Voici le premier entretien de l'association Studio Phocéen, dévoilé lors de la projection du 23 novembre 2024.
👉 https://www.helloasso.com/associations/studio-phoceen/evenements/projection-du-23-novembre-2024
Jean-François Fonlupt y raconte son parcours à la tête de Ciby 2000, ses collaborations à l'international avec Pedro Almodóvar, David Lynch, Jane Campion, Emir Kusturica, Sharon Stone, Edward Norton, Naomi Watts, Alain Bashung et Gérard Jugnot, et son rôle clé dans la diversification du groupe Bouygues. Un témoignage fascinant entre cinéma et stratégie d’entreprise.
Une vision du cinéma
Notre invité, Jean-François Fonlupt a partagé sa vision du cinéma. Selon lui, le cinéma est une industrie de prototypes où le succès repose sur la rencontre entre un film et les attentes inconscientes du public. Il considère également que le cinéma est une industrie d'offre et non de demande. Il ajoute que le cinéma capte souvent l'essentiel des émotions humaines et, tout comme la vie, touche à des aspects universels et fondamentaux.
Invité : Jean-François Fonlupt
Journaliste : Laurent Artufel
Montage : Charlotte Maletras
Cadreur : Jeremy Capeau
Éditorial : Maelle Billant
Production : Guillaume Sanjorge
Remerciements particuliers au Cinéma Le Prado de Marseille et à son directeur, Frédéric Perrin, pour son accueil.
Découvrez également le livre de Jean-François Fonlupt « Le goût de la pomme » 👉 https://www.editions-maia.com/livre/le-gout-de-la-pomme-jean-francois-fonlupt-9782384414024/
© Association Studio Phocéen
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Jean-François Fonlupt y raconte son parcours à la tête de Ciby 2000, ses collaborations à l'international avec Pedro Almodóvar, David Lynch, Jane Campion, Emir Kusturica, Sharon Stone, Edward Norton, Naomi Watts, Alain Bashung et Gérard Jugnot, et son rôle clé dans la diversification du groupe Bouygues. Un témoignage fascinant entre cinéma et stratégie d’entreprise.
Une vision du cinéma
Notre invité, Jean-François Fonlupt a partagé sa vision du cinéma. Selon lui, le cinéma est une industrie de prototypes où le succès repose sur la rencontre entre un film et les attentes inconscientes du public. Il considère également que le cinéma est une industrie d'offre et non de demande. Il ajoute que le cinéma capte souvent l'essentiel des émotions humaines et, tout comme la vie, touche à des aspects universels et fondamentaux.
Invité : Jean-François Fonlupt
Journaliste : Laurent Artufel
Montage : Charlotte Maletras
Cadreur : Jeremy Capeau
Éditorial : Maelle Billant
Production : Guillaume Sanjorge
Remerciements particuliers au Cinéma Le Prado de Marseille et à son directeur, Frédéric Perrin, pour son accueil.
Découvrez également le livre de Jean-François Fonlupt « Le goût de la pomme » 👉 https://www.editions-maia.com/livre/le-gout-de-la-pomme-jean-francois-fonlupt-9782384414024/
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Court métrageTranscription
00:00« Demain matin, vous prenez la présidence de CIBI 2000. Moi, mon métier, c'était
00:23de faire la diversification du groupe Bouygues, c'était d'acheter des sociétés, d'en
00:26acheter, donc tout ça, ça suppose d'analyser les choses, d'évaluer et puis après d'exécuter.
00:34»
00:35Il y a eu assez vite Almodovar qui a demandé à ce qu'on se connaisse un peu plus, puisqu'on
00:41avait déjà fait un film avec lui qui était à Longueuil. C'est lui qui m'a appelé
00:46puis qui m'a dit « Jean-François, j'aimerais qu'on se voit puis qu'on fasse plus connaissance
00:50pour savoir si on peut continuer à travailler ensemble ». Et puis après, on en a fait
00:53quatre ans de films ensemble.
