La guerre ce n’est pas seulement l’affrontement, sur le champ de bataille, de divisions blindées, le combat aérien ou naval, il y aussi les batailles de l’ombre qu’on ignore. Les coups de feu y sont rares, les coups tordus un peu moins et les soldats ne portent pas l’uniforme mais le costume ou le tailleur de monsieur et madame Tout-le-Monde. Cette guerre, c’est celle des services secrets, entre opérations de commandos, de désinformation ou entreprises d’intoxication… autant de facettes inconnues du second conflit mondial décryptées aujourd’hui par notre invité, Rémi Kauffer, auteur de "La guerre mondiale des services secrets" paru aux éditions Perrin.
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00:00En France, TVL a démontré que l'on pouvait contourner les médias officiels
00:04de la propagande et du mensonge engraissés avec l'argent de vos impôts.
00:08En 2025, TVL va innover, s'adresser à de nouveaux publics.
00:12On se prépare à surprendre, à renouveler, à avoir de l'ambition,
00:16à faire toujours preuve d'audace.
00:18TVL prépare la chute de l'ancien monde médiatique.
00:21Alors aidez-nous à le faire vite et fort.
00:24Rejoignez par un simple don la communauté des amis de TVL,
00:27les amis de la liberté à tout prix.
00:57Bonjour à tous, la guerre ce n'est pas seulement l'affrontement
01:27sur le champ de bataille de divisions blindées, le combat aérien ou naval.
01:31Il y a aussi les batailles de l'ombre qu'on ignore.
01:34Les coups de feu y sont rares, les coups tordus un peu moins.
01:37Et les soldats ne portent pas l'uniforme mais le costume
01:40ou le tailleur de monsieur et madame tout le monde.
01:43Cette guerre, c'est celle des services secrets.
01:45Et aujourd'hui, avec notre invité, un historien qui fait autorité en la matière,
01:48nous allons découvrir les batailles secrètes de la seconde guerre mondiale.
01:53Rémi Coffeur, bonjour.
01:54Bonjour.
01:55Alors vous êtes journaliste, enseignant, historien du renseignement comme je le disais.
01:59Et vous avez d'ailleurs publié de nombreux ouvrages sur le sujet
02:03dont l'Histoire mondiale des services secrets de l'Antiquité à nos jours,
02:07paru en 2015 chez Perrin et toujours chez Perrin.
02:11Les femmes de l'ombre, une histoire occultée des espions en 2019
02:15ou les maîtres de l'espionnage en 2017
02:18ou encore les espions de Cambridge en 2022,
02:21l'histoire des cinq taupes soviétiques au cœur des services secrets britanniques.
02:26Vous êtes d'ailleurs venu nous raconter leur histoire ici.
02:30Aujourd'hui, j'ai le plaisir de vous recevoir pour évoquer l'action des services secrets
02:36lors de la seconde guerre mondiale que vous racontez dans un livre paru,
02:40toujours chez Perrin, 1939-1945, la guerre mondiale des services secrets.
02:49Alors, première question qui finalement porte sur l'ensemble de vos ouvrages
02:55et qui a trait aux sources, car dans les services secrets, il y a secret.
03:00Alors, comment faites-vous pour travailler ? Vous faites l'espion ?
03:03– Non, non, je ne fais pas l'espion.
03:05Je travaille sur le domaine de l'espionnage et du renseignement
03:08depuis très longtemps, depuis trois décennies.
03:10Ce qui fait que d'abord, vous avez des gens qui ont pu constater
03:16le sérieux de votre boulot, qui se disent
03:17qu'il ne fait pas n'importe quoi pour avoir un petit scoop le lendemain, etc.
03:20Il essaye de voir les choses en profondeur.
03:23Donc, on vous donne des indications, on vous met sur des pistes
03:27où, éventuellement, on vous passe en effet des documents.
03:31Toujours faire preuve de prudence d'ailleurs quand quelqu'un vous passe un document
03:35parce qu'il y a fort risque que ce soit dans le but de décaniller un hôte.
03:40Donc, il faut toujours être prudent en la matière.
03:42– Mais sinon, j'imagine aussi pour le second conflit mondial
03:45que beaucoup de documents ont été déclassifiés.
03:48– Il y a un certain nombre de documents qui sont déclassifiés
03:51et puis il y a des choses qu'on ne dit pas et dont je révèle certaines dans ce livre.
03:57– Alors, vous vous intitulez votre premier chapitre
03:59la toile mondiale des services secrets.
04:01Alors, si vous le voulez bien, je vous propose de la parcourir
04:06et de commencer par ce qui semble être vos préférés, à savoir les Britanniques.
04:11On sent que vous les aimez bien.
04:13Sont-ils vraiment, à la veille du conflit, les meilleurs ?
04:17– Ah ben, c'est eux qui ont joué le plus grand rôle
04:20en matière de services secrets pendant la guerre
04:23et je dirais qu'ils l'ont joué du bon côté.
04:25Donc, ça les rend évidemment plus sympathiques.
04:28Ce qui n'est pas une adhésion à tout ce que feront les Anglais.
04:33C'est évident que pendant la guerre, c'est, comme disait Chauchy,
04:37they are fan of art, leurs œuvres les plus belles, les siennes d'ailleurs.
04:42C'est le moment où ils jouent sur ce levier des services secrets
04:48de l'intox, de la deception, c'est-à-dire la désinformation stratégique
04:53qui vont mener de 39 à 45.
04:56C'est-à-dire que c'est un travail, pour les Anglais,
04:58c'est un travail en continu qui commence avec des moyens assez modestes
05:03mais ils vont le faire avec la tenacité du bulldog des Britanniques.
05:08Ils vont le faire continuellement, ce qui fait qu'ils créent,
05:11je ne me rappelle plus le chiffre, mais je l'ai établi, c'est 158, je crois,
05:15fausses unités pendant la guerre, par exemple.
05:17Des fausses unités dont des brigades françaises libres qui n'ont jamais existé,
05:22des brigadiers, et même un corps d'armée américain,
05:25le deuxième corps de FUSAG, qui n'a jamais existé
05:29et qui est censé être dans le nord de l'Angleterre
05:32et peut-être pouvoir débouler dans le Pas-de-Calais
05:36après le débarquement en Normandie.
05:39Donc l'idée c'est de faire croire aux Allemands
05:41que le débarquement en Normandie n'est qu'une ruse, une opération secondaire
05:46et que le vrai débarquement va avoir lieu dans le Pas-de-Calais.
05:49– Ce sont les meilleurs, peut-être parce que ce sont les plus préparés,
05:52leurs services secrets sont déjà très bien organisés,
05:55pouvez-vous nous expliquer comment sont constitués les services britanniques ?
05:59– Oui et non, avec sa causticité habituelle,
06:02John le Carré a écrit que les services secrets
06:05étaient le sanctuaire spirituel des classes dirigeantes britanniques.
06:08Ils ont une très longue tradition,
06:10puisque le premier service de renseignement moderne
06:12a été créé sous la reine Elisabeth Ière,
06:15donc ça ne nous rajeunit pas.
06:18Ils ont une longue tradition.
06:20Maintenant, il faut reconnaître qu'en 1939,
06:23ils n'ont plus que des ruines.
06:26Mais sur la base de cette très longue tradition,
06:29ils vont pouvoir très vite reconstruire
06:32des services de renseignement d'intoxication très performants
06:36qu'ils ont, je développe aussi ça dans ce livre,
06:40qu'ils ont interconnectés avec l'action des comantos.
06:45Parce que figurez-vous qu'en 1940, il n'y a plus personne,
06:49enfin l'armée anglaise, ils n'ont plus rapatrié,
06:53après Dunkerque, ils n'ont plus rapatrié les soldats,
06:56mais les canons, les chars sont restés en France
06:59et ils n'ont plus grand-chose.
07:01Et là, les deux éléments, enfin il y a deux éléments
07:03sur lesquels ils peuvent compter, c'est leur Royal Navy,
07:05parce que bon, évidemment, c'est la plus forte d'Europe.
07:08Ils peuvent compter sur la Royal Air Force,
07:11c'est pas encore certain, mais on le verra
07:13pendant la bataille d'Angleterre.
07:15Et les deux autres éléments, c'est les services secrets
07:17et les commandos.
07:18Il se trouve qu'il y a un personnage tout à fait fascinant
07:21qui est à l'articulation des deux, qui s'appelle Dudley Clark,
07:24qui est un officier très atypique,
07:27dont le frère écrivait des scénarios de films très drôles,
07:30enfin c'est un personnage très anglais.
07:33Et Dudley Clark, il organise dans la nuit du 24 au 25 juin 1940
07:38le premier raid de commandos britanniques
07:41sur les côtes françaises près du Touquet.
07:43Bon, c'est le moment où l'armistice.
07:46La France baisse les bras et accepte l'armistice
07:49et à ce moment-là, les…
07:51alors c'est fait de briques et de brocs avec des canots
07:54qui ont été fournis par la Royal Air Force,
07:56des bateaux pneumatiques qui ont été fournis…
07:58c'est fait n'importe comment, des yachts personnels
08:00qu'on a réquisitionnés,
08:02mais ils font un coup et les types reviennent,
08:05les types reviennent en Angleterre
08:07et dans un des deux ports où ils débarquent,
08:09les gens les applaudissent en disant
08:11qu'ils sont allés mettre la pâtée aux Rhin,
08:13parce que les Anglais…
08:15les Boches c'était… pour les Anglais c'était les Rhin.
