• il y a 3 semaines
Depuis la guerre en Ukraine, la Chine, la Russie et l'Iran n'ont jamais été aussi clairement unis sur le plan international, face à un adversaire commun : l'Occident et la démocratie. Cette alliance aspire à construire un modèle alternatif au monde de l'Ouest.

Pour en discuter, Jean-Pierre Gratien est en plateau, en compagnie de l'ancien président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Bourlanges, du politologue et spécialiste des relations internationales, Bertrand Badie, et de la journaliste, Isabelle Lasserre.

LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.

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Transcription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:16Bienvenue à tous dans Débat Doc.
00:00:18Depuis la guerre en Ukraine, jamais la Chine, la Russie et l'Iran
00:00:22n'ont semblé aussi ouvertement alignés
00:00:24sur la scène internationale contre un ennemi commun, l'Occident.
00:00:28C'est en tout cas le constat avancé dans le documentaire
00:00:32qui va suivre, Russie-Chine-Iran, la revanche des empires,
00:00:36réalisé par Sophie Lepeau et Julien Blum.
00:00:39Je vous laisse le découvrir et je vous retrouverai
00:00:42sur ce plateau, en compagnie de l'ancien président
00:00:45de la commission des affaires étrangères
00:00:48de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Bourlange,
00:00:50du politologue et spécialiste des relations internationales,
00:00:54Bertrand Baddy, et de la journaliste Isabelle Lasserre.
00:00:57Nous nous interrogerons sur la réalité de cette alliance
00:01:00visant à bâtir un modèle alternatif au monde occidental.
00:01:05Bon doc.
00:01:06...
00:01:15-"Les Army Games", organisé chaque année
00:01:17par le président russe Vladimir Poutine
00:01:20depuis sa première invasion de l'Ukraine en 2014,
00:01:23ressemble à une véritable démonstration de force.
00:01:26...
00:01:30...
00:01:32...
00:01:44Tirs de char,
00:01:46biathlon,
00:01:48courses d'obstacles,
00:01:49relais,
00:01:51épreuves de déminage
00:01:53et même concours de danse.
00:01:55...
00:01:59Pour cette édition d'août 2022, organisée au Venezuela,
00:02:03en pleine guerre en Ukraine,
00:02:05le président russe a réussi à rassembler 34 pays amis,
00:02:11quasiment tous sous sanctions internationales.
00:02:14...
00:02:23Ces Jeux militaires sont surtout l'occasion pour Vladimir Poutine,
00:02:26à ce moment-là, de montrer que son pays n'est pas seul
00:02:30et qu'il peut compter sur de puissants alliés,
00:02:33au premier rang desquels la Chine et l'Iran,
00:02:37qui se sont révélés quelques mois auparavant
00:02:41comme ses deux plus fidèles soutiens
00:02:44dans une guerre, cette fois, bien réelle.
00:02:46...
00:02:47La relation entre la Chine, la Russie et l'Iran
00:02:50repose sur une coopération étroite.
00:02:53Nous devons être unis,
00:02:54maintenir la cohésion pour contrer la domination occidentale,
00:02:58car un pays tout seul est trop faible
00:03:00pour faire face à l'hégémonie.
00:03:02...
00:03:08Musique sombre
00:03:11...
00:03:16Brouhaha
00:03:20Le 24 février 2022,
00:03:22le monde se réveille au son des chenilles russes
00:03:25franchissant les plaines boueuses qui séparent la Russie de l'Ukraine.
00:03:29Explosion
00:03:32En déclenchant l'invasion,
00:03:34Vladimir Poutine a acté le retour de la guerre
00:03:37sur le continent européen.
00:03:38...
00:03:42...
00:03:48Une guerre est menée contre nous et nous sommes obligés de réagir.
00:03:51C'est l'Occident que nous combattons sur le territoire de l'Ukraine.
00:03:55Plutôt, l'Occident se bat contre nous.
00:03:58Les Ukrainiens sont un peuple malheureux,
00:04:00trompé et transformé en chair à canon.
00:04:03Nous sommes désolés pour eux.
00:04:05Mais nous ne combattons pas l'Ukraine.
00:04:07Nous combattons l'Otan et l'Occident.
00:04:10Et nous gagnerons.
00:04:11...
00:04:14Vladimir Poutine justifie son offensive
00:04:17par le rapprochement de ses frontières
00:04:19des bases militaires de l'Otan,
00:04:21l'alliance de défense mutuelle Etats-Unis-Europe
00:04:23créée après la Seconde Guerre mondiale.
00:04:25...
00:04:33...
00:04:38...
00:04:40On nous a menti pendant très longtemps
00:04:42en nous disant que l'expansion de l'Otan ne nous menaçait pas,
00:04:46que les pays qui rejoignaient l'Otan seraient plus amicaux.
00:04:51...
00:04:54Nous en avons assez d'entendre ces mensonges.
00:04:57Nous disons maintenant tout ce que nous pensons.
00:05:01L'Otan est une alliance d'agresseurs.
00:05:04Aujourd'hui, nous ne faisons que punir
00:05:07une organisation de voyous
00:05:08en l'empêchant d'étendre sa zone de contrôle.
00:05:11On dit parfois qu'à force de s'étendre l'alliance atlantique,
00:05:16l'Otan aurait provoqué Vladimir Poutine.
00:05:20Sauf que ce n'est pas l'Otan
00:05:23qui s'est étendu.
00:05:25Ce sont les pays de l'ex-Union soviétique
00:05:28qui se sont rapprochés de l'Occident.
00:05:31C'est l'Ukraine qui a littéralement largué les amarres
00:05:34et a souhaité se rapprocher de l'Europe.
00:05:38Pour bien comprendre la guerre en Ukraine,
00:05:41il faut avoir à l'esprit le fait que le Kremlin
00:05:44était convaincu de remporter une victoire décisive en 72 heures.
00:05:48L'objectif n'était pas tant d'envahir le pays
00:05:51que de chasser le gouvernement en place
00:05:54pour le remplacer par un gouvernement favorable au Kremlin.
00:05:58Le 2 mars 2022, 52 pays sur 193
00:06:03ne condamnent pas l'agression russe lors du vote de l'ONU.
00:06:07Un silence assourdissant
00:06:09qui rebat les cartes des forces en présence.
00:06:12Parmi eux, l'Iran et surtout la Chine,
00:06:15dont les Occidentaux attendaient une condamnation claire.
00:06:20...
00:06:33Le 18 juin 2022, l'imposante avion présidentiel russe
00:06:37atterrit à l'aéroport de Téhéran.
00:06:41C'est la 1re grande visite à l'étranger de Vladimir Poutine
00:06:45depuis le début de la guerre en Ukraine.
00:06:48...
00:06:56Sa poignée de main chaleureuse avec le guide suprême Khamenei
00:07:00sous le regard du président iranien, l'ultra-conservateur Raisi,
00:07:04dit toute l'importance du soutien de l'Iran à la Russie.
00:07:08...
00:07:13...
00:07:20Lorsque Poutine avait désespérément besoin de soutien militaire,
00:07:25et en particulier de drones pour marcher,
00:07:28le pays vers lequel il pouvait se tourner était l'Iran.
00:07:31Et les Iraniens en tireraient eux aussi profit.
00:07:34...
00:07:37L'Iran aurait même envoyé des militaires iraniens,
00:07:41donc des gardiens de la Révolution, en Crimée et en Russie,
00:07:46pour former les militaires russes à l'emploi de ces drones.
00:07:50Et là aussi, ce serait la 1re fois que l'Iran envoie
00:07:54des militaires iraniens en dehors de sa zone d'influence habituelle,
00:07:59le Moyen-Orient.
00:08:00L'Iran a donc clairement choisi son camp.
00:08:03...
00:08:09Mais le principal soutien pour le régime russe
00:08:12se situe de l'autre côté de sa frontière orientale,
00:08:15du côté de la Chine de Xi Jinping, que Vladimir Poutine vient rencontrer
00:08:193 semaines à peine avant d'engager son offensive en Ukraine.
00:08:23...
00:08:29Et dans le pacte d'amitié sans limite et sans précédent
00:08:32qu'il signe à cette occasion,
00:08:34les 2 dirigeants exposent les piliers de ce nouveau monde
00:08:37et surtout la bataille collective qu'ils veulent mener
00:08:40contre l'Occident en donnant leur propre définition
00:08:44des droits de l'homme et de la démocratie.
00:08:46...
00:08:49Et en s'arrogeant chacun des zones d'influence
00:08:52sur lesquelles il s'octroie des droits historiques.
00:08:55...
00:08:57Ils remettent en cause les principes fondamentaux
00:09:01du droit international qui faisait l'unanimité
00:09:04après la 2de guerre mondiale pour préserver la paix.
00:09:07C'est ce qui est dit universel, inscrit dans la charte
00:09:10des Nations unies de 1945 et sa déclaration des droits de l'homme.
00:09:13...
00:09:16Dans leur déclaration conjointe, les 1ers paragraphes
00:09:19s'attaquent directement à l'universalisme en redéfinissant
00:09:23cette notion des droits de l'homme, en disant que les droits de l'homme,
00:09:26c'est une notion qui a été créée et imposée par les Occidentaux
00:09:29et que ces 2 pays sont légitimes pour promouvoir
00:09:32leur propre approche des droits de l'homme.
00:09:35Bien sûr, ça pose un problème parce que quand des pays autoritaires
00:09:38qui violent les droits de l'homme se positionnent
00:09:41en défenseur des droits de l'homme, bien sûr,
00:09:45ça crée une confusion qui, si elle n'est pas clarifiée,
00:09:48peut embrouiller, si je puis dire, certains pays.
00:09:51Xi Jinping et Vladimir Poutine se sont rencontrés
00:09:54plus souvent que n'importe quel autre dirigeant
00:09:57au cours des 10 dernières années. Mais en annonçant
00:10:00un partenariat sans limite, les 2 hommes ont clairement indiqué
00:10:03qu'ils étaient là pour gagner.
00:10:06C'est une alliance où maintenant, un grand pays,
00:10:09la Chine, économiquement 2e du monde,
00:10:12et la Russie, grande puissance militaire,
00:10:15peuvent, avec d'autres, changer l'équilibre du monde,
00:10:18à condition d'être alliés.
00:10:25C'est là que le 3e partenaire arrive.
00:10:28Il faut toujours, dans une alliance, qu'il y ait un partenaire
00:10:31qui vienne faire ce que les autres ne peuvent pas faire officiellement.
00:10:34C'est l'Iran.
00:10:36La guerre en Ukraine est une clarification inédite
00:10:39des liens qui unissent l'Iran, la Chine et la Russie.
00:10:45Elle va mettre au jour une alliance économique parallèle
00:10:48au centre de laquelle se trouvent le régime iranien
00:10:51et ses flottes fantômes. Une collaboration particulièrement
00:10:55utile pour contourner les sanctions internationales
00:10:58qui frappent l'économie russe.
00:11:00L'Iran est sous sanction américaine depuis plusieurs décennies,
00:11:03occidentale à cause de son programme nucléaire illégal
00:11:06depuis très longtemps aussi.
00:11:08La Russie a, à ce moment-là, besoin de savoir
00:11:11comment contourner ces sanctions
00:11:14qui sont en train de lui tomber dessus.
00:11:16L'Iran a envoyé des conseillers en Russie
00:11:19pour expliquer au régime russe comment ils ont fait
00:11:23pour gérer les sanctions au cours des 30 ou 40 dernières années
00:11:26et pour aider les Russes à contourner les sanctions,
00:11:29car l'Iran est désormais un spécialiste en la matière.
