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"Le rêve il est pas arrêté, il est repoussé."
BRUT MENTAL — Alors qu'il était qualifié pour la finale des anneaux aux JO de Rio 2016, une double fracture du tibia l'arrête dans son élan, quelques instants avant son passage. Tout s'arrête alors pour lui, ou presque. Samir Aït Said entame alors une reconstruction physique mais surtout mentale. Il nous raconte son parcours pour revenir en compétition.

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Transcription
00:00Qu'est-ce qu'il y a de plus dur ?
00:01De mettre tous les jours son corps à rudé près.
00:03T'es constamment en train de forcer, forcer, forcer.
00:07Du coup, tu mets tes articulations...
00:12On va dire à rudé près aussi.
00:20J'étais vraiment très très près.
00:21J'étais en lice pour rentrer en finale sur les anneaux et le saut de cheval.
00:26A savoir, le saut de cheval était une de mes spécialités aussi
00:28parce que j'ai fait vice-champion d'Europe.
00:30Donc voilà, je voulais aller décrocher cette médaille aux anneaux et au saut.
00:33Je savais que j'en étais capable.
00:35Je commence aux anneaux, je fais un mouvement très très bien réalisé.
00:41Boum, je me qualifie en finale.
00:42Dix minutes après, une fois qu'on a fini notre passage,
00:45on enchaîne avec les autres agrès.
00:47Et dans l'ordre gymnique, il y a le sol, les arçons, les anneaux.
00:52Et juste après les anneaux, c'est le saut.
00:54Donc je finis mon passage aux anneaux, j'enlève mes maniques,
00:57je mets mon short et on va au saut.
01:00Et là, j'arrive en bout de piste, je cours.
01:04Et en fait, au moment où je tape sur la table de saut,
01:08mes pieds n'étaient pas forcément dans l'axe.
01:10Donc du coup, je n'ai pas réussi à attraper un genou.
01:13Donc j'ai tourné dans le mauvais axe.
01:15Et avec la vitesse, la hauteur, les tapis qui sont durs,
01:21tout le poids est arrivé sur une jambe.
01:25Et la suite, on la connaît.
01:27J'ai eu du mal à réaliser.
01:28Je pensais que c'était vraiment un mauvais rêve,
01:30mais je ne parle pas de l'expression,
01:32parce que c'est vraiment ce que j'ai ressenti.
01:34Je me suis dit non, mais ce n'est pas la réalité.
01:37Et là, en fait, je lève les yeux, je regarde le public,
01:40je vois tout le monde se cacher les yeux.
01:42Je tourne la tête à droite et je vois mes parents.
01:45Et là, à ce moment-là, je les vois apeurés et je leur fais un signe.
01:49Je leur dis ça va.
01:51Et à partir de ce moment-là, je me dis,
01:54bon, écoute, il n'y aura pas de finale.
01:57Je vais me faire opérer, mais ce n'est pas terminé.
02:00Le rêve, il n'est pas arrêté, il a repoussé.
02:03Et il y a pire.
02:04C'est sûr que ce n'est pas beau quand tu tombes nez à nez avec ton os.
02:08Tu te dis bon, ce n'est pas ton moment.
02:11Mais voilà, plus de peur que de mal en vrai.
02:14Combien de temps il a fallu pour que tu te soignes physiquement ?
02:18Combien de temps pour que tu reprennes ?
02:19J'ai mis un an.
02:20Je pouvais reprendre plus tôt, mais j'ai voulu prendre mon temps
02:23parce qu'à ce moment-là, j'étais sur ma dernière année d'études de kiné.
02:27Donc j'avais mon mémoire, j'avais ma rééducation.
02:30Donc j'avais beaucoup, beaucoup de choses à gérer cette année-là.
02:33Et du coup, je me suis dit, je vais prendre mon temps.
02:36L'étape numéro une, c'était déjà de me rétablir,
02:39mais de ne pas être sur mes deux jambes avec une jambe fébrile.
02:42Non, je voulais vraiment avoir les deux jambes vraiment strong.
02:46Ensuite, l'obtention du diplôme.
