DUEL — L'une veut rationner l'usage d'Internet, l'autre estime qu'il faut donner sa chance aux écrans. Addiction aux écrans et perte de temps d'un côté. Outil de conversation et vecteur de culture de l'autre. Ensemble, Najat Vallaud-Belkacem et Julie Neveux, confrontent leurs points de vue.
Et pour vous ? Utile ou dangereux ? Dites-le nous en commentaires.
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00:00Qu'un jour par semaine, on n'ait pas accès à ces écrans, à ce temps sur Internet,
00:06je ne pense pas non plus que ce soit la fin du monde.
00:08Il est temps de sortir de la distinction entre le monde réel et le monde virtuel.
00:13Pour moi, ça ne tient plus.
00:15C'est-à-dire que nos réalités sont augmentées de ces façons de communiquer.
00:21Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre de l'Éducation, des Droits des Femmes
00:27est aujourd'hui engagée dans la vie associative.
00:29Julie Neveu, linguiste.
00:31J'essaie de tempérer tout ce que j'entends passer comme discours alarmiste,
00:36mais qui veut dégrader, qui disqualifie le type de langage qui se développe sur ces plateformes.
00:43Je pense qu'il y a vraiment une emprise des écrans sur nos vies.
00:46Je pense qu'on n'est plus tout à fait maître du temps qu'on leur accorde.
00:51Je pense qu'on en est venu à une forme d'aliénation, d'addiction, je dis volontiers,
00:58dans laquelle finalement les algorithmes vont décider d'eux-mêmes,
01:03enfin plus exactement ceux qui les maîtrisent derrière l'écran,
01:07de combien de temps nos yeux resteront rivés, scotchés à cet écran.
01:11Au détriment de votre vie réelle, de la bande passante de votre vie,
01:15finalement on passe à côté d'énormément de choses.
01:17Le fait qu'on y perde en capacité d'attention sur le reste,
01:21le fait qu'on y devienne les victimes, les sujets de tout un tas de mots
01:26qui ont été démultipliés par le numérique, comme le cyberharcèlement,
01:30comme la tromperie sur information, les fake news et tant d'autres.
01:35Et donc c'est là-dessus que j'attire l'attention.
01:37Même la notion de temps qu'on passe sur les écrans,
01:39je la trouve difficile à penser en bloc,
01:42de même que je trouve assez difficile de réfléchir aux écrans.
01:45Cette formule-là, je trouve qu'elle masque complètement la diversité des usages, des fonctions.
01:50C'est absurde de se focaliser que sur les jeunes.
01:53Et d'ailleurs, la façon dont on fait des raccourcis, c'est complètement dingue.
01:58J'ai l'impression qu'on navigue entre le cliché du digital natif,
02:01donc le bébé il naît et puis il sait déjà taper des SMS,
02:06ou alors le crétin digital.
02:08Donc soit il est abruti, soit il est hyper expert,
02:10mais en fait la plupart des jeunes sont juste comme les adultes,
02:12c'est-à-dire dans des ambivalences, dans des apprentissages,
02:16et avec plein d'activités de rapport aux écrans qui sont diversifiées.
02:20Si on commence à distinguer un petit peu, il y a quand on s'informe,
02:23donc la fonction toute bête d'information,
02:25que j'aimerais distinguer de la fonction de divertissement
02:29et peut-être de captation de l'attention.
02:31Et puis il y a la fonction de communication.
02:32Il y a beaucoup d'individus qui, dans une situation d'il y a 40 ans,
02:36auraient souffert de discrimination, de solitude,
02:38qui trouvent à satisfaire une sociabilité sur ces nouveaux espaces.
02:44Et puis il y a la vraie conversation qu'on a sur tous les réseaux sociaux
02:47avec nos proches, c'est-à-dire les sociologues montrent
02:49que la plupart des conversations qu'on a sur les réseaux sociaux comme WhatsApp,
02:53c'est des conversations avec des gens qu'on connaît déjà,
02:55donc c'est une forme de continuité.
02:56Moi je pense quand même que ça a introduit une espèce de distorsion réelle,
03:00par exemple dans le rapport à la sexualité des jeunes générations,
03:04une surexposition à l'imagerie porno qui distorte,
03:10complètement, l'appréhension que ces jeunes générations ont
03:14de cette relation sexuelle.
03:16Elles ont eu accès où à ce porno ?
03:17Évidemment sur les petits écrans.
03:19Plus le temps passe et plus je perçois que le vrai sujet,
03:22c'est les smartphones en fait.
03:24Parce qu'on ne peut pas mettre sur le même plan un écran d'ordinateur,
03:27d'ailleurs qu'il soit fixe ou portable,
03:29sur lequel l'activité, le temps d'activité,
03:32quel qu'il soit, actif, passif et contenu.
03:35Et ce problème que nous avons avec les smartphones,
03:38que nous emportons dans notre poche,
03:40et que nous consultons, même en traversant la route,
03:42ça ne s'arrête jamais en fait.
03:43Il y a beaucoup plus, et en tout cas c'est documenté
03:46par la recherche scientifique, de solitude,
03:49de problèmes d'isolement, de santé mentale.
03:53La solitude, je ne suis pas sûre qu'on ait montré
03:55qu'il y avait plus de solitude.
03:56Je pense quand même que dans les relations sociales,
03:58ça a un impact direct et qu'il est négatif.
04:00Je suis plus...
04:02Septique ?
04:03Non, prudente, prudente, prudente.
04:05J'ai plutôt cru comprendre que c'était difficile
04:09d'établir un lien de cause à effet,
04:11qu'il y avait des phénomènes corrélés.
04:13Donc je pense que c'est une démultiplication
04:15des possibilités, avec en effet des zones
04:18qui sont plus difficiles,
04:20comme évidemment le cyberharcèlement dont tu parlais.
04:22Mais de nouveaux métiers qui émergent
04:25et dont on ne parle pas beaucoup,
04:26sont aussi là pour les traiter, les identifier,
04:29comme les modérateurs de contenu.
04:32Donc tout ça s'élabore, c'est toute une éthique
04:33qui est en cours d'élaboration.
04:35Et je pense qu'il faut qu'on prenne tous notre part là-dedans.
04:37On a le sentiment parfois que nous autres,
04:39adultes, pour nous concentrer sur nous,
04:42finalement, avons juste d'autres pratiques de lecture,
04:45lisons plus sur écran que sur livre, etc.
04:49Et que tout ça se vaut, mais ça ne se vaut pas vraiment,
04:51parce que la qualité de l'attention n'est pas la même.
04:54Je ne dirais pas qu'il y a moins de valeur
04:57dans une lecture qui est pratiquée sur un écran,
04:59tu vois, qu'une lecture...
05:00Je pense qu'une lecture, juste une lecture,
05:02c'est déjà incroyable.
05:03Des chercheuses comme Anne Aucordier, par exemple,
05:05qui ont beaucoup travaillé sur
05:07qu'est-ce que les jeunes lisent encore.
05:09Et elle est vraiment en train de travailler sur...
05:12Essayer de montrer que oui, ils lisent beaucoup,
05:13ils produisent même du contenu,
05:15qu'il y a toutes formes de littérature qui ne sont
05:17certes pas classiques, moins scolaires,
05:19mais justement, il y a moins d'inhibition,
05:21et donc ils produisent des contenus intéressants.
05:23Et donc en fait, on n'est pas passifs.
05:25Ce que je veux dire, c'est que
05:26même dans ces situations de lecture et d'écriture,
05:29il y a plein de situations où on produit
05:32des formes nouvelles d'écriture
05:34et qui sont intéressantes en soi, et pourquoi pas.