00:55« Tu es partie, aventureuse, et aujourd'hui, le pécheur est revenu à moi. Je ne t'aime
01:01plus et je dois partir. Et étant loin, je t'oublierai. »
01:10« Amparo, que fais-tu ici ? »
01:12« Je suis venu t'inviter à déjeuner. »
01:14« Et pour ça, tu es vêtue comme ça ? »
01:15« Oh, il fait chaud ! »
01:17« Tu me trouves un peu exagérée. »
01:19« Après, ne t'étonnes pas si quelqu'un te demande combien tu cobres. »
01:25« Indéfense face à l'insolence de la folle. »
01:28« Léo, tu dois sortir de la maison, faire des choses. Tu ne peux pas te passer le jour
01:31en attendant que je t'appelle, Paco. »
01:33« Je me rends folle, maman. »
01:37« Sancho, c'est assez ! »
01:38« Donne-moi la pistole. »
01:39« Maitre, pour Dieu ! »
01:40« Et ne me frappes plus jamais. »
01:42« Ça me fait plus mal que toi. »
01:44« Tu n'as rien à apprendre. »
01:46« Calme-toi ! »
01:51Jean Juniau
01:54Avec lequel on avait fait une époque formidable, qui avait bien marché.
01:58« Admettons que le président de la République, M. Mitterrand, arrive ici dans 5 minutes pour coucher.
02:02Qu'est-ce qu'il se passe ? »
02:04« Bien évidemment, si c'est le président de la République, nous lui trouverons une suite. »
02:07« J'ai une très bonne nouvelle à vous annoncer. »
02:10« Il ne vient pas. On prend sa chambre. »
02:14Il est resté fidèle.
02:18Il était un des premiers à avoir tenté l'aventure.
02:22Et il a continué ensuite.
02:27Ce qui avait de bien en plus avec lui, c'est que c'était facile de travailler.
02:32On se mettait d'accord sur le scénario.
02:35En général, il n'y avait rien à dire.
02:37Et après, pendant le tournage, il n'y avait jamais de déplacement.
02:42C'était impeccable.
02:51Sur l'Alson de piano, là, c'était une double chose qui était intéressante.
03:10C'était une femme, deux hommes.
03:14D'habitude, c'est plutôt l'inverse.
03:18C'est un homme, deux femmes.
03:20Là, non.
03:23Et le fait que ça soit traité par une femme...
03:30D'ailleurs, je pense que Diane a réussi quelque chose d'absolument extraordinaire.
03:38Et je pense que c'est quelque chose qui a participé au succès de ce film.
03:44Il était traité...
03:46Et quand je dis ça, c'est un compliment.
03:49Il était traité comme s'il avait été traité par un homme.
03:52En plus, Michael Newman avait fait une musique absolument sublime
03:56qui collait parfaitement au film.
04:00Mais pareil, c'était un sujet qui n'était pas obligatoirement évident.
04:06Vous allez l'écouter attentivement parce qu'il y a un ex aequo.
04:11Entre le piano de Jane Campion.
04:19Présentez armes !
04:38Attention !
04:49Attention !
05:07J'avais fait un film avec Aline Yserman, qui s'appelait Londres du Doute.
05:12Donc c'était début des années 90.
05:16C'était un film sur l'inceste.
05:19Ne bouge pas.
05:22Il ne faut surtout pas montrer que tu es vivant.
05:29Sinon toute la chambre va se mettre à bouger.
05:34Je sais bien que dans le noir, si tu ne me surveilles pas les meubles,
05:39ils se mettent à bouger.
05:44Et je sais bien que la nuit quand je dors,
05:46la chaise, quand je ne la regarde pas, elle se met aussi à bouger.
05:52A l'époque, c'était intéressant parce que j'ai demandé la permission à personne
05:56puisque j'avais l'argent pour le produire.
05:59J'ai quand même commencé à avoir des problèmes pour caster le film.
06:04Parce que le rôle du père incestueux, j'ai eu beaucoup de mal.
06:10Et le seul qui a accepté, c'est Alain Bashung,
06:14qui a accepté de jouer le rôle et c'était très bien fait.
06:18Et puis après, il y a eu un autre film important que j'ai fait,
06:26en partie tourné en France, en partie au Portugal, qui était La fille de D'Artagnan,
06:30mis en scène par Bertrand Tavernier.
06:32Mais là, ça s'est fait un peu par accroc parce qu'en fait, au départ,
06:37ce film devait être mis en scène par un monsieur qui s'appelle Riccardo Freda.
06:41Riccardo Freda, ça avait été un grand metteur en scène italien
06:46dans les années avant même que je fasse partie de ce métier.
06:52Riccardo Freda, à l'époque, il avait un peu plus de 80,
06:57donc il commençait à être un peu fatigué.
06:59Mais sinon, c'était son dernier film.
07:02Et c'est vrai que cette histoire de La fille de D'Artagnan,
07:05c'était quelque chose d'assez flamboyant.
07:07Donc, j'avais donné mon accord.
07:08Et puis, compte tenu de l'âge avancé de ce monsieur Freda,
07:14les assurances nous avaient demandé de mettre en place ce qu'on appelle un backup.
