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00:00Votre grand journal du soir se poursuit sur Europe 1 avec l'interview politique, Nathalie Lévy.
00:06Et David Ducamp, vous recevez ce soir dans ce studio l'ancien ambassadeur de Russie en France, Alexandre Orloff.
00:10Bonsoir Alexandre Orloff.
00:11Bonsoir.
00:12Est-ce qu'aujourd'hui Vladimir Poutine est le maître du Proche-Orient ?
00:16Oh, bon, il n'est pas maître du Proche-Orient, mais je crois qu'aujourd'hui Vladimir Poutine a quand même toutes les cartes pour peser, comme on dit aujourd'hui, sur la situation au Proche-Orient.
00:29Vous savez que c'est la première fois, je crois, dans l'histoire, quand la Russie a des bonnes relations avec pratiquement tous les pays de la région.
00:36Elle vient de visiter l'Arabie Saoudite avec une visite d'État qui s'est très très bien déroulée.
00:42On a des très bonnes relations avec l'Israël, on a très bonnes relations avec, bah, pratiquement avec tous les États.
00:48Toutes les cartes en main au Proche-Orient pour Vladimir Poutine.
00:52Est-ce que cela veut dire que Recep Tayyip Erdogan n'aurait pas pu lancer son offensive s'il n'avait pas eu en réalité un feu vert de Moscou ?
01:00Ça, je crois qu'on ne peut pas présenter cette affaire sous cet angle-là, puisque d'abord, elle n'a jamais demandé le feu vert à Moscou.
01:09Elle a bien sûr informé Vladimir Poutine et les autorités russes de prochaines offensives, puisque vous savez qu'il existe depuis quelques temps le processus d'Astana,
01:19qui réunit les dirigeants de la Turquie, de la Russie et de l'Iran.
01:23Et Vladimir Poutine ne l'en a pas dissuadé, à ce moment-là ?
01:26Bien sûr. Si, si, si. Il a dit quand même, écoutez, faites attention, faites attention.
01:32On comprend vos soucis de sécurité, mais il faut que votre réaction soit proportionnée en quelque sorte.
01:42Et vous savez, je crois que les choses sur place sont beaucoup plus compliquées que ça.
01:46Est-ce que 500 morts, dont beaucoup de civils, 300 000 déplacés, c'est proportionné ?
01:50Non, c'est bien sûr que c'est toujours trop. C'est toujours trop.
01:53Mais je crois qu'on comprend que pour qu'il y ait un paix stable dans les régions, chaque pays doit se sentir en sécurité.
02:04Les Turcs, Erdogan notamment, a une certaine préoccupation vis-à-vis des Kurdes, ce que nous, nous ne partageons pas, mais bon, c'est son analyse.
02:15Et nous pensons que la meilleure façon de garantir la sécurité de la Turquie, c'est que cette région-là soit contrôlée par la Syrie, par Damas.
02:24Et d'ailleurs, Poutine, il a dit à Erdogan que pour nous, la base de tout accord de paix au Proche-Orient,
02:33c'est l'intégrité territoriale de la Syrie et sa souveraineté.
02:37Et Erdogan l'a reconnu. Et moi, je pense que quand les deux dirigeants vont se voir le 22 octobre,
02:44Poutine va rappeler à Erdogan que ce qu'il a fait, ce n'est pas la meilleure façon de garantir la sécurité de la Turquie.
02:51Damas, Bachar el-Assad, l'Occident, aujourd'hui, s'est complètement couché là-dessus.
02:55Il y a encore quelques années, Bachar el-Assad était désigné comme l'ennemi, comme l'adversaire,
03:01comme quelqu'un avec qui on ne pouvait pas parler, en tout cas par la France, y compris par les Etats-Unis.
03:05Tout cela est maintenant balayé, selon vous, Alexandre Orlov ?
03:08Je crois que c'est complètement balayé. Écoutez, on voit qui contrôle la situation sur place.
03:14Et je crois que ce qui est important, à quoi nous devons penser, c'est au processus politique.
03:20Puisque finalement, le problème de Syrie sera réglé non pas sur un champ de bataille, mais sur une table de négociation.
03:28Et vous savez que justement, grâce au processus d'Astana, on a pu enfin former le comité consultatif,
03:35qui doit se réunir normalement d'ici quelques semaines à Genève,
03:40pour commencer à travailler sur le nouveau projet de la constitution de la Syrie,
03:44sur la base de laquelle les nouvelles élections seront tenues.
03:47Et là, on verra bien qui sera élu comme président.
03:50Mais je crois que justement, dans le cadre de ce nouveau projet de la constitution,
03:55il faut aussi essayer de régler le problème du peuple kurde.
03:58Puisque c'est un peuple pour lequel j'ai énormément d'admiration.
04:02C'est un peuple martyre, vaillant, responsable, qui a apporté la plus lourde responsabilité
04:07dans la lutte contre Daesh au sein de la coalition.
04:10Sans eux, Daesh n'aurait pas été abattu.
04:13Et il mérite un sort meilleur.
04:15Quelle est votre solution ? Il faut un état kurde ?
04:18Écoutez, la communauté internationale n'est pas encore prête.
04:22Moi, je pense que oui. Mais peut-être que dans quelques temps, on ira jusqu'à là.
04:26Mais il faut commencer par une autonomie.
04:29Une large autonomie au peuple kurde.
04:31Alexandre Orloff, la France, l'Europe, la France,
04:34ils sont spectateurs, spectatrices dans cette affaire ?