08:17Et puis l'autre port, d'ailleurs je ne vais pas en compter en détail,
08:20mais dans l'autre port,
08:22et bien ils se font interner parce qu'on pense
08:24que c'est un débarquement allemand.
08:26Mais c'est le coup d'audace.
08:28– Donc ce coup de commando, ils font rien de…
08:30– Ils font rien de déclarer qu'il se prend une balle,
08:32pas comme Trump il n'y a pas longtemps,
08:34mais il se prend une balle un peu comme ça dans l'oreille.
08:36Mais c'est rien du tout.
08:38Il lance quelques grenades, il tue quelques soldats allemands.
08:41C'est un coup d'épingle.
08:43Mais ce coup d'épingle est destiné à la fois
08:46à lutter contre les Allemands,
08:48mais surtout à remonter le moral de la population britannique.
08:51Alors que les Allemands s'enferment dans la forteresse Europe,
08:54les Anglais vont multiplier les coups d'épingle,
08:57qui vont avoir une efficacité terrible
08:59parce qu'il ne vous a pas échappé
09:01que le régime nazi était un système totalitaire
09:04et qu'il reposait en particulier sur le culte du chef.
09:07Le chef décide quand même d'énormément de choses dans ce régime.
09:10Et le chef, exaspéré par ces opérations de commando,
09:14va leur attribuer une importance telle qu'il va,
09:17par exemple, il va garder,
09:20il n'y aura jamais moins de 350 000 soldats allemands en Norvège.
09:25Parce qu'Hitler, il y a eu des coups de commando en Norvège
09:28et il a peur qu'il y ait des coups de commando en Norvège.
09:31Donc ça fixe ces troupes.
09:33Et il va d'ailleurs franchir le pas criminel.
09:35Mais avec Hitler, le pas criminel est très vite franchi.
09:38Avec le commando Schmeffels, c'est-à-dire l'ordre de commando,
09:41sur la base de la formation bidon qui lui a été transmise,
09:45il dit que tous les commandos alliés,
09:48même en uniforme, vont être fusillés.
09:51Ce qui est évidemment contraire aux lois de la guerre.
09:54Les généraux allemands n'appliquent pas trop.
09:57Parce que c'est la même chose quand les nazis
10:00ont voulu fusiller les Français libres en disant
10:03qu'ils ne respectent pas l'armistice,
10:05donc c'est des irréguliers, donc on les fusille.
10:07Et le général de Gaulle a pris la parole à la BBC.
10:10Il a dit que c'était déplorable,
10:12car c'était contraire aux lois de la guerre.
10:14Mais que si les soldats français de la défense française libre
10:16étaient fusillés, les soldats allemands prisonniers
10:19seraient fusillés aussi.
10:20Donc même chose un peu pour les commandos.
10:22Mais il y a quand même eu des cas
10:23où les commandos ont été fusillés
10:25alors qu'ils opéraient dans l'uniforme de leur armée.
10:27Ce qui n'est pas le cas.
10:28On en reviendra peut-être évidemment en disant
10:30espions, qui eux par définition...
10:32– On en reparlera effectivement.
10:33Ces britanniques, dans les renseignements,
10:35ce sont des renseignements militaires ?
10:37– Alors, ils ont des renseignements militaires,
10:39mais ils ont la vieille vieille maison
10:41qui a été remodernisée en 1909,
10:44qui est le MSX, qui existe toujours,
10:46toujours sous le nom de MSX,
10:48parce qu'il dépend du département des affaires étrangères,
10:52qui est un peu la DGSE si vous voulez,
10:55et puis ils ont le MI5 qui a été créé à la même date
10:59et qui dépend lui du Home Office,
11:01c'est-à-dire du ministère de l'Intérieur.
11:03Bon, ils ont ce service.
11:04Et puis, Churchill, qui a 100 idées par jour,
11:08mais il ne sait jamais quelle est la bonne,
11:10mais il est très impressionné.
11:12Churchill est un homme qui respecte les gens qu'il a affrontés.
11:17Il a affronté les bourgs pendant la guerre des bourgs,
11:20donc en Afrique du Sud,
11:22et il a du respect pour eux,
11:24et en particulier pour ce que les bourgs appelaient
11:26les commandos, avec un K.
11:28Les commandos, c'était ces groupes avec des chevaux
11:31qui parcouraient des grandes distances
11:33et des types qui étaient des bons chasseurs
11:35et des formidables tireurs d'élite
11:37et qui montaient des embuscades aux armes rouges britanniques,
11:39très coûteuses en vie humaine.
11:41Et Churchill, qui a été prisonnier des bourgs,
11:43qui s'est évadé, a du respect pour eux.
11:45De la même manière, il se rappelle de Michael Collins,
11:47qui était le chef opérationnel de l'Ira,
11:50qui est l'inventeur de la guérilla urbaine, si vous voulez,
11:53et il l'a rencontré lors des négociations de paix en Angleterre,
11:59et il a du respect.
12:01Et ça, ça l'impressionne.
12:02Alors, les commandos, il est partant,
12:04parce qu'il se rappelle de ça.
12:05Donc, Doug Dickler, allez-y à fond la caisse.
12:08Et puis, les groupes spéciaux,
12:14un peu comparables aux clandestins de l'Ira,
12:17eh bien, ça va être le Special Operations Executive,
12:20c'est-à-dire un service action créé spécialement pour la guerre.
12:25Parce qu'avant, le MSI avait son petit service d'action,
12:28et là, non, c'est un service spécifique,
12:30sabotage, action, guérilla,
12:32sur les arrières des Allemands, dans toute l'Europe occupée.
12:35Donc, ça va être les renseignements.
12:37Et puis après, bon, évidemment,
12:38la Royal Navy a son service de renseignement,
12:40l'armée de l'air aussi, évidemment.
12:43– Et donc là, ils excellent, vous l'avez dit,
12:45en matière d'intoxication.
12:47Et qu'est-ce qu'on appelle également les opérations de deception ?
12:49– Deception, c'est la désinformation stratégique.
12:53Parce que, si vous voulez, dans l'esprit des Anglais,
12:56Doug Dickler, parce que Doug Dickler,
12:57il est à la fois dans les trucs de commando,
12:59et il est aussi dans les opérations de deception.
13:03Alors, la deception, c'est quoi ?
13:05La valeur stratégique, c'est qu'on fait en feu continu,
13:09comme on disait dans les usines autrefois.
13:11Ça ne s'arrête jamais.
13:12C'est-à-dire qu'on crée, on crée, on crée,
13:14on crée des choses, on crée des illusions,
13:16on trompe les Allemands sur le débarquement en Sicile,
13:19on trompe les Allemands, auparavant,
13:21sur le débarquement allié en Afrique du Nord.
13:23On n'arrête pas de les tromper,
13:24on n'arrête pas de créer des unités fictives.
13:26Mais les unités fictives, c'est créer sérieusement.
13:28Il y a un insigne qui est décidé, spécialement.
13:31Alors, les fameux parachutistes SAS,
13:35qui sont créés là aussi par un fêlé écossais.
13:39Il y a énormément d'Écossais dans cette histoire,
13:41parce que souvent, les Écossais,
13:43qui ont été battus par les Anglais,
13:47prennent une sorte de revanche,
13:49un peu comme les sudistes dans l'armée américaine,
13:51qui sont traditionnellement un peu plus nombreux
13:53que les nordistes, si vous voulez.
13:55C'est une espèce de revanche.
13:56Vous nous avez battus, mais à votre service,
13:58on va être les meilleurs.
13:59Vous avez, en effet, le patron de la brigade
14:03des commandos des Royal Marines.
14:05C'est un Écossais.
14:06D'ailleurs, c'est le cousin du fondateur des SAS.
14:08Et ces SAS, ça va aussi être utilisé
14:12pour les opérations de deception.
14:13Parce que de l'éclair, quand on parlait de ce gars
14:15qui veut faire des parachutistes,
14:19des unités parachutistes pour attaquer
14:21les aéroports de l'Axe,
14:23en Afrique du Nord et au Moyen-Orient,
14:26il se dit, ça c'est génial.
14:28Moi, je voulais créer une fausse brigade aéroportée.
14:31Alors là, c'est encore mieux,
14:33parce que ceux-là, ils vont faire des coups
14:35qui vont accréditer.
14:36Donc, on crée la brigade.
14:37Alors, on va dans le détail.
14:38Vous avez des types avec un insigne
14:40qui se baladent dans les barres du Caire,
14:42qui se font remarquer le plus possible.
14:45Parce qu'on ne sait jamais,
14:47c'est une chose basique du renseignement militaire,
14:50mais dessiner les insignes pour voir quelle est l'unité.
14:53Or, il y a des tas de fausses...
14:54Là, ça accrédite des fausses unités.
14:57Il y a des types qui se font voir avec des...
14:59et qui gueulent qu'ils sont les meilleurs ceux-ci et ceux-là.