07:20C'est-à-dire, si jamais Riccardo Freda avait un problème,
07:22il fallait un metteur en scène, un metteur en scène de rechange quelque part.
07:26Et Bertrand Tavernier avait très gentiment accepté de faire ce backup.
07:33Et puis donc, on part en préparation.
07:36Puis là, il y avait un gros casting.
07:38La fille de D'Artagnan, c'était Sophie Marceau.
07:42D'Artagnan, c'était Philippe Noiret.
07:45Il y avait Claude Riche.
07:47Il y avait un beau casting français.
07:51Et la préparation se met en place.
07:55Et puis, 15 jours avant le début du tournage,
07:58Frédéric Bourboulon, qui était le producteur exécutif sur ce film,
08:03dit qu'il se passe que Sophie Marceau veut partir du film.
08:08Philippe Noiret, il est à deux doigts.
08:10Riche, c'est...
08:12Pour quelle raison ?
08:14Pour quelle raison ?
08:16Alors, il me dit, c'est qu'ils sont en train de répéter.
08:20Et quand ils répètent, Riccardo dort.
08:25Je lui dis, écoute, il n'y a pas 36 000 solutions.
08:29On va mettre le backup en marche.
08:33Donc, il faut que tu me...
08:35Parce que moi, je ne le connaissais pas, Bertrand Tavernier.
08:39Il faut que je le voie.
08:41Parce qu'il faut que je lui explique.
08:43Donc, le dimanche matin...
08:46Non, le dimanche après-midi, je me souviens, c'est après-midi.
08:49Elle se dit vendredi, samedi, dimanche.
08:52Sophie a l'attente.
08:54Donc, je vais voir Bertrand chez lui.
08:58On fait connaissance.
09:00Et puis, je lui explique que voilà,
09:03Riccardo, il est peut-être un peu fatigué.
09:05C'est ennuyeux, mais...
09:06Il n'y a pas d'autre solution.
09:08Donc, le lundi matin,
09:10je fais prévenir tout le monde que c'était Bertrand Tavernier qui allait diriger.
09:15Donc, tout le monde reste.
09:17Et moi, je vois Riccardo Freda pour lui annoncer.
09:20Parce que personne ne lui avait rien dit, évidemment.
09:22Donc, je le reçois et je lui explique.
09:25Et je lui dis, mais ne vous inquiétez pas.
09:28Financièrement...
09:30Vous ne ferez pas ce film, mais...
09:32Financièrement parlant, ce sera comme si vous l'aviez fait.
09:36Et là...
09:38Riccardo me dit...
09:41Alors, c'est bien.
09:43Je suis d'accord.
09:45Parce qu'avec cet argent, je vais pouvoir acheter le cheval
09:48que ma fille attend depuis des années.
09:50Parce que c'est une grande cavalière.
09:52Elle faisait du saut.
09:54Et c'était tout juste s'il ne m'embrassait pas.
10:06...
10:32Ensuite, quand on fait Casque bleu,
10:34l'histoire de gens qui partent en vacances où tout doit se dérouler tranquille,
10:41puis boum, ils se retrouvent au milieu d'une guerre pas possible et ça devient un soupe pas possible.
10:46Mais qu'est-ce que c'est que ça ? Arrête-toi !
10:48Pourquoi je m'arrête ? Je suis chez lui !
10:49Attends, on ne va pas l'envoler dessus !
10:50Attention !
10:57Camarade ! Camarade !
11:00Drogovy ! Drogovy !
11:03Celui, disons, qui a été le plus compliqué,
11:06oui, je pense...
11:08C'est Underground de Kostlorica.
11:11Ah oui ?
11:12Ça, ça !
11:13Pour quelle raison ?
11:17D'abord, parce qu'on a tourné à Prague.
