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00:007h-9h, Europe 1 Matin. Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le sénateur Les Républicains du Rhône.
00:08Bonjour Etienne Blanc. Bonjour Monsieur Pavlenko. Bienvenue sur Europe 1, vous êtes sénateur, rapporteur aussi de la commission d'enquête sénatoriale sur le narcotrafic,
00:15rapport que vous avez co-écrit avec le sénateur, votre collègue Jérôme Durin, rapport qui était rendu public au printemps dernier, vous y aviez décrit une France submergée par le narcotrafic,
00:25les villes submergées, les campagnes également, les services d'enquête, les forces de l'ordre, mais aussi les prisons, au centre pénitentiaire d'Aix-Luyne, dans les bouches du Rhône,
00:34le personnel débrayé hier pour dénoncer des dysfonctionnements en cascade qui sont bien identifiés, ce sont les brouilleurs de téléphone qui ne brouillent que le voisinage,
00:43les systèmes anti-drone qui sont inefficaces, en passant par la drogue, les lames dans céramique qui passent aisément les portiques de sécurité.
00:50Malheureusement, Etienne Blanc, et ça vous vous en êtes rendu compte lorsque vous avez mené ces auditions pour ce rapport sur le narcotrafic, la prison d'Aix-Luyne n'est pas une exception.
00:59Bien sûr, et les français ne comprennent pas, vous êtes condamné, vous êtes incarcéré, et vous continuez à manipuler, organiser un trafic, pour les français c'est une véritable ineptie,
01:11donc nous avons pointé ça dans notre rapport, nous donnons un certain nombre de pistes de travail, nous disons notamment que pour les narcotrafiquants, il faut un régime carcéral spécifique,
01:21vous ne pouvez pas incarcérer dans le même établissement, trafiquant et non trafiquant, et puis il faut utiliser ces dispositifs dont je vous ai parlé, notamment les systèmes de brouillage,
01:31aujourd'hui ils ne sont pas très opérants, il y a des technologies nouvelles qui permettent de les rendre très efficaces.
01:36Alors sur les brouillages d'ailleurs, vous avez une phrase que j'ai trouvé assez troublante, je cite le rapport,
01:41la commission d'enquête déplore l'insuffisance des informations transmises sur l'imperfection des systèmes de brouillage, laissant sans réponse plusieurs questions.
01:49Arrive-t-il que l'administration pénitentiaire tolère la présence de portables pour ménager ses relations avec les riverains ?
01:55Les brouillages bien sûr.
01:56Pour pouvoir écouter les conversations de détenus restés en lien avec leurs complices, voire pour acheter la paix civile ?
02:02Avez-vous trouvé réponse à ces questions ?
02:04Toujours pas, mais c'est une question que nous sommes posées, comment est-ce qu'on peut accepter ça ?
02:07Comment est-ce qu'on peut accepter de trouver huit téléphones dans la cellule d'un bras ?
02:10Vous voulez dire que délibérés ?
02:12On se pose la question, bien sûr, on se pose la question, parce qu'une fouille, elle devrait permettre de trouver des téléphones,
02:20quoique aujourd'hui ils sont devenus minuscules, ils sont quasiment indétectables, oui c'est compliqué,
02:25mais ce que nous avons dit, c'est que manifestement, il y a un manque de volonté.
02:30Il faut prendre, et c'est le sens de notre rapport, il faut prendre le narcotrafic pour ce qu'il est,
02:36une menace sur notre pays.
02:38Quand on utilise le terme de narco-État, on dit oui, ça c'est les pays d'Amérique du Sud,
02:43jamais la France, attention, c'est ce que nous ont dit les magistrats mexicains quand ils sont venus,
02:48ils ont dit attention, un certain nombre de signes laissent entendre que la France pourrait basculer.
02:53Et bien la prison, c'est un des exemples.
02:55Une chose assez frappante, c'est le portrait qui a été récemment dressé par les enquêteurs du journal Le Parisien,
03:00concernant les boss présumés de la DZ Mafia.
03:03Ils étaient des petites mains de leur gang lorsqu'ils étaient dehors,
03:08ils sont devenus les caïds, les patrons de leur gang, en prison.
03:12C'est l'ascension sociale, l'ascension professionnelle, permise en cellule, Étienne Blanc, c'est ça qui est frappant.
03:18C'est aussi ce que nous avons écrit de manière très précise, le narcotrafic c'est comme une entreprise.
03:23Vous avez un client, c'est le consommateur, et puis vous avez un organisateur,
03:28et cette entreprise elle va prospérer au fil des années, elle va blanchir de l'argent.
03:33Cet argent va devenir de l'argent propre, il va rentrer dans l'économie réelle, donc il provoque des revenus,
03:37et il produit des revenus.
