerais que, quand une personne est accusée,
01:00:03qu'elle soit accompagnée par quelqu'un
01:00:08pour être sûre et qu'il continue à faire des tournages,
01:00:12parce que tant qu'il n'a pas été jugé,
01:00:14il y a la présomption d'innocence qui est là.
01:00:17Mais par contre, on peut pas prendre le risque
01:00:21qu'il puisse agresser quelqu'un d'autre,
01:00:22ou bien les gens n'ont pas forcément envie
01:00:24de prendre le risque d'être à côté d'une...
01:00:26Enfin, de travailler avec une personne
01:00:27qui peut potentiellement les agresser.
01:00:29Et donc, moi, je pense qu'une personne qui a été accusée,
01:00:33il devrait y avoir quelqu'un qui l'accompagne.
01:00:35Et je vais vous donner un exemple très personnel,
01:00:36et moi, je le dis aussi pourquoi.
01:00:38Parce qu'on n'aura jamais de situation idéale,
01:00:43et il faut être très pragmatique.
01:00:45Par exemple, moi, si on me reprochait quelque chose,
01:00:49parce que, je sais pas, sur mon tournage,
01:00:50j'aurais mal parlé à quelqu'un,
01:00:53j'aurais... Voilà, des torts que j'ai pu reconnaître.
01:00:57Si après ça, on m'avait dit
01:00:59qu'il y a des choses pas cool qui ont été faites,
01:01:02et voilà, il y a des gens qui t'accusent de choses,
01:01:06alors sur ton prochain tournage,
01:01:08tu vas être accompagnée de quelqu'un qui sera avec toi.
01:01:10Voilà, il sera avec toi tout le temps.
01:01:13Moi, je le prendrais pas mal du tout.
01:01:14Au contraire, ce serait une occasion, si je suis innocente,
01:01:18de montrer que je me comporte bien, en fait.
01:01:21Et moi, je pense que c'est une solution aussi,
01:01:22parce qu'à un moment donné, avec...
01:01:26Si on est très sincère, enfin, si on regarde les choses frontales,
01:01:30des agresseurs, il doit y en avoir beaucoup,
01:01:34beaucoup plus que ce qui est dit là.
01:01:35Je vais juste aller au bout de ça.
01:01:36Beaucoup plus que ce qui est dit là, aujourd'hui.
01:01:39Si on veut vraiment que tout sorte
01:01:41et que rien soit mis sous le tapis,
01:01:43il va vraiment falloir pouvoir...
01:01:46Eh ben, qu'est-ce qu'on va faire après
01:01:49si les gens parlent vraiment que tout sort ?
01:01:51Les agresseurs, il y en a pas que deux ou trois,
01:01:54il y en a beaucoup.
01:01:55Comment est-ce qu'on continue à travailler, en fait ?
01:01:57Ils vont tous partir du métier du cinéma ?
01:02:01Jamais ça se passera, ça.
01:02:03Et donc, en attendant d'être jugé, d'aller en prison ou je ne sais quoi,
01:02:08si on veut que...
01:02:09Moi, je pense qu'ils doivent être accompagnés. Voilà.
01:02:12Merci beaucoup. On arrive à la fin de cette audition.
01:02:15Encore une fois, merci vraiment pour la sincérité de votre parole.
01:02:18Le rapporteur avait une dernière question.
01:02:20Après, je vous propose qu'on conclue cette audition.
01:02:25Pardon.
01:02:26J'ai pas vu l'heure passer, donc j'avais plusieurs questions,
01:02:29mais tant pis, c'est pas dramatique.
01:02:32Juste, vous avez beaucoup parlé de ce texte, éventuellement.
01:02:37Moi, je voulais avoir votre avis sur le fait que,
01:02:40vous savez, si vous avez la connaissance du droit,
01:02:42si vous le connaissez en tant que comédienne,
01:02:44en tant que réalisateur, en tant que chef opérateur,
01:02:47en tant que producteur,
01:02:49je pense que vous êtes à même de vous protéger et de protéger.
01:02:52Donc, que pensez-vous d'un renforcement,
01:02:57dans le métier du cinéma,
01:02:59des règles du droit et du Code du travail ?
01:03:02Parce que ce que vous venez de décrire, juste là, à l'instant,
01:03:05très vite, il y a la présomption d'innocence,
01:03:08mais qu'est-ce qu'on fait en attendant ?
01:03:09C'est déjà prévu dans le Code du travail.
01:03:11C'est-à-dire qu'en attendant qu'il y ait un jugement,
01:03:14l'employeur doit prendre toutes les mesures
01:03:16pour protéger les autres salariés.
01:03:19Donc, vous voyez, ça existe.
01:03:20Donc, est-ce que vous pensez que, vous, votre formation de comédienne,
01:03:24la formation des opérateurs,
01:03:27devrait être renforcée par une meilleure connaissance
01:03:29du droit et du droit du travail, en particulier ?
01:03:31C'est une question un peu technique pour finir.
01:03:33J'en avais d'autres, mais j'ai choisi celle-là.
01:03:35Merci. Et ce sera, du coup, la dernière réponse,
01:03:38parce qu'on est arrivés à la fin.
01:03:43Moi, je pense que...
01:03:47Enfin, la formation, évidemment,
01:03:49mais après, qu'est-ce qu'on fait quand la personne est là ?
01:03:53C'est-à-dire que la formation, je crois que ça existe.
01:03:55Déjà, je crois que dans les contrats, maintenant,
01:03:57il y a quelque chose.
01:03:59S'il faut le perfectionner, évidemment, bien sûr.
01:04:00Mais après, qu'est-ce qu'on fait, concrètement ?
01:04:03C'est-à-dire, est-ce que ces personnes,
01:04:05on les laisse ne plus faire de films,
01:04:08et puis, ça entretient aussi un doute
01:04:11de pouvoir se victimiser aussi, alors que si...
01:04:15Mais pardon, excusez-moi, je reviens juste à ça.
01:04:18La justice.
01:04:19Il faut donner tellement plus de moyens à la justice.
01:04:22C'est-à-dire que le problème,
01:04:25et c'est pour ça que je suis contente de parler ici, aujourd'hui,
01:04:28c'est que les choses n'avancent pas
01:04:32parce que la justice n'est pas au rendez-vous.
01:04:37Les temps sont trop longs, il n'y a pas assez de moyens,
01:04:42et si ce n'est pas fait, on aura toujours les mêmes problèmes.
01:04:46Les femmes parleront, et au final, ça fait comme un embouteillage,
01:04:51la situation n'avance pas.
01:04:53Donc...
01:04:57à vous.
01:04:59Merci. Je rappelle quand même qu'avant la justice,
01:05:03il faut déjà que les femmes acceptent d'aller jusqu'à la plainte
01:05:06et se sentent le courage d'y aller,
01:05:08ce qui n'est pas simple, et votre témoignage le montre absolument.
01:05:13Donc la justice ne peut pas être la seule réponse, évidemment,
01:05:16et on en a esquissé d'autres, y compris vous-même,
01:05:20venez d'en esquisser d'autres.
01:05:22Voilà donc pour l'intégrale de cette audition de Sarah Forestier
01:05:25devant la commission d'enquête de l'Assemblée
01:05:27sur les violences sexuelles et sexistes
01:05:30dans les milieux du cinéma, de la mode, de la pub, de l'audiovisuel.
01:05:34Vous pouvez la revoir sur nos réseaux sociaux
01:05:37et sur lcp.fr, rubrique La séance est ouverte.
01:05:41On se retrouve très vite sur LCP. Ciao, ciao.

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