00:11:32Le marché parallèle existe malgré les sanctions américaines.
00:11:35Le marché pétrolier, par exemple,
00:11:37n'est pas un marché très contrôlable
00:11:40et nous l'avons utilisé pour vendre notre pétrole.
00:11:43L'idée, c'est de construire des flottes, par exemple,
00:11:46100 % russes, qui n'ont absolument aucun lien
00:11:49avec n'importe quelle entreprise occidentale,
00:11:52donc pas de compagnie d'assurance,
00:11:54pas de compagnie de transport maritime,
00:11:57vraiment aucun lien.
00:11:59La devise qui est employée pour faire tout ce commerce
00:12:02ne peut pas être une devise occidentale.
00:12:05Bien sûr, nous ne sommes pas restés les bras croisés.
00:12:08Oui, en Russie, il existe ce qu'on appelle
00:12:11une flotte de pétroliers fantômes.
00:12:13Nous les avons rachetés partout dans le monde
00:12:17pendant que vous faisiez des bêtises
00:12:20en essayant de bloquer la Russie.
00:12:22Oui, nous avons environ 600 tankers
00:12:25qui peuvent transporter nos produits pétroliers
00:12:28vers n'importe quel point de la planète.
00:12:31Le système de flotte fantôme, inspiré par le régime iranien,
00:12:36permet à la Russie d'exporter son pétrole
00:12:39à un prix plus bas, mais sans laisser de traces.
00:12:47Nous vendons du pétrole à l'Union européenne en ce moment.
00:12:53Maintenant, notre pétrole est à vos stations-services
00:12:57et nous gagnons de l'argent.
00:13:00On vend ce pétrole plus cher que le plafond établi
00:13:03par les idiots des pays occidentaux.
00:13:07Nous transbordons le pétrole la nuit,
00:13:10nous le transbordons à certains endroits,
00:13:13sur vos pétroliers, y compris les pétroliers français,
00:13:16vos pétroliers français.
00:13:22Au moins une vingtaine de navires utilisés par les Iraniens
00:13:25servent aujourd'hui à l'exportation illicite de pétrole russe.
00:13:30Et le premier acheteur n'est autre que la Chine,
00:13:34dont le volume de commandes à la Russie ne cesse d'augmenter
00:13:37jusqu'à atteindre une hausse de 40 % en 2023.
00:13:44Les Américains et les Européens pensent que les sanctions économiques
00:13:48peuvent détruire leur adversaire. Mais ils se trompent.
00:13:51Ils surévaluent leurs capacités.
00:13:54Et en plus, d'un point de vue historique,
00:13:57les sanctions n'ont jamais fonctionné.
00:14:00Grâce à ces méthodes de contournement,
00:14:03l'économie russe a résisté à l'effondrement
00:14:07et continue à soutenir son effort de guerre.
00:14:10Fort de ce succès, la Russie, l'Iran et la Chine
00:14:13tentent d'organiser une coopération économique globale
00:14:16indépendante du système occidental
00:14:19auquel ils ne veulent plus rendre aucun compte.
00:14:25A Samarkand, en Ouzbékistan, le 15 septembre 2022,
00:14:297 mois après le début de l'invasion russe en Ukraine,
00:14:32le triangle Chine-Russie-Iran sort de l'ombre
00:14:35lors du sommet annuel
00:14:37de l'Organisation de coopération de Shanghai, l'OCS.
00:14:40Ce sommet anti-occidental a été créé en 2001
00:14:43par la Chine et la Russie
00:14:46pour concurrencer les institutions internationales existantes.
00:14:49Xi Jinping et Vladimir Poutine
00:14:51renforcent leur entente en présence de nouveaux alliés.
00:14:54Ils viennent de décider d'intégrer
00:14:57un partenaire stratégique du Moyen-Orient, l'Iran.
00:15:12L'un des principaux enjeux ici est d'organiser des coalitions
00:15:15avec les pays du sommet, mais aussi avec d'autres
00:15:18pays qui seraient prêts à jouer avec des règles différentes,
00:15:21différentes de celles fixées par les Etats-Unis.
00:15:24Au niveau géopolitique, l'Iran est le pays le plus important
00:15:27du Moyen-Orient. Il entretient des liens étroits
00:15:31avec la Russie et la Chine en matière de diplomatie
00:15:34et de sécurité.
00:15:37Les trois partis unissent leurs forces.
00:15:40En effet, un pays tout seul est trop faible
00:15:43pour contrer l'hégémonie américaine.
00:15:46Ce que les Iraniens, les Russes et les Chinois essaient de faire
00:15:49en consolidant leurs relations et en se présentant
00:15:53au reste du monde comme un modèle alternatif,
00:15:56c'est aussi de mettre en place de nouvelles institutions
00:15:59internationales.
00:16:02Les pays réunis autour de Xi Jinping et de Vladimir Poutine
00:16:05vont sceller un nouveau pacte contre l'Occident
00:16:08dans lequel ils dévoilent les bases de leur propre système
00:16:12de droit international. Une revanche sur le monde
00:16:15après plus de 30 ans de domination américaine et occidentale.
00:16:22Il est conçu spécifiquement pour garantir
00:16:25un endroit sûr aux dictateurs,
00:16:29un environnement dans lequel personne ne viendra
00:16:32se mêler de ses affaires internes.
00:16:35À l'avenir, le sommet de Shanghai sera peut-être
00:16:38de plus en plus axé sur la défense.
00:16:41On ne peut pas l'exclure.
00:16:45Dans un média chinois contrôlé par le Parti communiste,
00:16:48cette adhésion surprise de l'Iran au sommet de Shanghai
00:16:51est célébrée. Un nouveau concept apparaît.
00:16:54Un triangle de fer entre la Chine, la Russie et l'Iran
00:16:58est en train de se former.
00:17:01On sait que le triangle est la forme la plus stable
00:17:04et indestructible. Cela va non seulement détruire
00:17:07l'hégémonie militaire des Etats-Unis, mais aussi faire souffler
00:17:10un vent nouveau dans le monde entier.
00:17:13Les pays autoritaires ne craignent plus d'affirmer
00:17:16clairement leur vision du monde et leurs ambitions.
00:17:20Jamais les régimes chinois, russes et iraniens
00:17:23n'ont été aussi alignés contre un ennemi commun, l'Occident.
00:17:30Chacun des pays de ce nouvel axe cultive dans son récit national
00:17:33un événement fondateur sur lequel reposerait
00:17:36sa justification de la détestation de l'Occident.
00:17:40Pour le régime iranien, l'origine de la haine
00:17:43anti-américaine remonte à un événement bien précis.
00:17:49Au XIXe siècle, l'Empire perse, vaincu par les Russes
00:17:53et les Britanniques, est partagé entre les puissances occidentales.
00:17:58Après la décolonisation, la Perse devient la monarchie d'Iran
00:18:02en 1935, dirigée par le Shah,
00:18:05mais le pays reste sous emprise économique de l'Occident.
00:18:08L'Iran devient même le principal pilier
00:18:11de la politique américaine au Moyen-Orient.
00:18:15Et en 1953, quand le premier ministre iranien Mossadegh
00:18:18veut nationaliser les puits de pétrole iranien,
00:18:21la CIA, qui craint la mamise soviétique,
00:18:24organise un coup d'Etat pour le renverser.
00:18:33C'est un tournant pour la vision qu'avaient les Iraniens
00:18:37des Etats-Unis.
00:18:40Après cet événement, le slogan « mort à l'Amérique »
00:18:43s'est répandu et les conseillers militaires américains
00:18:47présents en Iran sont devenus des personnages détestés.
00:18:56L'Ayatollah Khomeini engage alors une révolution islamique,
00:18:59renverse le Shah d'Iran et installe une dictature religieuse
00:19:02en 1979.
00:19:06Son successeur, l'Ayatollah Khomeini, porte son héritage.
00:19:09Redonner à l'Iran la grandeur perdue de l'Empire perse
00:19:12et exporter la révolution islamique.
00:19:15Il développe alors un axe de résistance aux Etats-Unis
00:19:18et à Israël en finançant des milices guerrières
00:19:21en Syrie et en Irak, des groupes terroristes
00:19:25comme le Hezbollah au Liban, le Hamas ou le djihad islamique
00:19:28dans les territoires palestiniens ou les Houthis au Yémen.
00:19:31Une zone d'influence très active aux ordres de l'Islam
00:19:34et d'influence très active aux ordres de Téhéran.
00:19:41Pour le régime chinois, ce sont les guerres de l'opium
00:19:44menées par les Britanniques contre l'Empire de Chine
00:19:47au milieu du 19e siècle qui constituent la plus grande humiliation
00:19:50et le symbole de la domination occidentale.
00:19:54Les crimes que l'Occident a commis contre la Chine,
00:19:57on n'a même pas besoin d'en parler.
00:20:00En 1840, on nous a infligé les guerres de l'opium.
00:20:04Comment peut-on imaginer aujourd'hui
00:20:07qu'un pays européen ait utilisé la force
00:20:10pour imposer la vente d'opium à la Chine ?
00:20:13Après avoir mis les Chinois sous dépendance de l'opium,
00:20:16des traités qualifiés d'inégaux permettent
00:20:19aux flottes américaines, japonaises et européennes
00:20:23de naviguer en plein coeur de la Chine sur le Yangtze-Qiang
00:20:26et de profiter des ports de commerce chinois.
00:20:30Quand Mao prend le pouvoir en 1949,
00:20:33il fixe au Parti communiste chinois l'objectif
00:20:36de sauvegarder la révolution communiste
00:20:39et de rétablir l'unité du territoire.
00:20:42Mettre au pas le Tibet et le Xinjiang,
00:20:46reprendre coûte que coûte le contrôle des territoires perdus
00:20:49comme Hong Kong, resté sous protectorat britannique,
00:20:52et l'île de Taïwan, qui a fait sécession avec la Chine communiste.
00:20:55Enfin, retrouver sa zone d'influence
00:20:58maritime en mer de Chine du Sud.
00:21:01C'est cet héritage que porte Xi Jinping.
00:21:10Si pour l'Iran et la Chine, les humiliations de la colonisation
00:21:14sont transmises en héritage aux dirigeants actuels
00:21:17comme leitmotiv anti-occidental,
00:21:20pour le régime russe, l'humiliation est plus récente.
00:21:23Elle est même vécue de l'intérieur
00:21:26par Vladimir Poutine lui-même,
00:21:29alors en poste au KGB en Allemagne de l'Est.
00:21:32Il assiste en direct à la fin de la guerre froide
00:21:36entre le régime communiste russe et le régime libéral américain
00:21:39et à l'effondrement du bloc soviétique.
00:21:49L'URSS, l'Union des républiques soviétiques-socialistes,
00:21:53se dissout.
00:21:55Les grandes républiques soviétiques, comme l'Ukraine,
00:21:58proclament leur indépendance.
00:22:25Les peuples concernés
00:22:27vers la confrontation avec l'Occident.
00:22:30En une vingtaine d'années à peine, tous les pions sont posés.
00:22:34Les régimes russes, iraniens et chinois
00:22:37forment désormais un triangle stratégique et pragmatique
00:22:40avec des entraînements militaires conjoints
00:22:43de plus en plus fréquents.
00:22:46Ils s'entraînent sur des scénarios conçus pour refléter
00:22:49ce qu'ils considèrent comme les principales menaces
00:22:52auxquelles ils sont confrontés.
00:22:56Et si ces trois pays, la Chine, la Russie et l'Iran,
00:22:59voient l'Occident comme un ennemi,
00:23:02nous devons en être pleinement conscients
00:23:05et nous devons comprendre ces systèmes.