15:01Ils sont chargés de faire ce boulot.
15:03Donc, vous voyez, c'est un travail continu, c'est ça ?
15:05– Un travail continu, c'est-à-dire qu'il y a des...
15:07une unité, plusieurs unités qui...
15:09– Alors, vous aurez deux formations.
15:12Vous aurez la Haye Force de Deadly Clark
15:17qui opérera surtout au Moyen-Orient.
15:19Et puis, vous avez la London Controlling Section,
15:21c'est-à-dire la section de contrôle de Londres,
15:24qui est un nom totalement anodin.
15:27Et cette London Controlling Section,
15:30qui est là aussi chargée d'huile berlue.
15:32Il y a un type qui a écrit des romans d'espionnage.
15:35Il y a un type qui est boursier,
15:38qui a spéculé en bourse.
15:41Il y a qu'une seule femme qui est la fille d'un lord
15:44qui fait le secrétariat.
15:46Et ces gens-là, en accord avec Deadly Clark,
15:50ne vont pas arrêter de monter des opérations d'intoxication.
15:54Quel est le but de la manœuvre ?
15:56C'est que les Allemands soient dans le brouillard le plus total.
15:59Qu'à chaque fois les Allemands soient dans le brouillard le plus total,
16:02donc qu'ils réagissent en termes, entre guillemets,
16:05militairement rationnels, c'est-à-dire prévisibles.
16:09Donc, les Allemands qui n'ont pas cette souplesse d'esprit
16:13vu l'organisation de l'armée allemande,
16:15qui est déjà très rigide,
16:16et puis l'organisation du 3ème Reich, évidemment.
16:19– Alors, je propose maintenant de passer la manche
16:22et de nous arrêter d'abord en France,
16:23où l'ambiance n'est pas vraiment la même
16:25entre les services de renseignement et le pouvoir politique,
16:27contrairement en Angleterre.
16:29– Non, parce que déjà en France, vous avez l'affaire Dreyfus.
16:32L'affaire Dreyfus, elle se passe au sein du service de renseignement,
16:38qu'on appelle le SR.
16:40Et évidemment, ça crée un malaise.
16:46Et la classe politique française,
16:47qu'elle soit de droite ou de gauche à l'époque,
16:50elle préfère suivre ses intuitions,
16:53ou un ami qui a voyagé, qui était en Allemagne,
16:56qui dit que cet Hitler, finalement, il n'a pas l'air méchant,
16:59ou des choses de ce genre,
17:01plutôt que d'un service de renseignement.
17:02Par ailleurs, on a un service en ce moment militaire,
17:05qui s'appelle toujours le SR,
17:07qui est assez bon,
17:09qui a recruté deux taupes
17:11qui mériteraient de figurer au High Parade
17:13des grands espions du XXème siècle.
17:15Hans-Nilo Schmidt, qui est un Allemand
17:18qui est venu d'abord pour de l'argent,
17:21qui travaille à la Führerstelle,
17:23c'est-à-dire la section du chiffre allemand,
17:25et qui va apporter les premiers éléments
17:28sur la fameuse machine à décrypter,
17:31à crypter et à décrypter les messages,
17:33Enigma, qui est une machine de masse.
17:35Il y aura plusieurs dizaines de milliers d'Enigma
17:37qui seront en circulation.
17:38Bon, en gros, le truc, vous avez un clavier,
17:40vous tapez votre message
17:43et il se transforme en autre,
17:45les lettres avec des rotors, des machins,
17:48c'est très compliqué.
17:49Mais on aide les Polonais,
17:51qui sont nos alliés avant les malheureux
17:53qui se sont écrasés,
17:54on aide les Polonais à décrypter,
17:56car on leur fournit les clés.
17:58– Vous consacrez un gros chapitre aux Polonais,
18:00qui finalement ont l'air très bons en décryptage.
18:02– D'abord, les Polonais sont en train
18:04d'inventer les maths modernes,
18:06ce que fera l'Entering en Angleterre aussi,
18:08pour la même raison.
18:09Ils sont en gros en train d'inventer l'ordinateur
18:11et les maths modernes.
18:12Et ils joueront, effectivement,
18:15je consacre un chapitre à parler du rôle
18:18des Polonais dans la résistance française.
18:20Il est très important parce que,
18:22en particulier au début,
18:23c'est surtout les réseaux polonais
18:25qui sont efficaces,
18:26sachant que dans les réseaux polonais,
18:27vous avez beaucoup de Français en réalité aussi.
18:29La résistance, c'est au hasard des rencontres,
18:32des gens sont dans tel réseau,
18:34mais ils auraient pu être dans tel autre.
18:36– Et donc ces services de renseignement français,
18:39en 1939, n'ont rien vu venir
18:41sur les plans d'attaque des Allemands ?
18:43– Si, ils ont vu venir beaucoup de choses.
18:45– Mais le pouvoir politique n'a pas suivi ?
18:47– D'une part, l'affaire Dreyfus avait établi un système
18:50où il n'y avait pratiquement pas de communication
18:52entre le pouvoir politique et l'armée.
18:54C'est-à-dire que le haut état-major ne se mêle pas de politique
18:57et les politiques ne se mêlent pas,
19:01à part voter le budget,
19:02mais des affaires militaires,
19:03ce qui est une mauvaise solution.
19:05Et du coup, on a choisi le plus consensuel
19:09des commandants en chef, qui est Gamelin, le général Gamelin.
19:13Et le général Gamelin, il est très bien,
19:16il est capable de disserter sur les tableaux de Michel-Ange, etc.
19:19Il plaît à la classe politique et surtout, il ne dérange personne.
19:22Alors, vous partez faire la guerre avec un commandant en chef
19:25qui ne dérange personne, c'est pas, à mon avis,
19:28c'est pas une très bonne idée.
19:29Alors, le drame, évidemment, nous arrive en 1940,
19:32mais il a été en partie prévu, pas complètement,
19:36mais il a été en partie prévu.
19:38Et la tactique, la tactique qu'on va appeler,
19:41après la guerre éclair, la progression des blindés,
19:44en coordination avec l'aviation d'assaut,
19:47a été percée au jour.
19:50Moi, j'ai des documents qui montrent,
19:52on savait très bien quelle allait être la tactique des Allemands.
19:55Donc, pourquoi s'est-on laissé surprendre ?
19:59Ça, c'est incompréhensible.
20:00Toujours est-il qu'après le désastre de 1940,
20:05eh bien, l'ESR essaie de se reconstituer
20:09dans une ambiance et dans des circonstances assez ambiguës.
20:14Parce qu'il y a une aile de vichy, en particulier au début,
20:17le général Weygand, qui est le dernier commandant en chef.
20:20Le général Weygand, qui est assez anti-allemand,
20:24couvre un peu la reconstitution d'organes de renseignement.
20:30Donc, dans le cas de l'armée d'armistice ?
20:32Dans le cas de l'armée d'armistice, réduite à 100 000 hommes, etc.
20:36Et ils sont couverts par une partie de vichy
20:41qui veut continuer à faire un peu de renseignement contre les Allemands.
20:45Et ils vont donc en profiter pour maintenir les liens avec les Anglais,
20:49maintenir les décryptages, parce que les décryptages
20:52à la Chine et l'Igba, ils se faisaient près de Paris.
20:55Et après le désastre, ils sont dans le Gard,
20:58dans un petit castelet, ils sont dans le Gard.
21:00Vous avez des Polonais, vous avez des Français,
21:02vous avez des Républicains espagnols.
21:04– C'est-à-dire qu'après l'armistice, on continue de travailler sur l'Igba ?
21:06– Bien sûr, bien sûr, on continue.
21:08Et on en voit, on est d'ailleurs doublé par les Polonais,
21:11parce que le général, le capitaine Bertrand, à l'époque,
21:14qui est, pour la petite histoire, l'oncle et le père adoptif de Jean-François Degnaud,
21:18l'oncle Gustave, comme disait Jean-François,
21:22eh bien Bertrand, qui sera à un moment le patron du SR Guerre clandestin aussi,
21:29Renzo Kleber, s'occupe également des décryptages.
21:34Alors, il transmet un certain nombre de choses en anglais,
21:36mais les Polonais, puisqu'il y a des Polonais dans cette équipe très nombreuse,
21:39eux transmettent aussi parallèlement, sans qu'ils le voient,
21:42parce qu'il n'est pas tout le temps là,
21:44non, ils envoient aux Polonais, ils envoient aux services polonais de Londres.
21:49Donc vous avez forcément une chose de ce genre.
21:52Et puis vous avez, ça c'est l'un des services secrets,
21:56et puis l'autre service secret, c'est celui que va créer le général de Gaulle.
22:01Mais alors il le crée à partir de rien,
22:03avec un capitaine polytechnicien qui s'appelle André de Vavra,
22:08qui prendra le nom de colonel passif,
22:10parce qu'il prendra le nom d'une ligne de métro, d'un pseudonyme,
22:13et il part vraiment de rien, avec des personnages vraiment moralement extraordinaires,
22:19comme Honoré Dessiendorf, qui sera malheureusement vite prendu et fusillé,
22:23et lors du démantèlement du réseau d'Honoré Dessiendorf, par exemple,
22:27les Allemands arrivent à retourner l'opérateur radio du réseau,
22:35et ils commencent à faire aussi leurs opérations de désinformation,
22:39c'est-à-dire on envoie des fausses informations par les radios arrêtées.
