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"Heureusement que ça n'appartient pas qu'aux femmes, de savoir regarder les femmes."
Son parcours "alambiqué", son rapport à la critique, le choix des réalisateurs… À l'occasion de la sortie de son nouveau film "Rien à perdre", notre journaliste Cécile Guthleben a rencontré l'actrice Virginie Efira pour revenir avec elle sur sa carrière.
Transcription
00:00Tu veux tourner avec Paul Verhoeven,
00:01ben commence par présenter le lit de parade en Belgique.
00:03Et heureusement que ça appartient pas qu'aux femmes
00:04de savoir regarder les femmes.
00:05Faut pas chercher le personnage
00:07parce qu'il se cache pas sous le tapis ou derrière l'armoire.
00:09C'est pas, ah tu joues bien ou tu joues mal,
00:11ça existe pas ces trucs-là.
00:12Est-ce que vous avez ou est-ce que vous avez eu
00:14à un moment donné un plan de carrière ?
00:16Ah non, bah non, franchement.
00:18Tu veux tourner avec Paul Verhoeven,
00:20ben commence par présenter le lit de parade en Belgique.
00:22Et puis il y a de nouvelles stars.
00:24Non, mais rien qu'elle est...
00:26Non, heureusement aussi,
00:27il est très alambiqué quand même le plan de carrière.
00:30Non, non, bah non.
00:31J'aurais bien aimé, plus jeune, me dire
00:34alors je sais qu'il faut faire ci, ça, ça,
00:35à votre route, elle croise la peur, le machin,
00:38un échec, du coup, qui reliante à un autre endroit,
00:42qui fait en sorte qu'on s'adapte aux choses.
00:44En revanche, on peut garder des désirs, des rêves,
00:48une envie de quelque chose.
00:49Se dire qu'elle a...
00:50Mais je pouvais pas me dire, moi, mon plan de carrière,
00:53c'est vraiment, il faut que j'arrive à faire du cinéma,
00:55du coup je serais pas passée par la télévision.
00:57Vos quatre derniers films,
00:58c'est des films qui ont été réalisés par des femmes.
01:00Est-ce qu'à un moment donné,
01:01il y a eu une volonté consciente de votre part
01:03de travailler avec des femmes ?
01:04Non, pas du tout.
01:06Non, de travailler avec quelqu'un qui sait regarder les femmes,
01:10oui, heureusement que ça appartient pas qu'aux femmes,
01:11de savoir regarder les femmes.
01:14Et puis, j'aurais pas du tout envie d'essentialiser le regard féminin.
01:17Genre, les femmes regardent d'une manière, les hommes d'une autre,
01:20ou il y a une seule manière de regarder qu'on est une femme.
01:22Donc non, non, je me suis jamais dit...
01:25Mon Dieu, il s'appelle Charlie,
01:26mais Charlie comme un homme ou comme une femme ?
01:27Comme un homme ? Allez, dans la poubelle.
01:29Non, ce qu'il y a, c'est qu'aujourd'hui,
01:31il y a beaucoup, beaucoup plus de réalisatrices en France,
01:36mais beaucoup plus de réalisatrices dans un cinéma d'auteur,
01:38donc un cinéma plus libre et moins financé aussi.
01:43Et peut-être qu'à cet endroit-là, il y a plus d'histoires,
01:46vu qu'il y a plus de libertés qui peuvent aussi me toucher.
01:50Donc c'est, voilà, le rapport que j'avais trouvé avec Justine Trier sur Victoria,
01:53c'est-à-dire quelque chose où on fait corps avec l'autre
01:55pour essayer d'inventer quelque chose m'a intéressée
02:00et qu'il y a peut-être inconsciemment une envie de reproduire cette chose-là
02:05ou de la travailler avec d'autres.
02:08Justement, vous parlez Justine Trier,
02:09on a beaucoup dit que ce film-là, c'était Victoria,
02:11c'était un tournant dans votre carrière.
02:13Vous l'avez vécu comme ça ?
02:14Vous l'aviez senti que ça pourrait être un tournant avant de le faire ?
02:17Oui, mais je l'ai en fait pas du tout senti sur la résonance des autres,
02:20mais sur ma propre résonance à moi.
02:22En fait, c'est la seule qui compte.