00:23:08Nous devons être en mesure de connaître leurs puissances militaires,
00:23:11le potentiel de leurs services de renseignement
00:23:15ainsi que les intentions de leurs dirigeants.
00:23:18Dès la fin des années 1990, les trois puissances
00:23:21ont déjà commencé à unir leurs forces sur d'autres terrains
00:23:24à travers une guerre hybride contre l'Occident
00:23:27qui va se jouer sur tous les fronts, visibles et invisibles en même temps.
00:23:33L'objectif ? Semer le chaos dans les démocraties.
00:23:42Persuadés que les Etats-Unis sont responsables
00:23:45de l'effondrement de l'URSS, Vladimir Poutine remobilise
00:23:48un arsenal des services secrets soviétiques,
00:23:51comme les mesures actives, des actions d'ingérence
00:23:54créées par le KGB pour déstabiliser les démocraties de l'intérieur.
00:24:03C'est une guerre de l'information
00:24:06qui utilise la désinformation.
00:24:09Il s'agit de cyberopérations, attaquer et collecter des renseignements.
00:24:12On a affaire à différentes formes de guerres économiques,
00:24:15de corruption et de financements occultes.
00:24:18Ainsi, lorsque Poutine entreprend de restaurer l'Etat russe,
00:24:21il va renforcer ses services de renseignement
00:24:25pour continuer à mettre en oeuvre des mesures actives.
00:24:28L'un des problèmes que l'on a pour comprendre
00:24:31la rivalité qui émerge de plus en plus
00:24:34entre, d'un côté, l'Occident et, de l'autre côté,
00:24:37un certain nombre de régimes autoritaires,
00:24:40notamment la Russie et la Chine,
00:24:43c'est notre tendance
00:24:47à penser la question de la guerre de manière binaire.
00:24:50Soit on est en guerre, soit on est en paix.
00:24:53Or, si on veut comprendre la situation dans laquelle on est,
00:24:56il faut casser cette dichotomie
00:24:59pour comprendre qu'entre l'état de guerre
00:25:02et l'état de paix, il y a tout un tas d'autres positions
00:25:06où on ne sera pas véritablement en paix,
00:25:09mais pas non plus complètement en guerre.
00:25:12On ne va pas utiliser des chars, des missiles, des avions, etc.,
00:25:16mais on va quand même se faire la guerre par d'autres moyens.
00:25:19Et cette guerre, c'est une guerre de l'ombre.
00:25:22Pour la 1re fois, les 3 régimes s'alignent véritablement
00:25:25sur une campagne de désinformation commune
00:25:29lors de l'épidémie du Covid déclarée en 2019
00:25:32dans la ville de Wuhan, en Chine.
00:25:42Dès le début de la pandémie, le régime russe
00:25:45va propager de fausses informations sur l'origine du virus.
00:25:49Des articles et des émissions affirment que le Covid-19
00:25:52serait une arme biologique d'origine américaine
00:25:55développée par les Etats-Unis à destination de ses ennemis.
00:26:12C'est-à-dire que c'est une arme biologique ?
00:26:43Un réseau iranien de désinformation sur les réseaux sociaux
00:26:46va alors s'employer à diffuser du contenu
00:26:49accusant les Etats-Unis d'avoir fabriqué le Covid
00:26:52et loue les attitudes de la Russie et de la Chine
00:26:55pour leur rôle dans la lutte contre le virus.
00:26:59Nous voyons apparaître à l'échelle mondiale
00:27:02des réactions des Etats-Unis
00:27:05et des Etats-Unis américains
00:27:08contre le virus.
00:27:11Et nous voyons apparaître à nouveau un ensemble de récits
00:27:14qui incitent les gens à mettre en doute la vérité,
00:27:17la réalité dans laquelle ils vivent.
00:27:21C'est ça, véritablement, la stratégie russe.
00:27:24A l'image de la guerre de l'information
00:27:27initiée par le régime russe, la Russie, la Chine et l'Iran
00:27:30mènent aujourd'hui ensemble ou séparément
00:27:33une guerre hybride totale contre les régimes démocratiques.
00:27:37En 2023, la CIA et les services de renseignement
00:27:40d'une dizaine de démocraties occidentales
00:27:43placent ces trois régimes autoritaires
00:27:46au sommet de la liste des menaces les plus inquiétantes.
00:27:54Dans l'Union européenne, la Suède, démocratie exemplaire,
00:27:57pacifique, soucieuse des droits de l'homme,
00:28:01neutre depuis deux siècles,
00:28:04est l'une des cibles privilégiées de ces trois pays.
00:28:07Ce que nous avons constaté, c'est que ces pays coopèrent
00:28:10d'une manière inédite, que l'on ne connaissait pas
00:28:13il y a quelques années, et nous avons observé cela
00:28:16de très près. C'est intéressant pour nous,
00:28:20surtout lorsque la sécurité nationale est en jeu.
00:28:25Début 2023, la Suède se retrouve plus que jamais
00:28:28dans le viseur russe après sa demande d'intégration
00:28:31à la force militaire de l'OTAN pour protéger ses frontières
00:28:35de la menace.
00:28:56Les représentants de leur gouvernement ont dit à la Suède
00:28:59que si la Suède rejoint l'OTAN, vous serez une cible
00:29:02pour la Russie d'une manière ou d'une autre.
00:29:05À une semaine d'un vote décisif de la Turquie,
00:29:08dernier membre de l'OTAN a barré la route
00:29:11à l'adhésion de la Suède. Un événement va bouleverser
00:29:15le cours des négociations.
00:29:29Un militant d'extrême droite suédois brûle un Coran
00:29:32devant l'ambassade même de la Turquie à Stockholm.
00:29:36Il est filmé par un journaliste affilié au réseau prorusse
00:29:39qui aurait financé l'opération.
00:29:45Dans cette affaire suédoise, on est en présence
00:29:48de ce que les Russes appellent une mesure active,
00:29:51c'est-à-dire qu'il s'agit d'amplifier un phénomène,
00:29:54ici d'amplifier la perception d'actes contre les musulmans
00:29:58en organisant une mise en scène d'un Coran brûlé
00:30:01par un Suédois devant l'ambassade de Turquie
00:30:04dans un contexte qui est celui de négociations
00:30:07très serrées entre la Turquie et la Suède
00:30:10à propos de l'intégration de la Suède dans l'OTAN.
00:30:14Le coup de téléphone qu'il a fait venir
00:30:17provenait d'un reporter d'un de ses médias alternatifs
00:30:20qui travaillait pour le groupe le plus ouvertement prorusse.
00:30:28C'est typiquement ce genre de réseau
00:30:30que l'on dit affilié au service de renseignement extérieur russe.
00:30:34Dès le lendemain de ce pseudo-événement médiatique,
00:30:38la Turquie a annoncé, momentanément,
00:30:42de plus soutenir l'adhésion de la Suède à l'OTAN.
00:30:51Ces actions de déstabilisation se propagent dans le monde entier
00:30:55et il y a les médias russes, chinois, iraniens
00:30:58qui diffusent les images provocatrices dans les pays arabes.
00:31:08Ce que l'on sait de source sûre,
00:31:10c'est que la Russie alimente la désinformation dans les pays arabes
00:31:13sur ce corps embrulé
00:31:15et met en avant ces éléments
00:31:17pour provoquer des réactions fortes de la part du monde arabe.
00:31:21Ces affaires, ces actions,
00:31:24se sont répandues comme une traînée de poudre
00:31:27à l'échelle internationale
00:31:29et de manière plutôt agressive.
00:31:31Et nous savons pertinemment que la Russie et l'Iran
00:31:35ont tout intérêt à faire passer la Suède
00:31:38pour un pays opposé à l'islam.
00:31:44C'est l'une des questions les plus complexes
00:31:47que nous ayons à traiter à ce sujet.
00:31:50Bien sûr, la Russie est impliquée.
00:31:52Bien sûr, l'Iran est impliqué.
00:31:57Mais par procuration.
00:31:59Par procuration, c'est la stratégie des Russes.
00:32:02Ils s'efforcent donc de déstabiliser,
00:32:05de répandre la désinformation
00:32:07pour s'assurer que la Suède soit attaquée
00:32:10et retarder notre demande d'adhésion à l'OTAN.
00:32:14La guerre de l'information, c'est une guerre à mort
00:32:17entre les régimes démocratiques et les régimes autoritaires.
00:32:21Une guerre dont les régimes autoritaires
00:32:24sont persuadés aujourd'hui de pouvoir sortir vainqueurs.
00:32:32Pour s'assurer de la bonne diffusion de leur propagande
00:32:35sur leur population, les Etats autoritaires développent
00:32:38et partagent des technologies sécuritaires
00:32:41de plus en plus sophistiquées.
00:32:43Et le maître en la matière qui inspire les autres régimes
00:32:46c'est le régime chinois.
00:32:51La Chine dispose de moyens
00:32:53industriels, technologiques, financiers,
00:32:56que n'ont pas la Russie et l'Iran.
00:32:59La Chine, de ce point de vue-là,
00:33:02est pourvoyeuse de technologies, de savoir-faire,
00:33:05d'ingénieurs, d'infrastructures.
00:33:08Donc il y a une forme d'avance technologique chinoise
00:33:13dont ses alliés entendent tirer bénéfice.
00:33:16En juillet 2017,
00:33:18une délégation de fonctionnaires
00:33:20de l'agence de censure et de propagande russe
00:33:24rend visite à ces homologues chinois.
00:33:26Des fuites inédites montrent l'intérêt de la Russie
00:33:29pour le système chinois de contrôle d'Internet
00:33:32et l'amorce d'une coopération entre les deux régimes.
00:33:35Grâce à notre expérience, nous avons mis au point
00:33:38un système de contrôle de l'information très efficace.
00:33:42Seulement 0,18 % des informations étrangères interdites chez nous
00:33:47échappent à nos blocages.
00:33:49Il serait très intéressant pour nous de venir en Chine
00:33:52et de voir comment le bouclier d'or chinois fonctionne
00:33:55dans la pratique.
00:33:57Parce que plus de 95 % des informations interdites
00:34:01dans la fédération de Russie proviennent de l'étranger.
00:34:06Avec la numérisation des données personnelles,
00:34:09la surveillance des réseaux sociaux
00:34:11et les caméras dotées d'intelligence artificielle,
00:34:15le régime chinois développe une véritable boîte à outils
00:34:18de censure et de répression qu'il exporte à ses partenaires
00:34:21dans le cadre d'accords commerciaux.
00:34:27En quoi consiste réellement cette boîte à outils
00:34:30de répression numérique ? Ce que nous savons,
00:34:33c'est qu'il s'agit essentiellement d'un ensemble d'outils
00:34:36de surveillance. Ils permettent d'identifier rapidement
00:34:39les faibles de poser problème.
00:34:41Et cette sorte de boîte à outils d'autoritarisme numérique,
00:34:45pourrait-on dire, les Chinois sont en mesure de la fournir.
00:34:48Et la Chine commence à l'exporter non seulement vers la Russie,
00:34:51mais aussi vers d'autres pays.
00:34:55Le régime russe a lancé début 2023 son propre système
00:34:58de surveillance et de contrôle nommé Oculus,
00:35:01inspiré du système chinois.
00:35:04Depuis peu, le régime iranien peut aussi compter
00:35:07sur l'appui technologique d'une entreprise chinoise
00:35:10nommée Tiandi.
00:35:12Tiandi est l'entreprise la plus dangereuse au monde
00:35:15et personne ne la connaît.