22:44Mais rassurez-vous, les Anglais ont foutu derrière les verrous
22:48tous les agents allemands en Angleterre,
22:51qui opèrent en Angleterre, c'est une île, c'est plus facile pour eux,
22:54et tous ces gens-là émettent, en fait sous le contrôle du MI5,
22:58c'est-à-dire de la DGSI britannique, c'est-à-dire qu'ils envoient des fausses informations,
23:02ça c'est un des éléments clés de l'opération de désinformation,
23:05l'autre étant la fameuse machine Enigma,
23:07parce que comme sur la base des travaux des Polonais et des Français,
23:13les Anglais, eux, ont développé la chose,
23:16c'était artisanal, c'est devenu industriel,
23:19vous avez un centre où vous avez 9 000 personnes près de Londres,
23:229 dixièmes de femmes, qui travaillent au décryptage des machines,
23:27et là on va inventer, et pas seulement Alain Turing,
23:29d'autres dont je parle, parce que Turing est un personnage extraordinaire,
23:33mais il y en a d'autres qui sont pas mal non plus,
23:35et ces gens-là sont en train d'inventer des machines
23:39à décrypter la machine Enigma,
23:41c'est-à-dire des ordinateurs, simplement, ils sont mécaniques,
23:44ils sont pas électriques,
23:46et aussi la super machine du haut état-major allemand, Hitler,
23:51donc c'est pas la machine Enigma,
23:53la machine Enigma c'était dans n'importe quel régiment,
23:56vous aviez un opérateur Enigma,
23:58là c'est des machines avec 12 retours,
24:01mais on arrivera, à partir de 1944, à décrypter certains messages.
24:05– Et ces services français, donc de la France libre, c'est le BCRA ?
24:09– Voilà, c'est le deuxième bureau, et BBCRA après.
24:12– Et également ils travaillent sur le territoire national,
24:14j'imagine dans la résistance, il y a des antennes du BCRA
24:17qui récoltent des renseignements ?
24:19– Eh bien oui, le fameux réseau La Confrérie Notre-Dame du colonel Rémy,
24:24ou le réseau dans la police d'Achille Peretti par exemple,
24:32qui est créé à la demande du BCRA,
24:34et qui doit noyauter la police de Vichy.
24:37Alors oui, bien sûr, si vous voulez, les gens du SR d'origine
24:41qui continuent à travailler,
24:42parce qu'il y a aussi un contre-espionnage clandestin
24:44qui est déguisé en bureau des travaux ruraux, une entreprise bidon,
24:48et en fait ils font du contre-espionnage,
24:50ils arrêtent des agents allemands ou italiens,
24:53dont certains seront même jugés et fusillés.
24:55Et puis d'autres aussi,
24:56parce que vous avez plusieurs personnages dont je parle
24:58qui disons avaient la gâchette facile,
25:01l'un a fini d'ailleurs gangster associé des frères Guérini,
25:05c'était Robert Léman,
25:08et parfois on fait disparaître des agents allemands,
25:12et pareil en Afrique du Nord.
25:14Les gens qui renseignent la commission d'armistice,
25:16les Allemands et les Italiens de la commission d'armistice,
25:18si j'avais voulu, parfois on les retrouve dans le port d'Alger,
25:21ils ont été victimes d'un règlement de compte.
25:23Donc il y a aussi un contre-espionnage clandestin.
25:26Et puis le BCRA, sa spécificité c'est qu'il vient,
25:29comme on dirait maintenant, de la société civile,
25:31ce sont des gens qui...
25:33– Ce ne sont pas forcément des militaires.
25:35– Ils ne sont pas militaires de carrière,
25:36ils sont militaires parce que si vous voulez,
25:37les classes moyennes, tout le monde est officier de réserve à l'époque,
25:40mais ce ne sont pas des militaires professionnels.
25:43Et le personnel des réseaux,
25:4635 000 agents homologués après-guerre,
25:50si j'additionne tous les réseaux, dépendant du BCRA,
25:52parce qu'en tout il y aura à peu près 55 000 agents de renseignement,
25:55je parle d'agents dont les états de service ont été validés après-guerre,
26:01pas un machin qui va raconter au bar, au tirant, etc.
26:05Et c'est des réseaux, vous aurez des grands réseaux comme,
26:08je parlais de la confrérie Notre-Dame,
26:10vous aurez l'Alliance de Marie-Madeleine Fourcade,
26:14donc le plus grand réseau en Europe occupé dirigé par une femme,
26:18et l'Alliance sera d'abord MICX et puis passera après sous le label BCRA,
26:24parce que les gaullistes ont progressé,
26:26je montre aussi dans ce livre que De Gaulle fait une utilisation politique
26:30très astucieuse du travail de ces services de renseignement,
26:34c'est-à-dire qu'à partir du moment où les Alliés vont débarquer en Normandie,
26:38en France en tout cas, à partir de ce moment-là,
26:43ils ont besoin de renseignement fourni par des Français de préférence,
26:48parce que les Français sont sur le terrain,
26:50c'est-à-dire qu'il y a une sorte de donna-donna qui va s'établir,
26:53De Gaulle gagne de l'espace politique grâce au travail du BCRA
26:57et de l'équipe de David Vavrin, d'André Manuel,
27:01et après de Pierre Bourselette qui est une grande figure de la Résistance,
27:05il fait du donna-donna avec les Alliés,
27:08donc c'est un travail ce service de renseignement,
27:11prépare d'une part les opérations dans le dos de l'armée allemande,
27:16donc le renseignement essentiellement,
27:18l'efficacité de la Résistance française,
27:21à mon avis c'est plus de renseignement qu'autre chose,
27:24parce que malheureusement les maquis n'ont pas atteint
27:27le niveau d'efficacité d'autres pays,
27:29je parle de la Yougoslavie par exemple,
27:31ou des pays comme ça où il y avait des unités entières de partisans
27:34qui accrochaient l'armée allemande.
27:36– Alors du côté justement de l'armée allemande,
27:38enfin du côté allemand,
27:39qu'en est-il des services de renseignement à la veille du conflit ?
27:43D'ailleurs vous commencez dans votre livre l'introduction
27:46pour raconter un coup de main de leur service,
27:49je ne sais pas si le coup de main était très important ou très significatif,
27:52mais qu'en est-il de l'état des services de renseignement,
27:56des services secrets allemands ?
27:57– Alors les services secrets allemands,
27:59ils ont leurs services secrets traditionnels,
28:01qui est l'Abwehr,
28:02qui est le service de renseignement militaire,
28:04qui fait suite à la 3B de 14-18,
28:06enfin il y a une espèce de continuité,
28:09qui n'est pas un mauvais service,
28:12mais qui est beaucoup moins performant que ce sera le MSX britannique,
28:18et puis aussi il y a la concurrence des SS,
28:20c'est logique dans l'Allemagne nazie,
28:21donc vous avez le Sicherheitsdienst,
28:23le service de sécurité,
28:24qui commence par une police politique,
28:26SD Inland,
28:28et puis vous aurez quand même une aile extérieure,
28:30et le patron de ce service va participer à cette opération assez coquinolesse
28:34que je raconte au début,
28:35qui est le kidnapping à la frontière hollandaise
28:37de deux officiers de renseignement britanniques,
28:39et là c'est réalisé par les SS,
28:42donc avec également évidemment toute la brutalité qui va avec les SS,
28:46mais donc ça va se développer,
28:48et les SS, ils prendront la main peu à peu,
28:52parce que vous savez que l'armée allemande,
28:54il y a un certain nombre de gens qui n'étaient pas très pro-nazis,
28:59au fur et à mesure des défaites,
29:02le doute s'installe,
29:03le patron de l'Abwehr, l'amiral Canary,
29:06c'est aussi un personnage assez bizarre,
29:09et puis au sein de l'Abwehr,
29:12vous avez aussi des vrais renseignements,
29:14vous avez Erwin von Lausen,
29:16qui est un autrichien,
29:18donc le service autrichien a été absorbé par l'Abwehr,
29:23et c'est une de nos grandes agentes,
29:26sa maîtresse qui est une française,
29:29est une agente du SR d'avant-guerre,
29:32et elle continuera à renseigner le SR jusqu'en 1943,
29:35et ils passeront des informations au SR,
29:38donc vous avez des opérations comme ça dans la durée.
29:41– Ce sont des bons services de renseignement,
29:43des bons services secrets ?