02:23Enfin, sauf si vous êtes persuadée que vous êtes géniale
02:25et que tout le monde vous dit « rentre chez toi »,
02:27bon là, il y a un petit problème.
02:28Mais non, j'avais senti en moi qu'il y avait quelque chose-là
02:31dans une façon de travailler.
02:33De nouveau, c'est pas « tu joues bien ou tu joues mal »,
02:35ça n'existe pas ces trucs-là,
02:36mais dans une façon de travailler,
02:38un accès à des choses nouvelles, dans le rapport aux réalisateurs et tout ça,
02:44que je me dis « je ne pourrais pas faire les choses comme avant ».
02:47C'est là où on sent qu'on a appris quelque chose,
02:50on a découvert quelque chose
02:51vraiment dans le rapport d'un acteur au metteur en scène,
02:56et donc à soi-même aussi.
02:58Et après, la résonance qui fait qu'effectivement,
03:01j'ai eu beaucoup plus de scénarios,
03:03mais je veux dire, de drames, des choses plus diversifiées,
03:06ça s'est venu après,
03:09ça a coïncidé à ce que j'avais ressenti,
03:10mais ça, c'est un heureux hasard.
03:12Tel film de Logée, la réalisatrice de « Rien à perdre »,
03:15dites-vous que vous réfléchissez avec vos doutes avant chaque scène ?
03:20Qu'est-ce que ça veut dire ?
03:21Moi, je ne sais pas moi.
03:26C'est mieux de réfléchir avec des doutes déjà qu'avec des certitudes quand même, non ?
03:30Et on n'est pas sûr de savoir, heureusement,
03:32la bonne manière de faire les choses,
03:33mais dans la vie aussi, c'est quoi une bonne manière de faire les choses ?
03:35Mais de jouer, ça, je suis certaine qu'il n'y a pas une bonne manière d'arriver à...
03:40à se dire « c'est comme ça que ça doit être ».
03:42Donc j'aime bien l'idée de chercher, quoi.
03:44Oui, vous cherchez toujours, même quand vous êtes sur le plateau en tournage,
03:47vous continuez à chercher votre personnage ?
03:48Ah oui, c'est possible.
03:50Chercher le personnage, parce qu'il ne se cache pas sous le tapis ou derrière l'armoire, quoi.
03:54Donc je ne cherche pas le personnage,
03:56mais je cherche à trouver quelque chose qui se construit avec les gens qui sont autour,
03:59vos partenaires, mais aussi l'atmosphère générale, enfin...
04:04Parfois, on peut être surpris, en fait,
04:05si on est vraiment dans une écoute de l'autre et tout,
04:08il y a des choses nouvelles qui arrivent,
04:10et puis c'est intéressant, puis peut-être on peut les creuser.
04:12Puis il y a d'autres films où il n'y a pas trop ce temps de recherche,
04:15et on essaie de faire une proposition forte directement,
04:19mais l'idée qu'il y aura un endroit où la scène réussie est ratée,
04:23ou qu'il faudra atteindre exactement ça,
04:25c'est comme si on prévoyait déjà que cette interview,
04:28là, il faudra vraiment que je sois dans cette interview très posée,
04:31très intelligente et en même temps sympa, aimable,
04:33c'est le meilleur moyen de ne pas l'être, quoi.
04:35On voit ce qui arrive, et comme jouer, c'est être dans l'instant présent,
04:38il faut faire avec les composantes qui sont face à vous, quoi.
04:42Est-ce que l'avis de la presse, ça vous importe ?
04:45Est-ce que les critiques, vous les lisez ?
04:46Oui, je lis toutes les critiques.
04:48Je lis tout sans que ça m'affecte trop.
04:50C'est comme si on parlait de quelque chose qui ne m'appartient pas.
04:54Si je vois un truc négatif, je me dis,
04:55peut-être qu'il y a une vérité là-dedans, il ne faudrait pas la repousser.
05:01Et les critiques positives, il faut mettre comme une distance,
05:05il faut le voir de manière globale,
05:07c'est-à-dire que la direction que tu prends n'est pas trop naze,
05:11mais si tu mets à croire vraiment parfois des choses sympathiques,
05:16comme à un moment, on ne le dira plus de toi,
05:18il ne vaut mieux pas trop s'y attacher dès le départ
05:19ou ne pas croire que ça représente une vérité.