00:35:17Tiandi utilise des caméras dotées d'une intelligence artificielle
00:35:20qui peut détecter l'ethnie et la race.
00:35:24Elles produisent des appareils comme la chaise du tigre
00:35:27qui sont utilisées pour des interrogatoires,
00:35:30pas seulement en Chine, mais aussi dans le monde entier.
00:35:33Les Chinois ont vendu des produits Tiandi en Iran
00:35:37aux gardes de la Révolution, aux services de renseignement
00:35:40et à la police iranienne.
00:35:42Ils ont ensuite été déployés dans tout le pays
00:35:45contre les mouvements de protestation qui ont déstabilisé le régime
00:35:48au cours des deux dernières années, y compris contre le mouvement
00:35:51des femmes.
00:36:06Un plan de coopération Chine-Iran prévoit l'installation
00:36:09de 15 millions de caméras dans 28 villes iraniennes.
00:36:12Les données seraient transférées vers deux centres de contrôle,
00:36:16l'un à Téhéran, l'autre en Chine.
00:36:37Ils s'entraident et les Chinois en profitent pour promouvoir
00:36:40ces technologies répressives auprès de leurs partenaires
00:36:43afin de renforcer ces mêmes autocraties et d'affaiblir
00:36:47les démocraties.
00:36:53Cette nouvelle coalition contre les démocraties parvient même
00:36:56à déstabiliser les plus hautes institutions internationales.
00:36:59A Genève, en Suisse, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU
00:37:02est devenu leur cible privilégiée.
00:37:05...
00:37:26Avec le temps, l'Iran comme la Chine ont réussi à s'imposer
00:37:30dans cette institution qui pourtant les condamnait régulièrement.
00:37:33...
00:37:36Il y a une dizaine d'années, on disait que la Chine investit
00:37:39dans les agressions multilatérales à l'ONU et ailleurs,
00:37:42mais elle n'y arrivera pas, elle n'y arrivera pas
00:37:45à fédérer les pays autour de ses oppositions
00:37:48parce que c'est trop gros, parce qu'elle a des gros sabots,
00:37:52parce que tout le monde est bien conscient des violations
00:37:55des droits de l'homme sur le territoire chinois,
00:37:58mais aujourd'hui, elle y arrive.
00:38:00...
00:38:03En septembre 2022, alors que 25 pays du Conseil des droits de l'homme
00:38:06réclament une commission d'enquête
00:38:08sur les persécutions de la minorité musulmane ouigours,
00:38:12la délégation chinoise réussit à retourner la situation.
00:38:15...
00:38:22Les Chinois parviennent à convaincre 11 pays de s'abstenir,
00:38:2519 à voter contre la commission d'enquête,
00:38:28en s'appuyant sur une lettre de soutien.
00:38:31...
00:38:34Le texte est signé par 50 ambassadeurs à l'ONU,
00:38:38dont les délégations russes, iraniennes,
00:38:41mais aussi leurs partenaires comme la Syrie,
00:38:44la Corée du Nord, le Venezuela.
00:38:46...
00:38:48Quand on regarde la liste des membres,
00:38:50on se rend compte qu'environ 2 tiers d'entre eux
00:38:53sont soit des dictatures à part entière,
00:38:55soit d'autres formes de non-démocratie.
00:38:57On pourrait justement voir une certaine solidarité
00:39:00entre des régimes autoritaires.
00:39:03C'est-à-dire que là où la violation des droits de l'homme
00:39:06pose problème aux démocraties,
00:39:08en tant que telle, ce n'est pas un problème pour beaucoup de pays.
00:39:11C'est le niveau le plus bas jamais atteint
00:39:13dans l'histoire du Conseil des droits de l'homme,
00:39:16c'est-à-dire en fait depuis 1946.
00:39:18...
00:39:21Ce coup de théâtre va révéler les stratégies du régime chinois
00:39:24pour influencer le Conseil des droits de l'homme,
00:39:27comme l'organisation de cette exposition
00:39:29sur le bien-être des Ouïghours au sein même de l'ONU...
00:39:32...
00:39:36...ou la création de fausses ONG
00:39:38pour monopoliser le temps de parole.
00:39:40...
00:39:45Et donc, la Chine, par exemple, va favoriser
00:39:48la prise de parole d'ONG, ce qu'on appelle des gongos,
00:39:51qui sont des fausses ONG,
00:39:53qui sont des ONG contrôlées par le pouvoir chinois, en fait.
00:39:56Ils sont des organismes, en fait, d'Etat, quasiment,
00:39:59et qui, elles, prétendent faire du travail
00:40:03en faveur des droits de l'homme,
00:40:05mais vont insister sur des sujets qui sont sans conséquence
00:40:09pour la Chine, par exemple, la sortie de la pauvreté.
00:40:12...
00:40:13Elles parasitent l'opportunité énorme que les ONG,
00:40:16les vraies ONG, peuvent avoir.
00:40:18La Chine, l'Iran et d'autres régimes
00:40:21déploient des gongos pour empoisonner le système.
00:40:25Thank you.
00:40:27La stratégie de la Chine au sein du Conseil de droit de l'homme
00:40:30est double. C'est à la fois une stratégie de coalition,
00:40:33fédérée autour d'elle un maximum de pays
00:40:35en mesure de soutenir ses positions sur les questions sensibles
00:40:39et, en même temps, redéfinir au maximum
00:40:41les termes qui lui posent problème.
00:40:43...
00:40:52La Chine a activement promu sa propre définition des droits de l'homme
00:40:56en indiquant que le premier droit serait le droit à la prospérité.
00:41:01Et donc, les libertés individuelles
00:41:03ne seraient pas, finalement, des droits prioritaires.
00:41:06...
00:41:08Chaque pays doit avoir sa propre définition des droits de l'homme.
00:41:11On ne peut pas tous avoir la même définition.
00:41:14Nous n'avons pas tous les mêmes valeurs.
00:41:16Elles dépendent des étapes de développement du pays,
00:41:19des traditions, de l'histoire.
00:41:20Il n'y a pas un particularisme et non pas un universalisme.
00:41:24...
00:41:25Chaque nation doit choisir le mode de gouvernance
00:41:28qu'elle juge la plus efficace.
00:41:32Et pour moi, la démocratie est la pire façon de gouverner
00:41:36qu'il soit.
00:41:37Et nous développons un nouveau concept des droits de l'homme
00:41:41qui sera, bien sûr, plus conforme aux véritables besoins de l'homme
00:41:46et à une nouvelle façon de concevoir l'humanité.
00:41:49...
00:41:51Quelque part, ce que la Chine essaie d'introduire,
00:41:54c'est la fin de l'universalisme.
00:41:57C'est-à-dire qu'il n'y a plus de conception, selon elle,
00:42:00il n'y a pas de conception universaliste du droit.
00:42:03Le droit occidental ne peut pas s'appliquer tel quel
00:42:07à la population chinoise, qui a une autre histoire,
00:42:10une autre trajectoire, une autre culture.
00:42:13Et donc, il faut un droit qui soit conforme à cet héritage.
00:42:16...
00:42:17Fin 2023, alors que l'Iran préside le forum social
00:42:20du Conseil des droits de l'homme,
00:42:23la Chine a réussi à prendre la présidence
00:42:25de 4 des 15 agences des Nations unies.
00:42:28...
00:42:30Ils ont élaboré un plan.
00:42:32Ils se sont dit qu'ils allaient devoir travailler ensemble
00:42:35et faire appel à une coalition de pays
00:42:37beaucoup plus large dans le monde antique.
00:42:40Des changements géopolitiques sont aujourd'hui à l'oeuvre
00:42:43dans le monde.
00:42:45Des changements qu'on n'a pas connus depuis 100 ans.
00:42:48Et quand nous travaillons ensemble,
00:42:50nous prenons la tête de ces changements.
00:42:53Prenez soin de vous, chers amis.
00:42:55...
00:42:59En plus de créer le chaos dans les pays démocratiques
00:43:02et de neutraliser les valeurs universelles
00:43:05des droits de l'homme, ce nouvel axe de pays autoritaire
00:43:08mené par la Chine est en train d'organiser
00:43:10un véritable monde parallèle, alternatif au monde occidental.
00:43:15...
00:43:17Pour restructurer le monde à leur avantage
00:43:19et engager ces changements historiques,
00:43:22la Chine et la Russie veulent rassembler derrière eux
00:43:25une coalition bien plus vaste afin d'isoler l'Occident.
00:43:28...
00:43:31Fin août 2023, c'est lors du sommet des BRICS de Johannesburg
00:43:35qu'ils vont concrétiser la 1re étape de leur plan.
00:43:38...
00:43:40...
00:43:43...
00:43:45C'est sur ce groupe des BRICS qu'ils misent avant tout.
00:43:48...
00:43:50Ce club de nouvelles puissances économiques
00:43:52créé à la fin des années 2000 par la Chine et la Russie
00:43:55pour contrer la domination des Etats-Unis sur le monde
00:43:58avec le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud.
00:44:00...
00:44:02Ils ont commencé à tester et à examiner
00:44:05d'autres structures mondiales en se demandant
00:44:07pouvons-nous constituer une puissance assez forte ?
00:44:11Y a-t-il suffisamment de pays comme nous qui haïssent les Etats-Unis,
00:44:15qui détestent l'ordre mondial libéral
00:44:17et qui seraient prêts à unir leurs forces au nôtre ?
00:44:21...
00:44:22Mais ce sommet va être le théâtre d'un événement majeur.
00:44:25A la suite de tractations entre la Chine et la Russie d'un côté,
00:44:30le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud de l'autre,
00:44:33les BRICS annoncent l'intégration de 5 nouveaux pays émergents.
00:44:37...
00:44:39La Chine et la Russie ont obtenu l'intégration
00:44:42de la République islamique d'Iran depuis si longtemps isolée.
00:44:45...
00:45:07...
00:45:13Pour le régime iranien, c'est une victoire historique
00:45:17qui valide sa politique de rapprochement
00:45:19avec la Chine et la Russie.
00:45:21...
00:45:24...
00:45:28Il pense que l'économie de l'Iran a un niveau suffisamment élevé
00:45:32pour faire partie de cette organisation.
00:45:35...
00:45:37La Chine, la Russie, l'Inde, l'Afrique du Sud et le Brésil
00:45:42se considèrent comme des pays à l'avant-garde
00:45:45de la future économie mondiale
00:45:47et ils veulent avoir l'Iran à leur côté.
00:45:50...
00:45:53Plus vous nous mettez des bâtons dans les roues,
00:45:56plus nous nous rapprochons entre nous
00:45:59et plus nous devenons dangereux pour vous.
00:46:02Et l'idée d'élargir les BRICS,
00:46:04que les Chinois ont soutenues de manière agressive,
00:46:07vise simplement à montrer au reste du monde
00:46:10qu'il existe une demande pour ce que les BRICS offrent.
00:46:13C'est une victoire diplomatique majeure pour les Chinois.
00:46:17...
00:46:19Pour la Chine, cette nouvelle coalition
00:46:21est surtout l'occasion de créer enfin un monde économique alternatif
00:46:25indépendant de l'Occident.
00:46:27...
00:46:29Car avec les nouvelles adhésions,
00:46:31les BRICS représentent désormais
00:46:33presque la moitié de la population mondiale
00:46:35et un tiers de ses richesses.
00:46:38Sans compter les nouvelles candidatures d'adhésion.
00:46:41...
00:46:44Le plan est qu'à long terme,
00:46:47des pays comme l'Iran, la Russie et la Chine
00:46:50vont éroder la capacité des Etats-Unis
00:46:52à utiliser les sanctions
00:46:54comme outils politiques au niveau international.