29:44– Les SS sont efficaces dans la répression
29:48contre les mouvements de résistance,
29:50parce que c'est des brutes,
29:52ils torturent, ils dézinguent, etc.,
29:54ils tuent, ils assassinent,
29:56ils récupèrent un certain nombre de mercenaires,
29:58de voyous qui travaillent pour eux,
30:01ou de collaborateurs politiques,
30:04c'est la brutalité qui les caractérise,
30:07alors c'est sûr que quand vous torturez les gens systématiquement,
30:10vous arrivez à avoir certains résultats,
30:12mais la seule opération vraiment d'intox
30:14qu'ils réussiront, c'est Pôle Nord en Hollande,
30:17là où ils arriveront, ça sera très fort,
30:19tous les réseaux du Special Operation Exécutif Britannique en Hollande,
30:23donc composés de Hollandais,
30:25vont être complètement dézingués,
30:27mais là c'est parce que, exceptionnellement,
30:29le type de l'abvers et le type du SD s'entendent bien,
30:31parce que d'habitude, il y a une détestation mutuelle,
30:35les militaires de carrière trouvent que les nazis,
30:37c'est quand même bas de gamme,
30:39et puis les nazis trouvent que les militaires de carrière,
30:41c'est tous des réactionnaires,
30:43qui n'aiment pas le fureur, etc.
30:45Donc vous avez ça,
30:47l'efficacité des services allemands est assez moyenne,
30:50et d'ailleurs ils vont se faire rouler dans l'histoire
30:52du débarquement en Normandie,
30:54pensez qu'ils vont croire pendant 6 semaines
30:56qu'il y aura un débarquement, on espérait 15 jours,
30:58l'opération a été montée pour 15 jours,
31:00l'opération de déception,
31:02et elle va marcher sur 6 semaines,
31:04c'est-à-dire pendant 6 semaines,
31:06les Allemands vont attendre le corps,
31:09le fusagle, le corps américain,
31:11de 12 puis 20 divisions,
31:13qui est censé débouler sur le plat de Calais,
31:15qui n'arrivera évidemment jamais,
31:17parce qu'il n'existe pas,
31:19et au bout de 6 semaines, ils se rendront compte,
31:21ils diront, bon, la Normandie,
31:23c'est un single shot, c'est un coup unique.
31:25– En revanche l'opération Barbarossa, c'est plutôt…
31:27– Ah ben là, c'est le chef d'œuvre d'Hitler,
31:29si je puis dire,
31:31parce que Hitler et Stalin, vous voyez,
31:33c'est les deux personnages.
31:35– Les services de renseignement,
31:37dans un pays totalitaire,
31:39que ce soit l'Union soviétique
31:41ou l'Allemagne nazie,
31:43par rapport aux démocraties,
31:45on n'est pas du tout dans le même rapport
31:47avec le pouvoir soviétique.
31:49– D'une part, c'est évident,
31:51c'est pas du tout le même rapport,
31:53et puis l'intégration totale,
31:55toute forme de totalitarisme,
31:57se produira dans l'Allemagne nazie,
31:59pratiquement, c'est-à-dire que même
32:01l'abvers va être absorbé par l'USD,
32:03vous aurez vraiment ça.
32:05Alors qu'en Union soviétique,
32:07vous avez le service de renseignement
32:09qui dépend du ministère de l'intérieur,
32:11comme après le KGB,
32:13il y avait une aile extérieure
32:15qui s'appelle la PGEU,
32:17qui était l'équivalent de la CIA,
32:19si vous voulez,
32:21mais l'entièreté de la machine,
32:23c'était de la répression politique.
32:25Là, vous avez ce service
32:27qui s'appelle l'INO,
32:29et vous avez aussi
32:31ce qui deviendra le GRU,
32:33qui porte un autre nom,
32:35qui deviendra en 1942 le GRU,
32:37qui est le service de renseignement
32:39de l'armée rouge,
32:41parce que l'armée rouge arrive
32:43à garder quand même ses propres réseaux.
32:45Et il faut dire que les soviétiques
32:47sont très bons, vous parliez des anglais,
32:49mais les soviétiques sont très bons
32:51parce que c'est dans les gènes
32:53de leur système totalitaire
32:55d'espionner sans arrêt
32:57les pays capitalistes, impérialistes,
32:59ce qui veut dire que pendant la guerre,
33:01par exemple,
33:03ils auront des réseaux qui opéreront
33:05aux Etats-Unis, alors que normalement
33:07c'est la grande alliance contre Hitler
33:09et contre les japonais,
33:11ils opéreront notamment
33:13pour espionner
33:15toute la construction
33:17de la bombe atomique.
33:19Ils opéreront à la fois en Angleterre
33:21et aux Etats-Unis, dans le dos des alliés,
33:23grâce à des personnages,
33:25y compris mes fameux stops
33:27des espions de Cambridge,
33:29des personnages de ce genre,
33:31ils arrivent à espionner leurs propres alliés
33:33en temps de guerre de manière conséquente,
33:35ce qui veut dire que ça prépare déjà
33:37la guerre froide dans leur esprit.
33:39Alors que les alliés, d'abord on va en finir
33:41avec les Hitler
33:43et les militaristes japonais,
33:45puis après on verra.
33:47Dans l'esprit soviétique, tout se déroule.
33:49Ce qui veut dire qu'ils ont évidemment
33:51de très bons services,
33:53le fameux Richard Sorge
33:55à Tokyo par exemple,
33:57mais vous avez des dizaines de sources
33:59qui avertissent Staline
34:01qu'Hitler va l'attaquer.
34:03Et là, vous avez un blocage,
34:05car Staline qui vient de décapiter
34:07l'armée rouge, qui a tué des dizaines
34:09de milliers de viciers de l'armée rouge,
34:11il sait qu'elle n'est pas encore en état de combattre,
34:13il n'est pas idiot, il sait qu'elle n'est pas
34:15en état de combattre,
34:17et donc il se dit, il faut que je gagne du temps
34:19avec Hitler. La première déception
34:21pour Staline, c'est que nous nous effondrerons
34:23en 1940, parce que lui avait espéré que ça serait
34:25comme en 1914-1918, les deux
34:27puissances, les deux camps impérialistes
34:29se battront
34:31jusqu'à épuisement, et après,
34:33nous n'aurions qu'à avancer tranquillement
34:35et à conquérir toute l'Europe.
34:37Bon, malheureusement, il est déçu, et là,
34:39il s'est mis dans un mauvais cas, puisque comme en 1940,
34:41pendant que les Allemands attaquaient de face la Pologne,
34:43il a fini de la poignarder dans le dos,
34:45et il a une frontière commune maintenant avec Hitler.
34:47C'est un danger dont il ne s'était pas
34:49rendu compte, semble-t-il.
34:51Il fait un blocage psychologique.
34:53Il refuse d'admettre ce dont
34:55tous ses agents,
34:57les agents des services, le préviennent.
34:59Même celui, Stenz,
35:01qui est dans l'entourage de Tchangaytchek,
35:03qui est un conseiller militaire de Tchangaytchek,
35:05renseigne. Bon, vous avez des tas de gens
35:07comme ça.
35:09Staline décide que c'est des désinformateurs,
35:11et il refuse de les écouter.
35:13Staline se fie,
35:15c'est un marxiste, il se fie aux éléments objectifs.
35:17Donc, il dit, par exemple,
35:19surveillons le cours de la fourrure
35:21et le cours de la laine
35:23sur les marchés internationaux.
35:25C'est relativement facile à faire.
35:27Si les cours montent, ça veut dire que les Allemands achètent.
35:29Si les Allemands achètent,
35:31ça veut dire qu'ils vont attaquer l'Union soviétique.
35:33Mais il n'a pas compris, il n'a pas pu comprendre
35:35l'hubris
35:37qu'éprouvent les Allemands, et pas seulement
35:39Hitler, ses généraux aussi.
35:41Après la manière dont, en six semaines,
35:43ils nous ont mis à bas, et ils ont aussi battu
35:45les Anglais qui étaient nos alliés,
35:47ils sont maintenant persuadés qu'ils peuvent réussir
35:49tous les coups, tous les coups.
35:51Donc, ça ne leur pose pas de problème
35:53d'envahir l'Union soviétique.
35:55Ils se disent,
35:57un peu plus que les Français
35:59et les Anglais, mais la distance
36:01est plus grande, et puis l'armée rouge,
36:03ils sont plus nombreux, mais enfin, on y arrivera en quelques mois.
36:05En réalité,
36:07ce n'est pas ce qui va se produire.
36:09Mais Staline,
36:11en revanche, fait un rétablissement
36:13sur l'aile, il n'était pas aviateur,
36:15c'est son fils qui était alcoolique et aviateur,
36:17mais bon, lui,
36:19il commence à comprendre l'utilité
36:21des sources dont il dispose.
36:23Et il va les mettre à travailler.
36:25Et il va en avoir d'extraordinaires, donc,
36:27Messing de Cambridge, par exemple, mais aussi
36:29l'orchestre rouge
36:31en Allemagne,
36:33des gens anti-nazis convaincus
36:35qui renseignent les soviétiques
36:37jusqu'en 1942, puis qu'ils se font prendre.
36:39Et puis, les Trois Rouges,
36:41par exemple, en Suisse, qui est un réseau
36:43implanté en Suisse,
36:45du GRU, donc de renseignement militaire,
36:47qui, la Suisse étant neutre,
36:49ils arrivent, eux, à fonctionner jusqu'en 1944.
36:51Oui, parce que finalement, la force
36:53également des soviétiques, ce sont les partis communistes étrangers
36:55qui permettent de décider...