11:22Alors, ce n'est pas pour ça que c'était compliqué,
11:25mais c'est qu'au bout d'un certain temps de tournage à Prague,
11:31je me souviens, 11h du soir,
11:35coup de téléphone d'une collaboratrice qui était sur place
11:39pour me tenir informé de ce qui se passait sur le tournage en permanence,
11:42m'appelle en me disant
11:44« Jean-François, Émir a quitté l'hôtel. »
11:48Je me suis dit « bon, me déranger à 11h du soir pour me dire qu'il est parti de l'hôtel,
11:53c'est complètement con, surtout que moi je pars demain matin pour les États-Unis,
11:58donc ce n'est pas bien de me déranger. »
12:01Elle me dit « non, non, mais tu n'as pas compris, il est parti, parti,
12:04il n'y a plus de valise, sa chambre est vide. »
12:06Je dis « comment ça ? Mais attends, le film n'est pas fini ! »
12:09Elle me dit « c'est bien le problème, c'est pour ça que j'appelle. »
12:13Je lui dis « bon, écoutez, vous me le retrouvez,
12:16parce qu'il n'a pas pu disparaître comme ça, vous me le retrouvez. »
12:21À 2h du matin, elle me rappelle, elle me dit « ça y est, on l'a retrouvé,
12:26en fait, il est à Budapest. »
12:29Je dis « ah bon ? »
12:32« Ben, vous lui dites qu'il ne bouge plus, j'arrive. »
12:35Donc, heureusement, on avait la possibilité d'avoir un avion,
12:43il y avait l'avion particulier de Bouygues, donc c'était plus facile.
12:46Donc, je file rejoindre Émir et je dis « mais Émir, qu'est-ce qui se passe ?
12:55Pourquoi tu t'en vas ? »
12:57Il me dit « j'ai bien réfléchi, tu sais, la scène de début de film,
13:02quand il y a le bombardement sur la ville et le zoo qui est bombardé,
13:08puis tous les animaux qui se baladent dans la ville,
13:11les lions, les girafes, les éléphants, tout. »
13:14Je dis « oui, oui, je sais, on ne va pas pouvoir la tourner à Prague. »
13:18Puis il me dit « mais tu sais, il y a un endroit où on peut la tourner,
13:23c'est Belgrade, c'est en guerre, puis c'est mes amis,
13:28donc on aura les autorisations. »
13:31Je dis « oui, mais enfin, tu oublies qu'il y a un blocus, on ne peut pas y aller. »
13:39Il me dit « t'as qu'à demander que si j'enfreins cette réglementation,
13:45moi, je peux aller en prison en France.
13:48Tu as qu'à t'organiser, tu leur expliques au français et puis on organise le tout. »
13:54Donc, il finit par me convaincre, je réunis tous mes collaborateurs,
13:58je dis « bon, alors, le film des murs, on l'arrête là pour l'instant
14:02parce qu'on va tout transférer, enfin, on termine ce qu'on a terminé sur Prague
14:06et puis après, on va à Belgrade. »
14:09Bon, bon, il commence à se dire « lui, il est fou, c'est l'embargo,
14:15on va se débrouiller, fait ce qu'il faut vis-à-vis du ministère des Affaires étrangères,
14:21on a l'autorisation, donc tout va bien. »
14:24Et là, les ennuis commencent parce qu'on arrive avec tous les camions,
14:28tout le matériel qu'on transférait de Prague pour aller là-bas
14:31et première frontière, évidemment, fermée.
14:35Donc, impossible de passer.
14:38Donc, là, coup de téléphone, « dis-donc, il n'y en a pas qu'une de frontière,
14:41trouvez-en une autre. »
14:43On s'est fait refouler sept fois.
14:47Donc, là, j'appelle Émir, je lui écoute « Émir, avec tes conneries, on ne peut pas rentrer. »
14:53Donc, il faut trouver un système.
14:55On a fini par trouver tout au nord, tout petit truc où il doit passer un camion tous les dix ans
15:01et là, on n'a plus finalement rentré.
15:05Et donc, on a fini le tournage là-bas
15:10et donc, ça a fait Underground.
15:14L'histoire d'Underground, c'est quand même l'histoire d'un mec
15:17qui cache pendant la guerre des gens.
15:22Il oublie juste de leur dire que la guerre est finie.
15:24Donc, ils continuent à les cacher quand la guerre est finie.
15:26Puis, un jour, ils s'en aperçoivent.
15:28Après, c'est un peu la panique.
15:30Mais c'était rien d'autre que ça.
15:32Mais il y avait de telles tensions politiques entre les pro et les anti à cette époque
15:38que le film, il n'a été pas vu au travers de ce qu'il était vraiment,
15:46mais au travers des idées politiques qui pouvaient éventuellement véhiculer
15:50et qu'il n'était pas de bon ton pour certaines personnes de véhiculer.
15:55Quand le film a été terminé, on était ric-rac.
15:58Et donc, Gilles Jacob, qui à l'époque était le délégué général, m'appelle.
16:03Il me dit « Jean-François, je sais que vous avez réussi à finir Underground.
16:08J'aimerais bien le sélectionner pour Cannes. »
16:12J'ai dit « Oui, mais on ne sera jamais prêt.