00:46:57Parce qu'ils vont créer des mécanismes alternatifs
00:47:01pour contourner les sanctions américaines
00:47:03et pour contourner la domination du dollar,
00:47:06ce qui rendra plus difficile pour les Etats-Unis
00:47:08l'utilisation de leurs systèmes de sanctions.
00:47:11...
00:47:15Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale,
00:47:19des économies suffisamment puissantes
00:47:21semblent donc en mesure de créer un espace commercial,
00:47:24économique et financier à l'abri de la puissance du dollar.
00:47:27...
00:47:31Pour la Chine, l'enjeu est de taille,
00:47:33car cet espace alternatif l'immuniserait
00:47:35contre les sanctions occidentales
00:47:37dans le cas d'une annexion de l'île de Taïwan.
00:47:40...
00:47:41Evidemment, en ligne de mire,
00:47:43il y a le caractère agressif des positions de la Chine
00:47:46vis-à-vis de Taïwan.
00:47:47Il n'est pas à exclure que la Chine cherche à envahir Taïwan,
00:47:51peut-être en 2030,
00:47:52autour de ces années-là, en tout cas,
00:47:55quand la Chine deviendra probablement
00:47:57la première puissance économique mondiale.
00:48:00Mais la Chine souhaiterait d'ici là
00:48:01avoir des mécanismes financiers alternatifs
00:48:04pour que ces sanctions soient inefficaces.
00:48:06...
00:48:08En créant un monde parallèle à l'abri des sanctions
00:48:11et en forgeant des coalitions toujours plus vastes,
00:48:14l'objectif pour la Chine, la Russie et l'Iran
00:48:17est de pouvoir enfin mener à bien leurs ambitions respectives
00:48:20sans se soucier des conséquences éventuelles.
00:48:23...
00:48:29L'Iran se présente plus que jamais
00:48:31comme le plus grand opposant des Américains au Moyen-Orient.
00:48:34...
00:48:39Il avance aujourd'hui ses pions,
00:48:41bénéficiant du chaos provoqué par l'attaque terroriste
00:48:44du 7 octobre et les représailles sanglantes d'Israël.
00:48:47...
00:48:50Ces oppressions répétées et cumulées
00:48:52ont abouti à un soulèvement de la population de Gaza
00:48:55et de l'axe de résistance
00:48:58qui ont donné un coup décisif au régime israélien
00:49:01le 7 octobre dernier.
00:49:03Il n'y a absolument aucune surprise dans l'attitude iranienne.
00:49:06Téhéran soutient le Hamas, continue à soutenir le Hezbollah,
00:49:10se félicite de ce qui s'est passé,
00:49:12se pose en champion de la cause palestinienne,
00:49:15tout en encourageant sans doute le Hezbollah ou les Houthis
00:49:18et le Hamas à en faire toujours plus.
00:49:21...
00:49:22Les milices soutenues par l'Iran,
00:49:24comme le Hezbollah au Liban ou les Houthis au Yémen,
00:49:27menacent de provoquer une escalade
00:49:29qui risque de déstabiliser encore davantage les Occidentaux.
00:49:33...
00:49:37Une évolution importante est en train de se dérouler dans la région.
00:49:41Les groupes de l'axe de résistance y sont devenus des acteurs
00:49:44plus importants et l'architecture future de la région
00:49:48devra tenir compte de la place de ces groupes.
00:49:51D'une certaine manière,
00:49:52les trois pays concernés bénéficient,
00:49:55une sorte d'effet d'aubaine, bénéficient de ces attentats.
00:49:59L'Iran, puisqu'il se met au centre du jeu proche-oriental,
00:50:05la Russie, parce qu'elle se pose
00:50:08comme défenseur des peuples opprimés,
00:50:10comme la Chine, d'ailleurs,
00:50:12et que Pékin et Moscou
00:50:15voient avec une grande satisfaction
00:50:18les observateurs internationaux se détourner de l'Ukraine
00:50:22ou de Taïwan pour se focaliser sur le proche-orient.
00:50:25Donc chacun à leur manière, la Russie, la Chine et l'Iran
00:50:30bénéficient politiquement du 7 octobre.
00:50:32Dans ce monde où l'Occident n'est désormais plus le leader incontesté,
00:50:37le régime iranien, comme ses partenaires russes et chinois,
00:50:40semble plus libre que jamais d'atteindre leurs objectifs.
00:50:44C'est-à-dire qu'on aurait, à priori,
00:50:46des petits systèmes régionaux
00:50:48qui interagiraient les uns avec les autres.
00:50:51Et à la tête de ces systèmes régionaux,
00:50:54la puissance qui se pense être la plus légitime
00:50:56pour régner dans la zone.
00:50:58Typiquement, au Moyen-Orient, ce serait un système dirigé par l'Iran,
00:51:02en Eurasie, un système dirigé par la Russie
00:51:05et puis, en Asie du Sud, un système dirigé par la Chine.
00:51:11Dans ce monde fragmenté,
00:51:13l'Europe se retrouve frontalement confrontée
00:51:15à la question de son indépendance stratégique.
00:51:18On a un bloc mené par les Etats-Unis,
00:51:20un bloc mené par la Chine,
00:51:22un bloc des économies en développement.
00:51:24La question est de savoir si l'Union européenne
00:51:27peut émerger en tant que 4e bloc autonome
00:51:30ou si l'Union européenne devra se ranger
00:51:32quelque part derrière les Etats-Unis.
00:51:35L'Union européenne est aujourd'hui courtisée par la Chine,
00:51:39qui a entrepris de la faire sortir du bloc occidental.
00:51:45La Chine est très désireuse de consolider son amitié avec l'Europe,
00:51:48d'accroître les échanges commerciaux
00:51:50et de renforcer la compréhension mutuelle.
00:51:52Suivre les Etats-Unis vous mènera à la ruine.
00:51:57Les coalitions peuvent donc être flexibles.
00:52:00Demain, elles pourraient également inclure
00:52:02de nombreux autres Etats d'Europe et d'ailleurs.
00:52:05La plupart des pays du monde
00:52:09ont une attitude neutre ou neutre-positive à notre égard.
00:52:14Seule une minorité de pays, de moins en moins nombreux,
00:52:18sans avenir et de plus en plus faibles,
00:52:20se battent contre nous.
00:52:23C'est l'ancien Occident.
00:52:26Il finira lui aussi par se diviser.
00:52:29Et de nombreux pays occidentaux et même européens
00:52:33rejoindront la Grande Eurasie.
00:52:39Cette nouvelle ère, instable par essence et à durée indéterminée,
00:52:44pousse chaque puissance à revoir ses positions.
00:52:50Les forces de l'OTAN organisent depuis 2023
00:52:53les exercices militaires les plus importants
00:52:55depuis la fin de la Guerre froide,
00:52:57mobilisant 90 000 soldats issus des 31 pays alliés.
00:53:04Nous devons réaliser que ce n'est pas une donnée
00:53:07que nous sommes en paix.
00:53:10C'est pour ça que nous avons les plans.
00:53:12La paix a donné l'impression d'être juste autour du coin.
00:53:17Mais pas tout le monde a reçu la mémoire.
00:53:21En fait, nos adversaires se mobilisaient.
00:53:26Beaucoup m'ont dit cela.
00:53:28Mais laissez-moi le faire avec la force de l'obligation,
00:53:31moins intéressée et sans maquillage.
00:53:35Il peut y avoir une guerre.
00:53:38Qui es-tu si la guerre arrive ?
00:53:42Alors que le soutien des Etats-Unis à l'OTAN
00:53:44pourrait connaître des soubresauts
00:53:47et que l'Europe pourrait se retrouver seule
00:53:48à soutenir l'Ukraine contre la Russie,
00:53:52l'Union Européenne est plus que jamais confrontée
00:53:54à son destin de puissance militaire.
00:53:57Si Poutine devait gagner cette guerre
00:54:00parce que nous, Européens et Américains,
00:54:02ne soutenons plus l'Ukraine,
00:54:04ce serait un très mauvais signal
00:54:06pour les autres dictatures et régimes autocratiques dans le monde.
00:54:12Il suffirait de brutalité et de temps pour opprimer son voisin.
00:54:16Ce serait un message totalement catastrophique à envoyer.
00:54:20Pour l'Europe, c'est la grande question.
00:54:22Jusqu'où on peut aller ?
00:54:24Pour l'Europe, c'est la grande question.
00:54:26Jusqu'où on peut s'organiser
00:54:28pour montrer que ce n'est pas simplement un grand marché, une monnaie,
00:54:32mais un continent qui sait se défendre
00:54:34et qui sait se faire respecter ?
00:54:37Et puis la deuxième façon,
00:54:39c'est tout simplement de nous réinvestir dans nos démocraties,
00:54:44de nous réengager,
00:54:45de nous remettre à formuler
00:54:49des valeurs qui peuvent être universelles.
00:54:54Pour les régimes qui défient aujourd'hui l'Occident,
00:54:57toute la question est de savoir
00:54:58s'ils parviendront à surmonter leur propre fragilité
00:55:02et à contrôler des populations
00:55:04qui ne cessent d'exprimer leur désir de liberté
00:55:07et qui croient en la victoire de la démocratie.
00:55:12Depuis la guerre en Ukraine, jamais la Chine, la Russie et l'Iran
00:55:15n'ont semblé aussi ouvertement alignées
00:55:17sur la scène internationale contre un ennemi commun, l'Occident.
00:55:21Tel était donc le constat avancé dans ce documentaire
00:55:24réalisé par Sophie Lepeau et Julien Blum.
00:55:27Qu'en est-il, réellement ?
00:55:29Nous allons en débattre avec nos invités,
00:55:31présents aujourd'hui sur ce plateau de débats d'octobre.
00:55:34Jean-Louis Bourlange est avec nous.
00:55:36Bienvenue, Jean-Louis Bourlange.
00:55:38Vous avez été député européen pendant plus de 18 ans,
00:55:41puis député modem des Hauts-de-Seine
00:55:43et président de la Commission des Affaires étrangères
00:55:46de l'Assemblée nationale entre 2021 et 2024.
00:55:49A vos côtés, Isabelle Lasserre.
00:55:51Merci de m'inviter chez vous à nouveau.
00:55:53Vous êtes journaliste au Figaro,
00:55:55spécialiste des questions internationales.
00:55:58On vous retrouve régulièrement dans notre émission quotidienne
00:56:02Ca vous regarde ? C'est sur notre chaîne, LCP.
00:56:04Et vous êtes l'auteur, entre autres, de Macron-Poutine,
00:56:08les liaisons dangereuses,
00:56:09disponibles aux éditions de l'Observatoire.
00:56:12Et puis, enfin, avec nous, Bertrand Baddy.
00:56:14Bienvenue à vous.
00:56:15Vous êtes politologue, spécialiste des relations internationales
00:56:19et bénéficiaire à Sciences Po.
00:56:21Votre dernier ouvrage, dirigé avec Dominique Vidal,
00:56:24s'intitule L'heure du Sud,
00:56:26ou l'invention d'un nouvel ordre mondial.
00:56:28Nous sommes pile-poil dans notre sujet.
00:56:31C'est un ouvrage disponible aux éditions Les liens qui libèrent.
00:56:34Autrefois, on disait Le Tiers-Monde,
00:56:36puis les pays en développement, puis les pays dits émergents.
00:56:40Aujourd'hui, on parle des pays du Sud.
00:56:43Pourquoi cette nouvelle appellation sur le terrain géopolitique ?
00:56:48Il faut noter que ce Sud global
00:56:51vient prendre la succession du terme de Tiers-Monde.