36:57Oui, c'est-à-dire, vous aviez une structure
36:59qui s'appelle le Comintern, qui était l'international communiste,
37:01qui a été fondée en 1919,
37:03et tous les partis communistes
37:05étaient normalement des sections
37:07de l'international communiste,
37:09et évidemment,
37:11ça a donné une implantation telle
37:13que les services de renseignement soviétiques
37:15ont pu pomper
37:17des éléments intéressants qui parlent
37:19la langue du pays,
37:21qui connaissent les coutumes du pays,
37:23qui ne sont pas des éléments étrangers qui vont se faire...
37:25Donc, on n'a pas, dans les services soviétiques,
37:27vous n'avez pas seulement
37:29des soviétiques, des russes,
37:31ou des gens de langue russe, vous avez des gens
37:33qui parlent parfaitement les langues d'Europe.
37:35Alors, on va passer maintenant
37:37à ceux qui paraissent finalement
37:39les plus faibles au début
37:41de cette guerre,
37:43en termes de services secrets,
37:45qui sont les Etats-Unis,
37:47qui connaissent leur Barbarossa avec Pearl Harbor.
37:49Alors, quel est l'état des services secrets
37:51américains en 1939 ?
37:53– C'est le foutoir, c'est le bazar.
37:55C'est-à-dire que d'abord, ils n'ont pas d'offres...
37:57Enfin, ils ont un service de renseignement de l'armée,
37:59et puis ils ont le FBI qui prétend tout faire,
38:01mais qui n'est pas très bon en matière
38:03de contre-espionnage, parce que
38:05ce qui intéresse John Edgar Hoover, son patron,
38:07c'est les coups médiatiques.
38:09Donc, le contre-espionnage, ça n'est pas
38:11de repérer le réseau adverse,
38:13c'est de le retourner, comme les Alliés,
38:15ou les Français,
38:17avec le commandant Payolle,
38:19arrivent à retourner un certain nombre de gens
38:21qui vont travailler pour les Alliés.
38:23Bon, ça c'est pas... Ils n'ont pas vraiment
38:25de service de renseignement. Alors, ils ont des services
38:27de décryptage qui sont bons, mais qui sont éparpillés.
38:29Il y a ceux de l'armée,
38:31et puis il y a ceux de la marine.
38:33Vous imaginez ce que c'est que les Etats-Unis,
38:35quand même.
38:37Un jour, c'est l'armée qui est responsable,
38:39le lendemain, c'est la marine.
38:41C'est le pire système.
38:43Alors, ils ont des décryptages,
38:47ils ont des unités de décryptage
38:49assez efficaces, mais
38:51le moment où les Japonais se décident,
38:53c'est un long processus,
38:55j'explique un peu comment ils décident d'attaquer
38:57Harper-Larbore,
38:59qui est, j'appelle ça, la plus grande opération
39:01de commando de l'Histoire, parce que c'est un truc...
39:03C'est un coup unique.
39:05L'amiral Yamamoto Zoroku,
39:07qui est le concepteur du coup, était persuadé
39:09que les Japons avaient tort
39:11de s'engager dans la guerre contre les Etats-Unis
39:13parce que les Etats-Unis étaient trop puissants,
39:15ils avaient été attachés militaires là-bas.
39:17Et il a dit aux autres,
39:19bon, il y a peut-être un coup à tenter,
39:21c'est le chaos.
39:23On les met KO, et puis après, on négocie.
39:25Bon.
39:27Ça n'a pas marché.
39:29Donc,
39:31il a préparé très bien
39:33le coup de commando en question.
39:35C'est-à-dire que
39:37la flotte qui va vers Harper-Larbore,
39:39silence radio total,
39:43intoxication
39:45des Américains, par exemple,
39:47l'attaché militaire américain,
39:49il voit des marins
39:51en permission
39:53à Tokyo,
39:55qui sont dans les rues de Tokyo.
39:57Et comme ce n'est pas un spécialiste,
39:59il ne connaît pas la démarche chaloupée
40:01des marins, qui est une démarche assez particulière
40:03que les gens de contre-espionnage connaissent.
40:05Dans les ports,
40:07on repère le type qui n'est pas un marin
40:09parce qu'il n'a pas la démarche d'un marin.
40:11Là, ce n'est pas des marins,
40:13c'est des soldats qu'on habille en marins.
40:15Donc le type dit, il y a des tas de militaires,
40:17des marins en permission.
40:19Vous voyez, l'intoxication est très bien faite
40:21du côté japonais,
40:23et les Américains n'arrivent pas à concevoir
40:25que les Japonais mettent tous leurs œufs
40:27dans le même panier, en quelque sorte.
40:29Parce que c'est contraire à toute la tradition maritime japonaise.
40:31Donc,
40:33c'est le coup de peur d'abord,
40:35ils se sont fait complètement avoir.
40:37Et donc,
40:39vous voyez comme sont les Américains,
40:41ils ont l'esprit pratique,
40:43c'est-à-dire que comme ils ne sont pas assommés,
40:45c'est les boxeurs un peu, comme ils ne sont pas assommés,
40:47ils ne sont pas KO, ils se remettent sur pied.
40:49Donc ils vont créer un service secret,
40:51l'Office of Strategic Services,
40:53à partir de 1942,
40:55qui sera l'ancêtre de la CIA,
40:57d'ailleurs une grande partie de son personnel
40:59dirigeant passera à la CIA après.
41:01Et puis,
41:03ils rationalisent
41:05leur service
41:07de décryptage,
41:09ce qui va leur permettre de remporter notamment
41:11la bataille de Midway, qui est une bataille
41:13d'un service secret, c'est uniquement
41:15le décryptage des communications
41:17japonaises, on arrive à savoir quel est le projet
41:19de l'amiral Yamamoto
41:21et de la flotte.
41:23Et on l'attend
41:25près de Midway, et avec
41:27aussi beaucoup de chance, on arrive
41:29à encouler un certain nombre
41:31de choses, et là, la guerre dans le Pacifique
41:33commence à tourner, comme le débarquement
41:35en Afrique du Nord a commencé
41:37à tourner. Quelqu'un
41:39qui avait eu cette très belle formule,
41:41c'est la bisectrice de la guerre, c'est-à-dire
41:43c'est le moment, jusqu'à présent,
41:45ça tournait du côté de l'axe, et là,
41:47ça commence à se retourner.
41:49Et donc ces services secrets américains,
41:51eux, ils entament également
41:53des opérations d'intoxication, de commandos
41:55en Europe ? Alors, leur
41:57problème, c'est qu'ils vont être élèves des Anglais,
41:59ils vont être en grande partie élèves
42:01des Britanniques,
42:05donc ils apprennent d'eux,
42:07mais en même temps, ils ont toutes les qualités
42:09que peuvent avoir les Américains, je veux parler
42:11d'esprit pratique, mais c'est des bons
42:13techniciens, la radio, le machin, l'avion,
42:15tout ça, ils ont des gens
42:17qui s'y connaissent.
42:19Et puis ils mobilisent du personnel civil.
42:21– Oui, ils recrutent comment ? – Ils recrutent des patrons
42:23de boîtes, des catsup,
42:25des gens comme ça,
42:27qui savent
42:29organiser un travail, s'ils voulaient,
42:31c'est-à-dire qu'ils vont suppler
42:33les Britanniques et renforcer,
42:35parce qu'ils ont des moyens techniques
42:37plus importants, et puis ils sont
42:39à l'abri, ils sont loin
42:41des bombardements, c'est quand même plus tranquille.
42:43Alors, vous aurez par exemple
42:45Alan Turing, qui est
42:47à cette fameuse usine à Bletchley Park,
42:49a décrypté la machine Enigma
42:51et d'autres machines allemandes,
42:53il fait un séjour
42:55aux Etats-Unis,
42:57on l'envoie aux Etats-Unis, et là,
42:59il découvre le système d'organisation,
43:01parce qu'il y a un type qui lui dit,
43:03mais nous, des reconstitutions
43:05de machines Enigma, on peut en faire des centaines,
43:07et ils vont effectivement en fabriquer
43:09des centaines, parce qu'ils travaillent…
43:11Les Anglais avaient passé le décryptage
43:13à un stade industriel, et avec les Américains,
43:15c'est industriel, puissance 2.
43:17Donc, c'est surtout là-dessus
43:19qu'ils s'appuient. Alors, dans le domaine
43:21de l'action, Wild Bill Donovan,
43:23qui est un personnage croquignolé aussi,
43:25qui est un grand héros de la guerre
43:27de 14-18, mais un personnage un peu…
43:29Et Wild Bill Donovan
43:31pense que…
43:33parce que les Américains,
43:35ils ont une pensée très psychologisante,
43:37donc ils pensent par exemple que notre
43:39effondrement de 1940, c'est
43:41la fameuse cinquième colonne,
43:43qui est un nom qui date de la guerre d'Espagne,
43:45et donc,
43:47il veut qu'il fasse de l'action
43:49psychologique, et les Anglais disent
43:51l'action psychologique, c'est un travail
43:53à part, c'est pas les services
43:55secrets qu'il doit s'en occuper.
