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"C'est un acte de domination qui passe par le sexe et qui vous détruit."

L'actrice Emmanuelle Béart a révélé avoir été victime d'inceste pendant son adolescence. Dans le documentaire "Un silence si bruyant" coréalisé avec Anastasia Mikova, elle recueille les témoignages de quatre victimes pour tenter de briser le tabou. Elles racontent.

Le film documentaire "Un silence si bruyant" réalisé par Emmanuelle Béart et Anastasia Mikova sera diffusé sur M6, dimanche à 23h.

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Transcription
00:00L'inceste, c'est tout un mécanisme
00:03pour écraser la personne. C'est un acte sexuel, c'est un acte de domination
00:09qui passe par le sexe et
00:11c'est quelque chose qui vous
00:14qui vous détruit.
00:23J'ai 11 ans.
00:25C'est la nuit, j'en suis sûre.
00:28Tu déchires mon sommeil comme tu déchires sans bruit aucun ma chemise de nuit.
00:33Comme si cet arrêt dans le temps,
00:35ce silence polaire te laissait tout l'espace.
00:39Et comme si déjà il était inscrit que personne ne témoignerait jamais.
00:42Moi, quand ça m'est arrivé,
00:44le mot inceste n'existait pas,
00:47plainte n'existait pas. Pourquoi c'est important que les adultes qui ont
00:51traversé ça prennent la parole ? Parce que
00:53parce qu'ils ont
00:56ça fait de tels dégâts chez eux
00:58que dans le fond, ça peut faire des dégâts sur leurs descendants aussi.
01:01C'est important que les adultes puissent
01:04donner quelque chose de sain à leurs enfants.
01:14C'est la première fois que tu rencontres une adulte qui
01:18qui l'a vécu aussi ?
01:20Je ne sais plus. Peut-être, ouais.
01:22On ne la rencontre pas tous les jours non plus, heureusement.
01:24Oui, oui, heureusement.
01:26Moi, peut-être. Je ne sais plus, en fait.
01:29En tout cas, moi, c'est la première fois que
01:32que je rencontre
01:35une enfant qui a à peu près le même âge que j'avais moi
01:39quand ça a commencé.
01:40Oui.
01:41Et c'est vrai que ça me...
01:45ça m'émeut.
01:46Tu sais, en voyant notre film,
01:48il y a des gens, peut-être, qui sont encore dans le déni
01:52parce qu'on peut vivre toute une vie dans le déni.
01:54Peut-être que s'il y a des gens qui s'autorisent déjà
01:57à se l'avouer à eux-mêmes avant même de parler aux autres,
02:01ça serait déjà formidable, ça serait déjà très fort.
02:03Dans notre documentaire,
02:05on a un témoin, un de nos témoins, qui dit
02:09« Mais moi, si on m'avait dit, si le docteur m'avait dit
02:13« Mais pourquoi autant de cystites ? », j'aurais tout lâché.
02:15Si le directeur m'avait dit « Pourquoi une telle violence ? »,
02:18j'aurais tout dit.
02:19Parce qu'aujourd'hui, on ne repère pas assez tôt les enfants.
02:24On n'empêche pas que ça arrive.
02:25Donc on se retrouve effectivement avec 160 000 enfants
02:29abusés chaque année.
02:30Un enfant, toutes les trois minutes,
02:34violé.
02:36Donc 80 % dans le cercle familial.
02:40Voilà, les chiffres sont hallucinants.
02:43Quand il fait jour à nouveau, tout semble intact.
02:46Comme si de rien n'était.
02:49Et si mon père, ma mère, mon école, mes amis ne voient rien,
02:54c'est que tout peut recommencer.
02:57Et tu recommenceras pendant quatre ans.
03:02Aujourd'hui, les séquelles restent plantées là, dans mon ADN.
03:06Mes nuits sont blanches, les unes après les autres.
03:10Je hurle dans le silence comme des milliers d'autres
03:12que personne n'entend.
03:14Ce qui se passe, et c'est ce qu'on a compris aussi
03:16en parlant avec des spécialistes,
03:18c'est que le cerveau, pour te protéger de cette horreur
03:21que tu vis dans l'enfance, pour que tu continues à vivre,
03:23il disjoncte.
03:25Il disjoncte et ça crée une sorte de vide.
03:28Il y a quelque chose qui est comme...
03:30anesthésié.
03:31Voilà, c'est anesthésié.
03:32Il y a une sorte d'anesthésie émotionnelle
03:35et qu'on retrouve chez beaucoup de nos témoins
03:38et dans lequel je me reconnais totalement.
03:41On oscille entre une volonté profonde d'oublier
03:46et en même temps, quelque chose qui ne vous lâche pas.
03:48Qui ne vous lâche pas avec des flashs,
03:51avec des choses très incisives et très profondes
03:55et très ancrées dans le corps et dans l'esprit.
03:58Donc, c'est toujours tout ce dialogue avec soi-même déjà
04:01qui, dans un premier temps, avant même qu'on prenne la parole
04:04et qu'on dise aux autres,
04:06déjà se dire à soi-même, se dire mentalement.
04:09Donc, se dire mentalement, ça veut dire le penser.
04:11Ça veut dire l'accepter.
04:16L'idée pour nous, c'est évidemment de s'adresser
04:18aux 10% de la population qui l'ont vécu
04:21et on espère qu'ils vont aussi peut-être se dire
04:24si elle, elle a pu parler.
04:26Si Pascal, si Norma, si Joachim,
04:28si Sarah et sa fille dans le film ont réussi à parler,
04:30c'est que peut-être moi aussi, je peux m'autoriser à parler.
04:33Mais c'est aussi s'adresser aux 90 autres pour cent de la société,
04:37de la population, donc à nous tous
04:39et de se dire, mais voilà, ces gens-là,
04:41ils sont dingues, ils sont dingues.
04:43Et de se dire, mais voilà, ces gens-là,
04:45ils sont dans nos familles,
04:46ils sont pas quelque part loin de nous,
04:48ils sont parmi nous.
04:49Qu'est-ce qu'on fait avec ça ?
04:51Pour arriver à ce procès,
04:52il a fallu qu'on me fasse des analyses psychiatriques
04:54pour savoir si je mentais pas.
04:56On vous demande d'avoir des preuves.
04:59Alors ça, quand on m'a demandé si j'avais des preuves,
05:05j'ai vraiment eu envie de leur répondre.
05:06Quatre, trois ans, j'ai pas pensé à récupérer ma culotte
05:08pour leur montrer qu'on avait percé l'hymen.
05:12Mon grand-père a eu une peine moins lourde
05:14que quelqu'un qui aurait volé une voiture.
05:17Donc il a pris six mois avec sursis
05:19et des dommages à intérêt.
05:21Cette injonction à parler,
05:24elle est très bien, mais si tout le système autour
05:27est prêt à recevoir cette parole,
05:29si le système judiciaire, si l'école,
05:31l'éducation nationale,
05:32enfin c'est toutes les forces vives
05:34qu'on doit engager pour entendre cette parole.

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