02:48Le mémoire m'a donné beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail.
02:51Et après, une fois que j'avais eu ça, c'est parti.
02:55Feu pour les compètes.
02:57Et d'ailleurs, tout s'est enchaîné comme je l'ai annoncé,
03:00parce que je me suis rétabli.
03:03J'ai eu mon diplôme de kiné en juillet.
03:07Et en octobre, je faisais ma première Coupe du Monde à Bercy pour mon retour.
03:11Comment tu te sentais à Bercy ?
03:13Est-ce que tu avais une appréhension ?
03:15Pas du tout.
03:16Alors vraiment pas du tout.
03:17J'étais excité.
03:18J'avais qu'une envie, qu'une hâte, c'est de refaire de la compétition.
03:22Je ne suis pas le genre de sportif à m'épanouir qu'à l'entraînement.
03:25J'ai besoin de la compétition.
03:26Je vis pour la compétition.
03:28Si demain, on m'enlève la compétition
03:30pour me dire que je ne fais que des entraînements, je ne peux pas.
03:33Je change de sport.
03:34Je vais faire un autre sport avec des compétitions.
03:35J'ai besoin de la compétition.
03:36J'ai besoin de ce stress.
03:37J'ai besoin de l'adrénaline.
03:38J'ai besoin de me dépasser.
03:40J'ai besoin d'enjeu.
03:41J'ai besoin de ça.
03:42Et comment on se remet mentalement ?
03:46Moi, ça a été.
03:49Ce n'est pas une blessure grave.
03:52Oui, c'est embêtant.
03:53Mais un coup de bistouri, la jambe droite et fin.
03:56Il y a des blessures qui sont beaucoup plus graves.
03:59Ou, voilà, fin de carrière.
04:02Et moi, non, ça allait mentalement.
04:05Ça allait, c'était juste embêtant parce que je n'ai pas pu obtenir cette médaille olympique.
04:10Mais ce n'est pas grave.
04:12Je sais que j'ai encore du temps devant moi.
04:15Je sais que je vais y arriver coûte que coûte.
04:18Coute que coûte quand ?
04:18Je ne sais pas, mais je vais y arriver.
04:20Ça, c'est clair et net.
04:20J'ai cette détermination.
04:23Après, tu sais, quand la tête va, tout va.
04:27Quand la tête ne va plus, c'est là où il faut se poser des questions.
04:30Maintenant, dans le monde de jeu au niveau, il y a toujours des blessures.
04:32Il y a toujours des pépins.
04:34Moi, je fais un sport qui est à risque.
04:36Mine de rien, on n'a pas le droit à l'erreur.
04:38On va tellement haut, on fait tellement d'acrobatie que le jour où ça loupe,
04:45ou comme on dit chez nous, quand ça foire,
04:47et bien, généralement, ça ne pardonne pas.
04:50Ça ne pardonne pas parce que les tapis sont quand même très, très durs.
04:54D'ailleurs, je t'invite à les tester tout à l'heure.
04:57Tu verras.
04:58Mais franchement, non, non, non, je n'ai pas eu d'appréhension.
05:03J'ai même refait du saut en compétition.
05:04Tu as appris des choses de ça, de cette période de ta vie ?
05:07Oui, j'ai beaucoup appris.
05:10Et j'ai aussi vu qui était là dans les moments difficiles, qui ne l'était pas.
05:15Donc ça aussi, ça m'a fait beaucoup apprendre sur mon entourage.
05:18Et surtout, voilà, qu'est-ce qu'il faut mettre en place,
05:21justement, pour éviter certaines blessures,
05:23même si on ne peut pas anticiper des blessures, bien sûr.
05:27Mais voilà, c'est vrai qu'avant, je ne faisais pas trop de travail de prévention.
05:31Aujourd'hui, j'en fais beaucoup.
05:33Et aujourd'hui, je me sens vraiment bien dans mon corps.
05:38C'est ça qui est dingue.
05:39Malgré les années qui défilent,
05:44franchement, je me sens plus fort physiquement aujourd'hui qu'il y a cinq, six ans.

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