00:56:55Quand le mur de Berlin est tombé,
00:56:57il n'y avait plus de Deuxième Monde,
00:56:59donc non plus de Troisième Monde.
00:57:00Le concept de Sud global s'est généralisé.
00:57:03Le documentaire que nous voulons voir
00:57:05défend évidemment cette idée
00:57:08et taille ce constat d'un axe Chine-Russie-Iran,
00:57:12un axe anti-occidental.
00:57:14Jean-Louis Bourlange, il n'y a pas si longtemps,
00:57:17disait que c'est désormais la Chine qui mène la danse
00:57:20pour son propre compte, sans aucun souci d'internationalisme.
00:57:24Il y a tout de même un leader,
00:57:26une puissance mondiale qui émerge dans ce XXIe siècle
00:57:29et qui s'affirme de plus en plus,
00:57:31qui a déjà la première puissance commerciale au monde.
00:57:34La deuxième puissance économique, c'est la Chine.
00:57:37Je crois que ce qui distingue les combats
00:57:40qui ont été menés pendant la guerre froide, notamment,
00:57:44c'est que toutes ces puissances
00:57:45sont devenues autoréférentes.
00:57:48Je veux dire que, même à l'époque de Staline,
00:57:51Dieu sait que c'était une déviation,
00:57:54une perversion totale
00:57:56de l'espérance marxiste-léniniste,
00:57:59mais même à l'époque, il y avait une...
00:58:02C'était le projet soviétique,
00:58:05était adossé à un projet de révolution mondiale
00:58:08extrêmement précis, fort,
00:58:11avec quand même nos polibureaux,
00:58:14avec un intellectuel comme Sousslof, par exemple,
00:58:17qui animait une révolution mondiale.
00:58:20Là, on voit bien que, chez Poutine,
00:58:23il n'y a rien d'autre qu'une autoréférence à lui-même,
00:58:26à son pouvoir, à son oligarchie,
00:58:29à sa kleptocratie, à son autorité.
00:58:31Et en Chine, on voit bien que la Chine, également,
00:58:34s'est affranchie, même si elle renouvelle,
00:58:37elle renoue avec son passé maoïste,
00:58:39enfin, sur le plan fantasmatique,
00:58:41et d'abord, sur le plan de la résistance,
00:58:44à l'Occident.
00:58:45Elle est, en réalité, branchée,
00:58:47articulée autour de valeurs
00:58:50qu'elle invente elle-même
00:58:52et qui n'ont pas lieu d'être diffusées.
00:58:55Et quant à l'Iran, c'est absolument évident.
00:58:58L'Iran, c'est un combat religieux.
00:59:02Alors là, je pense un peu à ce qu'écrit
00:59:04le professeur Martinez-Gros sur les religions,
00:59:08qui sont les traînes d'empire.
00:59:09Je crois qu'il y a là quelque chose
00:59:11de cette identification de l'Iran
00:59:14à cette prédication chiite.
00:59:15C'est une traîne d'empire, mais chaque fois,
00:59:18on a affaire à des gens qui se réfèrent à eux-mêmes
00:59:22et qui sont, en fait, liés principalement,
00:59:25sinon uniquement, par l'hostilité très profonde
00:59:28aux valeurs que nous représentons en...
00:59:32Je n'irai même plus en Occident,
00:59:34parce que je ne sais pas très bien où en est le président Trump,
00:59:37mais en Europe.
00:59:38Il faut comprendre que la Chine a un logiciel
00:59:41en matière de relations internationales
00:59:43tout à fait différent de celui auquel nous sommes accoutumés
00:59:47par notre histoire vestalienne, qui découle de la paix de Vestali.
00:59:50Deux éléments. D'abord, la vieille idée
00:59:53que l'on doit au srathe-soundou,
00:59:55et ça nous ramène à 5e siècle avant Jésus-Christ,
00:59:57qui consistait à dire que les meilleures guerres,
01:00:00c'est celles qu'on gagne sans avoir à les mener.
01:00:03C'est très important, parce que c'est une redéfinition
01:00:06de la puissance. La puissance n'est plus essentiellement militaire,
01:00:11elle repose sur toute une série de facteurs,
01:00:14notamment le facteur économique, qui permet à la Chine
01:00:17de tenir son pari de nouvelle hégémonie non militaire.
01:00:21Le deuxième élément, qui est très important aussi,
01:00:25c'est une diplomatie systémique,
01:00:28c'est-à-dire que la Chine a conscience,
01:00:30beaucoup plus que les autres,
01:00:32de dépendre de l'équilibre du système tout entier,
01:00:36notamment du système économique mondial.
01:00:38Et donc, la Chine pense son rôle,
01:00:40non pas forcément comme régulateur,
01:00:43personne n'est saint dans l'histoire
01:00:45des relations internationales,
01:00:47mais comme étant... comme dépendant
01:00:50de l'équilibre économique global.
01:00:52Donc, il ne faut laisser personne plonger,
01:00:55parce que la Chine sait qu'elle en paiera les conséquences.
01:00:59C'est une toute autre grammaire.
01:01:01Isabelle Lasserre, vous dites
01:01:03que la Russie pourrait être vassalisée
01:01:05par la Chine si les choses continuent ainsi.
01:01:08Dans cet axe, c'est bien la Chine
01:01:10qui est en train de cannibaliser, pour partie, la Russie ?
01:01:13Je crois qu'il faut différencier
01:01:15la partie économique de la partie politique.
01:01:17C'est vrai que la Chine est le leader
01:01:21au niveau économique de cet axe.
01:01:24Aujourd'hui, le leader en matière politique,
01:01:26pour moi, c'est la Russie,
01:01:28c'est-à-dire que c'est la Russie qui est au centre...
01:01:31Je serais volontiers d'axe anti-occidental.
01:01:33Je mettrais aussi dans cet axe anti-occidental
01:01:36la Corée du Nord, en ce moment.
01:01:38Et cet axe pioche dans le mal nommé sud global
01:01:43des pays sur des intérêts particuliers
01:01:47pour renforcer, effectivement,
01:01:49la contestation de l'ordre international
01:01:52et la contestation des valeurs internationales,
01:01:55des valeurs de l'Occident
01:01:57et plutôt, effectivement, des valeurs de l'Europe.
01:01:59Ca, c'est absolument clair.
01:02:01A terme, et c'est là qu'il est beaucoup plus difficile
01:02:04de parler d'alliance, il est vrai que la Russie
01:02:08s'appauvrit avec sa guerre.
01:02:10Selon les économistes, l'économie russe
01:02:13peut encore tenir trois à cinq ans
01:02:15ou alors elle menace de s'effondrer en ce moment.
01:02:18En vérité, personne ne le sait.
01:02:20La Russie, grâce à l'aide des alliés de son axe,
01:02:24arrive à se maintenir, mais quand même...
01:02:26Elle s'appauvrit quand la Chine,
01:02:28même si elle a des problèmes de croissance
01:02:30aujourd'hui et si elle a ralenti,
01:02:32elle continue quand même à s'enrichir.
01:02:35Donc c'est vrai qu'à terme, la Russie
01:02:37risque d'être vassalisée par la Chine
01:02:41et on voit aussi, dans cet axe,
01:02:43les limites, en fait,
01:02:45ce qui empêche de transformer l'axe en alliance.
01:02:48Par exemple, je prends juste un exemple en ce moment,
01:02:51c'est le nucléaire, la menace nucléaire
01:02:53brandie de manière permanente par Vladimir Poutine,
01:02:57qui en fait un chantage politique
01:02:59pour essayer d'enrayer le soutien occidental
01:03:02à portée à l'Ukraine.
01:03:04Elle est, en fait, contestée par la Chine,
01:03:07qui, à chaque fois que Vladimir Poutine ou le Kremlin,
01:03:10par le biais des propagandistes de Vladimir Poutine,
01:03:13va trop loin dans cette menace nucléaire,
01:03:16la Chine vient lui rappeler que c'est une ligne rouge.
01:03:19Je pense que ces pays sont vraiment unis
01:03:21dans la volonté de chasser les Américains
01:03:24de toute cette région,
01:03:26de remplacer la démocratie qu'ils exècrent
01:03:30à la fois pour des raisons personnelles,
01:03:33parce qu'elles limiteraient, en fait,
01:03:35leur droit à être au pouvoir de manière indéfinie,
01:03:39mais aussi pour des raisons, disent-ils, d'efficacité
01:03:42et des raisons, aussi, disent-ils, de valeur.
01:03:46L'Occident est devenu trop permissif,
01:03:49selon eux.
01:03:51Donc, ils s'entendent
01:03:55sur ces sujets-là,
01:03:56mais il y a vraiment des limites ponctuelles.
01:03:59Vous, vous n'êtes pas un chaud partisan
01:04:01de la thèse qui a été démontrée dans ce documentaire.
01:04:04Ca veut dire que pour vous, il n'y aurait pas
01:04:07d'axe anti-occidental tel qu'il est défini dans ce film,
01:04:10peut-être tel qu'il vient d'être évoqué par Jean-Louis Bourlange
01:04:14et Isabelle Lasserre ?
01:04:15Je le disais déjà tout à l'heure,
01:04:17il faut faire très attention aux mots qu'on emploie.
01:04:20Ces mots, alliance, axe, ennemi,
01:04:23ils appartiennent à notre histoire européenne.
01:04:27L'emblématisation de la notion
01:04:30ou de la dualité ami-ennemi,
01:04:32on la doit au philosophe, juriste,
01:04:34Sulfureux, qui était Carl Schmitt,
01:04:37et qui considérait qu'on était soit amis, soit ennemis,
01:04:40et c'était bien d'avoir des ennemis,
01:04:42car ça consolidait la nation, la cohésion nationale,
01:04:45l'Etat-nation. L'alliance,
01:04:47c'est une histoire européenne profonde.
01:04:50C'est pour ça qu'Isabelle Lasserre a pris soin
01:04:52de distinguer l'alliance d'un axe occidental.
01:04:55-"Axe", c'est un mot mou,
01:04:56ce n'est pas vraiment un concept.
01:04:58Alliance, ça veut dire quelque chose de très précis
01:05:01qui a ponctué l'histoire des Etats-nations européens
01:05:05depuis la paix de Westphalie,
01:05:06c'est-à-dire un engagement
01:05:11sur la durée, un engagement institutionnalisé,
01:05:14un engagement qui crée des obligations.
01:05:17C'est très fort, la notion d'alliance.
01:05:19Nous sommes passés,
01:05:20à mesure que s'opérait la mondialisation,
01:05:23à mesure que ce Sud global,
01:05:24qui est un concept qui ne me met pas mal à l'aise,
01:05:28prenait son importance dans la vie internationale,
01:05:31à un système international d'une très grande fluidité.
01:05:35Ce qu'un cerveau occidental a du mal à comprendre,
01:05:38c'est-à-dire c'est l'effet d'aubaine
01:05:40plus que l'effet d'alliance
01:05:42qui guide les relations internationales aujourd'hui.
01:05:45Ce qui explique que le ministre indien des Affaires étrangères,
01:05:50Jail Shankar, parle de multi-alignement,
01:05:52et c'est ce qui explique...
01:05:54-...qui est quand même une antiphrase.
01:05:57C'est totalement contradictoire.
01:05:59Je suis d'accord avec vous.
01:06:00On n'est pas alignés si on est multi-alignés.
01:06:03-...c'est la preuve de ce que j'ai dit,
01:06:05c'est-à-dire cette notion de permanence
01:06:07et de structure qui se défait.
