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Depuis plusieurs mois, le directeur de casting Stéphane Gaillard reçoit de nombreux témoignages d'acteurs qui révèlent avoir été victimes d'agressions sexuelles. Auditionné à l'Assemblée nationale, il raconte l'omerta qui règne dans le milieu du cinéma.

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Transcription
00:00Sur mon compte Instagram, je reçois des messages d'acteurs, un en premier,
00:05me disant Stéphane, est-ce que j'aimerais te parler ?
00:08Un acteur que je connais, qui est un agent, etc.
00:11J'ai bien vu qu'il y avait quelque chose d'important.
00:13Ce n'était pas quelque chose de l'intime.
00:15Je lui ai dit, écoute, oui, voilà mon numéro de téléphone, tu peux m'appeler.
00:19C'est le premier témoignage que j'ai reçu.
00:22Il m'a raconté l'agression sexuelle dont il a été victime par un agent.
00:27Je pense qu'il y a eu un bouche à oreille qui s'est fait très vite.
00:30Les acteurs et les artistes se parlent en disant,
00:33il y a un endroit, il y a quelqu'un, il y a Stéphane à qui tu peux parler.
00:36Un deuxième témoignage est arrivé, un troisième, un quatrième,
00:39jusqu'à huit témoignages.
00:41À ce moment-là, je me suis dit,
00:43houlala, huit témoignages, c'est beaucoup en très peu de temps.
00:46Je me dis, il faut absolument que ces témoignages, je les centralise quelque part.
00:50Je crée à ce moment-là l'adresse MeTooActeurs à Gmail.com.
00:55La moyenne d'âge des agressions des acteurs qui se font agresser dans le cinéma
00:59est entre 18 et 30 ans.
01:02Quand ils sont mineurs, puisque j'ai eu des témoignages
01:05d'acteurs qui ne sont plus mineurs aujourd'hui mais qui se sont fait agresser sexuellement,
01:10voire violer dans le cinéma,
01:13la moyenne d'âge est entre 15 ans et 17 ans.
01:16Il y a une petite différence entre les agressions et les viols chez les mineurs et chez les majeurs.
01:21Chez les mineurs, lorsqu'il y a une agression sexuelle ou un viol,
01:24cela se passe toujours sur un tournage, lors d'un tournage.
01:29En ce qui concerne les acteurs majeurs, entre 18 et 30 ans,
01:33cela ne se passe jamais sur un tournage.
01:36Là, nous avons affaire à des prédateurs, c'est-à-dire une agression isolée, ça n'existe pas.
01:40Tous les récits se recoupent.
01:42C'est une multiplication à l'infini d'agressions sexuelles ou de viols.
01:47Par tout un corps de métier, il y a des acteurs connus,
01:51il y a des directeurs de casting, il y a des réalisateurs,
01:54il y a des producteurs, il y a des agents,
01:57il y a des attachés de presse, il y a des photographes,
02:00il y a des auteurs de théâtre, il y a des metteurs en scène de théâtre.
02:05Tous les récits que je reçois sont extrêmement détaillés,
02:09extrêmement circonstanciés, ils sont très longs.
02:14On me cite des phrases que la victime a dit,
02:16on me cite des phrases que l'agresseur présumé a dit,
02:19on me donne des lieux, des endroits, ça fait 28 ans que je fais ce métier,
02:22on me donne des appartements et il y a des fêtes.
02:25Je reconnais l'appartement.
02:26Je vais vous dire aujourd'hui, j'en suis arrivé lorsque je reçois un témoignage,
02:29je n'ai même pas lu la fin que je sais déjà de qui il s'agit.
02:32Parce que je connais chaque prédateur à un système de prédation extrêmement bien rodé.
02:36Les témoignages que je reçois, il y en a des prescrits et des non-prescrits,
02:40ça peut remonter jusqu'à une vingtaine d'années.
02:43Par contre, il y a une chose, c'est que l'ensemble des prédateurs sont toujours en activité.
02:48Le milieu du cinéma est extrêmement petit, tout le monde adore parler,
02:52tout le monde adhère à dire, je te dis quelque chose mais ne répète pas,
02:55tout est répété, tout le monde le sait.
02:57Je voudrais te dire une chose, que l'ensemble de ces prédateurs
03:00sont assurés de leur impunité parce qu'ils ont des alliés.