03:39Et à ces revenus, régulièrement, tous les ans, vous ajoutez les produits de narcotrafic,
03:43donc c'est une puissance financière colossale, entre 3 et 6 milliards de chips d'affaires par an,
03:47un résultat net que l'on dit de 3 milliards et demi, vous avez dit,
03:51et M. Bruno Le Maire, le ministre de l'économie,
03:54donc c'est des sommes absolument gigantesques, avec ces sommes, vous pouvez corrompre, vous pouvez organiser,
03:58vous pouvez vous donner les moyens, depuis le fond de votre cellule, de continuer votre trafic.
04:05Alors justement, vous avez évoqué Mohamed Amra, on se rappelle son évasion spectaculaire en Normandie,
04:10laissant sur le carreau deux surveillants pénitentiaires,
04:15tous les gardiens de prison pensent à leur collègue tombé ce jour-là,
04:20il y a aussi un phénomène qui passe un peu plus inaperçu, mais très inquiétant,
04:22que vous avez pu étudier en profondeur, Etienne Blanc, ce qu'on appelle les évasions judiciaires.
04:27Qu'est-ce que c'est ça ?
04:28Les évasions judiciaires, c'est un système qui permet d'utiliser une procédure judiciaire,
04:36par exemple une demande de mise en liberté, et de corrompre un greffier,
04:41et le greffier ne fait pas les formalités nécessaires.
04:43Donc c'est la corruption dans nos institutions, et dans l'institution maire,
04:48parce que la justice, c'est l'origine de l'organisation de notre société.
04:51Donc nous savons aujourd'hui qu'un certain nombre de greffiers,
04:55dans des tribunaux, mais aussi dans des lieux de détention,
04:58ont volontairement omis d'effectuer des formalités pour faire tomber une procédure,
05:03et quand la procédure tombe, c'est évidemment la remise en liberté.
05:06On provoque la nullité en refusant de transmettre un courrier, en perdant une lettre, ce genre de choses ?
05:12On n'effectue pas une formalité, on la cache, et à partir de ce moment-là, la procédure tombe.
05:18Vous avez dit au début de cet entretien, Etienne Blanc,
05:20il faut repenser le système pénitentiaire, séparer les narcotrafiquants du reste de la population qui est en prison.
05:27La prison idéale pour les narcotrafiquants, elle est où ? Elle ressemble à quoi, Etienne Blanc ?
05:32Est-ce qu'il y a des modèles dans le monde dont on pourrait s'inspirer ?
05:34Oui, aux Etats-Unis, il y a des prisons qui sont des prisons extrêmement longues,
05:39vous n'avez aucun contact avec l'extérieur, les visites sont limitées,
05:43les fouilles des personnes qui rentrent en prison sont amplifiées,
05:47et puis il y a une surveillance régulière, une surveillance bien sûr par vidéo,
05:51mais aussi des fous, il y a des détectés, elle est loin de tout, elle est souvent hors les murs des villes.
05:57Vous avez parlé tout à l'heure de Marseille, le brouillage, il est compliqué,
06:00parce que quand vous brouillez la prison, vous brouillez les voisins.
06:02Les voisins sont insatisfaits, ils font des pétitions, etc.
06:06A travers votre question se pose la question fondamentale, est-ce qu'aujourd'hui on a pris conscience du risque ?
06:14Et vous pensez que non ?
06:16Et moi aujourd'hui, avec Jérôme Durin, et c'est le sens de notre rapport,
06:19nous avons dit attention, on n'est pas à la hauteur.
06:21On n'a jamais autant parlé d'un rapport sénatorial sur le trafic de drogue quand même, Étienne Blanc.
06:26Il y a eu une prise de conscience, vous ne le pensez pas ?
06:28Il y a eu une prise de conscience, et puis je crois qu'il faut saluer le travail du Sénat.
06:31L'institution sénatoriale, c'est une institution dans laquelle on se parle.
06:35Il y a un souci, on travaille sur l'intérêt général, on ne se dispute pas.
06:39Durin est socialiste, moi je suis républicain, et on a déposé un rapport commun.
06:44Sur les sujets graves, le Sénat, c'est l'institution dans laquelle on peut apporter des réponses solides.
06:50Coup de pub pour le Sénat au passage, vous avez bien raison.
06:52Merci beaucoup Étienne Blanc.
06:54C'est moi qui vous remercie.
06:55Sénateurs, les Républicains, Duron, sur toutes ces questions de sécurité, la prison, on y reviendra évidemment à 8h10, je vous rappelle.
07:00Bruno Rotailleau, ministre de l'Intérieur, sera l'invité de Sonia Mabrouk.
07:03Bonne journée Étienne Blanc.
07:04Merci.

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