01:06:09Il ne faut pas oublier que l'OTAN
01:06:11est la dernière alliance militaire institutionnalisée
01:06:14qui demeure dans notre monde.
01:06:16Maintenant, si vous passez vers les pays du Sud,
01:06:19et notamment la Chine et l'Iran, parlons-en,
01:06:22parce que la Russie appartient au vocabulaire occidental,
01:06:25il ne faut pas oublier,
01:06:27eh bien, en chinois, on a du mal à trouver
01:06:29l'équivalent du mot alliance.
01:06:31C'est ce que mes collègues chinois m'ont dit,
01:06:34encore récemment, quand j'étais faire des conférences en Chine.
01:06:37La Chine n'a jamais été l'allié de personne
01:06:40en plusieurs millénaires d'histoire.
01:06:42Il ne faut pas l'oublier.
01:06:44Et la même chose pour l'Iran.
01:06:46En Iran, en Perse, et dans l'histoire persane,
01:06:50l'idée d'une alliance, ça n'existe pas.
01:06:52Ce qui compte, c'est ce partenariat.
01:06:55Partenaire, c'est différent d'allier.
01:06:57Ca veut dire, si, dans un contexte donné,
01:06:59face à un enjeu déterminé,
01:07:02j'ai intérêt à pactiser avec un tel plutôt qu'un tel,
01:07:05eh bien, je vais vers lui.
01:07:07Ce qui explique, et ça, on ne le voit pas suffisamment...
01:07:10C'est plutôt un intérêt commercial.
01:07:12Ca peut être un intérêt politique,
01:07:14un intérêt commercial, tous les types.
01:07:16L'intérêt commercial, pour les Chinois,
01:07:19il est au-dessus de tout.
01:07:20C'est un autre propos sur lequel il faudra revenir.
01:07:23Pour l'instant, je voudrais mettre en scène
01:07:26cette idée de partenariat.
01:07:27Regardez les Erdogans, deux exemples,
01:07:30Erdogan ou Mohammed Ben Salman.
01:07:32Ils changent de partenaire tous les jours.
01:07:34C'est ce qui m'avait amené à parler d'union libre diplomatique,
01:07:38peut-être de polyamour diplomatique.
01:07:40Nous sommes dans ce jeu-là qui n'est pas un jeu d'engagement.
01:07:44Est-ce qu'il faut que le monde occidental considère
01:07:47cela comme un bloc ou, au contraire, est-ce qu'il faut...
01:07:50On voit bien que les deux exemples que vous avez donnés,
01:07:54celui de l'Arabie saoudite et de la Turquie,
01:07:57ce sont des gens qui échappent, en réalité,
01:08:00à l'ordre occidental,
01:08:02tels Otaniens ou Américains, pour être plus sommaire,
01:08:06mais il reste que, même si tout cela est soupe,
01:08:09tout cela est empirique, tout cela est changeant,
01:08:13il y a quand même, et là, je pense que c'est vrai,
01:08:16il y a quand même quelque chose,
01:08:18une rupture très profonde, commune,
01:08:22à un ensemble de pays par rapport à la doxa.
01:08:25Avons-nous raison d'avoir cette doxa ?
01:08:27Je le pense, j'ai vécu pour ça, je suis prêt à mourir pour ça.
01:08:31La doxa occidentale, c'est-à-dire la démocratie formelle,
01:08:36le respect des droits, la laïcité, la pluralité, etc.
01:08:40Et ça, c'est vraiment profondément rejeté,
01:08:43et il y a une histoire commune, qui est une histoire d'humiliation.
01:08:46On évoque dans le document les guerres de l'opium,
01:08:50si vous voulez. La Chine était un immense...
01:08:53C'était un immense continent, un immense empire,
01:08:56jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.
01:08:58Elle a eu un intermède de rupture totale,
01:09:01et les Occidentaux ont fait la guerre
01:09:04pour imposer le commerce de l'opium.
01:09:07C'était quand même quelque chose.
01:09:09C'est une humiliation.
01:09:10Les traités inégaux qui en ont suivi,
01:09:13c'est une humiliation très profonde,
01:09:15dont ce grand géopoliticien, qui est Hergé,
01:09:17a rendu compte dans l'Otus Bleu, de façon très claire.
01:09:20Donc, l'Iran, c'est la même chose.
01:09:23L'Iran, c'est un...
01:09:24Comme la Turquie, d'ailleurs, ce sont des pays
01:09:27qui étaient à la périphérie de l'Europe,
01:09:29qui ont pratiqué ces formes.
01:09:31Il y avait un parallélisme entre Pélévy et Atatürk.
01:09:36Le despotisme éclairé,
01:09:38qui était un despotisme de ratapage par rapport à l'Occident,
01:09:41mais qui était sur un fond d'humiliation profonde
01:09:45que nous avions fait subir.
01:09:48Il y a cette humiliation,
01:09:50qui, je crois, est quelque chose de très central,
01:09:53mais, par ça, oui, l'empirisme,
01:09:56l'empirisme, les partenariats,
01:09:58les alliances instables, etc.
01:10:01Dans ce documentaire,
01:10:02on voit qu'il y a des organisations internationales
01:10:05qui symbolisent un peu cette alliance,
01:10:07pour reprendre le terme que vous avez préféré, à AXE.
01:10:11L'OCS, par exemple,
01:10:12l'Organisation de coopération de Shanghai,
01:10:15qu'on a vu dans ce film,
01:10:16les BRICS, bien entendu,
01:10:18qui sont un club plus large,
01:10:19qui compte aujourd'hui dix pays,
01:10:21dont, évidemment, la Chine, la Russie et l'Iran.
01:10:24Là, c'est très concret, en réalité,
01:10:27la mise en place d'un...
01:10:29Peut-être d'un monde alternatif, oui,
01:10:32d'une vision mondiale alternative
01:10:34à celle que propose le monde occidental
01:10:36depuis l'après-guerre.
01:10:38Ce que je remarque, c'est que,
01:10:40depuis le début de la guerre en Ukraine,
01:10:42de l'invention russe en Ukraine,
01:10:44on a cessé d'annoncer la fin de,
01:10:46je sais pas comment on peut l'appeler,
01:10:48alliances, coopérations, rapprochements,
01:10:51d'une part, entre la Russie et l'Iran,
01:10:53d'autre part, entre la Russie et la Chine,
01:10:56comme on l'avait fait, d'ailleurs,
01:10:58avant, entre la Russie et la Turquie,
01:11:00en disant que c'est basé sur rien du tout,
01:11:02qu'il va être vassalisé par la Chine, etc.
01:11:05Et depuis trois ans, moi, je ne fais que voir
01:11:08le renforcement de ces associations,
01:11:10avec la Chine, avec l'Iran, avec...
01:11:13Donc, c'est vraiment...
01:11:16aide économique, détournement des sanctions,
01:11:19aide militaire, jusqu'à...
01:11:21Le dernier resserrement des relations
01:11:24entre la Russie et l'Iran,
01:11:26c'est qu'en fait, la Russie avait été
01:11:28quand même très coopérative
01:11:31avec les Occidentaux
01:11:33dans l'affaire du nucléaire iranien,
01:11:35avec le JCPOA, et avait toujours freiné l'Iran,
01:11:39et là, la Russie, sans doute en échange
01:11:43des drones et des missiles fournis par Téhéran,
01:11:46ne freine plus, en fait,
01:11:48la montée nucléaire de l'Iran.
01:11:51Donc, moi, je vois ces relations
01:11:54entre la Russie et ses partenaires
01:11:57se renforcer.
01:11:58Elles n'auront peut-être qu'un temps,
01:12:00mais je pense qu'en ce moment,
01:12:02elles se renforcent parce qu'elles ont un objectif commun,
01:12:05et cet objectif commun, c'est de chasser les Etats-Unis
01:12:09et de remplacer l'ordre occidental.
01:12:11Elles le font d'autant plus facilement
01:12:13que la guerre en Ukraine a un petit peu enflammé tout ça
01:12:16et qu'il y a un vide, en fait,
01:12:18à la fois politique du côté américain,
01:12:21puisque les Américains,
01:12:22et c'est pas spécifique à Biden,
01:12:24ça a commencé avec...
01:12:26Ni avec Trump, ça a commencé avec Barack Obama.
01:12:28Il y a un retrait des Etats-Unis,
01:12:30en tout cas, une volonté de retrait des Etats-Unis
01:12:33du Moyen-Orient et de l'Europe.
01:12:35Et en même temps, il y a un retrait économique absolu
01:12:39de l'Europe face à ces pays
01:12:41qui montent, en fait, au niveau économique,
01:12:44je mets entre parenthèses, la Russie.
01:12:46Donc, il est évident que cet ordre,
01:12:48qui date de 1945, ne fonctionne plus,
01:12:51qu'il n'est plus adapté aux nouvelles réalités.
01:12:54Je pense que ces pays n'auront de cesse,
01:12:56tant qu'ils ne l'auront pas remplacé.
01:12:58Et là, j'ajoute aussi le système des valeurs
01:13:01et de la démocratie, qui ne leur convient pas.
01:13:04Et on est sortis, en fait, de cette illusion occidentale
01:13:07selon laquelle la démocratie étant le meilleur système,
01:13:10elle allait forcément se répandre
01:13:12comme une trace, comme une traînée de poudre
01:13:15à la planète entière.
01:13:16Les Américains ont essayé de le faire de force en 2003
01:13:19avec l'Irak, et après, on l'a essayé avec le soft power,
01:13:22forcés de constater aujourd'hui que ce système,
01:13:25s'il convient parfois aux populations,
01:13:28ne convient pas aux régimes autocrates.
01:13:32Donc, tant que je pense
01:13:34qu'on est dans cet Occident qui descend
01:13:38et dans cet axe occidental
01:13:42qui, parfois, cède et prend appui
01:13:45sur les BRICS ou les différentes associations,
01:13:49eh bien, on va voir ces relations s'approfondir.
01:13:53On va voir un extrait du documentaire
01:13:55pour rebondir sur ce que vous avez dit
01:13:57concernant les valeurs humanistes défendues par les Occidentaux.
01:14:01C'est un responsable chinois et un responsable russe
01:14:04qui s'exprime dans cet extrait.
01:14:06Chaque pays doit avoir sa propre définition des droits de l'homme.
01:14:10On ne peut pas tous avoir la même définition.
01:14:13Nous n'avons pas tous les mêmes valeurs.
01:14:15Elles dépendent des étapes de développement du pays,
01:14:18des traditions, de l'histoire.
01:14:20Il y a des particularismes et non pas un universalisme.
01:14:24Chaque nation doit choisir le mode de gouvernance
01:14:28qu'elle juge la plus efficace.
01:14:33Et pour moi, la démocratie est la pire façon de gouverner qu'il soit.
01:14:38Et nous développons un nouveau concept des droits de l'homme
01:14:41qui sera, bien sûr, plus conforme aux véritables besoins de l'homme
01:14:45et à une nouvelle façon de concevoir l'humanité.
01:14:50C'est vrai que c'est assez anxiogène, ce qu'on vient de voir,
01:14:54avec un regard occidental.
01:14:56Là, on remet en cause les valeurs humanistes
01:14:59et universalistes de notre droit international.
01:15:01Vous avez une majorité d'acteurs dans le jeu international actuel
01:15:05qui se sont sentis exclus, marginalisés
01:15:08de l'écriture des normes et des valeurs du monde.
01:15:11Et l'Occident a décrété ce qui était universel
01:15:14aux autres deux salles Guigny et sur cela.