05:22Ça donne une orientation.
05:24Mais souvent, l'acteur, il n'est quand même pas grand-chose
05:29s'il n'est pas regardé, s'il n'y a pas un texte déjà qui est intéressant
05:32et s'il n'est pas regardé de manière intéressante aussi.
05:35Donc ça relativise aussi ce qu'on pourrait dire de positif.
05:39Tu sais bien que c'est quelque chose de...
05:41Donc tu ne peux pas non plus te sur-emballer.
05:44Et le César, vous vous sur-emballez ?
05:47Non, mais alors il ne faut pas tomber dans l'excès inverse non plus.
05:49Genre trop la distance.
05:51On ne vient pas chercher une cafetière d'espresso quand même.
05:56Parce que je me souviens, je me suis fait engueuler en Belgique
05:57parce que j'ai dit « Ah, c'est chouette ! »
05:59On m'a dit « C'est chouette ! »
05:59On m'a fait dire que tu allais chercher ta cafetière d'espresso.
06:02J'ai repris mon machin.
06:05Parce qu'en Belgique, le « c'est chouette » est vraiment un peu léger.
06:08Non, alors pour essayer justement de ne pas te reprendre une distance,
06:12parce que c'est vrai que moi, je regardais les Césars quand j'étais petite
06:15et ça avait une importance vraiment, je ne sais pas pourquoi, mais non.
06:18Du coup, quand on en reçoit un, on est obligé de se dire
06:21« En fait, non, ça ne compte pas trop, sinon je ne pourrais pas en recevoir. »
06:25Enfin, tu vois, on relativise les choses.
06:27Sinon, enfin bon...
06:30Et pourtant, je me suis fait une piqûre de rappel comme ça,
06:33au moment où ça s'est dit, de ce que ça représentait pour moi
06:36quand j'avais 15 ans.
06:37Parce que c'est chouette aussi, en fait, de pouvoir ressentir...
06:41Mais après, le sentiment de dire « Quel chemin parcouru sur vous-même ? »
06:45Non, enfin...
06:47Par exemple, Cannes, moi, je déplace toujours pour avoir une émotion sur quelqu'un d'autre.
06:50C'est plus facile.
06:51On ne peut pas se galvaniser de soi-même.
06:53On peut pas se dire « C'est comme fou d'être là, merde. »
06:56Ça me...
06:57Ouais ?
06:57Ben non.
06:59Ok.
07:00Bon, c'est pas... C'est impossible, quoi.
07:03Je sais pas, moi, ça m'est arrivé de me dire « Ah oui, quand même, je suis là, c'est fou. »
07:06De regarder de là d'où je viens, puis de me dire « Ah oui... »
07:09Oui, alors un étonnement, un étonnement.
07:11Un étonnement.
07:12Oui, un étonnement, j'entends.
07:14Ouais, ouais.
07:14Mais une émotion...
07:17De...
07:19Une sorte de félicitation de soi, ça, bof, quoi.
07:22Mais...
07:23Oui, un étonnement.
07:24Voilà, c'est ça, en fait, ce que je cherchais.
07:25C'est exactement ça qu'il faudrait essayer de garder, un truc d'étonnement.
07:28Parce qu'il faut mettre à distance.
07:30On dit « Bah, allez, si je le reçois, c'est que ça doit pas compter tant que ça. »
07:34Tu vois, il reste toujours des résidus d'un complexe, quelque part.
07:43Mais c'est surtout que j'aurais pas tellement dans cet endroit-là, en fait,
07:46ce qu'on me donne ou ce qu'on me donne pas.
07:48C'est un peu extérieur.
07:49Ouais.
07:50Si tu suis une route de qui je rencontre et qu'est-ce que j'ai envie de faire avec cette personne et tout ça,
07:55là, c'est vivant, en fait.
07:57C'est... Voilà.
07:59Et puis après, ça te mène à tel ou tel endroit, mais...
08:02C'est pas parce que c'est cet endroit-là qu'il est plus marrant qu'un autre, en fait.
08:06Il faudrait presque pas s'en occuper.
08:08Ça va, ça ? C'était compréhensible ?
08:10Ouais, ouais.
08:10Ah, je suis tellement nice.

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