04:38Ils sont devenus des spectateurs de ce qui se passe dans la région du Prochant ?
04:41Oui, mais ce sont des spectateurs actifs.
04:43Je crois que la France et les pays occidentaux, bien sûr,
04:47peuvent et vont jouer un rôle important
04:50quand le processus de paix, les négociations à Genève,
04:54de ce comité consultatif, va commencer.
04:57Vous avez entendu, Alexandre Orloff, la déclaration de Donald Trump, hier,
05:01lors d'un meeting au Texas. Je la lis pour nos auditeurs.
05:04Le président américain a déclaré
05:06« Ce n'était pas conventionnel, ce que j'ai fait.
05:08J'ai dit, ils ont besoin de se battre un peu, comme deux gamins. »
05:10Il parle des Turcs et des Kurdes.
05:12« On les laisse se bagarrer un peu, puis on les sépare. »
05:15Que pensez-vous de cette déclaration ?
05:16Écoutez, c'est abominable.
05:18Vous savez, moi, je commente depuis longtemps, déjà,
05:21les propos de Trump,
05:23quand il a dit qu'on n'a pas besoin d'aider les Kurdes,
05:26puisqu'ils n'ont pas nous aidé à Normandie en 1944,
05:29ou bien quand il a dit, devant le président de l'Italie,
05:32qu'il a reçu, que nos relations des États-Unis avec l'Italie
05:36ont commencé du temps de l'Empire romain.
05:39J'en passe.
05:42C'est dangereux pour le monde ?
05:43Bien sûr.
05:44Ce président des États-Unis représente un danger
05:46pour la sécurité de l'internationale ?
05:47Bien sûr, c'est dangereux.
05:48Quand ce président dénonce tous les traités
05:50dans le domaine des armes nucléaires.
05:52Bien sûr que c'est dangereux.
05:54Alors, on passe à un autre sujet d'actualité,
05:56c'est le Brexit.
05:57Un accord a été trouvé entre les 27 et le Royaume-Uni.
06:00Il faut qu'il soit encore ratifié demain
06:03par la Chambre des représentants à Londres.
06:05Quel regard vous portez, vous,
06:07sur ce qui s'est passé depuis trois ans
06:09et sur ce dénouement, peut-être, demain ?
06:11Écoutez, on a suivi avec beaucoup d'intérêt
06:14ce feuilleton qui a duré un peu trop, je pense.
06:17Et moi, je souhaite qu'avec cet accord
06:21qui a été trouvé il y a deux jours,
06:23que ce feuilleton prenne fin, finalement.
06:25Puisque l'Europe a été paralysée
06:27par l'affaire de Brexit,
06:29tandis qu'elle a des choses
06:31beaucoup plus importantes à faire.
06:33Une Europe paralysée, ce n'est pas une bonne nouvelle pour la Russie ?
06:35Non, pas du tout.
06:37C'est une très mauvaise nouvelle pour la Russie.
06:39Puisque nous faisons partie de l'Europe.
06:41L'Europe, l'Union européenne,
06:43c'est notre partenaire le plus important
06:45sur le plan économique.
06:47Et moi, je pense que le problème essentiel
06:49de l'Europe d'aujourd'hui, c'est que l'Europe
06:51n'en fait plus rêver.
06:53C'est ça. Et d'ailleurs, le président Macron,
06:55quand il a parlé devant les ambassadeurs
06:57de France le 27 août dernier,
06:59il a très bien dit
07:01que nous devons relancer l'Europe,
07:03relancer le projet européen,
07:05avec la Russie, et pas contre la Russie.
07:07Puisque la Russie peut apporter
07:09un supplément d'armes
07:11qu'il manque à l'Europe aujourd'hui.
07:13Alexandre Orlov, vous connaissez très bien notre pays, la France,
07:15dans lequel vous évoluez depuis
07:17le début des années 70, en réalité.
07:19Il y a un débat qui revient régulièrement
07:21chez nous, c'est celui qui porte sur le voile islamique.
07:23Quel regard portez-vous
07:25là-dessus, sur ces polémiques,
07:27ces controverses, vous, en tant que Russe ?
07:29Écoutez, nous vivons...
07:31Edith,
07:33si vous voulez,
07:35mon expérience d'un Russe
07:37qui a grandi, qui a vécu
07:39depuis la Russie, et je crois
07:41que chez nous, ce problème a été
07:43résolu, puisqu'on reconnaissait
07:45la place à l'Église,
07:47mais l'Église a toujours été séparée
07:49de l'État. Mais,
07:51si vous voulez, on donnait
07:53la possibilité à des gens
07:55de porter leur signe extérieur de la religion.
07:57Chaque Russe
07:59porte une croix orthodoxe sur lui,
08:01c'est tout à fait normal.
08:03Ce n'est pas un sujet en Russie.
08:05Donc vous êtes un peu étonné de voir surgir régulièrement ces polémiques ?
08:07Moi, aujourd'hui, quand je me promène
08:09dans les rues de Moscou, je vois des femmes
08:11avec des voiles, bon,
08:13ça ne choque personne. Je crois qu'il ne faut
08:15pas faire trop d'attention
08:17monter ces choses-là
08:19pour après avoir des problèmes
08:21sociétaux.
08:23Alexandre Orlov, l'ancien ambassadeur de Russie
08:25à Paris, merci beaucoup d'avoir répondu à mon invitation
08:27ce soir. Merci.

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