01:15:17Evidemment, ça va tanguer, et ça tangue,
01:15:19tant qu'on ne fera pas un travail,
01:15:21comme disait le grand anthropologue,
01:15:25philosophe Gadamer, de Fusion des horizons,
01:15:28on n'arrivera pas à construire un ordre mondial.
01:15:30Mais ce que je voudrais dire, et que je vous supplie de prendre en compte,
01:15:34c'est que nous avons changé de grammaire
01:15:36et nous ne nous en rendons pas compte.
01:15:39Avec la chute du mur et la disparition de la bipolarité,
01:15:42la notion de bloc a volé en éclats,
01:15:44sauf à un endroit, chez le vainqueur,
01:15:46le vainqueur de la guerre froide, qui était l'Occident,
01:15:49qui s'est au contraire rétracté sur lui-même,
01:15:52ce qui donnait un champ d'ouverture et de fluidité à tous les autres.
01:15:56Et puis, l'autre rupture, c'est la mondialisation,
01:15:59qui fait que de plus en plus, l'interdépendance,
01:16:01la visibilité, la communicabilité,
01:16:03l'emportent sur la souveraineté et sur l'opposition.
01:16:06Il faut bien avoir tout cela en tête.
01:16:08Maintenant, il faut comprendre, sur la base de tout cela,
01:16:12que Poutine, qui, d'un certain point de vue,
01:16:15incarne le vaincu de la guerre froide,
01:16:18a compris tout l'avantage diplomatique
01:16:23qu'il pouvait tirer de cette nouvelle fluidité du monde
01:16:26qui n'existait pas avant.
01:16:27Quand à Bandung s'est réunie la conférence afro-asiatique
01:16:30pour proclamer, pré-proclamer,
01:16:32puisque le mot n'était pas encore employé,
01:16:35le non-alignement, tous les non-alignés
01:16:37sont tombés dans l'alignement,
01:16:39c'est-à-dire l'Inde et l'Indonésie de l'époque
01:16:42du côté de l'URSS, le Pakistan et le Sri Lanka,
01:16:46pour prendre les quatre par un, du côté des Etats-Unis.
01:16:50Ca, c'est fini. Ca, c'est fini.
01:16:52Et le grand malheur et la grande erreur diplomatique
01:16:55des pays occidentaux, c'est de ne pas avoir compris
01:16:58ce changement et de ne pas avoir saisi cette occasion
01:17:01pour créer de nouveaux partenariats
01:17:03et pour éviter cet embastillement
01:17:06dans lequel nous nous retrouvons.
01:17:09Nous retranchant dans cette forteresse otanienne,
01:17:12évidemment, il est facile à M. Poutine de dire
01:17:15aux gens du Sud, je suis comme vous, victime
01:17:18de ce que lui appelle l'Occident collectif.
01:17:20Il faut démanteler ce concept.
01:17:24Jean-Louis Bourlange a raison de dire
01:17:26que sa signification est extrêmement flasque,
01:17:30je dirais. Il faut savoir construire
01:17:33de nouveaux partenariats. Quand vous fermez, maintenant,
01:17:36toutes les portes à un pays comme l'Iran,
01:17:38qui est multisanctionné de façon absolument invraisemblable,
01:17:42quand vous lui fermez toutes les portes
01:17:44et qu'il s'aperçoit que pour sortir de sa tanière,
01:17:47il y a une seule porte ouverte, c'est celle de la Russie,
01:17:50vous le précipitez dans les bras de la Russie poutinienne,
01:17:53et ici, on se garde bien de dire,
01:17:55tout l'eau qu'il y a dans le gaz entre la Russie et l'Iran,
01:17:59il ne faut pas l'oublier, c'est pas aussi simple que ça.
01:18:03La Russie a refusé des armes,
01:18:04notamment des boucliers anti-missiles, à l'Iran.
01:18:08Il y a eu récemment des étudiants iraniens
01:18:11qui ont été arrêtés et maltraités à Moscou.
01:18:14On pourrait continuer ainsi.
01:18:15Regardez le profil de M. Pézéchkian,
01:18:18le nouveau président. Personne ne s'est demandé
01:18:20pourquoi on a pris un libéral, entre guillemets,
01:18:24plutôt qu'un conservateur proche du Guide suprême.
01:18:27Il aurait pu imposer, il en avait les moyens,
01:18:29et il ne l'a pas fait.
01:18:31Qu'est-ce que ça signifiait ? Une volonté d'ouverture,
01:18:35et immédiatement, on a verrouillé à triple tour,
01:18:38parce que c'était déjà à double tour, la porte vers l'Iran.
01:18:41C'est comme ça que l'on crée de l'animosité,
01:18:44peut-être de la haine anti-occidentale.
01:18:46Je ne vous ai pas trouvé très optimiste.
01:18:49J'en ai beau dire un mot, pas long,
01:18:51parce que je voudrais qu'Isabelle puisse aussi s'exprimer,
01:18:54mais je suis d'accord avec ce que dit Bertrand Baddy
01:18:58sur la fluidité.
01:18:59Je suis moins d'accord avec vous sur l'embâtissement,
01:19:02notamment sur l'Iran, nous avons été ouverts,
01:19:05nous nous sommes engagés sur les négociations,
01:19:09sur la dénucléarisation.
01:19:10En échange, nous avons fait ce que nous voulions.
01:19:13C'est Trump qui a quand même, et Trump représente
01:19:16une version vraiment erratique de tout ça.
01:19:18Mais au-delà de ça, je suis d'accord.
01:19:21Je suis d'accord.
01:19:22Ce qui me paraît aussi, et doit être signalé,
01:19:26c'est quand même, et là, c'est une lutte,
01:19:29c'est le déclin.
01:19:31Le déclin de puissance relative de l'Occident
01:19:35par rapport à tous ces pays,
01:19:37que ce soit sur le plan démographique,
01:19:39sur le plan économique, sur le plan technologique.
01:19:43Nous avons eu des Etats, notamment la Chine,
01:19:46qui a conquis une autonomie, une puissance,
01:19:49une hégémonie tout à fait considérable.
01:19:51Regardez ce qu'il se passe avec les voitures électriques.
01:19:55C'est un exemple, il y en a mille autres.
01:19:57Un déclin au sein des Occidentaux,
01:19:59surtout en Europe, si on en recroit
01:20:01le récent rapport Draghi, au passage.
01:20:03Mais même les Américains sont très bons en technologie,
01:20:07mais ils ont quand même échoué.
01:20:09Toutes les guerres qui ont été menées par les Américains
01:20:12depuis la fin de la guerre de Corée
01:20:15ont été perdues.
01:20:17Ils ont une formidable puissance militaire.
01:20:20Ils n'ont jamais réussi à l'utiliser
01:20:22d'une façon vraiment positive.
01:20:24Comme le dit mon ami Guéhenno, Jean-Marie Guéhenno,
01:20:27nous n'avons pas gagné la guerre froide.
01:20:30C'est l'Union soviétique qui l'a perdue.
01:20:32C'est pas du tout la même chose.
01:20:34On a eu un échec du système soviétique
01:20:36et pas du tout une espèce d'expansion réussie.
01:20:39Et là, toutes les analyses de Fukuyama, etc.,
01:20:43ont donné à certains, pas à moi, je dois dire,
01:20:45l'illusion d'une victoire qui n'était en réalité
01:20:49que la défaite d'un modèle bolchevique
01:20:51qui, effectivement, était extrêmement inapproprié
01:20:54et dont les Chinois, par exemple,
01:20:56à l'écart duquel ils se sont soigneusement tenus.
01:21:00C'est l'illusion qui crée les comportements.
01:21:02C'est ça, le problème.
01:21:04A la fin du documentaire, il est dit
01:21:06que cette alliance visait aussi et peut-être surtout
01:21:10à contourner les sanctions internationales
01:21:12qui concernent une grande majorité des pays
01:21:15qui constitueraient cette axe aussi anti-occidentale.
01:21:19Est-ce qu'on va pas un peu loin, là, tout de même ?
01:21:22Est-ce que, notamment sur le plan monétaire,
01:21:25le dollar, l'euro,
01:21:26qui sont des vraies monnaies de réserve,
01:21:28aujourd'hui, mondiales...
01:21:30On va pas trop loin, parce que cette alliance
01:21:32a complètement permis à Vladimir Poutine
01:21:35de tenir et de continuer à financer sa guerre.
01:21:37Pourquoi ça marche pas ?
01:21:39Les chances occidentales n'ont pas marché.
01:21:41Il y a deux raisons.
01:21:43D'une part, parce que Poutine a su se trouver des alliés
01:21:46pour contourner les sanctions économiques
01:21:48et pour renforcer son armée,
01:21:50et d'autre part, parce que l'Occident
01:21:52ne vit pas dans le même monde que ces pays-là.
01:21:55C'est-à-dire qu'on est toujours
01:21:57dans la diplomatie, les tentatives d'ouverture.
01:21:59Vous en parliez, Jean-Louis, sur l'Iran,
01:22:02mais on a fait combien d'ouvertures à la Russie
01:22:05depuis la chute du mur ?
01:22:06Mais 50. Il était même question, au début,
01:22:09d'un rapprochement avec l'OTAN.
01:22:11Toutes les portes ont été fermées par la Russie.
01:22:14Donc, il n'y a pas eu de tentative de rejeter la Russie.
01:22:17Il y a eu plein de défauts, mais elle a été ouverte.
01:22:21Oui, mais depuis Elsyne...
01:22:23Depuis les années 80,
01:22:24c'est pas par hasard que le système a produit
01:22:27un officier supérieur du KGB comme leader.
01:22:31C'est-à-dire, l'officier supérieur du KGB,
01:22:34c'est quelqu'un qui est complètement
01:22:36dans ses méthodes d'action et dans ses objectifs d'action,
01:22:39qui est complètement dans l'ancien système.
01:22:42Non, je crois que sur l'histoire des sanctions,
01:22:44c'est véritablement vrai.
01:22:46C'est-à-dire que la Russie a réussi,
01:22:49avec ses alliés, à contourner les sanctions occidentales
01:22:53au niveau économique,
01:22:54comme elle a réussi, grâce à l'aide de ses alliés,
01:22:57à renforcer son armée et à poursuivre sa guerre en Ukraine.
01:23:01Mais il y a une autre raison, c'est que les Occidentaux
01:23:04ne sont pas allés au bout de leurs sanctions.
01:23:08C'est-à-dire qu'on a pris des sanctions très légères.
01:23:13Et, en fait, c'est une des raisons
01:23:15de l'inefficacité de ces sanctions, c'est aussi pour ça.
01:23:19Pour toutes les questions économiques
01:23:22beaucoup plus globales,
01:23:24il est évident que l'Occident reste,
01:23:27au niveau économique, beaucoup plus puissant.
01:23:30On peut même faire la comparaison, aujourd'hui, avec les BRICS.
01:23:34C'est-à-dire, c'est la limite de la montée en puissance des BRICS,
01:23:38pour l'instant, qui est une montée surtout politique.
01:23:41Merci, un grand merci vraiment à tous les trois
01:23:43d'avoir participé à ce Débat doc, aujourd'hui,
01:23:46pour évoquer cet axe anti-occidental
01:23:49défini dans ce documentaire
01:23:50que nous avons pu regarder ensemble
01:23:52à l'occasion de cette émission.
01:23:54Vos réactions, ce sera sur hashtag Débat doc.
01:23:57Merci à Félicité Gavalda, Victoria Bellet,
01:23:59qui m'ont aidée à préparer cette émission.
01:24:02Je vous donne rendez-vous pour un prochain Débat doc,
01:24:05avec son documentaire et son débat.
01:24:07A très bientôt.
01:24:11SOUS-TITRAGE ST' 501

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