"Ma boîte mail est devenue le #MeToo des armées…"
Après avoir demandé l'ouverture d'une enquête sur les agressions subies par une jeune recrue de la Marine, la députée Laetitia Saint-Paul a reçu de nombreux témoignages dénonçant des faits similaires. Elle raconte.
Après avoir demandé l'ouverture d'une enquête sur les agressions subies par une jeune recrue de la Marine, la députée Laetitia Saint-Paul a reçu de nombreux témoignages dénonçant des faits similaires. Elle raconte.
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00:00J'ai vraiment lu des horreurs du type.
00:02« De toute façon, t'avais bu un verre, donc pas la peine de porter plainte.
00:05Tu seras jamais crédible.
00:07On peut pas lui en vouloir. Il était amoureux. »
00:09J'ai vraiment eu le sentiment que ma boîte mail professionnelle
00:12était devenue le Me Too des armées.
00:13Et j'ai eu le retour de présidents de catégories qui m'ont dit
00:16« Mais j'ai constaté, j'ai rendu compte, j'ai fait mon devoir. »
00:21Et la réponse qui m'a été faite, c'est « Ouais, bon, elle devait porter un string. »
00:26Est-ce que vous avez vous-même déjà été confrontée à ce genre de situation ?
00:32Oui, j'ai été confrontée pendant ma scolarité,
00:34puisque j'ai fait ma classe préparatoire aux grandes écoles en lycée militaire
00:40au Britannique national militaire de la Flèche
00:42et j'ai intégré l'école spéciale militaire de Saint-Cyr.
00:45Et effectivement, j'ai compris que j'étais rentrée dans une institution
00:50où les comportements déviants étaient plutôt encouragés par l'encadrement,
00:55en tout cas pour la période de formation, avec des élèves triés dans les cases
01:01où c'était normal de ne pas parler aux filles.
01:03Ils pratiquaient ce qu'ils appelaient l'indifférence courtoise,
01:05qui n'avait absolument rien de courtoise.
01:07Tout était fait pour qu'on démissionne.
01:09Ce que je commence à comprendre via tous les témoignages que je reçois,
01:13c'est qu'un chef qui dit qu'il y a eu des problèmes dans son unité
01:18voit sa carrière anéantie,
01:19alors qu'il devrait avoir une lettre de félicitation
01:22pour avoir dénoncé une agression.
01:23Il y a une inversion de la chaîne des valeurs.
01:26– En 2014, le ministère des Armées a créé la cellule Temis.
01:29C'est une cellule qui permet aux personnes victimes de harcèlement sexuel,
01:34de violences sexuelles, de discrimination à caractère sexuel,
01:38de saisir l'autorité hiérarchique compétente pour traiter la situation.
01:42Où on en est ?
01:43– Déjà, vous l'avez présentée, on voit quand même que c'est un peu complexe.
01:46Alors, effectivement, il y a eu l'apparution du livre La Guerre Invisible,
01:50donc j'étais encore en uniforme à ce moment-là,
01:52je me souviens très bien de ce moment.
01:54Et il y a eu une volonté politique absolument totale de Jean-Yves Le Drian,
01:58accompagnée ensuite par Florence Paris, puis par Sébastien Lecornu.
02:03Mais malheureusement, cette cellule est sous-dimensionnée.
02:06Ils ne sont que quatre pour une force civile, militaire
02:09qui avoisine les 300 000 personnes.
02:11Le harcèlement moral n'est pas traité par la cellule Temis.
02:15Donc, il y a quand même beaucoup, beaucoup d'angles morts
02:18concernant les risques psychosociaux dans les armées.
02:21Et c'est encore une cellule interne aux armées,
02:24donc tenue par des militaires.
02:26Donc, je crois que des fois, il faut peut-être mettre un peu de souffle
02:29et peut-être la solution serait de l'externaliser.
02:31Je crois qu'en une semaine, par des biais complètement innovants, spontanés,
02:37on a à peu près reçu un an de témoignages Temis.
02:41– Dans une institution qui reste majoritairement masculine,
02:44avec un système qui est extrêmement hiérarchisé,
02:47comment on fait pour trouver des solutions ?
02:48Ou au moins pour que les femmes osent parler ?
02:50– Le fait de promouvoir ceux qui dénoncent et qui accueillent les témoignages,
02:54qui ne soient pas sanctionnés pour avoir dénoncé.
02:56Sur la façon dont on pense le devoir de réserve,
02:59je tiens à le redire, le devoir de réserve,
03:02ce n'est pas être en uniforme sur une affiche de campagne électorale.
03:05C'est ça le devoir de réserve.
03:07Ce n'est pas, je suis victime ou témoin,
03:09mais du fait du devoir de réserve, je ne témoignerai pas.
03:13Il faut absolument qu'on nous laisse faire cette action
03:16de contrôle de l'action gouvernementale.
03:19Et moi, je vois bien que les directives ministérielles n'infusent pas.
03:24Et moi, j'exige que la loi soit appliquée.
03:27J'ai fait le choix de témoigner et de solliciter le ministre Lecornu des armées,
03:35la ministre Aurore Berger aux droits des femmes,
03:37la présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée, Véronique Riotton.
03:41Et j'ai bien l'intention de ne pas mettre la poussière sous le tapis.