16:14Il y a encore tellement de trucs à faire.
16:18Et puis, je ne peux pas vous le montrer parce qu'il n'est pas étalonné.
16:21Il n'y a rien. C'est un truc brut de chez brut. Donc, j'ai honte. »
16:26Il dit « Oui, mais Jean-François, j'ai l'habitude. Ne vous inquiétez pas. »
16:30Donc, je lui organise une projection.
16:32Et il me dit, exceptionnellement, parce que d'habitude, il les voit tout seul.
16:37Donc là, il m'avait autorisé à être à la projection avec lui.
16:41Et à la fin de la projection, il me dit « Bon, je vous appelle demain. »
16:46Et le lendemain, il me rappelle. Il me dit « Bon, c'est bon. Il est sélectionné. »
16:49Je dis « Bon, ok. Donc, j'appelle Émire. »
16:51Je lui dis « Émire, maintenant, il faut se dépêcher parce qu'on a intérêt à être prêt.
16:55Parce qu'on est sélectionné à Cannes. »
17:02C'est un truc de fou.
17:32Prenez « Secrets et mensonges » de Mike Lee, où une femme noire découvre que sa mère noire qu'elle vient d'enterrer n'est pas sa mère,
17:48mais que sa mère est une blanche, qu'il sait tirer et qu'il veut comprendre pourquoi.
17:52Pareil, c'est un sujet qui n'est pas a priori comme ça sur le papier.
17:56Pas évident, mais en tout cas intéressant.
17:59L'anglais Mike Lee, cinéaste délibérément engagé dans les sujets souvent ardus de société,
18:04apparaît donc ce soir comme le vrai triomphateur de ce festival, d'abord avec la récompense suprême, la Palme d'Or.
18:28Il ne fallait pas, c'était l'histoire d'un gourou dans une secte,
18:50et nous, cette histoire terrible de gens qui se font brûler par un gars qui les entraîne dans un chalet.
19:01Et Junio, on a fait quelque chose qui était à la fois sérieux, mais qui montrait tout ce qui n'allait pas dans ce système-là.
19:10Et quand en plus, le patron de la secte, en l'occurrence, s'était joué par Jean-Yann, ça atteignait le sublime.
19:20Armaguidon et proches, tous ensemble,
19:23C'est avec un amour incendial, une joie ineffable que nous quittons ce monde.
19:29Que notre amour et notre paix vous accompagnent dans les terribles épreuves de l'apocalypse qui vous attend.
19:35Je te pisse à la raie, tête de noeud !
19:37Bernard, je te pisse à la raie.
19:38Quoi ?
19:39Je suis désolé.
19:40J'ai rien entendu !
19:41Bernard, je te pisse à la raie et je t'emmerde !
19:44Il faut aborder des sujets qui sont universels, mais les aborder avec un point de vue qui soit très particulier.
19:52Quand je travaille avec Kiarostami, si je reprends le film avec lequel on a eu la palme d'or à Cannes, qui était Le goût de la cerise,
20:05qu'on avait fait avant au travers des oliviers, mais Le goût de la cerise,
20:12Abbas vient me voir en me disant « Jean-François, j'ai une idée de film, qu'est-ce que t'en penses ? »
20:16Alors je lui dis « C'est quoi ton idée de film ? »
20:18Alors il me dit « C'est l'histoire d'un type qui veut se suicider,
20:22et puis qui n'y arrive pas, donc il va chercher des gens pour l'aider à se suicider,
20:26jusqu'au moment où à la fin du film, il y en a un qui l'amène sous un cerisier,
20:30qui lui dit « Goût de la cerise » et puis il dit « Mais c'est bon, tu n'as pas de raison de te suicider »
20:35Donc il passe à autre chose. Voilà l'histoire.
20:37Et je lui dis « Mais il y a juste un problème, c'est que dans le Coran, les musulmans se suicident,
20:45c'est marqué « défendu », donc on n'en parle même pas.
20:49Donc comment tu vas faire ? Surtout que tu veux le tourner en Iran, évidemment.
20:53Donc il me dit « Oui, oui, oui, mais t'inquiète, je vais me débrouiller. »
20:58J'ai dit « Bah écoute, moi je trouvais que c'était intéressant que justement,
21:03quelqu'un qui a priori, pas avec tout le poids qu'il avait, pas uniquement de la religion,
21:10mais disons de tout ce qu'il avait autour de lui, ait envie de traiter d'un sujet défendu.
21:16À nouveau, on retombe sur un autre sujet défendu.