03:06On ne peut pas agresser autant, sur autant d'années, sans qu'il y ait des alliés.
03:15Alors il y a des alliés directs et des alliés indirects.
03:18Il y a des alliés directs qui sont des agents et des agentes
03:22qui silencient leurs clients et leurs clientes.
03:26Encore aujourd'hui.
03:29Il y a aussi des directeurs de casting et des directrices de casting
03:34qui silencient les victimes et qui protègent les agresseurs.
03:37Et il y a aussi tout un pan, peut-être le plus important et catastrophique finalement,
03:42qui silencie et qui laisse place à une impunité totale,
03:46c'est-à-dire celle et ceux qui détendent la tête.
03:49Je ne sais pas, je ne sais rien, je ne veux rien savoir.
03:52Un réalisateur césarisé, M. Azavanitius, nous a dit qu'il n'y avait pas d'Omerta
03:58et qu'il y avait eu des sujets et que ça s'améliorait.
04:03Et c'est vrai, on ne peut pas...
04:06Ce qui se passe maintenant est aussi parce que les choses changent.
04:10Mais pensez évidemment à ce que vous nous dites,
04:14il y a une Omerta terrible et il y a un système.
04:17Mais la question que je vous pose, c'est est-ce que ce système est organisé ?
04:21Ou est-ce que c'est un système où on se cache un peu, on ne regarde pas ?
04:27Ou est-ce que c'est organisé ?
04:30C'est confus ma question, mais parce que nous sommes un peu dans une confusion.
04:34Je dois avouer.
04:36C'est intéressant parce que je me suis évidemment posé la question.
04:40Cette Omerta, cette loi du silence, je pense qu'elle remonte.
04:43Il faudrait travailler avec une sociologue et même un historien, une historienne du cinéma.
04:47Le cinéma c'est l'image, il faut donner une bonne image.
04:52Peut-être. En tout cas, structurellement, dans les fondations mêmes, les racines mêmes du cinéma,
04:59l'Omerta est là. La loi du silence est là.
05:03Tu parles, tu payes, tu es éjecté, au revoir.
05:07C'est une réalité. C'est une réalité. J'en suis la preuve vivante. C'est une réalité.
05:1428 ans de métier, mon téléphone arrête de sonner instantanément.
05:19C'est-à-dire que le corps cinéma, comme un corps organique, réagit de manière organique,
05:27dans son entièreté, et par mimétisme, même des gens formidables qui n'ont rien à se reprocher.
05:33Je deviens moi. Radioactif, on m'appelle...
05:39Je crois que c'est Judith Godrej qui vous a dit qu'elle était radioactive.
05:42Moi on me dit, on me reporte puisque je ne parle plus à personne.
05:46Je suis Openheimer. On me dit Stéphane Gaillard est infréquentable.
05:51Stéphane Gaillard est devenu dangereux. Il faut débrancher Stéphane Gaillard.
05:55Stéphane Gaillard est fou, etc.
05:58Comment on fait exploser cette loi du silence ?
06:02C'est une question qui m'obsède, M. le Président.
06:05J'avoue qu'elle m'obsède aussi.
06:07Elle est très compliquée à répondre.
06:09Je vous dirais que ce métier, ce territoire, est construit et ne fonctionne que par cooptation,
06:18que par réseau, que par interdépendance, que par conflit d'intérêt, que par intérêt commun.
06:25C'est le socle même de l'existence du cinéma.
06:28Je pense que ce socle, on ne peut pas le détruire.
06:31Il est indestructible. Il est tellement enraciné.
06:35Je ne pense pas que le cinéma puisse s'auto-réguler lui-même.
06:42Ce n'est pas possible.
06:46Il me semble peut-être, je n'ai pas les sens infuses, mais peut-être que le CNC crée une instance totalement indépendante,
07:02totalement indépendante, qui serait, je n'aime pas tellement ce mot, mais gendarmes du cinéma.
07:11Les membres ont une totale indépendance pour réguler ce système.
07:18Il y a trop de conflits d'intérêt.
07:20Même les gens que vous avez reçus qui ont la plus grande sincérité dans leur démarche,
07:25il y a un moment, ils ne dépasseront pas parce qu'eux, ils se mettraient en danger.
07:29Donc, il y a un plafond qui arrive très vite et je le comprends très bien.
07:33Qui voudrait être à ma place aujourd'hui ? Personne.

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