43:57Et d'ailleurs,
43:59sur le front d'Extrême-Orient,
44:01qui préoccupe les deux,
44:03et encore plus les Américains,
44:05ils croient pas du tout à la désinformation de masse,
44:07au machin, aux tracts qu'on envoie,
44:09ils disent, l'important c'est d'intoxiquer
44:11les élites dirigeantes,
44:13c'est ça qui compte, et vous aurez des personnages,
44:15vous aurez Peter Fleming,
44:17qui est le grand frère de Yann Fleming,
44:19qui est un voyageur,
44:21qui fait des récits de voyages extraordinaires,
44:23qui est le chef de l'équivalent
44:25de Dudley Clark,
44:27en Extrême-Orient, c'est lui, et il monte
44:29des opérations, des opérations
44:31pareilles, avec des réseaux bidons,
44:33des gens qui émettent comme s'il y avait une résistance
44:35là où il n'y en a pas,
44:37des choses, alors parfois il pousse le bouchon
44:39un peu loin, parce qu'un jour
44:41il commence à monter une opération
44:43pour dire que
44:45les Américains
44:47vont utiliser des gaz de combat contre les Japonais,
44:49et là on l'arrête tout de suite,
44:51on dit non, parce que
44:53si vous arrivez à leur mettre ça dans la tête,
44:55c'est eux qui vont utiliser
44:57les gaz de combat. – D'ailleurs les Japonais
44:59ont des services de renseignement efficaces ?
45:01– Alors ils ont des services de renseignement efficaces
45:03sur le terrain,
45:05mais
45:07très très divisés,
45:09parce que vous avez
45:11une ligne de fracture des gens
45:13entre l'armée et la marine.
45:15– Qu'on retrouve d'ailleurs
45:17partout presque.
45:19– Oui mais alors chez eux, comme c'est un régime
45:21entièrement militaire, dans une démocratie,
45:23les terriens
45:25et les navals
45:27peuvent se regarder comme ça, ils ont conscience
45:29d'appartenir quand même à l'armée.
45:31Là c'est deux stratégies différentes,
45:33l'armée de terre veut attaquer
45:35en Manchurie l'Union soviétique,
45:37et la marine
45:39va pousser à ce qu'on attaque les Etats-Unis
45:41l'option au sud.
45:43Mais ils ont hésité longtemps là-dessus.
45:45Sur le terrain oui, ils ont des capacités
45:47de déguisement extraordinaires,
45:49on verra en Indochine d'ailleurs,
45:51parce qu'un monsieur qui avait ouvert
45:53un petit commerce près d'une caserne française
45:55à Hanoï,
45:57ce monsieur reviendra après
45:59et il est capitaine des services de renseignement.
46:01Ils ont des bons,
46:03mais le problème des renseignements
46:05c'est d'être écouté du pouvoir politique,
46:07c'était le cas en Angleterre,
46:09et d'être
46:11capable
46:13de faire des synthèses.
46:15Or là, si vous voulez,
46:17vous avez trop de contradictions pour qu'ils arrivent à faire des synthèses.
46:19Et puis il y a aussi un certain mépris,
46:21c'est loin du code
46:23du bouffido, quand même,
46:25l'espionnage c'est pas beau,
46:27ça se fait pas quoi.
46:29Donc ils ont des formes d'entenues.
46:31Et en face, ils ont les chinois.
46:33Et en face, ils ont les chinois.
46:35Les chinois, ça mériterait une émission
46:37à part entière, mais on peut en dire un mot très rapidement.
46:39On peut dire qu'il y a deux
46:41grandes tendances,
46:43les nationalistes et les communistes.
46:45Les nationalistes de Chiang Kai-shek luttent
46:47contre les japonais,
46:49les communistes, à part quelques exceptions,
46:51les communistes de Mao Zedong
46:53attendent pour préparer la guerre civile.
46:55Ils ont deux
46:57formidables chefs de services d'enseignement.
46:59L'un sera très connu par la suite,
47:01c'est Zhou Enlai,
47:03qui sera ministre des Affaires étrangères de Mao.
47:05Et puis, vous avez
47:07Kang Cheng, dont j'ai co-signé
47:09la biographie il y a très longtemps,
47:11qui était un personnage
47:13très retort, mais extrêmement efficace.
47:15Et puis, du côté des nationalistes,
47:17vous avez Tai Lee,
47:19qui est un des chefs de services secrets
47:21de Chiang Kai-shek, parce que Chiang Kai-shek n'arrête pas
47:23de pousser les uns contre les autres.
47:25Et ce Tai Lee
47:27est un type épouvantable,
47:29mais remarquablement efficace.
47:31Avec assez peu de diplomatie,
47:33Chiang Kai-shek le présentait
47:35à ses interlocuteurs américains en disant
47:37c'est mon humlaire.
47:39Ce n'était pas de nature à les convaincre.
47:41Et ce Tai Lee joue un rôle
47:43très important car il va créer
47:45un organisme
47:47commun avec la marine américaine
47:49pour lutter
47:51contre les japonais, mais lui aussi
47:53pour préparer, évidemment,
47:55la guerre civile contre les communistes,
47:57dont il ne verra pas la fin. D'ailleurs, il s'écrasera en 1947.
47:59Son avion s'écrasera.
48:01– Nous arrivons au terme de l'émission.
48:03Je vais vous poser deux dernières questions.
48:05– Je vais essayer d'être bref.
48:07– Oui, quelle est pour vous l'opération
48:09qui vous semble, vous l'avez peut-être déjà citée,
48:11qui vous semble la plus réussie ou la plus
48:13spectaculaire ?
48:15– Eh bien, si on considère que
48:17le travail de désinformation
48:19qu'ont fait les britanniques puis les américains
48:21aidés aussi par les français
48:23pendant la seconde guerre mondiale,
48:25ça culmine au moment
48:27du débarquement en Normandie.
48:29C'est-à-dire que ces choses qui sont
48:31passées par des intox qui ont permis
48:33le débarquement en Afrique du Nord, en Sicile,
48:35qui ont dupé les allemands, qui ont fait croire
48:37qu'on allait là, qu'on allait là.
48:39Eh bien, ça culmine à ce moment-là.
48:41C'est l'opération la plus réussie, mais elle est réussie
48:43parce qu'elle est dans la continuité des autres.
48:45– Et pour conclure vraiment, est-ce qu'on peut dire
48:47que les services secrets ont eu une action décisive
48:49pendant ce conflit ?
48:51– Décisive, moi je pense que le rôle
48:53des services de renseignement, pour parler comme les chinois,
48:55on peut le voir en pourcentage,
48:57à mon avis c'est entre 15 et 20%.
48:59C'est autour de 15-20%.
49:01C'est pas le facteur décisif.
49:03Vous avez la qualité militaire,
49:05vous avez la puissance économique, notamment des américains,
49:07des États-Unis et même des soviétiques
49:09qui vont reconstruire leur industrie.
49:11Mais ça contribue et puis c'est peut-être
49:15le facteur qui a fait basculer la chose.
49:17Moi je dirais entre 15 et 20%.
49:19– Et bien Rémi Coffeur, merci beaucoup,
49:21c'était passionnant.
49:23Je renvoie à votre livre qui est passionnant,
49:25j'allais dire écrit d'une pume alerte
49:27avec des petites touches d'humour aussi
49:29qui sont jamais désagréables.
49:31– Il faut pas s'embêter.
49:33– Ce sont les 39-45, la guerre mondiale
49:35des services secrets aux éditions Perrin.
49:37Merci infiniment.
49:39C'était Passer présent, l'émission historique de TVL
49:41réalisée en partenariat avec la revue d'Histoire Européenne.
49:45Vous allez maintenant retrouver Christophe Erlan
49:47et sa petite histoire.
49:49Mais avant de nous quitter, n'oubliez pas bien sûr
49:51de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
49:53et de vous abonner à notre chaîne YouTube.
49:55Merci et à bientôt.
49:57– Sous-titrage ST' 501
50:15Je vais parler de l'un des fondateurs de la France chrétienne,
50:17un saint très connu,
50:19notamment pour avoir baptisé Clovis
50:21et qui aura toute sa vie été le trait d'union
50:23entre l'empire romain finissant
50:25et le nouveau royaume franc.
50:27Je vais évidemment parler de Saint Rémi.
50:29Rémi fait partie de ces nouvelles élites romaines
50:31qui sont implantées en Gaule,
50:33qui sont des fonctionnaires provinciaux
50:35qui n'ont pas de nom de famille très illustre
50:37et d'héritage très illustre
50:39mais qui ont de grandes propriétés foncières
50:41et qui surtout ont reçu une éducation classique.
50:43En plus, après la crise du IIIe siècle,
50:45ces élites, on a vu chez ces élites
50:47naître un sentiment,
50:49un regain de patriotisme
50:51pour ne pas voir disparaître Rome,
50:53l'éternel Rome.
50:55Face aux invasions germaniques répétées,
50:57toutes ces nouvelles élites se sont majoritairement
50:59converties au christianisme
51:01et même à partir du Ve siècle
51:03sont majoritairement, encore une fois,
51:05rentrées dans le clergé.
51:07En effet, la carrière romaine est bouchée,
51:09la carrière institutionnelle romaine
51:11est majoritairement bouchée par l'effondrement
51:13des institutions politiques de l'Empire
51:15et le clergé apparaît alors comme une issue,
51:17une voie d'uniformité
51:19au sein de ce nouveau monde
51:21qui, comme je l'ai dit, est en mutation.
