"Depuis toute petite, on me trouvait bizarre. J'étais celle qui ne voulait pas se conformer à tout ce qui était assigné aux femmes."
Marie-Paule Okri, militante ivoirienne des droits des femmes, vient de remporter le prix Simone-de-Beauvoir en France. Brut l'a rencontrée.
Marie-Paule Okri, militante ivoirienne des droits des femmes, vient de remporter le prix Simone-de-Beauvoir en France. Brut l'a rencontrée.
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00:00J'ai reçu un appel du délégué général, M. Pierre Bras,
00:05qui me dit « Allô, Marie-Paul, vous êtes lauréate du prix Simone de Beauvoir. »
00:10Je dis « Je n'ai pas réalisé ce coup, j'ai couru. »
00:13J'ai envoyé un message à mes collaboratrices de la ligue, Mégane et Dénéo.
00:18Je dis « Les filles, je suis lauréate du prix Simone de Beauvoir, je n'ai pas postulé. »
00:25Elles ont dit « Quand tu es authentique, tout ce que tu fais te retourne en bien. »
00:29Bonjour, je suis Marie-Paul Okri, je suis cofondatrice et responsable
00:34des interventions sociales à la Ligue Ivoirienne des droits des femmes.
00:37Depuis toute petite, on me trouvait bizarre.
00:40On me trouvait bizarre, j'étais celle qui ne voulait pas se conformer à tout ce qui était assigné aux femmes.
00:47Et mon papa, il était d'accord avec, et c'est pour ça que je l'adore.
00:51Je n'étais pas la fille qui devait laver les assiettes, qui devait faire le minage.
00:55On trouverait cela banal, mais ça m'a préparée en fait à être la femme que je suis.
01:03Après mon diplôme de technicienne supérieure en agriculture,
01:07je suis allée faire un stage dans un village à Yamsoukro.
01:11Et j'ai remarqué que les femmes travaillaient beaucoup plus, mais elles étaient les moins nantis.
01:16Je dis « Non, mais ce n'est pas normal. »
01:18J'ai commencé donc à partager ces idées-là sur Internet.
01:21Je partageais, je partageais, et je recevais des commentaires du genre « Toi, tu es féministe. »
01:27Et je me disais « Mais c'est quoi ça encore ? Pourquoi ils disent que je suis féministe ? »
01:31Je parle juste des difficultés des femmes au milieu rural en fait.
01:34Et donc je suis allée chercher le mot « féministe » sur Internet, et je dis « Super, je suis féministe. »
01:39J'ai décidé avec d'autres femmes de créer une association, la Ligue ivoirienne des droits des femmes.
01:45Nous sommes huit femmes.
01:46Nous avons décidé en fait de mettre en place la Ligue South,
01:52en fait à un cas de violence d'une extrême qui a choqué en fait tous les Ivoiriens
01:59et toutes les personnes en fait qui suivent le Facebook ivoirien.
02:03On a une femme qui tombait en fait de son balcon.
02:07Et selon l'histoire, c'était son mari qui la jetait en fait du balcon.
02:14Après enquête et tout, elle-même, elle a dit que ce n'était pas son mari.
02:18Mais cependant, les voisins ont témoigné que c'était une habitude que le monsieur l'a frappée et tout.
02:26Et que c'était lui en fait qui l'avait jetée du balcon.
02:30Et donc là, avec mes amis, on a décidé en fait comme ça de se mettre ensemble
02:36et créer quelque chose d'assez formel.
02:38Parce qu'on s'est dit que nous avons la même vision,
02:40donc il serait intéressant de mettre quelque chose d'assez formel sur place.
02:43Et c'est comme ça que la Ligue est née.
02:44On fait un accompagnement juridique, psychologique et médical ou sanitaire
02:50des femmes que nous recevons, les femmes suivantes de viols, de violences.
02:55On a un débattement juridique qui les accompagne avec des conseils juridiques,
02:59qui les accompagne très souvent au tribunal.
03:02On a aussi le fait qu'on les accompagne à l'hôpital lorsqu'elles ne peuvent le faire
03:10parce que très souvent c'est violent.
03:11Arrivé à l'hôpital, il y a des critiques, il y a des jugements sur ce qu'elles faisaient là.
03:19Qu'est-ce que ça représente pour vous de représenter la Côte d'Ivoire à l'international ?
03:22J'imagine que c'est une grande fierté.
03:25Ah oui, c'est une grande fierté.
03:28Hier par exemple, avant même que je n'annonce le prix sur Internet du tout,
03:33j'ai vu un ancien ministre qui avait déjà posté.
03:38Et ensuite, il y avait d'autres personnes, d'autres personnalités comme Edith Brou,
03:43avec plein de personnes, mes amies et autres.
03:46Donc en fait, quand je venais maintenant à porter l'information,
03:49je n'avais plus de nouvelles, tout le monde le savait.
03:53Et c'était vraiment intéressant.
03:56Je n'ai pas vu de commentaires négatifs en plus.
04:00Et ça, ça m'a fait chaud au cœur en fait.
04:03Ma maman, elle était aussi heureuse,
04:06parce que ma maman, malheureusement, elle n'a pas eu la possibilité d'aller à l'école.
04:10Donc elle se dit, ma fille va plus loin que moi,
04:13fais tout ton possible et ramène-moi ce que tu peux me ramener,
04:18comme prix et comme diplôme et tout.
04:21C'est ma seule satisfaction.
04:23Même si elle ne comprend pas toujours en fait ce à quoi ça renvoie,
04:27elle est toute heureuse lorsque je suis heureuse de lui dire,
04:31voilà, je continue l'école, voilà, je dois faire ça,
04:34je dois aller intervenir ici et tout.
04:36Pour la prochaine génération, je me dis qu'il faut se libérer.
04:42Il faut parler pour estiper la gangrène de notre milieu.
04:47Je le dis chaque fois, j'ai une citation.
04:49Dernièrement, on me cite et ça me fait sourire.
04:52Je dis, la petite Marie Paul est en train d'être citée.
04:56Je dis toujours qu'on ne détruit pas la vie d'un violeur en le dénonçant.
05:03Il détruit lui-même sa vie en commettant son crime.
05:06Donc il faut dénoncer.