21:20Ce fut la surprise du dernier festival de Cannes.
21:23Abbas Kiarostami, réalisateur iranien inconnu du grand public, décroche une palme d'or ex-aequo.
21:30David Lynch, c'est quand je suis arrivé, le contrat était déjà signé avec lui.
21:35Et là, c'est aussi une aventure.
21:40Donc il y avait un contrat signé avec lui et un premier film prévu.
21:46Donc moi, je lis le scénario du film prévu.
21:54Donc j'appelle David, je le fais venir à Paris et je lui explique que ce n'est pas ce film-là qu'on va faire, mais un autre.
22:03Donc là, j'ai cru qu'il allait me mettre son poing dans la figure.
22:06Du coup, j'ai dit à Jean-François, moi, mon contrat avec Sibi, tu n'as pas le droit de ne pas le faire.
22:14Je lui ai dit, tu as raison, tu pourrais m'amener l'annuaire des postes, je suis obligé de le faire.
22:20Parce que le contrat, je suis désolé, mais il a mal été gaulé.
22:24Enfin, bien pour toi, mais mal pour moi.
22:26Donc, je te propose qu'on fasse autrement.
22:28C'est qu'on fasse quelque chose auquel on croit vraiment tous les deux.
22:32Je te propose la chose suivante.
22:34Tu vas réfléchir à une autre idée, celle que tu veux.
22:41Tu me fais un petit synopsis de deux, trois pages, pas besoin de beaucoup, et on en repart.
22:52Et il finit par me dire d'accord.
22:54Et il me renvoie une autre idée.
22:58Je dis, David, je ne suis toujours pas convaincu.
23:03Mais bon, ce n'est pas grave.
23:05Je la fais courte.
23:07Sept propositions.
23:12Sept fois long.
23:13David Lynch.
23:14Oui.
23:15Et un jour, j'arrive à Los Angeles.
23:18Je n'étais pas depuis deux minutes dans ma chambre d'hôtel.
23:21Je descendais de l'avion dans ma chambre d'hôtel.
23:24Je descendais de l'avion dans ma chambre d'hôtel.
23:27Coup de téléphone.
23:28Allô, Jean-François ?
23:30Oui, David.
23:31Ah, comment vas-tu ?
23:34J'ai deux solutions, me dit-il.
23:38Je lui dis, vas-y.
23:40Soit je te fais un procès, soit je continue à te faire confiance.
23:47Alors je lui dis, c'est toi qui décide.
23:49Là, je ne peux plus rien faire.
23:51Là, je ne peux plus rien faire.
23:53Mais moi, ça serait moi, je prendrais la deuxième.
23:56Et je lui dis, mais si tu me dis ça, c'est que tu as déjà une autre idée.
24:01Donc, je te propose la chose suivante.
24:04Tu me laisses prendre ma douche et on se retrouve dans ton restaurant italien préféré.
24:09Mais tu viens avec ton synopsis.
24:11Donc, on se retrouve au restaurant.
24:13Et là, je lui dis, écoute, David, on va gagner du temps.
24:16Tu commandes, je te fais confiance.
24:18Et pendant que tu commandes, je lis.
24:21Il y avait trois pages, donc ce n'était pas très long.
24:27Je termine la lecture.
24:29Je lui dis, bon, alors tu as choisi ?
24:31Il me dit, non, non, non.
24:33Parce qu'il discutait avec le patron qu'il connaissait bien.
24:36Donc, je lui dis, écoute, dépêche-toi de choisir.
24:39Donc, il était nerveux.
24:41Et il choisit.
24:43Et il me dit, alors ?
24:46Je lui dis, c'est d'accord.
24:48On le fait.
24:50Et c'était Lost Highway.
24:52Pareil, un sujet un peu...
24:54Mais qui était traité d'une manière...
24:56D'une manière David Lynch, quoi.
24:59Je pense que c'est un de ses beaux films.
25:01Moi, j'étais très fier d'avoir fait ce film avec lui.
25:16C'est ta maison, tu te souviens ?
25:21En fait, je suis là, en ce moment.
25:45C'est un film qu'il avait co-écrit avec Bono.
25:47Le chanteur de U2.
25:51Pareil, je n'étais pas...
25:53Tu n'étais pas emballé, quoi.
25:54Non, je n'étais pas emballé.
25:55Et puis, il me rappelle, quelques temps plus tard.
25:59Il me dit, tiens, j'ai une idée.
26:02C'était au téléphone.
26:03Parce qu'il était à Los Angeles.
26:05Moi, j'étais dans le Midi.