51:23Je l'ai dit, il y a beaucoup de candidats,
51:25ces nouvelles élites romaines se dirigent vers le clergé
51:27mais à Reims, là d'où vient Rémy,
51:29il n'y a pas de candidat,
51:31il n'y a que Rémy qui a alors 22 ans.
51:33Aussi incroyable que ça puisse paraître,
51:35c'est à 22 ans,
51:37en dépit du droit canonique,
51:39Rémy va être propulsé en tant qu'évêque de Reims.
51:41Nous sommes alors en 459,
51:43Rémy est un tout jeune homme,
51:45je vous l'ai dit, il a 22 ans
51:47et on n'a pas le droit normalement d'ordonner quelqu'un évêque
51:49en dessous de l'âge de 30 ans
51:51mais voilà, il n'y a pas de candidat, il n'y a pas de foule
51:53et en plus, Rémy est issu d'une famille
51:55très puissante et il a reçu
51:57une très bonne éducation.
51:59Il y a déjà là une particularité chez Rémy
52:01dès son intronisation en tant qu'évêque
52:03mais il va s'appliquer à la tâche.
52:05Vous savez, à l'époque, les églises étaient dotées
52:07de biens fonciers inaliénables,
52:09il fallait donc les gérer, c'était à l'évêque de le faire,
52:11chaque évêque était souverain
52:13en sa paroisse, en sa ville
52:15et Rémy va diviser ses revenus fonciers
52:17en trois parts égales.
52:19La première va aller à la construction de bâtiments,
52:21la seconde va aller directement aux clergés
52:23et la troisième, qui est la plus
52:25convoitée, va aller aux pauvres.
52:27En plus d'avoir la particularité
52:29d'avoir été intronisé en tant qu'évêque
52:31très jeune, Rémy a également
52:33une forte personnalité réputée absolument
52:35imperturbable, droit dans ses bottes
52:37avec pour objectif de faire
52:39un habile mélange entre cette
52:41civilisation romaine qu'il ne veut pas
52:43voir mourir et le nouveau royaume
52:45franc qu'il doit convertir.
53:05En tant qu'évêque, je vous l'ai dit,
53:17l'église dispose de biens fonciers
53:19propres, et bien Rémy est également
53:21un grand propriétaire foncier.
53:23Dans son évêché de Reims, il dispose
53:25de ressources monétaires très importantes,
53:27de l'or, de l'orfèvrerie
53:29en argent, il a vraiment un évêché
53:31puissant et très riche, pourquoi ?
53:33Non seulement pour assurer son fonctionnement,
53:35mais aussi il faut avoir des réserves monétaires
53:37importantes pour pouvoir racheter
53:39toutes celles et ceux de ces ouailles
53:41qui ont été raflées par les germains,
53:43par les nombreuses invasions barbares
53:45qui se répètent et qui sont absolument
53:47imprévisibles. En somme, il faut avoir
53:49du stock pour pouvoir libérer
53:51ces gens une fois qu'ils sont capturés.
53:53Il est également connu pour avoir obtenu
53:55le fameux vase de Soissons,
53:57le vase liturgique de Soissons, il l'a obtenu
53:59directement de Clovis et
54:01de Légras dans son testament à l'église
54:03de Reims. Il est également propriétaire
54:05de vignes, à l'époque on était plutôt
54:07centré sur les cochons et l'élevage d'animaux
54:09dans les évêchés, mais Rémy est propriétaire
54:11de vignes et d'ailleurs il les cultive
54:13lui-même, pourquoi ? Tout simplement parce
54:15que cela génère des revenus importants
54:17dont il a besoin, pour les raisons que je vous
54:19ai expliquées tout à l'heure. Même au sein de l'église
54:21et même en tant qu'évêque, il se distingue
54:23par un caractère impétueux,
54:25par exemple il outrepasse le droit canon
54:27en nommant un laïc évêque.
54:29Pour lui également, la foi constantinienne
54:31et le droit romain ne font qu'un,
54:33il est un défenseur de l'église, mais
54:35aussi un défenseur de l'état
54:37et des pauvres, évidemment.
54:39Par exemple, il est très pragmatique,
54:41il considère le roi des francs,
54:43même païen, donc Clovis,
54:45comme un homologue, son paganisme ne le dérange
54:47pas du tout, d'ailleurs il va être chargé
54:49en secret par Clotilde,
54:51la femme de Clovis, il va être envoyé
54:53à Clovis justement, pour lui donner des
54:55cours de théologie et pour le convertir.
54:57Il va avoir la charge d'instruire
54:59de la foi chrétienne le roi des francs,
55:01il va mener de longs entretiens
55:03avec lui, et il va beaucoup admirer
55:05la personnalité du roi, qu'il considérera
55:07comme le gardien de la patrie
55:09et l'ultime rempart contre les païens.
55:11Toute son énergie, tous ses efforts
55:13vont être consacrés à faire
55:15de Clovis le nouveau Constantin.
55:17Ça ne va pas être une masse à faire,
55:19leurs entretiens, leurs conversations ne vont pas
55:21être tout de suite très concluants,
55:23Clovis, vous le savez, est un roi païen
55:25avec un état d'esprit, une mentalité païenne
55:27pour lui, un dieu, un nouveau dieu
55:29qui puisait, doit être puissant, doit lui apporter
55:31des richesses, la victoire, etc.
55:33Ainsi, par exemple, lorsque le fils
55:35aîné de Clovis, qui avait pourtant
55:37été baptisé, meurt, et bien
55:39Clovis juste que Dieu laisse mourir
55:41les innocents, laisse mourir les baptisés,
55:43les fils de roi, donc il juste ce dieu
55:45peu satisfaisant, on va dire.
55:47Mais Clovis va persister, il va même
55:49avoir recours à un ermite germanique
55:51qui s'appelle Vast, pour lui
55:53enseigner la foi chrétienne dans sa propre
55:55langue, il parle latin, mais là
55:57avec sa propre langue, pense-t-il, ça va être
55:59plus facile à appréhender. C'est finalement
56:01le spectacle des malades guéris
56:03sur le tombeau de Saint-Martin
56:05à tour qui va finir de convaincre
56:07Clovis d'adopter définitivement
56:09et sincèrement la foi chrétienne.
56:23...
56:41Evidemment, Rémy a joué
56:43un rôle capital dans cette conversion
56:45et notamment c'était d'autant plus difficile
56:47que se propageait alors à l'époque l'hérésie
56:49d'Arius, qui avait été adoptée par tout un tas
56:51de rois barbares, et la mission
56:53de Rémy, c'était non seulement de convaincre
56:55Clovis d'adopter la foi chrétienne
56:57mais aussi de le maintenir dans la stricte
56:59orthodoxie du concile de Nicée,
57:01l'orthodoxie nicéenne,
57:03pour éviter qu'il ne s'égare dans l'hérésie
57:05d'Arius. C'est ainsi qu'il va aller
57:07jusqu'à présider et diriger lui-même
57:09la cérémonie du baptême de Clovis,
57:11cet événement qui est l'aboutissement
57:13de tout son travail, va lui apporter
57:15un grand prestige. Dans son
57:17testament, il va léguer tous ses biens
57:19à l'église de Reims, évidemment, tous les
57:21biens qu'il avait accumulés jusqu'ici, il a
57:23vraiment forgé cet évêché,
57:25mais il va aussi affranchir
57:27une centaine d'esclaves. Pourquoi seulement
57:29une centaine alors qu'il aurait bien voulu
57:31évidemment les affranchir tous ? Eh bien, parce que
57:33il applique tout simplement la loi
57:35romaine, qui est la loi de l'empereur Auguste
57:37et qui interdit d'affranchir
57:39plus de 100 esclaves à la fois
57:41pour ne pas faire de l'inflation, pour ne pas
57:43faire s'effondrer le cours du marché
57:45des esclaves. Ainsi, on voit qu'encore une fois,
57:47Rémy est doté d'un grand sens
57:49civique, qu'il distingue l'Etat et
57:51l'église, les lois temporelles et les lois spirituelles,
57:53et qu'il a toujours été un trait
57:55d'union entre les deux, à la fois entre
57:57l'Empire romain finissant et le
57:59nouveau royaume franc, mais aussi
58:01entre le domaine spirituel et le domaine
58:03temporel. Il aura évidemment
58:05été contesté, même durant sa vie,
58:07sa longue vie, puisqu'il est mort à l'âge de
58:0996 ans, et certains commençaient même
58:11à s'impatienter un peu.
58:13Pourquoi ? Eh bien, justement, pour son sens
58:15civique, pour son caractère impétueux,
58:17mais finalement, il aura atteint son objectif,
58:19qui est de préserver, coûte que coûte,
58:21l'héritage de Rome.
58:23Merci à tous d'avoir suivi ce nouvel épisode de La Petite
58:25Histoire. On se retrouve mardi prochain
58:27pour un nouvel épisode sur TV Liberté.
58:29Ne manquez pas le rendez-vous, je compte sur vous.
58:31Et tous les vendredis, en audio,
58:33sur Radio Liberté. A bientôt !