26:07J'étais en vacances.
26:09Mais ça a duré un quart d'heure.
26:11Il me raconte l'histoire.
26:13Je lui dis, c'est bon, on le fait.
26:15Si tu remarques quoi que ce soit d'étrange, tu me préviens.
26:18On est à Hollywood.
26:19Tout est étrange.
26:20Et le plan, qu'est-ce qu'il donne ?
26:22Il est génial, on s'y croirait, tu verras.
26:24Génial.
26:38Ça, c'est du gasoil.
26:40Je sais ce qu'il faut faire.
26:42Et je vais le faire.
26:45Après avoir quitté Sibie,
26:48bon, les Français étaient ravis.
26:49Ils se sont dit, ça y est, il est mort.
26:51Donc, on n'entend plus parler.
26:53Mais tout de suite, derrière,
26:56les Américains m'ont appelé en me disant,
26:58bon, Jean-François, il faut que tu continues.
27:01Et on a deux projets pour toi.
27:05Ils me les ont amenés sur un plateau.
27:07Le premier, ça a été Simpatico.
27:10C'était Jeff Berg qui m'avait apporté ça.
27:13Donc, avec un jeune metteur en scène anglais.
27:16Et dans le casting, il y avait Sharon Stone,
27:18il y avait Nick Nolte, il y avait Jeff Bridges.
27:21Il y avait, je ne sais plus,
27:23enfin bon, c'était un truc de ouf.
27:30Je me souviens sur Painted Veil,
27:33un soir, j'étais chez moi, à Paris,
27:36et je reçois un coup de téléphone,
27:38mais à 11 heures du soir,
27:39je reçois un coup de téléphone,
27:41Edward Norton.
27:44Je ne le connaissais pas.
27:46Il m'appelle et il me dit,
27:47voilà, Jean-François, j'ai appris
27:49que tu avais le scénario de Painted Veil.
27:51Je l'ai lu, c'est super, je voudrais le jouer.
27:53Tu serais d'accord pour que je le joue ?
27:55Je lui dis, non mais attends, mais tu rêmes ?
27:58Évidemment que je suis d'accord.
28:00C'est même dans mes rêves les plus fous.
28:05Donc, je lui dis, écoute,
28:08considère que c'est d'accord,
28:09mais ça tombe bien,
28:10parce que dans trois jours,
28:11je suis à Los Angeles.
28:12Donc, si tu veux, on peut se voir.
28:15Et puis, donc, je vais le voir.
28:17Un homme charmant,
28:20et il me dit, mais et pour la fille ?
28:25Alors, je lui dis, écoute, moi,
28:26chez CIA, ils me disent que ça serait bien
28:31que ce soit Nicole Kidman.
28:35Alors, il me dit,
28:38je ne sais pas si elle a l'âge d'être
28:40je ne sais pas si elle a l'âge du rôle,
28:43mais moi, j'ai une autre idée.
28:46Alors, je lui dis, bah, dis toujours.
28:48Il me dit, mais tu ne la connais pas.
28:51Donc, ça sert à rien.
28:52Je lui dis, bah, dis toujours.
28:53Et il me dit, si, moi, je pense à Naomi Watts,
28:56que personne ne connaissait à l'époque.
28:58Et je lui dis, si, si,
28:59elle a bien tourné dans un film avec David Lynch.
29:02Et tu as raison, ça pourrait peut-être le faire.
29:05Alors, je lui dis, le seul problème,
29:07c'est que je sais que son agent,
29:09c'est le même que celui de Nicole Kidman.
29:12Et qu'en plus, elles sont très copines.
29:14Puisqu'elles sont australiennes toutes les deux.
29:18Donc, je vais en faire mon affaire.
29:20Donc, je retourne voir l'agent de CIA.
29:22Puis, je lui explique.
29:23Je lui dis, écoutez, voilà,
29:24je sais que vous n'aviez imaginé que,
29:26mais on en a parlé avec Edward Norton.
29:28Et moi, mon choix est fait, ça sera lui.
29:32Et on trouve que ça serait bien d'avoir Naomi Watts.
29:35Est-ce que ça vous pose un problème ?
29:36Puisque vous êtes l'agent des deux.
29:38Non, moi, je m'en fous, moi.
29:40Mais il faut que vous soyez sûr.
29:42Alors, je lui dis, on est sûr.
30:06Je me demande si vous n'êtes pas folle.
30:17Lâchez-le.
30:36Mais c'est une industrie d'offres.
30:38C'est contrairement à ce qu'on croit.
30:40Ce n'est pas une industrie de demandes, le cinéma.
30:42Le spectateur, il n'est pas...
30:44Ah, je veux voir ça.
30:45Non.
30:46On lui offre quelque chose.
30:47Et puis, il a envie de le voir
30:48ou il n'a pas envie de le voir.
30:50Et il a d'autant plus envie de le voir
30:52qu'il sent, parce que le public, il n'est pas con.
30:55Donc, il sent que là, il y a un truc.
30:57Le cinéma, il doit être sur les lames de fond.
31:03Et il faut que...
31:07Pour qu'un film marche, c'est qu'au moment
31:09où on est sur la lame de fond,
31:12c'est au moment où elle commence à remonter
31:14et qu'elle va arriver à la...
31:15Mais c'est une lame de fond.
31:16Le cinéma, c'est...
31:18D'abord, c'est quelque chose qui,
31:21le plus souvent, comme on l'a vu tout à l'heure,
31:24ça touche à l'essentiel.
31:25Enfin, ça doit toucher à l'essentiel.
31:27Mais ce qui fait que les films restent...
31:30Dans l'histoire du cinéma.
31:32Dans le temps, c'est qu'ils touchent à des choses
31:35qui, quelles que soient les époques...
31:37Remarquées.
31:38Marquent.
31:40Aujourd'hui, il y a un politiquement correct
31:42qui s'est abattu sur la société.
31:45Mais c'est vrai pour le cinéma,
31:47comme, disons, la vie en général.
31:49Dès qu'on sort du cadre,
31:54boum !
31:55Comment on va faire dans les années à venir ?
31:57Il faut casser le moule ?
31:58Il faut faire quoi ?
31:59Il faut qu'il y ait des gens qui soient un peu rebelles
32:01et qui continuent à secouer le cocotier.
32:04Tout ce qu'on essaye de brider aujourd'hui,
32:09parce que c'est le système qui évolue de cette manière-là,
32:12à l'époque, n'existait pas.
32:14Et qu'il y avait une vraie possibilité,
32:17une vraie liberté qui était laissée.
32:20En tout cas, moi, c'est ce que j'ai essayé de faire.
32:23J'étais peut-être un des derniers dinosaures.
32:26Moi, je travaillais beaucoup à la confiance.
32:30Il fallait que les gens avec lesquels je travaille,
32:34je me sente bien avec eux,
32:37en phase sur le plan artistique.
32:40Et à partir du moment où on avait fixé la règle du jeu,
32:45moi, je les emmerdais plus.
32:46J'avais la liberté de mes choix.
32:48C'est-à-dire que tous les choix, je les assumais.
32:50Les bons, les mauvais côtés que ça peut avoir,
32:52mais il n'y a jamais eu,
32:55ni de la part de Francis Bouygues,
32:57ni de la part de Martin Bouygues,
33:00ni d'interdiction, ni d'encouragement,
33:03ni de « Tiens, ça serait bien de faire ça,
33:06parce que ça fera plaisir à tel ou tel ».
33:08Non, c'était vraiment une confiance absolue.
33:17Et c'est ça, je pense, qui a fait que ça a pu avoir du succès.
33:21C'est-à-dire que ce n'était pas vérolé
33:24par des choses qui n'avaient rien à voir avec ce mélange.
33:28Parce que le métier de producteur,
33:30en fait, c'est un métier de schizophrène.
33:31C'est pour ça que ça m'amusait, l'histoire avec David Lynch.
33:35Mais oui, parce qu'il faut être à la fois,
33:39quelque part, artiste,
33:42pour pouvoir comprendre ce que l'artiste a envie de faire
33:46et comment il va le rendre.
33:48Parce que ce que les gens ne réalisent pas,
33:49c'est que le même scénario,
33:51réalisé par dix personnes différentes,
33:54c'est dix films différents.
33:55Ça vous permet de rencontrer des gens
33:59dans un contexte intellectuel qui peut être passionnant.
34:03Moi, ça m'a permis de rencontrer des gens
34:05que je n'aurais probablement jamais rencontrés de ma vie.
34:07C'est des rencontres avec des gens,
34:09si j'étais resté banquier,
34:11je ne les aurais jamais rencontrés.
34:14Finalement, dans le cinéma,
34:16tu as fait ce que tu devais faire.
34:20La chance que tu as eue
34:22de pouvoir faire les films que tu voulais,
34:25maintenant, c'est passé.
34:27Ça ne se reproduira probablement pas.
34:31Il faut passer à autre chose.
34:33Et donc, je suis passé à autre chose.